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NOJ : Mémoire d'un Jedi Guérisseur
Auteur : Inconnu
Chapitre 1
Adossé à la paroi du vaisseau, le Maître Guérisseur Aynar Secura fixait le sol, se laissant ballotter au rythme des vibrations de la carlingue. Comment en était-il arrivé là ? Et pourquoi ?
Pourquoi ? Ce simple mot avait une consonance désespérée? Après près de vingt ans passés à observer, apprendre, tirer parti de ses échecs et de ses succès, il ne parvenait même pas à répondre à cette simple question. Pourquoi?
Les pensées du Twi'lek étaient restées là-bas, sur Ryloth. Ses reliefs escarpés, ses collines orangées, son crépuscule permanent qui réchauffait l'atmosphère de ses rayons tièdes? Ses amis y reposeraient désormais à tout jamais. Une larme perla lentement le long de sa joue et tomba sur le zinc du vaisseau. Il ne fallait pourtant pas pleurer. Faire abstraction de ses sentiments, c'était ce qu'il avait appris dès les premiers jours de son entraînement. Le Twi'lek ferma les yeux pour retenir ses larmes. Instantanément, les visages des membres disparus de l'Ordre lui revinrent en mémoire. Il revoyait chacun d'eux, chacune de leurs expressions, chacun de leurs traits? Il entendait résonner leurs voix dans sa tête, comme des échos lointains.
Le vaisseau décrivit une lente courbe, et le Maître Jedi se sentit doucement entraîné vers le côté par la force centrifuge. Il releva alors les yeux pour regarder ceux qui avaient pu revenir. Le Maître Derkel, en face de lui, gardait la tête enfouie dans les mains, et le Maître Janos ne gardait les yeux ouverts que pour contrôler les paramètres de pilotage. Le Chevalier Obi était étendu au sol, encore gravement affaibli par ses multiples blessures. Aynar aurait de quoi le sauver une fois rentré à l'Académie. Enfin, le Maître Danae sanglotait, le dos tourné aux autres, certainement pour cacher ses larmes.
Aynar ne put davantage contenir ses sentiments. La souffrance? Il avait lutté pour que jamais ses actes ne l'y mènent, et pourtant, elle était tellement présente ce soir? Il ne ressentait aucune haine, aucune violence, seulement une tristesse intense dont il était persuadé qu'elle demeurerait toujours.
La voix de Janos résonna dans la soute, mais elle était si lointaine qu'elle semblait provenir du comlink dans lequel il parlait.
« Maître Janos Audron, enfin de retour.
-Janos, ici Mara. Vous êtes les derniers ?
-Oui?
-Bienvenue au bercail ! »
La voix faussement enjouée du Maître Mara blessa Aynar. Elle aussi était triste. Et elle le cachait. Lui, ne pourrait plus le cacher encore longtemps. Le vaisseau atterrit dans le hangar dont les portes s'étaient ouvertes à la demande de Janos. Le Twi'lek ne voulait pas les voir, il ne voulait pas leur raconter, il voulait s'enfuir?
Sitôt l'appareil arrêté, le Maître se rua vers la sortie du hangar. Il passa entre les portes du hall et se mit à courir sans s'arrêter. Il courait vers la forêt. Ses poumons se remplissaient de l'air froid et pénétrant de Yavin, et le Twi'lek eut soudain l'impression de chasser tous ses sentiments de son esprit. Il courut encore, et encore, et encore, sans s'arrêter, jusqu'à ce que ses muscles ne puissent plus le supporter. Il se laissa alors tomber au sol, les yeux clos, et demeura ainsi inerte de longues heures, rompant parfois le silence de la forêt par des sanglots étouffés.
La nuit tombait à présent. L'air se faisait de plus en plus froid. Le Maître aurait pu réchauffer son corps à l'aide de la Force, mais il n'en avait pas envie. Il voulait se laisser guider par ses sensations primaires, comme un animal, et se dépourvoir de toute pensée. Cette nuit seulement? Quelques secondes? Oublier?
Une main se posa sur son front moite. Le Twi'lek n'ouvrit pas les yeux immédiatement. Il était si agréable de sentir de nouveau un contact autre qu'une main tremblante s'agrippant à son avant-bras de ses dernières forces? La main glissa sur sa joue. Aynar eut l'impression de redécouvrir qu'une sensation pouvait être agréable. Il ouvrit lentement les yeux. Dans la pénombre, il devina le visage doux et le sourire tendre de son Maître, Mira Nymphora. Elle ne disait rien, au grand réconfort du Twi'lek. Elle s'assit à côté de lui et le regarda. Le Maître se sentit démuni. Depuis longtemps il n'avait pas eu à réagir face à une situation qui lui était agréable. Il avait oublié ce qu'il convenait de faire, ou ce qu'il voulait faire. Les visages des morts lui revinrent de nouveau en mémoire?
Il se réfugia alors dans les bras de Mira et se mit à pleurer, pleurer comme il n'avait jamais pleuré. La Twi'lek accueillit le visage de son Padawan entre ses bras, sans rien dire. C'était comme s'il était redevenu son apprenti. Le Maître ne cherchait pas à arrêter ses larmes. C'était comme si la tension accumulée depuis de longs mois s'échappait de lui avec ses pleurs. Il acceptait petit à petit sa douleur. Mira caressa doucement la tête du Twi'lek. Ils restèrent ainsi longtemps, le Maître étant bien conscient qu'il était inutile de chercher à arrêter son Padawan.
Lorsqu'Aynar eut pleuré tant qu'il pouvait, il releva la tête et regarda Mira. Elle avait toujours ce sourire inquiet qu'elle adoptait déjà à l'époque où il était son apprenti et que son comportement la préoccupait. Elle lui releva le menton.
« Raconte-moi à présent? »
Chapitre 2
Un rapport de l'Alliance Galactique était parvenu à l'Académie. Plusieurs compagnies privées de vol intergalactique avaient protesté devant l'agressivité que témoignait depuis récemment Ryloth à quiconque souhaitait se poser sur la planète, ou même l'approcher. L'Alliance Galactique était immédiatement intervenue, l'autarcie dans laquelle Ryloth semblait s'être délibérément enfermée étant illégale et suspecte, d'autant plus que la fortune des Twi'leks avait toujours été le commerce. Interdire l'accès à la planète paraissait stupide de la part de ses dirigeants.
L'Alliance envoya d'abord un détachement diplomatique. Ce dernier ne revint jamais. Plusieurs enquêteurs essayèrent d'infiltrer la planète, mais jamais on ne sut ce qui était advenu d'eux. Pour finir, des détachements armés étaient parvenus à se poser sur Ryloth. Ils se déployèrent en camps sur une bonne partie de la surface de la planète, mais beaucoup d'entre eux disparaissaient d'une façon incompréhensible?
L'Alliance avait dû déployer la majorité de ses forces sur cette petite planète de la Bordure Extérieure, et, à moins que le conflit ne soit très rapidement réglé, elle allait devoir replier ses troupes afin de pouvoir continuer à assurer la sécurité de la galaxie? Devant l'incapacité de l'armée régulière à régler le conflit, un détachement Jedi fut convoqué au Sénat. Plusieurs Maîtres du Conseil, parmi les plus expérimentés, avaient ressenti une perturbation dans la Force. Une importante perturbation. Et les Maîtres Corran, Vischnei et Mara étaient convaincus que la clé de l'énigme était Ryloth.
Le Côté Obscur de la Force se profilait déjà au loin. Il ne faisait aucun doute que nous aurions à l'affronter. C'est du moins ce dont les Maîtres étaient persuadés en partant pour Coruscant. Quand ils en revinrent, Chevaliers et Maîtres furent convoqués en salle du Conseil. L'effervescence était presque palpable. Je venais de passer Maître. J'assistai donc au Conseil. Les plus anciens étaient graves et sérieux, et pour la première fois, me semble-t-il, ils paraissaient douter...
« Il n'y a plus de doute possible à présent, dit Maître Vischnei. L'affaire Ryloth va être un conflit entre les Jedi et le Côté Obscur. »
Des murmures d'excitation mêlée d'appréhension s'élevèrent dans la salle. Le Maître Malékith, assis à côté de moi, rétablit le silence d'une geste de la main. Vischnei poursuivit :
« Les Jedi noirs ont pris le contrôle de la planète. Il semble que leur but premier ne soit pas de contrôler la planète, mais de nous attirer à eux. Notre devoir est de les éliminer. »
Des murmures approbateurs s'élevèrent de nouveau. Au milieu des voix qui se faisaient de plus en plus élevées, le Chevalier Fujikiro s'avança au centre de la pièce circulaire.
« Quelle stratégie devrons-nous adopter ? »
L'éminent Maître Jyodas se leva. Il était le gardien le plus estimé de l'Académie, et de seule silhouette émanait un sentiment de puissance qui forçait le silence.
« Un premier détachement de sentinelles infiltrera la planète, afin de repérer la base de nos ennemis. Ensuite, un maximum de Jedi se posera à proximité d'eux. Nous souhaitons engager une bataille ouverte, et non pas une guérilla, le terrorisme risquant d'exposer la population autochtone. Ils se doutent de notre stratégie, c'est évident. Cependant, ils ne se risqueront à se séparer pour nous leurrer, ils seraient trop vulnérables? D'autres questions ? »
« Emmenons-nous nos Padawans ? » interrogea le Maître Sobri.
-Non, intervint Corran. Seuls les Maîtres et les Chevaliers désignés se rendront sur Ryloth. Comprenez bien que cette mission n'est pas une routine. Nous ignorons tout de leur force potentielle. Il se peut qu'ils soient plus puissants que nous tous réunis. Je souhaite ne prendre aucun risque. Est-ce clair ? »
Chacun acquiesça.
« Bien, continua Corran, les noms de ceux qui partiront sont dès à présent affichés en salle commune, ainsi que le jour et l'heure de départ. Que la Force soit avec eux. »
Le Maître s'inclina, signe qu'il était temps que Maîtres et Chevaliers quittent la salle. Tous s'inclinèrent et descendirent en hâte en salle commune. Entre temps, j'étais allé boire un verre à la cantina avec le Maître Malékith qui m'évoqua ses souvenirs de l'époque où il était Chevalier. Si je devais partir, j'espérais que ce serait avec lui. Nous nous rendîmes en salle commune.
Le Chevalier Niwoma était parti depuis près d'une heure, d'après le planning. Le Maître Jyodas avait parlé d'un détachement, cependant, le Conseil semblait avoir jugé que Niwoma serait de taille à identifier la base des Jedi noirs seul. Il était la plus ancienne sentinelle de l'Académie, et je me rappelai en souriant ce qu'il m'avait un jour appris : « L'union fait la force des consulaires et des gardiens, mais la solitude est l'arme des sentinelles? »
Les autres départs étaient tous prévus pour le lendemain. Niwoma devrait faire vite ! Je faisais partie du dernier détachement et je devrais partir vers midi avec les Maîtres Togo, Danae et Jyodas. Malékith partirait vers quatre heures du matin avec Janos, Derkel et Matt. Kstyr suivrait à huit heures avec Sobri, Obi et Xanatos. Un troisième et avant-dernier détachement était prévu pour dix heures, avec à son bord Major, Fujikiro et Ryath.
« Il semble que l'élite de l'Ordre ait été désignée, dis-je à Malékith en souriant.
-Je n'ai pas la prétention de m'inclure dans l'élite, mon cher Aynar, mais je suis d'accord avec toi si tu voulais dire que le Conseil a décidé de frapper fort.
-C'est bien sûr ce que je voulais dire, bafouillai-je d'une voix confuse. »
La nuit tombait lentement sur Yavin. Sur le toit de l'Académie, je fumais une dernière cigarette en compagnie de Malékith avant d'aller me coucher. L'air était tiède et la nuit qui se levait créait une atmosphère tranquille et dénuée de toute appréhension. On entendait au loin le vent dans la cime des arbres, et la légère brise faisait flotter mes lekkus dans les airs. Malékith, égal à lui-même, semblait plus apaisé que jamais. Sa manière d'avaler la fumée de sa cigarette et d'expirer en laissant un long jet de fumée s'échapper de ses narines avait elle-même quelque chose d'apaisant.
« Content de partir en mission Aynar ? dit-il.
-Heureux à en mourir ! J'ai hâte de retrouver Ryloth. J'y ai vécu étant jeune. »
J'avalai à mon tour une grosse bouffée de fumée.
« Tu connais peut-être Ryloth ? »
Malékith détourna les yeux. Il regarda loin devant lui, d'un regard rêveur et triste à la fois. Il resta ainsi quelque temps puis reporta son attention sur moi.
« Je connais Ryloth. Certains des meilleurs souvenirs de mon existence sont restés sur cette planète, ainsi qu'un Twi'lek que j'affectionnais particulièrement avant qu'il ne fasse plus qu'un avec la Force. »
Je ne compris pas les propos de Malékith, mais je fus désolé d'avoir abordé ce sujet. Apparemment, il était sensible à mon meilleur ami, et je m'en voulais d'avoir manqué de tact. Malékith jeta ce qui restait de sa cigarette et se leva d'un geste brusque.
« Je vais dormir, la journée sera longue demain, j'en ai peur. Ne tarde pas toi non plus. Bonne nuit. »
Je craignis que Malékith ne soit vexé par sa maladresse, mais avant de descendre, ce dernier se retourna avec un sourire et dit :
« Tu me rappelles Tenshot. Chaque fois qu'il y avait quelque chose à ne pas dire, tu pouvais être sûr qu'il allait le hurler sur les toits, et toujours à la personne qu'il ne fallait pas ! »
Je réprimai un éclat de rire et reportai mon attention sur le paysage qui s'étendait en face de moi en entendant les pas de Malékith, de plus en plus éloignés. Les lunes de Yavin s'élevaient lentement en croissants aiguisés. Je humai l'air pur de la planète et frissonnai légèrement. Revoir Ryloth et partir en mission? Que souhaiter de plus?
Chapitre 3
Le soleil n'était pas encore levé. Depuis le toit de l'Académie, je contemplais les étoiles, allongé à même le sol. Je m'amusais à faire abstraction du référentiel dans lequel je me trouvais pour me projeter au milieu d'elles, en oubliant tout repère. Je les imaginais tourner autour de moi dans une spirale sans fin, et bientôt j'en eu le vertige. L'air était curieusement tiède malgré l'heure, et une légère brise caressait ma peau sous ma bure de toile fine. De légers froissements de feuilles et des bruits d'animaux parvenaient à mes oreilles depuis la forêt. Des bruits caractéristiques de la nuit car il n'y a que la nuit qu'on y prête attention.
Malgré la sérénité que j'éprouvais en cet instant, l'état d'excitation dans lequel je me trouvais depuis la nouvelle du départ n'avait cessé de me quitter. C'était d'ailleurs la raison de ma présence sur ce toit : s'il m'avait été possible de dormir, je me serais probablement trouvé dans mon lit en cet instant. Cette mission occupait tellement mon esprit que j'en oubliais presque de rester perméable aux fluctuations de la Force. Revoir Ryloth, enfin?
Un bruit de moteur m'arracha à mes pensées, et bientôt, je pus admirer les puissants réacteurs d'un des cargos de l'Académie qui le propulsaient vers le soleil levant. Le vrombissement du moteur s'accentua puis s'estompa lentement et disparut en même temps que le vaisseau quittait mon champs de vision. Dans quelques heures, Malékith serait sur Ryloth?
La lumière de la géante gazeuse perçait à présent à travers les nuages roses et m'aveuglait quelque peu en se réverbérant sur la rivière que j'apercevais depuis mon poste d'observation. Mon état d'excitation me regagna aussi vite que le soleil montait dans l'atmosphère. Je passai nerveusement ma main sur le manche de mon sabre puis me levai et redescendis en salle commune.
Enfin l'heure du départ arriva. Je descendis en avance de quelques minutes au hangar. Je n'avais pas fait grand-chose de ma matinée ; même si je l'avais voulu, j'en aurais été dans l'incapacité physique. Jyodas arriva quelques instants plus tard, suivi de Togo et Danae. Je m'inclinai.
« En forme Aynar ? me lança Jyodas.
-J'ai hâte de montrer qui commande à ces hérétiques ! rétorquai-je en souriant.
-Eh bien prends donc les commandes pendant que je te seconde, puisque tu es si motivé.
-Euh? Sans façon, merci.
-A ton aise? Togo, au poste de pilotage. »
Le pilotage n'avait jamais été mon fort, et mon état m'interdisait de faire encore la preuve de mon incapacité à diriger ce tas de ferraille, sous peine de rendre l'unique fruit que j'avais réussi à avaler en guise de déjeuner.
Nous embarquâmes, et le vaisseau décolla aussitôt pour s'élever dans l'atmosphère de Yavin. Une légère secousse m'avertit que nous étions arrachés au champ gravitationnel de la planète. La voix de Togo résonna alors dans le comlink :
« Passage en hyperespace dans 5, 4, 3, 2, 1? »
Secousse plus violente cette fois-ci. Je sentis les brusques accélérations encaissées par le vaisseau se répercuter dans les parois. Jyodas se retourna vers la soute.
« J'ai souhaité partir avec une majorité de Jedi Guérisseurs car je tiens à mettre une chose au point : votre rôle est sans précédent. Le nombre de nos blessés sera élevé, je le crains. Il vous faudra une organisation infaillible, tout en restant disponibles à chaque moment en cas d'éventuelle attaque. »
Danae émit un sifflement. Je devinai sa pensée ; la tâche allait être rude. Jyodas poursuivit :
« Aynar, tu prendras le commandement de l'antenne. »
Je fus passablement déçu à ces mots. Diriger le service chirurgical signifiait que ne passerais que très peu de temps sur le champ de bataille. L'excitation qui m'avait envahi jusqu'alors retomba aussitôt.
« Pourquoi moi ? Togo, Danae, et même Derkel sont plus expérimentés que moi ! »
Une légère hargne devait percer dans ma voix car le Bothan fronça les sourcils.
« Justement, à ce titre, ils maîtrisent le sabre mieux que toi. Je dois privilégier notre puissance potentielle à toute autre chose. J'espère que tu peux le comprendre et que tu passeras outre tes états d'âmes.
-Oui Maître? »
Le reste du voyage se déroula dans le silence. Après une durée que j'aurais eu du mal à évaluer, la voix de Togo résonna de nouveau :
« Sortie de l'hyperespace dans 5, 4, 3, 2, 1? »
A nouveau, brutale secousse. Je me penchai vers le cockpit pour apercevoir Ryloth qui se caractérisait par son unique hémisphère éclairé. J'aurais reconnu ma planète entre mille. Nous pénétrâmes dans son atmosphère d'une façon moins douce que je l'aurais souhaité, et une violente chaleur imprégna quasiment aussitôt la soute. Je n'étais plus habitué ! Le vaisseau décrivit une large courbe, puis se posa dans une série de vibrations et un bruit assourdissant. Togo ouvrit la soute, nous découvrant ainsi un paysage que j'avais connu il y a bien longtemps?
Chapitre 4
A perte de vue, des dunes sableuses entrecoupées de reliefs rocheux. Le soleil donnait au paysage une couleur éblouissante, presque aveuglante. Je me baissai et ramassai un peu de sable. Il était brûlant et très épais. Il glissa entre mes mains et se dissipa en une petite fumée à mes pieds. Je m'assis au sol et accoutumai mes yeux à la lumière de la planète. Sur la ligne d'horizon, on avait l'impression que les reliefs étaient mobiles. Ils étaient déformés par un écran de chaleur qui s'étendait devant eux en une fumée translucide. Le ciel était d'un bleu turquoise, sans aucun nuage, seule vision apaisante au milieu de ces couleurs agressives. Le sable commençait à brûler mes cuisses, et l'air ambiant me faisait déjà transpirer. Je me relevai et fis quelques pas sous cette chaleur écrasante.
« Aynar ! »
Je me retournai. Xanatos, Matt, Jyodas et Malékith, assis au milieu des vaisseaux que déchargeaient déjà les autres Maîtres, devaient être en train de discuter de la planification de l'opération. A mon arrivée, ils se levèrent, et je remarquai que tous avaient du mal à supporter la température ambiante, sauf Malékith, qui était habitué depuis son enfance à supporter ces fortes chaleurs. Il m'adressa un sourire radieux. Je plaignis intérieurement Jyodas, qui en plus des quarante degrés permanents de l'hémisphère éclairé de Ryloth, devait supporter son pelage, et je souris en voyant le mal qu'il avait à dissimuler son incapacité à s'adapter à l'atmosphère de la planète. Je m'inclinai.
« Aynar, dit Xanatos, comme le Maître Jyodas te l'a indiqué, tu dirigeras l'antenne chirurgicale. Derkel et Janos sont chargés de sa construction. Ils devraient avoir fini d'ici peu. Nous t'avons rapproché au maximum de l'hémisphère sombre, afin que les éventuels blessés bénéficient d'un maximum de fraîcheur. Dès qu'ils auront fini, tu pourras aller t'y installer.
-Bien Maître. Mais? Pourquoi avoir installé le campement dans l'hémisphère éclairé ?
-Selon les rapports de Niwoma, intervint Matt, les Jedi noirs sont installés à moins de deux kilomètres d'ici, dans l'hémisphère sombre. Pour des raisons de sécurité, nous ne pouvons pas nous installer plus près d'eux, d'autant plus qu'ils sont bien mieux protégés que nous. Ils se sont servis des reliefs pour se construire une véritable forteresse. Malheureusement, nous ne disposons pas d'assez de temps pour élaborer des défenses aussi perfectionnées que les leurs.
-Les combats auront pour la plupart lieu dans la zone crépusculaire, continua Jyodas. Comme cela a été précisé en Conseil nous tenons à ce qu'il y ait un maximum de combats très engagés, afin de limiter cette guerre dans le temps. Tu auras du travail Aynar. »
A cet instant, le Maître Janos accourut vers nous, un peu essoufflé. Il s'inclina.
« L'antenne est terminée, Maîtres !
-Très bien Janos, dit Jyodas. Conduis-y Aynar. »
Je m'apprêtais à suivre le Noghri quand un puissant bruit de moteur au-dessus de moi me fit lever la tête. Le soleil m'aveugla et je ne pus distinguer de quel type d'appareil il s'agissait.
« A terre ! » hurla la voix de Jyodas dans ma tête. Obéissant à ses ordres, je me ruai sur le sol brûlant. Le bruit m'indiqua que le vaisseau atterrissait. Je levai la tête. Le cockpit s'ouvrit lentement. Je me relevai, et instinctivement, j'allumai mon sabre. Chacun en fit autant. Un rire éclata depuis le cockpit du vaisseau.
« Hahaha ! Vous auriez vu vos têtes ! » Le Barabel Vik Forna essuya une larme de rire qui coulait depuis le coin de son ?il. Je n'avais pas vu la tête des autres Maîtres au moment de l'atterrissage, mais leurs expressions incrédules en cet instant me firent sourire intérieurement. Jyodas s'avança.
« Vik ! Qu'est-ce que tu fais ici ?
-Ordre de Maître Corran, répondit le Barabel en souriant. Je pense que je ne serai pas de trop ! »
Jyodas s'approcha et donna l'accolade au Barabel, et j'admirai la souplesse dont fit preuve le Barabel pour arriver à hauteur du Bothan. Je souris et me tournai vers Janos en hochant la tête. Nous repartîmes en direction de l'antenne. Après avoir marché près de dix minutes, nous arrivâmes à une cavité creusée dans le sol sableux, en bordure de la zone crépusculaire. Nous nous enfonçâmes à l'intérieur, la faible hauteur du couloir souterrain nous obligeant à courber la tête. L'antenne s'organisait en fait en un boyau central avec une pièce tous les cinq mètres, à gauche ou à droite en alternance, six au total. La première contenait déjà la table d'opération que nous avions embarquée, ainsi que tout mon matériel personnel. Dans la deuxième, de même que dans la troisième, trois cuves à bacta. Six lits s'alignaient symétriquement dans la quatrième. La cinquième contenait toutes les réserves que nous avions embarquées. J'en fis l'inventaire avec Janos. Bacta liquide, en pommade, pansements, compresses, réserves importantes d'oxygène, masques adaptables sur les bombonnes de gaz, acide acétylsalicylique, morphine, seringues, et enfin matériel chirurgical : scalpels, ciseaux? Je sentis Janos frissonner derrière moi.
« Je n'aurais jamais pu être guérisseur, dit-il en grimaçant. Tous ces instruments de torture?
-Ils valent bien ton sabre, lui répondis-je en souriant.
-Ce n'est pas comparable ! Un sabre, c'est franc. Les petites lames c'est vicieux. »
Je souris intérieurement. Nous terminâmes par la sixième salle qui contenait le groupe électrogène permettant de faire fonctionner l'antenne.
« Merci Janos, c'est parfait, dis-je en sortant à l'air libre. Les circuits d'aération du souterrain sont opérationnels ?
-Bien sûr ! »
Il s'inclina.
« Je retourne au camp principal. N'hésite pas à m'appeler si tu as besoin de quelque chose d'autre. »
Je m'inclinai à mon tour et m'assis sur un rocher à l'entrée du souterrain, en sortant machinalement une cigarette de ma poche. Peu de temps après, je ressentis la présence de Togo derrière moi. En effet, il vint s'asseoir à côté de moi et attira ma cigarette à sa main en usant de la télékinésie. J'en sortis une deuxième de mon paquet et l'allumai.
« Il eût suffi que vous me disiez que vous aviez oublié les vôtres Maître? »
Togo était resté très joueur, et bien que des rapports hiérarchiques nous imposent un respect mutuel, il avait toujours su trouver le juste milieu entre l'autorité et la camaraderie.
« Quelles sont tes impressions Aynar ?
-Je ne sais pas très bien. J'aurais préféré que vous soyez à mes côtés, comme à l'époque où vous m'enseigniez l'art de la guérison?
-Je n'ai plus rien à t'apprendre Aynar, tu n'as plus besoin de moi !
-Je sais, mais j'appréhende cette guerre? »
Je sentis la main de Togo s'abattre sur ma nuque.
« La peur mène à la colère?
-Inutile de finir votre phrase, Maître. » dis-je en souriant.
Togo tira une bouffée sur sa cigarette et resta silencieux en contemplant le soleil qui ne cessait de se coucher. Ses éclats roses et orangers avaient quelque chose de surnaturel. Mes yeux scrutèrent l'horizon un instant. Cette vision était telle que j'en oubliai mon appréhension. Ou peut-être était-ce la présence de Togo?
Le Maître se leva doucement et me donna une tape amicale sur l'épaule.
« Je vais me coucher. A demain Aynar.
-A demain Maître. »
Togo s'éloigna, ses traces de pas disparaissant lentement sous la brise vaporeuse. Je restai un instant à contempler l'horizon. Je ressentais une impression paradoxale, une paix intérieure mêlée à une attente excitante? Il se passerait bientôt quelque chose. La Force ne voulait pas en révéler plus.
Chapitre 5
Aynar releva la tête vers Mira. Il contempla l'expression douce et triste de son Maître, sans savoir ce qu'il éprouvait alors réellement à son égard. Elle ne savait pas, elle ne comprenait pas, il était impossible qu'elle comprenne ce qu'il avait vécu. Une bouffée de rage cogna violemment contre sa cage thoracique avant de s'échapper de ses poumons en plusieurs respirations saccadées. Pour la première fois, Maître Mira ne comprenait pas. Il la fixa un moment, partagé entre le désespoir et la colère.
La Twi'lek passa sa main sur la joue de son Padawan en un geste presque imperceptible.
« Je sais, Aynar. Tu te dis qu'il est inutile de m'expliquer, que j'ignore ce que tu ressens? - Aynar essaya de se dérober au regard du Maître - Regarde-moi ! Dis-moi ce qui s'est passé ! Je peux t'aider? Si tu acceptes de m'ouvrir davantage ton c?ur Aynar? »
Aynar savait que jamais son Maître n'avait été aussi sincère. Mais ce n'était pas de sa franchise qu'il doutait. Mira n'avait jamais connu que le confort de l'Académie, entrecoupé, il fallait le reconnaître, de quelques missions ponctuelles. Cependant jamais elle n'avait souffert, elle avait toujours connu l'amour de Maître Jyodas, l'affection de tous les Jedi, et une vie heureuse?
La jolie Twi'lek saisit fermement le menton d'Aynar pour l'obliger à le regarder.
« Tu sembles avoir négligé une courte période dans ton inventaire, mon jeune Padawan? Veux-tu que je te rappelle ce que j'ai enduré durant les treize premières années de ma vie ? »
Mira dut prendre sur elle pour ne pas laisser transparaître les stigmates de haine que les souvenirs de son enfance avaient laissés en elle, et Aynar le savait. Le fait qu'elle évoque devant lui sa condition d'esclave était comme un laissez-passer, la garantie d'une souffrance suffisante pour comprendre ce qu'Aynar avait vécu. Le Padawan regarda son Maître avec une reconnaissance infinie.
« Raconte-moi, Aynar?
-Je m'étais endormi? J'ignore depuis combien de temps. Je n'étais plus habitué à la température de Ryloth, et la chaleur perturbait mon sommeil. A moins que ce ne soit la Force? Des cris retentissaient, accompagnés du bourdonnement caractéristique des cristaux instables enfermés dans les sabres des Jedi noirs. Ce n'est seulement qu'alors que j'essayai de bouger que je me rendis compte que mes poignets et mes jambes étaient attachés. Une main ferme saisit mon épaule.
« Aynar ! Réveille-toi ! »
Malékith me secouait vigoureusement, une lueur que je ne lui connaissais pas brillant dans ses yeux.
« Qu'est-ce qui se passe ?
-Prends ton sabre, dépêche-toi ! »
Malékith était déjà sorti. Le temps d'enfiler ma bure et d'attirer à moi mon sabre, et je le suivis d'un pas précipité. C'est alors que je compris la fureur qui animait les yeux de mon ami : le camp n'était plus qu'un vaste champ de bataille. Le ciel crépusculaire était maculé de longues traces de fumées opaques laissées par les vaisseaux des Jedi noirs. Le sol était constellé de trous d'obus et jonché de cadavres. Des éclairs rouge vif aveuglaient mon regard et des rayons laser traversaient mon champ de vision à une fréquence presque irréelle, tandis que les sabres s'agitaient dans les airs sans que je puisse identifier leur propriétaire. Les vrombissements assourdissants des moteurs des vaisseaux ennemis se mêlaient aux détonations des blasters et aux chocs caractéristiques des sabres. Le sable soulevé par les réacteurs des vaisseaux et l'agitation du combat emplissaient mes narines, transportant avec eux une odeur de sueur et de sang.
Je me ruai dans la bataille, sans réellement comprendre ce que je faisais, me laissant guider par la Force, comme je l'avais toujours fait lors de mes multiples missions. Pourtant rien en cet instant n'était pas comme d'habitude. La Force était bien présente, mais pas pour guider mon bras. Elle ne cessait de hurler dans ma tête, hurler avec une violence inconnue, impressionnante, effrayante? Je me surpris à avoir peur. Qu'adviendrait-il de moi si la Force ne menait pas mon bras ? Je regardai mon adversaire, un Noghri de près d'un mètre soixante-dix de haut, et autant de large. Je reculai d'un geste rapide et abaissai un instant mon arme pour reprendre mon souffle. Mon adversaire émit un rictus transpirant de haine et caressa ses lèvres de sa langue visqueuse. Un filet de sang gicla de son ?il apparemment endommagé. Avec les reflets des rayons lasers qui éclaboussaient ses écailles de lumières, il avait l'air d'un de ces dieux infernaux des Yuuzhan Vong. Je passai ma main sur mon front pour essuyer les sueurs froides qui en coulaient.
« Tu suintes la peur, Jedi ! »
La voix du Noghri était caverneuse, et emplie d'une colère qu'il ne parvenait pas à contenir dans ses mots.
« Je l'avoue? Mais elle ne m'a jamais conduit au point où tu en es rendu? Jedi noir ! »
Les mots sortirent de ma bouche avec une détermination apparente malgré mon effroi. Le Noghri sourit de plus belle, laissant apparaître des crocs jaunâtres dégoulinant de sang.
« Ce n'est qu'une question de temps?
-Je préfèrerais mourir !
-Mourir? Tu en as bien trop peur, dit le Noghri à mi-voix, une lueur démente dans les yeux. Et plus la mort t'effraie, plus tu te rapproche de notre côté inexorablement, et plus tu as peur. Tu es entré dans le cercle vicieux, tu n'en sortiras jamais ! »
Je relevai mon sabre. Ma lame tremblait. Etait-ce la peur ? La colère ? Les mots du Noghri résonnaient dans ma tête? « Tu n'en sortiras jamais? » Je revis ses yeux pervers me dévisager comme s'il avait pu voir à travers moi. Un choc brutal contre ma lame me rappela au combat.
« Eh bien ? La crainte t'empêche-t-elle de te battre ? »
Mes réflexes me revinrent alors comme s'il s'était agi d'un entraînement. Nos sabres s'entremêlaient dans un tourbillon de couleurs. Nos mouvements coordonnés devaient donner l'impression d'une chorégraphie répétée à l'avance. Les volutes de nos amples toges dansant autour de nous dégageaient un sentiment de légèreté, et toute pensée, toute réflexion s'envolait hors de mon esprit, comme si je n'étais plus qu'une marionnette dont mon sabre tirait les ficelles.
Soudain, une brûlure intense se fit sentir dans ma clavicule. Sous la douleur, je tombai à genoux. Je tournai la tête : mon épaule avait été transpercée par un tir de blaster. Mon ennemi s'approcha de moi à pas lents, au milieu du combat qui faisait encore rage. Il s'agenouilla face à moi et serra brutalement ma gorge entre ses doigts. Je sentis une de mes glandes salivaires éclater et le sang se répandre abondamment dans ma bouche. Pourtant je ne ressentais aucune douleur. Des larmes embuaient progressivement mes yeux et troublaient ma vision. Le Noghri approcha sa gueule de mon oreille :
« Maintenant que tu es entre nos mains c'est sûr, tu n'en sortiras jamais? »
Sa voix résonna dans mon tympan comme les cris des nombreux blessés que j'avais déjà opérés. Je tombai face contre terre, et elle résonna encore, et encore, alors que le noir se faisait à mes yeux et que la sensation de vie m'abandonnait peu à peu.
Chapitre 6
Il faisait froid. Ce fut la première sensation que je parvins à analyser. L'air était glacé. Je devais être dans une cavité rocheuse de l'hémisphère sombre, que le soleil ne chauffe jamais. J'essayai de me recroqueviller pour profiter de la chaleur émise par mes respirations et par mon corps. C'est alors que je m'aperçus que j'étais attaché. Je compris aussi pourquoi je ne sentais plus mes membres : les liens devaient être tellement serrés qu'ils bloquaient la circulation de mon sang. Les évènements me revenaient lentement en tête. La mission, l'antenne, le combat, le Noghri? Le Noghri? Pourquoi n'étais-je pas mort ? Je repoussai la question à plus tard, entreprenant plutôt de calmer les violentes douleurs que je ressentais à l'épaule et à la gorge.
Apparemment, aucun de mes détenteurs n'avait jugé utile de me soigner. En sondant mon propre corps grâce à la Force, il s'avéra que des organismes parasitaient ma blessure, et rongeaient la moelle de ma clavicule atteinte par le tir de blaster. Le sang qui s'était répandu dans ma bouche continuait de s'écouler en un petit filet entre mes lèvres. L'hémorragie interne n'avait pas été stoppée. Le goût de l'hémoglobine qui imprégnait chacune de mes papilles me soulevait le c?ur.
Je ne trouvai pas la force nécessaire pour stimuler mon système immunitaire et décidai d'essayer de dormir malgré le froid et la douleur, sans grand espoir. Des formes s'agitaient autour de moi, ou du moins j'en avais l'impression. J'entendais des bruits indistincts, indéfinissables, mêlés à des voix graves et sourdes. Dans l'obscurité, je ne distinguais rien de précis, sinon des parois visqueuses et parfois des ombres un peu plus prononcées, accompagnées de bruits de pas. Malgré le sentiment que la Force m'accompagnait, j'étais anxieux. Qu'était-il advenu des autres ? Etaient-ils encore en vie ? Un sourire me vint aux lèvres, malgré toute la douleur que j'éprouvais, en me rappelant que moi-même je ne valais guère mieux qu'un mort, et que si j'étais encore en vie, je ne le devais probablement qu'aux caprices de la Force.
Une violente gifle me fit ouvrir les yeux et sortir de mes pensées, tout en attisant l'écoulement du filet de sang qui s'était peu à peu estompé dans ma gorge. Un Twi'lek se penchait sur moi, mais la nature de sa race était méconnaissable. Son visage était constellé de traces de brûlures anciennes qui masquaient ses traits et boursouflaient ses yeux. J'avais entendu parler de ces pratiques des Jedi noirs et des Sith qui infligeaient des souffrances à leurs apprentis pour attiser leur haine et leur crainte vis à vis de leur Maître, mais j'ignorais qu'un quelconque être vivant puisse pousser la cruauté jusqu'à brûler le visage de son élève. Quoi qu'il en soit, ces pratiques devaient porter leurs fruits, car la colère de ce Twi'lek était si violente à travers la Force que j'en avais mal à la tête. J'essayai de réduire au maximum mon champ de perception, mais l'affaiblissement physique dans lequel je me trouvais m'empêchait tout effort.
« Quelle est ta voie, Jedi ? »
Sa voix raisonna dans ma tête comme le bourdonnement d'un sabre laser lorsqu'on perd un combat, une voix emplie du désir de haïr, de faire souffrir, une voix presque bestiale.
« Je? Je suis guérisseur? »
Le Twi'lek se tourna vers le fond de la cavité qui nous abritait.
« Un guérisseur ! Il peut nous être utile? Tu as de la chance Jedi, tu ne mourras pas aujourd'hui? »
C'est le dernier souvenir concret qui me resta en mémoire jusqu'à un temps que je n'espérais plus. D'ailleurs, je perdis vite la notion de temps : l'obscurité permanente qui régnait dans la cavité rocheuse m'empêchait de voir le jour se lever. Je restais allongé, sans pouvoir bouger aucun de mes muscles, en proie à la fièvre et à l'affaiblissement qui allaient croissants de jour en jour.
J'étais parvenu à stimuler mon système immunitaire pour détruire la glande salivaire qui avait explosé dans ma bouche pendant le combat, mais l'état de mon épaule semblait s'aggraver de jour en jour, bien que je ne puisse pas la voir. Cependant, la douleur se faisait de plus en plus violente à chaque seconde qui passait, et je me surprenais parfois à compter les battements de mon c?ur et à les synchroniser avec la contraction de mes muscles pour apaiser la douleur, sans grand succès? Avec le manque d'hygiène et l'humidité, ma plaie s'était infectée, et outre les microorganismes qui s'étaient installés dans ma chair, des insectes avaient fini par pondre leurs ?ufs dans mes fibres déchirées. Je les sentais se nourrir de ma chair de jour en jour, sans pouvoir faire quoi que ce soit. Mon organisme s'était mis à sécréter une sorte de glaire opaque, probablement due à l'infection, une glaire d'un goût éc?urant et d'une consistance étouffante. Elle s'écoulait difficilement de ma bouche et nuisait à ma respiration.
La fièvre influait de plus en plus sur mon comportement nerveux, sans que je puisse la contrôler. Bientôt, des convulsions m'agitèrent constamment et troublèrent mes réflexes et mes perceptions les plus primaires. Je perdis la notion de confort et de douleur, de chaud et de froid ; j'ignorais ce que j'éprouvais, tout me devint égal sans que je puisse être un temps soit peu maître de mes sensations.
J'aurais pu mettre fin à mes jours, il eut suffit que je cesse de cracher cette glaire qui abondait dans mes tuyaux respiratoires. Seul la vue de ce Twi'lek me raccrochait encore à la vie. Je ne parvenais pas à ôter ses dernières paroles de mon esprit? « Tu ne mourras pas aujourd'hui? ». Elles résonnaient dans mon esprit sans que j'aie la force de les en chasser? « Tu ne mourras pas aujourd'hui? » Comme si ce Twi'lek avait eu le pouvoir d'influer un temps soit peu mon existence ! J'étais, je restais seul maître de ma vie et de ma mort? »
Mira regarda le guérisseur avec un sourire. Elle avait connu son Padawan sous toutes les facettes possibles et imaginables, et l'orgueil restait un de ses principaux traits. Il n'avait jamais supporté de dépendre de qui que ce soit, mais Mira ne se serait jamais doutée que cela le sauverait un jour.
Aynar s'arrêta un instant. Il avait l'impression de ne pas trouver de mots suffisamment violents pour décrire ce qu'il ressentait. C'était comme si son récit n'était qu'une pâle ombre de ce qu'il avait vraiment vécu, et il considérait cela comme une atteinte à la douleur qu'il avait éprouvée.
Mira baissa son regard apaisant sur lui, signe qu'elle comprenait ce qu'il ressentait. Un étrange sentiment, paradoxal, envahissait Aynar. Malgré cette amertume qu'il ressentait à l'idée que ce qui s'était passé ne pouvait pas se limiter à être raconté avec des mots, à mesure que son récit avançait, il ressentait la compassion de Mira, et son esprit s'alléger.