Au grand spatioport public de Coruscant, un jeune humain monta à bord d'un bus volant à la suite d'une famille de Bothans et alla s'asseoir à l'arrière. Alors que le transport survolait la capitale, l'homme remarqua au loin des colonnes de fumée qui s'élevaient vers le ciel. Quinze jours après la fuite de la flotte séparatiste, Coruscant est toujours en proie aux flammes, pensa-t-il. Sûrement la chute de débris de la bataille spatiale. Il avait quitté la capitale juste après la fin du blocus par les forces du Général Grievous. Son père, un riche propriétaire terrien sur une planète de la Bordure Extérieure, l'avait fait rappeler en urgence. Et en bon fils, il avait accouru. Mais maintenant qu'il était de retour sur Coruscant, cet environnement familier lui paraissait changé. Les passants paraissaient plus tendus et pressés. Les militaires étaient présents partout : ils effectuaient sans cesse des contrôles d'identité, surveillaient les transports et patrouillaient sur les plates-formes. En regardant par la fenêtre du bus, il reconnut le bâtiment qui brûlait dans le lointain : quatre petites tours formant un carré et une cinquième plus grande au centre. Le Temple Jedi ! Pour le reste du voyage, il ne put détacher son regard de cet invraisemblable spectacle.

Nom : AIGLONI Camistran.
Espèce : Humaine.
Genre : Masculin.
Age : 19 années standard.
Profession : Officier assermenté des Archives du Sénat Galactique rattaché aux représentants du Secteur Chommell.
Un soldat clone l'avait interpellé à l'entrée de l'Ambassade de Naboo et lui avait demandé ses documents d'identification. Qu'est-ce que l'armée fait ici ? se demanda Camistran. Où sont les agents de sécurité naboo ? Inquiet, il voulut entrer pour demander des nouvelles. Les hommes en armure levèrent leurs fusils blasters :
- Personne ne passe sans autorisation spéciale, monsieur.
- Mais, je travaille ici. C'est indiqué sur mes papiers. Si vous ne me croyez pas, faites venir quelqu'un de la sécurité. J'en ai pour une minute, juste le temps de signaler au bureau de la Sénatrice Amidala que je suis de retour de voyage.
- Les ordres sont les ordres, monsieur. Il n'y a aucune exception. Jusqu'à que nous ayons reçu de nouvelles consignes, tout accès à l'Ambassade de Naboo est interdit pour garantir la bonne marche de l'enquête.
- L'enquête ? Quelle enquête ?
- Je ne suis pas autorisé à vous donner ces informations, monsieur. Maintenant, je vous prie de quitter les lieux et de nous laisser faire notre travail.
Comme il insistait pour entrer, le soldat le repoussa violemment et il tomba à la renverse. Quatre fusils blasters se pointèrent sur sa poitrine. Camistran leva les mains en signe de soumission et partit sans demander son reste.

Après avoir quitté l'Ambassade de Naboo, Aigloni avait décidé de rejoindre au plus vite le Département des Archives du Sénat Galactique pour tirer au clair cette histoire d'enquête. Pour obtenir les informations dont il avait besoin, il savait exactement à qui s'adresser. Il se mit donc à la recherche du seul archiviste en qui il avait confiance, son ami d'enfance Treon Harwald, débarqué sur Coruscant avec lui au début de la Guerre des Clones. Il le trouva dans la grande bibliothèque, assis devant l'une des multiples consoles de la pièce.
- J'ai besoin de tes lumières, Harwald. A peine, je m'absente quelques jours et c'est le bordel ! En venant, j'ai aperçu le Temple Jedi en feu. Et l'Ambassade de Naboo est bouclée par l'armée.
- Oui, monseigneur, les événements se sont précipités ces derniers jours. La République n'est plus. Le Chancelier Palpatine s'est fait proclamer Empereur après une insurrection des Jedi qui aurait visé à l'éliminer. Les clones ont reçu des instructions pour arrêter tous les représentants de l'Ordre. Et des rumeurs persistantes prétendent même que les Jedi seraient à l'origine de l'assassinat de la Sénatrice Amidala. Croyez-vous qu'une telle chose soit possible ? Que les Jedi soient responsables de tout ce désordre ?
- La Sénatrice Amidala a été assassinée, répéta machinalement un Camistran totalement abasourdi.

Aigloni et Harwald rassemblèrent et épluchèrent tous les documents possibles sur les événements de l'Ambassade de Naboo. La Sénatrice Amidala a été assassinée ne cessait de se répéter Camistran. Pourquoi ? Pourquoi, elle ? Ils trouvèrent les rapports militaires des commandants clones en opération sur les lieux, les rapports d'auditions des membres de la suite sénatoriale naboo, un communiqué du Sénateur Organa d'Alderaan, l'éloge funèbre rédigée par l'Empereur en personne et même un article sur les funérailles officielles de l'Holonet. Et toutes ces sources s'accordaient sur une même histoire : les Jedi avaient abusé de la confiance que leur témoignait la Sénatrice Amidala pour lui tendre un piège dans un champ d'astéroïdes au large de Polis Massa. Plusieurs noms très connus avaient été cités comme membres du complot, tels que Yoda, Obi-Wan Kenobi ou Anakin Skywalker. L'élite de l'Ordre Jedi. De sombres assassins.
- Monseigneur, ça ne vous semble pas étonnant que ces documents soient déjà accessibles ? Ne devraient-ils pas être confidentiels ?
- Dans sa dernière allocution sur l'Holonet, l'Empereur Palpatine a rappelé que la sécurité était l'affaire de tous et que la transparence était de mise pour faire toute la lumière sur cette sinistre affaire. Plus le nombre de personnes au courant sera important, plus nous aurons de chance de dénicher les coupables.
- Les Jedi, coupables de tous ces crimes, cela paraît tellement improbable. N'est-ce pas qu'un malentendu ? Et tuer la Sénatrice Amidala pour atteindre l'Empereur, ça n'aurait aucun sens ! Tout Coruscant savait qu'ils étaient en profond désaccord depuis le Manifeste des Deux Mille.
- Ce n'était pas l'Empereur qui était visé, mais le Sénat qui lui avait voté les pleins pouvoirs. Les Jedi espéraient peut-être retourner les sénateurs. Et le témoignage du vertueux Sénateur Organa n'est-il pas un gage de vérité dans cette histoire ?
- Vous avez sûrement raison, monseigneur.

Durant près de trois ans, il avait travaillé pour la Sénatrice Amidala. Bien évidemment, jamais directement, mais il l'avait croisée plusieurs fois au détour d'un couloir à l'Ambassade ou au Sénat. Depuis qu'il avait appris sa mort, son image ne quittait plus son esprit. Et cette question récurrente : pourquoi ? Il n'aurait sûrement jamais de réponse. Mais il ne pouvait tolérer que les monstres qui l'avaient tuée restent impunis. Camistran pouvait sentir la rage couler en lui. Dans son poing fermé, il tenait une première liste de Jedi en cavale. Il y avait tant à faire pour les retrouver. Et il se sentait tellement inutile. Les clones, eux, avaient un rôle à jouer dans cette histoire, une mission. Puis soudain, il lui vint une idée. En ce jour, lui qui n'avait jamais fait qu'obéir aux volontés des autres, il allait prendre sa première décision d'homme, sa première résolution d'adulte. Il sortit son comlink et appela Treon :
- Nous rentrons chez nous, mon ami. De là-bas, nous mettrons tout en ?uvre pour aider les Renseignements Clones à retrouver les Jedi renégats. Tous. Jusqu'au dernier.

Treon Harwald n'avait jamais eu la chance de son ami. Orphelin, au service d'une grande famille aristocratique sur sa planète, il avait été envoyé sur Coruscant pour accompagner les premiers pas de son jeune seigneur dans le milieu politique. Et contrairement à lui, il n'avait pas été placé auprès d'une grande ambassade. Il était resté aux Archives du Sénat, à faire de fastidieuses recherches pour d'autres et des mises à jour dans les innombrables documents stockés. Ou encore à quémander des informations auprès des Archivistes Jedi du Temple. Dans l'immense bibliothèque, Treon avait longuement observé les dignes gardiens de la République. Fasciné par la sérénité des lieux, il s'était beaucoup documenté sur tout ce qui touchait aux Jedi : leur rôle dans la République, leur formation, leurs activités ou encore leurs membres. Au fil des années, il était devenu, comme beaucoup d'autres, un grand supporter des héros de l'Holonet dont il suivait assidûment la progression : Skywalker et Kenobi. Mais différemment des autres, car lui, des Jedi, il en avait approché en vrai. Il avait même parlé avec un. Un Padawan humain, légèrement plus jeune que lui, du nom de Praxin Aguel. Comme bien d'autres, il avait perdu son Maître et s'occupait comme il pouvait en fréquentant la bibliothèque.
C'est pourquoi, lorsqu'il l'avait croisé un soir dans un bar, il avait gardé un ?il sur lui. Dés?uvré, le jeune homme avait dû faire le mur, pensant que personne au Temple ne remarquerait son absence. Certains s'étaient amusés à le saouler à la liqueur de Bogden. Se sentant coupable de lui avoir indiqué cet établissement et de ne pas être intervenu plus tôt, Treon avait ramené l'apprenti Jedi ivre chez lui. Le lendemain, il avait lu sur les panneaux d'affichage de l'Holonet que les Jedi avaient tenté de renverser la République, que l'Ordre avait été mis hors la loi et que tous les membres devaient être arrêtés et jugés où qu'ils se cachent. Le gamin endormi chez lui, de fugueur, venait de passer au statut de criminel en fuite.
Harwald n'avait pas su quoi faire. Bien sûr, il avait entendu les flashs d'informations répéter que protéger l'ennemi était passible de la peine de mort. Mais il n'avait pu se résoudre à dénoncer son hôte. Il l'avait donc caché en attendant. En pensant qu'une fois de retour, son jeune seigneur, lui, il saurait comment agir. Il avait alors pris des précautions pour ne pas éveiller les soupçons et s'était chargé de la transformation physique de Praxin Aguel. Il avait coupé la tresse du Padawan, lui avait retaillé et teint les cheveux. Il s'était également débarrassé de la bure de Jedi et avait caché le sabre-laser. Mais sans de nouveaux papiers d'identité pour passer les contrôles, il était hors de question que Praxin quitte le minuscule logement de Treon.

Au début, Harwald n'avait pas voulu croire à la culpabilité des Jedi. Que les plus fidèles serviteurs de la République aient pu se retourner contre elle, cela lui paraissait absurde. Comment des héros comme Kenobi et Skywalker auraient pu s'abaisser à cet attentat. Ils avaient gagné la guerre, la République leur devait tout. Mais les cicatrices du Chancelier Palpatine n'étaient pas feintes et cela avait insinué le doute dans son esprit. Puis, au fur et à mesure des débats au Sénat et des nouvelles parues sur l'Holonet, il commença à se poser des questions sur le nouveau gouvernement impérial. La trahison lui semblait trop évidente, les preuves trop nombreuses. Et pourquoi condamner tout l'Ordre Jedi pour l'agissement de quelques-uns de ses membres. De nouvelles arrestations furent ensuite ordonnées parmi les sénateurs récalcitrants. Des sénateurs reconnus pour leur loyauté envers les institutions. Le doute laissa alors place à une certitude, celle d'un complot, mais pas des Jedi. Non, de l'Empereur. Treon Harwald, jeune officier des Archives du Nouveau Sénat Impérial, venait d'entrer dans la résistance.
Désormais convaincu de l'innocence des Jedi, il cherchait un moyen pour permettre à Aguel de quitter Coruscant. Parce qu'il savait qu'il ne pouvait rester indéfiniment planqué chez lui et que tôt ou tard, les Clones retrouveraient sa trace. Et que ce serait leur arrêt de mort à tous les deux. Grâce à des connaissances, il trouva une adresse dans les bas-fonds de Coruscant où il pourrait trouver ce qu'il lui manquait encore. Dans un appartement minable sans la moindre lumière naturelle, il échangea l'ensemble de ses économies contre de faux papiers. Tout était désormais en place. Et le destin vint lui fournir un transport : son jeune seigneur venait de rentrer de voyage avec sa navette.
Mais ce que Treon n'avait pas envisagé, c'était bien que son ami ne se range pas à son opinion concernant les Jedi. Camistran Aigloni ne parlait que de vengeance, aveuglé par sa haine à l'encontre des assassins de la Sénatrice Amidala dont il était secrètement amoureux. Il lui fallait un coupable et ceux que les autorités proposaient lui convenaient parfaitement. Treon eut beau lui montrer les faiblesses de l'enquête ou l'absurdité de cette hypothèse, Camistran ne voulut rien entendre. Et pire, il comptait participer à la chasse aux Jedi. Serviteur modèle, issu d'une famille dévouée depuis des siècles à la lignée des Aigloni, Harwald s'apprêtait à commettre le plus grand sacrilège redouté par ses ancêtres. Si Camistran se refusait à le suivre, il agirait malgré lui.
Il inventa donc une histoire à servir à son maître. Ainsi, Apraxan Aguel devint le fils illégitime d'un aristocrate bien connu chez eux, il avait été envoyé à la capitale loin de la vue de l'épouse légitime et travaillait à la Cartographie, le service le plus ennuyeux des Archives. Effrayé par l'agitation ambiante, il souhaitait rentrer avec eux. Aigloni sembla se satisfaire de cette explication et l'accepta à son bord. Ensuite, Treon exposa sa stratégie au jeune Aguel : parler le moins possible, conserver en toute circonstance un attitude soumise et à toute question donner la même réponse « comme monseigneur préférera ». Ils démontèrent ensuite le sabre-laser et dissimulèrent des différents morceaux dans plusieurs valises.
Le lendemain, les trois jeunes hommes se rendirent au spatioport. Une trentaine de clones surveillaient les voyageurs, craignant la fuite de rebelles. Alors qu'ils se dirigeaient vers leur navette, un soldat les fit s'arrêter pour une inspection des papiers et des bagages. Treon était nerveux. A cet instant seulement, il réalisa le risque qu'il courait et qu'il faisait courir à son ami. Si le clone se rendait compte que les papiers étaient des faux, ils seraient exécutés tous les trois sans autre forme de procès. Aguel à ses côtés était tout pâle, prêt à s'évanouir. L'homme en armure leva la tête vers Camistran et fit une remarque sur les droits de stationnement qui arrivaient à expiration. Puis, il les laissa passer en leur souhaitant un bon voyage. Ce n'est qu'une fois que la navette eut décollé qu'Harwald s'autorisa de nouveau à respirer.