BASOU, L’INTERVIEW-VERITE

* Basil Yaïche, alias Basou, jures-tu de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ?

Je le jure !

* Bon bah ça commence mal, tu n’as pas levé la main droite… Mais passons. Tu es né le 23 octobre 1991 à Paris…

Oui votre honneur !

* D’après certaines de mes sources, à peine sorti du ventre de ta mère, tu aurais hurlé « all in » avec tes petits yeux plissés…

J’étais beaucoup trop jeune pour m’en souvenir ! Mais dis-moi, c’est quoi tes sources ?

* Je ne peux pas te les divulguer, question de principe. Il parait également que tu étais joueur dès ton plus jeune âge…

Oui, je faisais déjà des paris avec mes potes en CM2 sur la formule 1. On misait un euro. Et puis je pariais des cannettes de coca au ping-pong en mode quitte ou double.
Mon record : 32 cannettes.

* Fais pas ton modeste, je sais bien que c’est pas ton plus gros coup…

C’est vrai. A 13 ans, j’ai remporté un voyage au Club Med en Turquie pour deux personnes en terminant premier sur 50 000 d’un concours de pronos gratuits. Il fallait prévoir le parcours des Bleus à l’Euro 2004. J’ai annoncé comment ils allaient se faire déchirer par la Grèce en quart de finale.
Le voyage n’ayant pas lieu pendant les périodes scolaires, je l’ai offert à mes parents.

* Zut, moi qui voulait te demander si tu as eu des ouvertures là-bas… Et à l’école sinon, ça se passait comment ? Tu étais plutôt en High Stake ou en NL0,005 ?

J’ai eu un Bac S. Mais j’ai jamais été un bosseur, je me contentais de viser la moyenne. J’étais très bon dans tout ce qui est calcul mental ou probas. Mais pour tout le reste, il fallait bosser, donc j’étais mauvais.
Je suis plutôt flemmard de nature. J’ai besoin de prendre du plaisir pour faire quelque chose.

* Bon parlons un peu poker quand même. Comment as-tu fait pour devenir l’un des plus gros high stakeurs français online, et l’un des meilleurs en Heads Up ?

En fait, je n’ai jamais vraiment déposé d’argent sur un site pour construire ma bankroll. J’ai commencé à 16 ans par jouer des freerolls. Je suis monté de 7 $ à 2 000 $ en deux mois. J’ai tout perdu.
Puis je suis monté de 50 euros à 40 000 euros en deux mois. J’ai tout reperdu.
Je suis ensuite passé de 5 euros à 20 000 euros en quatre mois…. Et j’ai tout reperdu.
J’ai réussi à remonter jusqu’à 40 000 euros mais…

* Laisse-moi deviner : tu as tout reperdu ?

Eh oui ! Comment tu as fait pour le prévoir ?

* Ma femme me surnomme Columbo… Et ensuite ?

Je suis reparti avec environ 2 000 euros grâce à l’argent du coaching – je suis coach sur Poker Académie – et je suis remonté jusqu’à 100 000 euros. Puis je suis redescendu à 20 000…
Je découvre le Heads Up en début d’année et j’ai depuis remonté une bankroll digne de ce nom. La gestion de bankroll n’a jamais été mon fort ! (rires)

* J’ai la tête qui tourne Basou avec tes montagnes russes. Mais ça ne te fait rien de gagner ou perdre de telles sommes ?

En fait, je considère l’argent que je joue comme des jetons puisque je n‘en ai jamais investi de ma poche. Je n’ai pas peur de miser gros si j’ai un read sur mon adversaire.

* Tu as joué jusqu’à quelle limites ? Que est le plus gros pot que tu as empoché ? J’ai joué jusqu’à la NL 10000. Et mon plus gros pot gagné ? 60 000 euros…
Qu’as-tu ressenti à ce moment précis ?

Pas mal de plaisir. C’est pour ces moments que tu joues au poker. Tu sais en plus qu’en gagnant ce coup, ton adversaire va essayer de se refaire et tu prends un avantage énorme sur la dynamique de la partie. Tout devient simple, facile, tu es tellement en confiance que tu peux tout faire. Dans ces moments, tu es tout simplement imbattable.

* Ce qui t’as aussi rendu célèbre sur les forums francophones, c’est ton affrontement avec Isildur. Tu l’as défoncé ?

Oui je l’ai défoncé sur 200 mains en omaha capé à 30 BB, un échantillon très représentatif. Autant dire que je suis certain d’avoir un edge sur lui (rires)!
J’adore défier ce genre de joueurs très créatifs. C’est face à eux que commence le vrai poker, selon moi. Trop de joueurs se contentent de jouer un poker ABC, même en NL 5000. Mais face à ce type de joueurs, les coups se suivent et ne se ressemblent pas.
J’ai joué contre les meilleurs joueurs du monde : Larsluzak, Jungleman, Observer84…
Je n’ai pas démérité. Je pense même être gagnant contre eux.

* Si l’on en croit PTR, tu as délesté Larsluzak de près de 30 000 $ tout de même. Quels sont tes joueurs préférés sinon ? Et interdiction de me balancer une réponse bateau du type Durrr ou Mizar…

Mizar ? Je ne m’intéresse pas trop aux joueurs de petites limites… Pour moi, les deux meilleurs joueurs du monde au Texas Holdem sont Observer84 et Isildur1. J’ai eu l’honneur de les affronter et je suis resté scotché !

* L’une de tes marques de fabrique, ce qui t’as rendu célèbre dans le Périgord notamment, c’est l’overbet. Dans quelles situations utilises-tu ton arme fatale ?

J’utilise l’overbet dans de plus en plus de situations, que ce soit à la turn ou à la river.
Beaucoup de joueurs misent un montant correspondant à la valeur absolue de leur main. De mon côté, je joue en fonction des actions adverses et c’est à ce moment-là que je juge de la valeur de ma main par rapport à celle de mon adversaire. Ce n’est pas un hasard si tous les meilleurs joueurs online ont l’overbet dans leur arsenal. Un joueur qui n’overbet pas n’est pas, pour moi, un joueur complet. C’est un move
nécessaire.

* A tel point que tu pratiques même assidûment l’overbet dans la vie courante. On m’a même dit que ton kiff, c’est d’acheter une baguette avec un billet de 500 euros ! Info ou Intox ?

Je dirai intox, puisque ce n’est pas moi qui achète la baguette. Aux tables je n’ai pas peur de gambler, mais je pense rester raisonnable quand il s’agit de la vie réelle.
Et puis tu sais, tu n’as pas besoin de pain pour manger du fish.
Tes points forts à une table de poker ?
Je dirais mon niveau technique, ma créativité, ma capacité à mettre mes adversaires sur des mains et à remettre en question mon jeu tous les jours.

* Et tes points faibles ?

C’est tout ce qu’il y a autour du poker : la gestion de bankroll, la sélection de table, savoir quitter une partie quand je perds, le tilt…
Je ne sais pas si je dois attribuer cela à mon jeune âge ou à mon tempérament.
Toujours est il que sans cela, j’aurai une bankroll bien plus importante. Mais je n’aurais probablement pas le même niveau de jeu puisque que je n’aurais pas affronté tous ces génies que sont Jungleman and co.

Justement, est-ce que tu tilt souvent, et comment cela se manifeste-t-il chez toi ? Tu as déjà réveillé ton voisin au cœur de la nuit en poussant un hurlement primaire ? Tu as déjà bouffé de rage ta souris, piétiné frénétiquement ton clavier ou balancé ton ordinateur par la fenêtre (sans avoir ouvert celle-ci préalablement)? On veut du gore, de la violence, du sensationnel Basou !

Je tilt quasiment tous les jours. En règle général c’est quand il ne se passe pas grand-chose à la table, quand je sens que je ne maitrise pas ce qui se passe et que je n’arrive pas à monter des jetons. Dans ces moments-là, le mieux est d’arrêter et d’aller se promener. Mais je n’en suis pas encore capable. En général, je vais jouer plus rapidement, je vais essayer de forcer les choses et de bluffer des pots qui ne m’étaient pas destinés. Et aussi augmenter ma fréquence d’utilisation du bouton « call », ce qui, il est vrai, ne change pas fondamentalement ma façon de jouer (sourires) !
Autrement, je peux annoncer fièrement que je n’ai jamais rien cassé et que mes voisins ne sont jamais venus se plaindre devant mon pallier.

* Bon, tant pis pour le gore. On va rester tout de même dans l’horreur : racontes-nous ton plus gros bad beat…

C’était dans ma pire session de ma jeune carrière, mon plus gros bad beat en terme d’argent. J’ai AK face à AJ sur un board Axx. Le pot faisait 35 000 euros et nous sommes à tapis. A ce moment-là, je sais que je vais perdre le coup et qu’un J va arriver à la turn. Je ne sais pas comment expliquer cette sensation, mais c’est bien ce qui s’est produit.

* Aïe, à ce prix-là, même si tu es matinal, ça fait mal ! Mais cela va peut-être permettre à nos lecteurs de relativiser leurs prochains bad beats.
Et sinon, ton plus gros bluff ? Je ne sais pas pourquoi, mais ça sent l’overbet…

Oui monsieur ! Un overbet a 10 600 euros dans 7000 à la river alors que tous les tirages ont raté. Je déteste ce moment stressant où le mec est en train de réfléchir.
Pour ce coup-si, je me suis basé sur le read que j’avais sur mon adversaire, lequel était assez scared money…

* Tu vas me trouver pervers, mais après le gore ou l’horreur… je trouve que cette interview manque cruellement de sexe. Comment ça se passe avec les filles quand tu leur racontes les sommes que tu joues à une table de poker online. Cela t’aide à emballer ?

Ce n’est pas forcément la première chose que je vais sortir à une fille. Je ne suis malheureusement pas capable de me la péter et de dire que je peux gagner – ou perdre – plusieurs salaires en une journée. Mais je suis capable de payer des coups pour lui faire comprendre .
Je devrais peut-être m’en servir davantage, cela m’éviterais peut-être certains bad beats avec les nanas (rires)…

* Tu as seulement 19 ans et ton sponsoring avec Eurosportbet fais de toi le plus jeune joueur français sponsorisé. Est-ce que tu envisages une carrière de joueur de poker pro ?

La vie d’un joueur pro est stressante et demande une discipline que je n’ai pas. Pour le moment, je vais tacher de faire fructifier ma bankroll et de réaliser une belle saison avec eurosportpoker, tout en poursuivant mes études.Je suis actuellement en deuxième année à l’EDC (Ecole des Dirigeants et Créateurs
d’entreprise).

* Une question plus existentielle. En toute franchise, sais-tu pour quelles raisons tu joues au poker ?

Pour être honnête, je pense jouer avant toute chose pour la reconnaissance. C’est une sensation très agréable d’être reconnu comme un bon joueur. J’aime par ailleurs la réflexion qu’apporte ce jeu et ses possibilités stratégiques. Je commence tout juste à me rendre compte également que ce jeu amène une liberté incroyable. On ne dépend plus de rien, si ce n’est de son niveau de jeu et parfois de la chance.
Inconsciemment, je pense aussi jouer pour l’adrénaline. C’est une chose que j’essaie d’effacer. C’est assez nuisible de toujours la rechercher en jouant cher. Ce n’est pas bon pour la gestion de bankroll, mon A-game et mon bien être.

* Je sais que tu aimes payer debout sur la table au poker. Mais il paraît que tu aimes aussi monter sur les planches. C’est l’une de tes passions. Racontes-nous…

J’adore jouer la comédie. Je fais du théâtre depuis la troisième au collège. J’ai joué le rôle de Monsieur Preskovic dans « Le père Noël est une ordure ».
J’ai aussi joué un monologue de Durringer où le mec énumère toutes les misères du monde et termine à chaque fois par un « je m’en fous ! ». Jemenfous, c’est d’ailleurs un pseudo avec lequel j’ai joué sur Internet.
Je joue des rôles funs – je n’ai pas peur de me ridiculiser sur scène – ou des personnages sensibles. Ce sont des personnages qui me correspondent bien.

* Tes films et tes acteurs fétiches ?

Le gros problème que j’ai, c’est que je n’arrive jamais à retenir les noms des acteurs que je vois. J’aime beaucoup Di Caprio ou Will Smith quand il joue des rôles sérieux.
Au théâtre j’ai beaucoup apprécié Mélanie Thierry.

* Bon, maintenant qu’on te connaît un peu mieux Basou, je vais te poser une question importante pour conclure. Tu as le choix entre :
- Disputer le Heads Up final du 50 rebuy à l’ACF contre Raymond Domenech…
- Partager la tête d’affiche de la dernière pièce avec Jacques Balutin au Théâtre des Deux Anes…
-T’envoler vers la Chine via un long-courrier d’Air France pour y disputer un tournoi exhibition de tennis de table contre Forrest Gump…
Tu choisis quoi ? Je sais, cruel dilemme…

Un Heads Up face à Domenech, c’est l’ennui assuré. Il est aussi nit au poker que dans sa compo d’équipe.
Le tennis de table est une autre de mes passions mais à choisir, je préférai monter sur les planches. Mais je t’avoue que Balutin, ce n’est pas ma génération et que je n’arrive pas à piger ta vanne. Peu importe, je prends le gamble !

* OK Basou. Même si tu viens à l’instant de me faire passer pour un ringard, je te souhaite de tout cœur bonne chance dans ta nouvelle carrière !