Star Wars Invention, le Site dédié aux Fan Fictions
Chapitre 1
Il est des histoires tellement extraordinaires qu'elles en sont incroyables. D'autres tellement banales qu'elles semblent inintéressantes. Pourtant, il est des miracles qui se renouvellent chaque jour. Il a fallu que deux êtres fondamentalement différents et dont la rencontre était plus qu'improbable, se rencontrent. S'attirent. Et passent une nuit d'amour douce et tiède au creux d'un lit d'hôtel, dans un de ces plaisirs de passage voués à l'oubli.

Le destin en décida autrement. Et pendant que Lenna retournait chez elle, elle tentait de chasser de son esprit le souvenir des yeux sombres et brûlants de ce troublant jeune homme, tandis que germait en elle la promesse d'une vie nouvelle.

Quelques mois plus tard naquit un petit garçon aux yeux noirs comme la nuit, où brillaient comme des étoiles la passion de vivre de son père et l'innocence de sa mère. Il reçut en baptême le nom de son grand père : Tanios Estem.

Pour lui trouver de quoi vivre, sa mère abandonna ses études et travailla comme serveuse dans un café. C'était un de ces établissements malfamés qui pullulaient, qui pullulent et qui pulluleront toujours dans les profondeurs de Coruscant. Elle avait obtenu la permission de garder son fils auprès d'elle, dans un recoin inutilisé. Comme s'il avait compris la gravité de la situation, l'enfant se montrait d'une sagesse exemplaire. Lorsqu'il eut passé l'âge de dormir à longueur de temps, il n'eut de cesse qu'on ne l'assoit dans son berceau. Et de là, il dévisageait les clients, ses immenses yeux noirs remplis d'intérêt. Il devint bientôt la coqueluche des habitués du café. Sa mère craignait que la clientèle de bas étage qui fréquentait les lieux ne porte tort à son enfant, mais elle dut reconnaître qu'elle avait tort. Les truands des bas-fonds de Coruscant avaient été charmés par les petites mines et la gentillesse du garçon. Lenna eut un jour la surprise de voir l'un d'eux, de retour d'un « voyage d'affaire », ramener à l'enfant une toupie peinte aux armes de la famille royale de Synda. Ce fut la première d'une longue liste de bricoles, friandises, ? dont Lenna pensait qu'il valait mieux que la provenance resta ignorée? Ces voleurs, contrebandiers, chasseurs de primes, avaient adopté ce garçon né dans la même tourbe qu'eux et l'avaient pris sous leur protection. Par une extension toute naturelle, sa mère se vit offrir aussi quelques uns de ces petits présents qui n'engageaient ni elle ni celui qui offrait, mais qui embellissaient sa vie. Cependant, si elle souriait à ces gens, elle ne s'en inquiétait pas moins : était-ce cela, l'avenir qui guettait son enfant ? Deviendrait-il aussi un de ces parias ? Elle se le refusait. Elle ferait tout pour lui offrir un avenir digne. Mais le temps passait et nul espoir ne s'offrait à ses yeux. C'est alors que, pour la seconde fois de sa vie, un miracle se produisit.

Ce jour là avait tout d'un jour ordinaire. Elle servait les clients peut-être un peu moins prestement que d'habitude car elle était préoccupée. Dans quelques jours, Tanios aurait un an. Que conviendrait-il de faire ? Du coin de l'?il, elle vit Kard, un habitué des lieux. Le contrebandier avait apporté à Tanios une image holographique. Il était accroupi devant le berceau et chantonnait dans sa langue aux sonorités rudes et pourtant agréables. L'hologramme scintillait dans sa main. Tanios tendait la main vers lui en gazouillant joyeusement. Soudain, l'objet quitta la main de Kard pour voler lentement vers la main tendue de l'enfant. Sa mère se figea. Elle fixait la scène extraordinaire. Le client qu'elle servait, surpris, suivit son regard. Il n'eut aucune réaction, mais son compagnon se retourna comme s'il avait crié.
« Force !? » murmura-t-il.
Tanios sembla soudain se rendre compte de l'effet qu'il avait produit. Il prit peur. L'objet tomba et l'enfant éclata en sanglots. Kard, abasourdi, ne savait que faire. Lenna voulut se dépêcher de finir de servir les deux clients pour aller rassurer son fils, mais l'homme posa une main sur son bras.
« Laissez, laissez... » dit-il « Pouvons nous voir l'enfant ? »
Lenna hésita. Elle ne savait rien de ces hommes vêtus de bures et qui n'avaient pas même rabattu leur capuche en entrant. Comme s'il avait lu dans ses pensées, l'homme découvrit son visage. Son compagnon l'imita.
-« Ne vous inquiétez pas, nous ne lui voulons aucun mal, juste l'examiner. »
L'examiner ? Tanios n'était pas malade ! Mais l'homme lui inspirait confiance. Elle les mena à l'enfant qui commençait à se calmer. L'homme s'accroupit près du berceau et murmura quelques mots que Lenna n'entendit pas. Tanios s'apaisa aussitôt. Il tendit ses bras vers l'homme qui le prit dans les siens. Il le berça un peu, puis lui posa la main sur le front et ferma les yeux. Il les rouvrit brusquement. Il fixait Lenna. Elle se sentit gênée sous le regard de cet homme, comme si elle était nue. Comme s'il avait deviné, il lui sourit doucement puis détourna ses yeux vers le jeune homme qui l'accompagnait. Il lui tendit le garçon :
« Prends soin de lui, Padawan. J'ai à parler à sa mère. »
Lenna voulu intervenir, mais elle n'en eut pas le temps.
« S'il vous plaît, où pouvons nous parler en privé ? »
La serveuse hésita. Elle ne pouvait abandonner son service. C'est alors que Kard intervint :
« Allez-y. Je m'occupe des clients. »
Un tantinet sceptique quand aux capacités de Kard en tant que garçon de café, Lenna le remercia et conduisit l'étrange homme vers la salle de plonge, pour l'instant inoccupée.

L'homme se présenta alors. Il était le Chevalier Jedi Kenaz. Le jeune homme qui l'accompagnait était son apprenti, Yeva. Ils avaient la certitude que Tanios avait les aptitudes nécessaires pour devenir, lui aussi, un Jedi. Il lui proposa de l'emmener avec lui au Temple Jedi, dans les niveaux supérieurs. Là, il serait formé pour devenir un « Padawan, » puis, peut-être un jour, un Chevalier Jedi.
Lenna se sentit inondée de fierté. Son fils, cet enfant de la misère et du hasard pourrait être un Chevalier Jedi ! Quel meilleur avenir aurait-elle pu rêver pour lui ? Même si elle ne devait plus jamais le voir plus de quelques jours par an, comme le lui expliquait le Jedi, ce sacrifice lui semblait bien mince face à tout ce que son fils y gagnerait.
« Bien sûr, précisa maître Kenaz, si vous préférez garder votre fils à vos côtés, nous n'insisterons pas. Mais vous devez savoir que souvent, la réceptivité à la Force est mal vécue par les enfants qui ne sont pas élevés dans des conditions adaptées. Nous? »
Lenna le coupa. Elle savait à quel point c'était impoli, surtout face à un Jedi, mais elle ne voulait pas laisser trop longtemps la salle sous la seule surveillance de Kard. De plus, sa décision était déjà prise.
« - J'accepte.
- Vous êtes sûre que vous ne le regretterez pas ?
- Oui. Vous lui proposez une éducation, un avenir. Moi, je n'ai rien de tout ça à lui offrir. J'accepte sans regret et avec gratitude. »
Le Chevalier Jedi hocha la tête. Puis il plongea ses yeux dans les siens.
« - Vous vous exprimez remarquablement bien pour?
- ?pour une serveuse de café malfamé ? Oui. J'étudiais la psychologie. J'ai dû arrêter mes études à la naissance de Tanios. J'ai trouvé ce travail? »
Il l'observa d'un regard plein de compassion. Elle se sentit obligée de préciser :
« -Je ne me plains pas !
- Je sais. Comment s'appelle le garçon ? Tanios ?
- Oui. Tanios Estem.
- Estem est le nom de son père ?
-Non. Le mien. Je m'appelle Lenna Estem. Je? j'ignore le nom de son père. » Elle détourna les yeux puis les releva.
« -Non ! Ce n'est pas ce que vous croyez. C'était à une soirée. J'avais bu plus que de raisonnable. Rien de plus ! »
Il lui sourit. Elle comprit que cette dernière phrase était inutile. Cet homme étrange, ce Chevalier Jedi, la connaissait bien mieux qu'elle ne l'aurait cru.

Ils retournèrent dans la grande salle. Tanios riait en tentant d'attraper la longue et fine tresse qui pendait sur l'épaule de son gardien. Ce dernier leva vers eux un regard interrogateur. Le Chevalier répondit d'un hochement de tête.

Lenna réalisa alors qu'elle ne reverrait plus son fils avant de longs mois. Elle se mordit les lèvres pour ne pas pleurer et tenta de sourire en même temps. Comme s'il avait senti la souffrance de sa mère, le garçon se mit à sangloter doucement sur l'épaule de l'apprenti. Lenna refoula son chagrin au fond d'elle-même. Elle prit son enfant dans ses bras et le berça jusqu'à ce qu'il se calme. Elle lui chuchota à l'oreille d'une voix rassurante.
« -Tout va bien. Ces gens vont t'emmener dans un endroit merveilleux. Tu pourras y vivre libre, dans l'honneur et en sécurité. Je suis fière de toi? Tu vas me manquer? Au revoir mon tout petit. Je serai toujours à tes côtés? Au revoir. »
Elle le tendit au Chevalier qui la regardait attentivement.
« - Quel âge avez-vous, Lenna ?
- 21 ans, maître Kenaz.
- Nous nous reverrons sûrement un jour. Au revoir, Lenna Estem. Que la Force soit avec vous. »
Et Lenna regarda partir ces deux hommes dont le plus âgé emportait dans ses bras ce qui avait été pendant tant de jours la seule lumière de sa vie.

Elle n'eut guère le temps de s'apitoyer sur elle-même. Quelques jours plus tard, elle se vit offrir un poste à mi-temps de secrétaire au Sénat. Elle put reprendre ses études et sa vie là ou elle les avait laissées. Une chance de repartir à zéro lui était offerte. Elle la saisit.




**********



Cette fois serait la dernière. Tanios le savait. Ses maîtres avaient décidé qu'à sept ans, il n'avait plus besoin de la visite annuelle. Il partait donc chez sa mère pour la dernière fois. Il était accompagné par maître Yeva, un jeune chevalier récemment promu. Tanios observa les cheveux coupés courts et les traits encore juvéniles de son compagnon. Il y avait une semaine à peine que s'était tenue la cérémonie où sa tresse de Padawan avait été coupée. Tanios avait été invité, il ne savait pas trop pourquoi. Quoique?, il avait peut-être sa petite idée. Mais pour rien au monde il n'aurait posé la question directement. Il ne savait pas pourquoi, mais il sentit que cela ne serait pas bien. Il opta donc pour des moyens détournés.
« - Maître Yeva ? » appela-t-il. Le Chevalier sourit, sans doute heureux de s'entendre appeler ainsi.
« -Oui ?
- Pourquoi est-ce toujours vous et Maître Kenaz qui m'accompagnez aux visites annuelles ?
- Parce que c'est nous qui t'avons ramené au Temple et qu'il est plus simple pour nous et ta mère qu'elle n'ait que deux interlocuteurs récurrents.
- C'est quoi des interlocuteurs récurrents ? » Le Chevalier se mordit les lèvres et sourit :
« -C'est quand les gens auxquels tu dois parler sont toujours les mêmes. Tu comprends ?
- Oui. Vous êtres les intra?intromédia?
- Intermédiaires.
- Oui ?intermédiaires entre Maman et le Temple.
- Exactement.
- Et c'est pour ça que vous m'avez invité, la semaine dernière ?
Yeva fronça légèrement les sourcils et garda le silence. Tanios eut peur de l'avoir fâché et se tut aussi.
« - Non. » dit finalement le jeune homme. « Je ne pense pas que ce soit pour ça. » Il n'en dit pas plus et Tanios n'insista pas. Ils s'étaient compris à demi-mot : il y avait davantage entre eux qu'une simple camaraderie de formalité. Le silence s'installa. Le jeune élève en profita pour rassembler son courage et posa enfin une question qui lui taraudait l'esprit depuis des années.
« -Maître Yeva ? Que savez-vous de mon père ? »
Le visage du Jedi se rembrunit.
« - Je ne peux répondre à cette question. C'est à ta mère que tu devras la poser. Mais je doute qu'elle t'apprenne beaucoup. » Il lui jeta un regard de compassion. « Je suis désolé. »
Tanios hocha la tête, sans rien dire. Il garda le silence un moment, plongé dans ses pensées.

Tout en man?uvrant le speeder dans la circulation complexe de Coruscant, Yeva observait le garçon à la dérobée. Il ne ressemblait pas du tout à sa mère. Ses cheveux étaient noirs, épais et un peu plus longs qu'ils n'auraient du. Le visage n'avait ni l'ovale délicat ni la pâleur de celui de Lenna. Au contraire, ses traits étaient marqués, et sa peau légèrement foncée, un peu dorée? Les grands yeux noirs étaient toujours aussi expressifs. Le Jedi trouvait que pour Tanios plus que pour tout autre, l'expression « miroir de l'esprit » n'était pas usurpée. Il lui suffisait d'un coup d'?il pour deviner l'humeur du garçon. Pour l'instant, il ruminait des pensées mélancoliques. Mais Yeva savait que sa gaieté naturelle reprendrait bientôt le dessus. En effet, au bout de quelques minutes, Tanios lui sourit et déclara.
« - Maman sera contente de vous voir. »
Yeva le regarda, troublé.
« - Vraiment ?
- Oh, oui ! J'arrive à le sentir, vous savez. Les autres gens, c'est difficile, mais elle, je sens toujours ce qu'elle pense quand elle est là. Maître Yoda dit que c'est normal. Que comme c'est ma mère,
« un lien, on a. »
Yeva s'amusa de l'imitation affectueuse du garçon. Il le réprimanda tout de même, machinalement.
« - Tu ne doit pas de moquer de tes maîtres, Tan. Ils sont là pour te guider. Tu leur dois le respect, autant que l'obéissance.
- Oui, Maître Yeva. »
Le garçon se tut quelques minutes, le temps d'assimiler la courte leçon. Puis, il se mit à jouer silencieusement avec des cailloux qu'il sortait de ses poches.
Pendant de temps, Yeva tentait de calmer le trouble qui l'avait envahi après les révélations de Tanios. Il savait que le garçon ne se vantait pas quand il affirmait sentir les émotions de sa mère. Lenna était-elle vraiment heureuse de le voir ? A quoi attribuer cette joie ? Que pensait-elle de lui ?
Ces questions le hantaient. Il savait qu'il n'aurait même pas dû se les poser. Il se morigéna intérieurement. « Je n'ai rien d'autre à faire que de tomber amoureux ? Oui, elle est belle. Oui, elle est attirante. Oui, elle est peut-être attirée par moi. Et alors ? Je suis un Jedi. Un Chevalier même. Je devrais être capable de refouler ce genre de sentiments ! Peut-être aurais-je dû en parler à mon maître, à l'époque ? J'ai cru que je saurai vaincre cette attirance. J'étais si sûr de moi à l'époque? Et à présent, je me sens perdu. C'est la dernière fois que j'accompagne Tan? C'est la dernière fois que je la vois?la dernière fois? » Il se sentit soulagé à cette idée. C'était la dernière fois qu'il serait confronté au flot d'émotions qui le submergeait à chaque fois qu'il croisait le regard de Lenna.
Il tourna brusquement pour éviter un particulier visiblement pressé, talonné par deux speeders de la sécurité. Ils arrivaient chez Lenna. Yeva invoqua la force et chercha son noyau de calme. En vain. Toutes ses appréhensions, tout ses doutes et toutes ses résolutions disparurent devant le sourire éclatant de la jeune femme.
« - Bonjour Maître Yeva. Comment allez vous ? » Son c?ur chavira.



**********


Les enfants n'ont pas de c?ur. C'est là le secret qu'ils oublient en grandissant.



Maître Yeva avait raccompagné Tanios jusqu'à sa chambre, au Temple. Le garçon s'était déshabillé et couché sans vraiment y penser. Il réfléchissait. Lors du départ, à la fin de la semaine, il avait été peiné. Mais c'était plus par compassion pour sa mère que par réel chagrin. C'était au Temple qu'il se sentait chez lui. Les Jedi étaient sa famille. Sa mère était quelqu'un de dehors. Elle faisait partie d'un autre univers. Un univers à part qui n'était pas le sien. Un univers où il n'avait pas vraiment de famille, juste une mère. Il ne lui avait pas demandé pour son père. Il avait senti qu'elle serait triste.
Il ferma les yeux et appela l'image de sa mère. Rien ne vint. Il savait qu'elle était jolie ; l'était-elle vraiment ? Oui. Etait-elle brune ou blonde ? Il ne savait plus ; il n'avait pas regardé. Il sentit des larmes de dépit monter à ses yeux. Il n'avait même pas de souvenirs sûrs de sa mère.
L'eau ruisselant sur ses joues lui rappela soudain qu'il avait un cours de natation le lendemain. Il sourit dans le noir. Il aimait beaucoup les cours de natation. Il ne savait pas pourquoi. C'était comme ça. Avec un soupir d'aise à cette idée, il s'endormit.



Yeva était assis au bord du lac. Il méditait. L'expérience avait été probante. Il aimait Lenna. Et Lenna l'aimait. Il n'était qu'un jeune Chevalier Jedi. Il devait encore faire ses preuves. Ce serait bien mal commencer que de nouer de tels liens avec elle. Ce sentiment était-il dû à l'inaction ? En tout cas, une chose était sûre. Plus jamais il ne rencontrerait Lenna Estem. Il ferait tout pour l'éviter. Puisqu'il était incapable de se maîtriser, il ferait en sorte de ne plus se trouver dans une telle situation. Mais prendre cette décision lui était si douloureux. Il s'allongea sur l'herbe et ferma les yeux. Ses pieds trempaient dans le lac. Cette sensation l'apaisa légèrement. Ce calme factice disparut dès que l'image de Lenna apparut dans son esprit. Son c?ur se serra. Elle était si douce, si forte, si belle ! Ses cheveux blonds foncés flottaient autour de son visage d'une finesse et d'une pâleur telles qu'on l'aurait dit d'ivoire. Elle cligna de ses yeux si verts à l'amande parfaite. Il posa ses mains sur sa taille. Elle lui sourit doucement. Son regard soudain se durcit. Elle le repoussa. Il lut la panique, la colère, dans ses yeux. Il eut peur. Elle cria : « Mon fils !! Qu'a-t-il fait de mon fils » Il vit deux yeux noirs se fermer. Le désespoir l'envahit. Il hurla sa souffrance et sa peine.

« Tout va bien. Tout va bien. Respire. »
Une main fraîche sur son front brûlant. La voix de Kenaz. Il ouvrit les yeux. Il était toujours allongé dans le parc, les pieds dans l'eau. Sa tête reposait sur les genoux de la silhouette penchée au dessus lui.
« - Maître ? » Il s'assit. Kenaz lui fit face.
« -Tu as eu une vision, n'est-ce pas ?
- Oui? je? c'était? troublant. » Kenaz le regarda.
« - Tu veux me la raconter ? » Yeva hésita, encore sous le choc.
« - Non?je?ça va. - Comme tu veux. Tu es sûr que ça va ? Tu es très pâle?
- Oui, oui. » Yeva ne voulait pas se confier à Kenaz. La rupture de leur lien Maître-Padawan était trop récente pour qu'il prenne ce risque. Son ancien maître n'insista pas. Il le raccompagna jusqu'à sa chambre. Juste avant d'entrer, Yeva éternua.
« -Voilà ce que c'est que de s'endormir les pieds dans l'eau? » lança Kenaz en s'éloignant.
Yeva sourit. Il se coucha mais eut du mal à trouver le sommeil. Le lendemain, il demanderait une mission, résolut-il. Mais il savait que cela ne résoudrait rien.


**********


Tanios était complètement absorbé par le combat. Son esprit était divisé en trois parties. L'une d'elles analysait le terrain alentour, une autre, les mouvements de son adversaire et la dernière, la plus importante, synthétisait les deux autres et décidait de sa stratégie. Il n'y avait aucune place pour la distraction ou l'inattention. Son adversaire se lança dans une série d'attaques sur le côté. Tanios les para avec le plus grand mal. A neuf ans, il était encore petit et maigre alors que, son adversaire, Sine, une jeune Togarienne, avait déjà bien avancé sa croissance. Elle avait peut-être deux têtes de plus que lui. Tanios savait que la taille n'importait pas. Seule la maîtrise de la force comptait. Maître Yoda était bien plus petit que lui et pourtant, on disait qu'il était un des meilleurs sabreurs du Temple. La lame de Sine lui toucha le bras, lui causant une légère brûlure. Il n'était pas maître Yoda. Si le sabre avait été à sa puissance maximal, il aurait eu le bras coupé. Heureusement, le coup n'était pas compté comme mortel, et le combat continuait. Haletant, ruisselant de sueur, Tanios était ouvert à la Force. Soudain, il la sentit, douce et ferme à la fois, et puissante. Il se laissa envahir. Une partie de sa concentration étant ainsi occupée, il se contenta de parer les coups de son adversaire en reculant, jusqu'à être acculé contre une des cloisons de la salle d'entraînement. Il vit une lueur de triomphe dans les yeux de son adversaire. Elle croyait avoir gagné. Qu'il lui suffisait à présent de quelques coups pour parvenir à bout de lui. Elle se trompait. Tanios amassa toute la Force qu'il avait laissé l'envahir. Il sauta. Il savait qu'il pouvait le faire. Même si c'était la première fois qu'il s'y risquait. Il passa par-dessus Sine et, se retournant en vol, atterrit dans son dos. Surprise, elle lui lança hâtivement une attaque horizontale à la tête. Trop haut. Il eut à peine à se pencher pour esquiver le coup et lui assena un revers dans la poitrine.
« Fin du duel. » déclara maître Raidhu. « Tanios gagne.»
Tanios s'inclina face à son adversaire pour la saluer. Elle fit de même. Lorsqu'elle se releva, ses yeux brillaient d'enthousiasme.
« - Comment tu as fait ? Pour sauter comme ça ?
- La Force était avec moi.
- Tu m'apprendras ? »
Tatia et Jav, leurs amis, les avaient rejoints. Ils avaient suivi le duel avec intérêt et l'exploit final de leur camarade les avait impressionnés.
« -Oh oui ! » renchérit Jav « tu nous apprendras ? »
Tanios sourit ;
« -Je ne sais même pas si j'arriverai à le refaire ! » Il se tourna vers Sine « Sans ça, tu m'aurais battu, tu sais ?
- Je n'aurais eu aucun mérite, je suis plus grande et plus forte que toi. Mais toi, ce que tu as fait avec la Force est impressionnant !
- Voilà un très courtois échange que je suis navré d'interrompre ! » déclara Maître Yeva qui s'était approché sans que les enfants ne l'entendent. « Tanios, Maître Yoda voudrait que tu le rejoignes dans la salle de réception. »

L'apprenti n'en crut pas ses oreilles.
« - Moi ? Dans la salle de réception ? Mais je croyais qu'il y avait une visite du roi de San Ta ! »
Yeva fit semblant de ne pas comprendre la question implicite : « Qu'est-ce qu'ils me veulent ? ». Le garçon devait apprendre à maîtriser ses émotions et son impatience. Et il ne savait trop que lui dire, ni surtout, comment. Il se contenta donc de préciser, tandis qu'ils se mettaient en route :
« - Pas le roi, mais son représentant. Ann Jenda, Duc de Trey et Jaliv, Comte de Serni, Baron de Farl, Gina et Tales. »
Tanios avait compris que Yeva ne répondrait pas à sa question tacite. Il siffla.
«- Tout ça ? Il doit mettre une heure à signer ses papiers ! »
Le Chevalier sourit. Il sentait la nervosité que le garçon essayait de cacher. Il changea de sujet pour le mettre à l'aise.
« -J'ai vu la fin du duel. C'est la première fois que tu arrives à sauter comme ça ?
- Oui. Je suppose que dans quelques mois, on saura tous le faire ?
- Probablement. Etais-tu sûr que tu y arriverais ?
- Non. Je sentais beaucoup la Force, mais je ne savais pas si j'arriverais vraiment à sauter assez haut.
- En ce cas, tu as pris un trop grand risque en te laissant acculer ainsi contre la paroi. Qu'aurais-tu fait si tu n'avais pas réussi à sauter ? »
Tanios rougit
« - J'aurais perdu?
- Et dans un combat réel, tu serais mort. Tu ne dois pas baser toute ta stratégie sur un élément instable. Ou tu dois avoir un plan de rechange. Mais là, tu t'es mis en danger, sans avoir de possibilité de sortie autres que ton saut.
- Oui, Maître Yeva »
« Moi qui voulait le mettre à l'aise ! » pensait Yeva. « J'ai réussi !! Il est encore plus embarrassé qu'avant ! Enfin, j'ai réussi à lui changer les idées?Et, qui sait, peut-être qu'un jour cette leçon l'empêchera de faire une bêtise. »
Tanios l'interrompit dans ses pensées.
« - Je ne savais pas que vous étiez de retour au Temple.
- Je suis arrivé ce matin. Je pense que je vais rester quelques jours, avant de repartir? »
Ils arrivèrent devant la porte de la salle de réception. Il allait ouvrir la porte, lorsqu'il se ravisa. Le garçon à ses côtés lui lança un regard interrogateur. Il dévisagea le visage enfantin. Non, vraiment, il ne pouvait pas le laisser entrer comme ça. Mais que lui dire ? Il n'était sûr de rien. Il s'accroupit devant le garçon et prit dans ses mains les épaules encore frêles.
« -Tanios, j'ignore ce qui t'attend dans cette salle. Mais quoiqu'il arrive, rappelle-toi que tu es un Jedi. Conduis-toi ainsi que tes maîtres te l'ont appris. Ainsi, tu n'auras rien à te reprocher. »
Le garçon acquiesça, impressionné par la gravité du ton du Chevalier. Il ouvrit la porte et s'avança dans la pièce.

Tous les regards se tournèrent vers lui. Il entendit la porte se refermer. Il y avait là Maître Yoda et un homme. Grand, les cheveux et les yeux d'un noir de jais, la peau foncée, un visage extrêmement mobile et fascinant. Et quelque chose, quelque chose dans ses yeux qui frappa Tanios et le bouleversa. Il resta planté là, à quelques mètres de cet inconnu qui l'était si peu. Il aurait voulu disparaître dans le sol, hurler, se jeter dans les bras de l'homme ou murmurer ce nom qu'il n'avait encore jamais dit : « Papa ». Il ne fit rien de tout ça. Il ne fit rien du tout. Il se contentait de fixer son antagoniste. Celui le dévisageait, l'observait des pieds à la tête, incapable aussi de dire un mot ou de faire un geste. Ils seraient restés ainsi longtemps si Maître Yoda n'était pas intervenu.
« -Tanios, Ann Jenda, je te présente. Monseigneur, voici Tanios Estem. »
Tanios s'avança et se courba devant le duc.
« - Je suis honoré de vous rencontrer, monseigneur. On m'avait dit que votre planète était très puissante. À la grandeur de son représentant, je vois que c'était vrai. »
Le duc sourit, charmé par le compliment du garçon. Il s'inclina à son tour.
« - Je suis très heureux de te voir enfin en personne, Tanios. Je n'ai entendu que du bien sur toi, par tout ceux qui te connaissent. »
Tanios sourit à son tour mais ne dit rien. Il savait tourner un compliment lors d'une présentation, mais pas soutenir une conversation mondaine. Il espérait que Maître Yoda s'en chargerait. Mais il n'en fut pas besoin. S'il avait été ému lors de l'entrée de Tanios, Sa Seigneurie n'en était pas moins un diplomate et un homme du monde. Il enchaîna donc :
« - Je suis d'autant plus heureux de te voir, Tanios Estem, que je te dois des excuses. Parfois dans la vie, il arrive que des choses que l'on croyait sans importance en prennent beaucoup, et qu'on l'ignore. Sur ma planète le lien familial est très important. Nous avons le respect de notre sang. Lorsqu'un homme et une femme ont un enfant, et que, pour une raison ou une autre, il ne peuvent pas s'épouser, ils élèvent tout de même l'enfant ensemble. Cependant, il arrive que des parents abandonnent leurs enfants. Parfois, même, qu'ils ne les reconnaissent pas. Ces gens sont mal vus par le reste de la population. Et je n'ai pas été le dernier à leur jeter la pierre. » Il s'éclaircit la voix, visiblement ému. « Il y a quelques jours j'ai découvert que j'étais un des leurs. Je venais à Coruscant comme ambassadeur extraordinaire de ma planète, lorsque j'ai décidé d'aller rendre visite à une jeune fille que j'avais connu dans le passé, et dont j'avais gardé un bon souvenir : Lenna Estem. »
Là, le Duc s'interrompit. Il regarda Tanios comme s'il attendait qu'il dise quelque chose. Mais le garçon, bien trop ému pour parler, se contenta de le regarder d'un air suppliant, attendant la suite avec un mélange de crainte et d'espoir. L'homme repris donc :
« - Je suis allé voir Lenna. Et là, j'ai appris quelque chose de magnifique et terrible à la fois. J'ai un fils. Et je l'ai abandonné avant même sa naissance. J'ai tellement honte de moi, Tanios ! J'ai supplié ta mère qu'elle me pardonne, ce qu'elle a fait de bon c?ur. A présent, je suis devant toi, toi à qui j'ai le plus fait de tort, et je suis à tes genoux, pour te demander pardon. »
En disant ces mots, il s'agenouilla devant son fils. Tanios resta muet quelques instants. Il sentait ses yeux se remplir de larmes, il ne savait trop pourquoi. Il n'était pas triste, oh non, il était même très heureux. Mais la vue de ce duc si imposant et si tendre agenouillé devant lui le remuait doucement. L'homme qui, bien qu'à genoux lui arrivait à l'épaule leva vers lui un regard inquiet et suppliant. Il lut toute son émotion sur le visage du garçon. Il ouvrit les bras. Tanios s'y jeta en sanglotant. Il sentit les bras de son père se refermer sur lui en une étreinte si longtemps attendue. Il se balançait d'avant en arrière en murmurant sans cesse : « Mon fils, mon fils. » Finalement, Tanios se dégagea en essuyant ses yeux. Il vit son père faire de même.
« - Je vous pardonne » déclara-t-il. « Si vous aviez su que j'existais vous seriez venu me voir ?
- Je vous aurai fait venir, ta mère et toi, sur Trey, où vous n'auriez manqué de rien.
- Mais alors, Maître Kenaz et Maître Yeva ne m'auraient pas trouvé. Je n'aurais pas été au Temple et je n'aurais pas pu devenir un Jedi. Les choses étaient mieux pour moi telles qu'elles se sont passées. Et Lenna était malheureuse, mais elle dit que c'est grâce aux Jedi qu'elle a pu faire ce qu'elle rêvait de faire. Vous n'avez rien à vous reprocher. Je ne vous reproche rien. »
C'était un long discours pour un si jeune garçon, et Tanios se tut.
Le duc lui sourit. Il restait à genoux devant le garçon pour le regarder droit dans les yeux.
« -Dis-moi, Tanios, es-tu heureux ici ?
- Oh oui ! J'apprends à devenir un Jedi ! » Il allait continuer et décrire en détail son entraînement et sa vie lorsqu'il se ravisa. Bien que son père, le duc restait un inconnu. Il l'avait rencontré pour la première fois seulement quelques minutes auparavant.
Son père ne se formalisa pas de ce silence. Il changea de sujet.
« - Tu sais, Tanios, je me suis marié sur Trey. J'ai des enfants. Deux garçons et une fille. Ce sont tes frères et ta s?ur. Souhaiterais-tu les rencontrer ? »
Tanios recula de quelques pas. Il répondit d'un ton hésitant.
« - Je ne sais pas. Je ne suis pas sûr que ce soit possible. Mes maîtres pensent que je n'ai plus besoin de visite annuelle depuis mes sept ans. C'était tard. J'étais un des derniers de ma classe à partir. »
C'est alors que Maître Yoda intervint.
« - Que tu ailles sur Trey, hors de question, en effet, il est. Mais s'il le souhaite, te visiter avec ses enfants, Sa Seigneurie peut. De toi seul, cela dépend. »
Le duc se tourna vers lui avec avidité. « Le veux-tu ? » insista-t-il.
Tanios hésita. De toute évidence, cela ravirait son père. Mais était-ce une bonne chose ? Les Jedi étaient sa famille. Il s'y sentait heureux. Avait-il vraiment besoin d'une autre famille ? Les yeux de son père brillaient. Il allait accepter lorsqu'il sentit quelque chose. Une onde dans la Force. Ça ne le prévenait pas d'un danger précis, non, juste un malaise. Quelque chose de pas très agréable. Il voulut refuser, mais il devina la peine que cela ferait à son père. Il lâcha donc :
« - D'accord. Mais juste une fois. Ils sont de mon sang, mais ils ne sont pas ma famille, vous comprenez ? Ma famille, ce sont les Jedi. Vous me comprenez ? »
Il ne voulait pas que son père croit qu'il le refusait.
« -Oui, Tanios Estem, je te comprends. M'autorises-tu à te présenter ma femme aussi ? »
Cette fois, le sentiment de danger se fit plus pressant. Mais Tanios ne pouvait plus refuser, il le sentait. Il acquiesça, sûr qu'il le regretterait.



Yeva faisait les cents pas derrière la porte. Il avait vu le duc arriver et en avait aussitôt pris ombrage. Il ressemblait trop à Tanios pour qu'il ne le reconnaisse pas comme son père. Il avait senti monter en lui un sentiment qu'il ne reconnut pas tout de suite. Puis il l'identifia, horrifié. Il était jaloux. Lenna avait aimé cet homme, et cette idée le mettait en colère. Il s'empressa de refouler ce sentiment, de s'en débarrasser. Puis Maître Yoda lui avait demandé d'aller chercher Tanios. Et depuis bientôt une heure, il faisait le pied de grue devant la porte de la salle de réception. Que s'y disait-il ? Que racontait cet homme à Tanios ? Il savait que le garçon ne se laisserait pas abuser facilement. Mais il n'avait que neuf ans. A la fin, n'y tenant plus, il colla son oreille contre la porte et en appela à la Force pour entendre ce qui se disait. Il savait que maître Yoda le remarquerait, mais cela lui semblait minime en comparaison de son angoisse. Il entendit le duc demander à Tanios l'autorisation de venir lui rendre visite avec sa femme. Un immense soulagement s'empara de lui : le duc était marié. Il ne venait pas pour reprendre Lenna. L'intensité de son émotion le surprit. Il se croyait guéri de son attachement pour Lenna, mais il n'en n'était rien.
Las, son soulagement fut de courte durée. Il sentit un onde dans la Force, très faible. Un danger. Mais il était lointain, diffus, il ne le concernait pas. Mais qui ? Il remarqua le trouble du garçon qui ne répondit pas immédiatement à la question de son père. C'est alors qu'il comprit. C'était Tanios qui était en danger et le garçon l'avait senti aussi. Néanmoins, il accepta la proposition. Etrange. Pourquoi ne se fiait-il pas à la Force ?
Prenant brusquement conscience de ce qu'il faisait, il s'éloigna vivement de la porte et rougit. Heureusement, personne ne l'avait vu. Il s'éloigna et s'assit sur un siège en attendant que l'entretien prenne fin.

Chapitre 2
Yeva avançait à grand pas dans les couloirs du Temple. Maître Dagaaz lui avait confié une mission impossible : retrouver Tanios Estem. Le garçon avait le chic pour disparaître sans laisser de trace. La dernière fois qu'on l'avait vu, c'était le matin, au réfectoire ; depuis, il semblait s'être évaporé. Il n'était pas le seul, d'ailleurs. Il avait croisé deux ou trois maîtres ou chevaliers eux aussi à la recherche d'apprentis de son âge.
Il finit par se retrouver en train de fouiller le parc et le jardin de méditation. Il puisa dans la Force pour affiner ses sens. C'est alors qu'il entendit des cris, des bruits de sabres lasers s'entrechoquant et d'arbres brisés.
Inquiet, il se précipita dans leur direction, prêt à dégainer son sabre laser. Il arriva au détour d'un chemin et s'arrêta net. Le spectacle qui s'offrait sous ses yeux était stupéfiant.

Les enfants avaient construit un fortin, à grand renfort de chaises, tables, branches, boites, sans doute récupérées aux cuisines. Une bataille épique se tenait à ses pieds, certains enfants essayant de le détruire et d'autre de le protéger. Une dizaine d'entre eux s'étaient réfugiés à l'intérieur et bombardaient leurs assaillants de boue, fruits divers ramassés au sol, pierres et parfois mêmes des morceaux de leurs murailles. Eux-mêmes étaient bombardés d'eau par une équipe des assaillants qui se ravitaillait à une fontaine proche. Parfois, les seaux d'eau atteignaient un sabre laser qui s'éteignait alors, court-circuité. Le propriétaire ne renonçait pas pour autant et s'attelait, qui au bombardement, qui au démantèlement ou à la restauration du château. Par une règle tacite, ils n'attaquaient pas ceux qui étaient encore armés et ceux-là ne s'en prenaient pas à eux.
Et tout ça parmi les cris de joie, de surprise, de victoire, de douleur, les ordres et les contrordres hurlés par les capitaines, les appels et les rires, les crépitement des sabres lasers et le craquement du fortin qui commençait à s'effondrer.
L'ensemble formait un joyeux tohu-bohu inextricable et incompréhensible
Yeva repéra Tanios parmi la mêlée au pied du fort. D'après ses mouvements, il dirigeait l'assaut de l'infanterie contre la base et couvrait les sapeurs qui la détruisaient. Suite à un mouvement de troupe, il se retrouva seul contre trois. Tout en parant les coups, il entreprit de battre en retraite vers ses lignes. C'est alors que les défenseurs firent une sortie. Tanios fut submergé par le nombre. Yeva décida d'intervenir pour le tirer de ce mauvais pas.
« - TANIOS ESTEM » appela-t-il d'une voix de stentor qui couvrit le vacarme. La bataille se figea et tous se tournèrent vers lui. Tanios se dégagea de la mêlée et s'avança vers lui, inquiet, penaud, s'attendant sans doute à une réprimande.
« - J'ai à te parler. Viens voir. »
Soulagés de voir que ce n'était pas leur jeu qu'on leur reprochait, les autres apprentis y retournèrent joyeusement.
Yeva observa le garçon qui se tenait devant lui. Trempé, couvert de boue, de bleus et de plaies, les vêtements tachés de terre et de sang, déchirés et dégoulinants, le fils du Duc de Trey avait piètre allure.
« - La famille de ton père arrive. Cela signifie que tu as précisément cinq minutes pour te laver, te soigner, te changer et rejoindre Maître Dagaaz sur la plate forme d'atterrissage. Exécution ! » ajouta-t-il en souriant. L'apprenti esquissa un salut militaire et partit en trombe. Le sourire de Yeva s'agrandit.
Prudent, il alla s'embusquer devant l'entrée de la plate forme. Lorsque le garçon passa il l'intercepta et l'examina. Il était fraîchement douché, soigneusement peigné et vêtu d'une tunique propre. Yeva prit son bras et jeta un coup d'?il sur la brûlure qui s'étalait dessus.
« - Tu n'as pas soigné tes plaies ! » L'enfant baisa la tête en rougissant
- Je n'ai pas eu le temps?
- Tu aurais dû le prendre. Si tes plaies s'infectent ce sera encore plus compliqué. Tu iras à l'infirmerie dès que ton père sera parti.
-Oui, Maître Yeva.
- Allez, file maintenant »
Mais le garçon ne repartit pas en courant. Il marcha jusqu'à la porte et l'ouvrit. Sa pâleur frappa Yeva. Avait-il eu tort de le laisser partir sans s'être soigné ? Mais il n'avait que des brûlures légères et quelques bleus. Cela ne justifiait pas un tel malaise. Soudain, il se souvint de son impression de danger lors de la première rencontre entre Tanios et son père, quelques jours auparavant. Il observa le garçon plus attentivement. De toute évidence, il avait peur. De quoi ? De rencontrer cette famille inconnue ? Il se concentra la Force vers le garçon. Non, c'était sa belle mère qu'il craignait. Il se concentra davantage et sentit l'onde de danger, sourde et insidieuse, de plus en plus pressante. Voilà ce qui troublait à ce point le garçon. Il allait le retenir, mais il n'en fit rien. Par prudence, il resta à distance, déterminé à suivre la famille discrètement pour pouvoir intervenir le cas échéant.

Tanios s'avança vers la plate forme. Il aurait donné n'importe quoi pour ne pas être là à ce moment. Il sentait une menace dans la Force. Tout son être lui criait de partir, de s'éloigner de cette plate forme, d'éviter cette rencontre. Mais Maître Yeva lui avait demandé de bien se tenir « Conduis-toi ainsi que tes maîtres te l'on appris. » Et Tanios mettait un point d'honneur à obéir à tout les ordres de Maître Yeva. Peut-être un jour, celui-ci le prendrait comme Padawan. Mais Tanios n'y pensait pas trop. Il ne serait pas Padawan avant trois ans au moins. Le tiers de sa vie ! Il avait tout le temps d'y penser. Il fronça les sourcils et se concentra sur l'instant présent. Il y avait déjà bien assez à penser comme ça. La navette, passablement luxueuse, arrivait. Il alla se placer près de Maître Dagaaz. Celui-ci perçut son inquiétude et s'en étonna. Il tenta de le rassurer :
« - Il est toujours troublant de rencontrer pour la première fois des gens qui auraient pu être vos compagnons les plus intimes. Ils sont sûrement aussi effrayés que toi si ce n'est plus : ils n'ont pas bénéficié comme toi d'un entraînement Jedi. Souviens-toi de ce que tu as appris et sers t'en. Ne te laisse pas submerger par tes sentiments. Tâche de trouver ton centre de calme. »
Tanios s'y efforça, mais en vain. Il se concentra et puisa dans la Force. Le sentiment de danger s'accentua. Il tourna vers le maître un regard suppliant.
« -Je n'y arrive pas? »
Il semblait au bord des larmes. Dagaaz était troublé par la frayeur irrationnelle du jeune apprenti. C'est à ce moment que le duc Ann de Trey et la famille descendirent de la navette. Tanios s'avança vers eux. Dagaaz sentit l'effort qu'il faisait pour paraître calme et se sentit fier de ce jeune Jedi. Ce dernier se raisonnait et tentait d'oublier le sentiment de crainte qui le taraudait. Au milieu de ces visages inconnus, celui du duc paraissait étrangement familier et rassurant. Trois pas seulement le séparaient de l'ambassadeur extraordinaire de Sa Majesté. C'est alors qu'il se demanda comment il convenait de le saluer. Son père répondit pour lui à la question en lui ouvrant les bras. Tanios lui rendit son étreinte puis se tourna vers la femme et les trois enfants qui étaient restés en retrait.
« -Tanios, je te présente Dame Inna de Trey, mon épouse » Tanios la trouva belle. Pas autant que sa mère, mais presque. Elle avait de longs cheveux noirs qui tombaient dans son dos en une multitude de petites tresses. Elle était vêtue d'une robe ample qui couvrait tant bien que mal son gros ventre. La blancheur éclatante de sa robe contrastait avec son teint presque noir. Elle portait un collier et des bracelets d'or qui l'embellissait encore davantage.
« - Je suis enchantée de te voir enfin, Tanios. Mon époux ne tarit pas d'éloges sur toi. J'espère que tu voudras bien m'appeler Inna. »
Elle lui tendit sa main. Tanios croisa son regard. Il y lut une gentillesse et une naïveté qui le désarmèrent. Comment avait-il pu craindre quoi que ce soit de la part de cette femme ? Elle était visiblement incapable de faire ou de concevoir le mal. Après tout, il n'avait que neuf ans. Il ne pouvait pas encore se fier entièrement à son instinct. Il avait du confondre sa répugnance personnelle avec un avertissement de la Force. Il lui sourit en lui baisant la main.
« - Seulement si vous acceptez de m'appeler Tan, Madame.
- Tout plutôt que de t'entendre m'appeler « madame ». » Elle rit.
« - Eh bien, Tan, permet moi de te présenter mes enfants. Voici Jan, Fleure et Tom Jenda. Jan à un an de moins que toi. Fleure à six ans et Tom trois. Et lui, ajouta-t-elle en caressant son ventre, moins deux mois. »
Tanios regarda le gros ventre
« - Je suis content pour vous » déclara-t-il.
Il se tourna vers les enfants. Il les salua un par un, s'inclinant à chaque fois. Tout d'abord vers Jan. Il avait senti de l'hostilité chez le garçon, sans pouvoir en identifier la cause. Il puisa dans la Force pour y chercher l'inspiration d'un compliment neutre.
« - Bonjour Jan. Les Jedi n'ont pas de famille et nous ne nous reverrons certainement pas. Cependant, je serais honoré d'être, l'espace de quelques heures, ton grand frère. »
Jan ne dit rien et se contenta d'un bref signe de tête
Puis Tanios se tourna vers la petite fille. Chez elle, il ne sentit qu'un mélange de crainte et d'admiration. Il lui prit la main et la baisa.
« - Bonjour Fleure. Je regretterai de ne pas te voir grandir. Tu es déjà si jolie que tu deviendras certainement un très belle dame »
La fillette rougit de plaisir et plongea dans une révérence.
« - Merci beaucoup Tan. Je crois que tu seras un grand Jedi. »
Tanios lui sourit et se tourna vers le petit dernier. Il s'inclina.
« - Bonjour Tom. Tu veux bien être mon petit frère ? »
L'enfant, enchanté de se voir traité à l'égal des plus grands s'appliqua avec le plus grand sérieux à s'incliner à son tour.
« -Oui. » déclara-t-il solennellement
Tanios eut alors l'idée d'une espièglerie qu'il mit aussitôt en application. Il se tourna vers sa belle mère et effleura son ventre de la main.
« - Bonjour « moins-deux-mois ». Je regretterai de ne pas t'avoir connu. »
Inna éclata de rire et se tourna vers son époux.
« - Mais c'est qu'il est charmant ton fils ! »
Tanios s'inclina à nouveau et déclara.
« -C'est de famille ! » ce qui fit rire de plus belle Inna et Ann. Les plus jeunes rirent à leur tour, de voir rire leurs parents. Tanios laissa un grand sourire envahir sur son visage, heureux d'avoir conquit sa famille. Seul Jan ne riait pas. Il restait droit, fier et impassible. Leurs regards se croisèrent et le jeune Jedi frissonna devant la haine qu'il lisait dans les yeux du garçon.
Maître Dagaaz s'avança et s'inclina.
« - Je suis enchanté de faire votre connaissance. Je suis Maître Dagaaz, un des maîtres de Tanios.
- Je suis heureux de vous rencontrer et de pouvoir vous dire que je suis fier que mon fils bénéficie d'une telle éducation. Je sais qu'il est entre de bonne main, parmi vous.
- Je vais vous guider jusqu'à la salle de visite, puis je vous laisserai entre vous.
- Je vous remercie de cette attention »
Ils se mirent en route.

Yeva avait assisté de loin au début de l'entrevue. Il avait vu Tanios parler avec Maître Dagaaz, puis s'avancer pour saluer sa famille. L'impression de danger que tous deux avaient sentie disparut. Le chevalier observa la famille Jenda. Ils n'avaient pas vraiment l'air dangereux. Il en appela à la Force, mais ne sentit aucune menace. Rassuré, il s'éloigna pour rejoindre sa chambre. Il partait en mission tôt le lendemain matin et il lui restait quelques affaires à régler.

Le chemin qui menait de la plate forme à la salle de visite passait par le hall principal. Les enfants, impressionnés, se regroupaient derrière leur mère. Les parents eux même étaient silencieux. Cela ne faisait pas l'affaire de Tanios. Il voulait parler seul avec Maître Dagaaz. Celui-ci devait avoir compris le désir du garçon car il les fit passer près de la nurserie. Là, les cris et les rires fusaient. Le garçon se rapprocha de maître et l'interrogea.
« Maître Dagaaz, pourquoi est-ce que Jan ne m'aime pas ?
- Tu lui prends son rôle de grand frère et de modèle ainsi que l'admiration des plus jeunes. Il craint de plus que tu ne lui voles l'affection de ses parents et que, en tant qu'aîné, tu ne réclames en héritage ce qu'il se croyait acquis. Il a peur que ce soit toi et plus lui l'héritier du duc.
- Mais je ne veux rien de tout ça ! » s'exclama Tanios.
« - Je sais. Mais lui l'ignore. A toi de le lui dire. » conclut Dagaaz .

Ils arrivèrent à la salle de visite. Au contraire de la salle de réception qui était grande et solennelle, celle de visite était beaucoup plus intime. Des fauteuils confortables étaient disposés en cercle autour d'une table basse sur laquelle on avait placé à profusion sucreries, pâtisseries et boissons diverses.
« - Vous pourrez venir ici pour goûter ou discuter. Si vous voulez, Tanios peut vous emmener au jardin. Je viendrai vous chercher ici vers cinq heures. Bon après midi ! » Et Maître Dagaaz s'éloigna, laissant Tanios seul avec sa famille. Celui-ci ne savait trop que faire ou que dire. Il souleva brusquement la tête vers son père.
« - J'ai une idée ! Et si on prenait tout et on allait pique-niquer dans le jardin au bord du lac ?
- Un lac ? » interrogea Inna en jetant un coup d'?il inquiet à Tom.
« - L'eau n'est pas profonde sur les bords.
- Qu'en pensez vous les enfants ? » demanda Ann.
Lesdits enfants n'osant ou ne voulant toujours pas parler, ils se contentèrent de hocher la tête en signe d'assentiment.
« - Alors l'idée de Tan est adoptée à l'unanimité. Chacun porte quelque chose et on y va. Tan, tu nous guides. »
Ainsi fut fait. Mais le voyage se fit encore en silence. Tanios en était malheureux. Il aurait voulu que l'ambiance se détende, mais il ne savait pas quoi faire pour cela. Les deux adultes parlaient entre eux tout en surveillant les enfants. Il se dit qu'il devrait proposer un jeu. Il se rapprocha des deux plus grands et leur proposa
« - On fait une embuscade ? » L'idée fut approuvée. Au « trois ! » de Tanios, tous partirent en flèche, talonnés par Tom qui ne voulait pas être laissé en arrière. Ils se cachèrent au coin de couloir et quand les adultes arrivèrent, ils leurs sautèrent dessus avec des hurlement.
L'incident améliora considérablement leurs rapports et Tanios se sentit enfin à l'aise dans sa famille. Ils jouèrent tout l'après-midi sur les rives du lac, se baignèrent, dévorèrent le goûter et se séparèrent finalement devant la plate forme bien plus tard que prévu. Tanios les embrassa tous, y compris Jan avec lequel il s'était réconcilié. Puis il s'écarta et fit de grands signes de la main. Cinq bras se tendirent et s'agitèrent en réponse. Puis la navette s'éloigna et se perdit dans la circulation fournie de Coruscant.
Heureux de la journée mais un peu triste qu'elle soit déjà finie, Tanios rejoignit ses amis.



**********
Yeva traversait pensivement le Temple. Il se sentait heureux d'y être à nouveau. Il revenait d'une série de missions dans la bordure extérieure qui l'avait tenu éloigné du Temple pendant près d'une année. Il avait même manqué la journée de l'Exhibition. Néanmoins, il avait assisté à la précédente, et cela lui suffisait pour être sûr de son fait. Tanios avait à présent douze ans et il y avait quelques mois déjà qu'il avait été jugé capable de devenir Padawan. Il se souvint de l'année précédente. Le garçon avait fait preuve de capacités physiques et d'une maîtrise de soi et de la Force remarquables. Il n'était pas le meilleur de sa classe mais il se défendait bien.
Yeva et lui avait déjà des rapports privilégiés dont le Chevalier sentait qu'ils se transformeraient naturellement en une bonne relation maître-padawan. Il avait tout de même tenu à faire part de sa décision à maître Yoda et à lui demander son avis. Le maître l'avait approuvé. Il avait ajouté que Tanios était un étudiant relativement facile et qu'il était un bon choix pour un premier Padawan. Yeva devait juste veiller à ses « expériences ». Il n'avait rien ajouté et le Chevalier s'interrogeait sur ce qu'il avait voulu dire.
Il se dirigeait vers la chambre de Tanios pour lui annoncer la nouvelle. Il s'arrêta devant la chambre et frappa. N'obtenant aucune réponse, il ouvrit la porte. Il se figea, tétanisé par le spectacle qui s'étalait devant ses yeux.
Tanios était allongé, pâle, les yeux clos, le visage crispé par l'effort et la concentration, couvert de sueur. A un mètre du sol.
C'était ce qui stupéfiait Yeva.
Mais il était également horrifié. Il sentait la force s'échapper du garçon à une vitesse phénoménale. Il avait dû trouver, la Force sait où, l'énergie de monter, mais pas celle de redescendre, se retrouvant coincé en haut.
Yeva s'avança vivement et prit le garçon dans ses bras en appelant.
« Tan ! Je suis là. C'est bon, tu peux lâcher. Je suis là. »
Il espérait que l'enfant l'entendrait. En effet, il sentit la concentration du garçon disparaître et le corps dans ses bras se détendit et s'affaissa. La tête roula sur son bras. Maintenant que la Force n'était plus en lui, Yeva s'effraya de la faiblesse du garçon. Il l'allongea doucement sur le lit et s'accroupit à son chevet. Il prit la main glacée dans les siennes. Il sentait la Force partout, en lui et autour de lui. Il l'invoqua et l'amassa puis la transmit à Tanios. Au bout de quelques minutes le jeune apprenti ouvrit les yeux. Il observa vaguement les alentours sans réussir à fixer son regard. Enfin, il réussit à le voir et à le reconnaître. Il murmura :
« - Maître Yeva ?
- Oui, c'est moi. Et tu as de la chance que je sois arrivé à temps ! Tu aurais pu te tuer ! Ne refais jamais ça ! » Il avait du mal à maîtriser sa voix. La colère, le soulagement et le contrecoup de sa peur se la disputaient en lui.
« - Je voulais essayer? Je ne pensais pas que la descente serait si dure? J'ai eu très peur de rester coincé? ?Heureusement que vous êtes arrivé, sinon,? je ne sais pas ce qui se serait passé. Merci. »
Yeva avait son idée de ce qui aurait pu se passer s'il n'était pas arrivé à temps, mais il n'en dit rien. L'apprenti avait eu assez peur comme ça, il ne recommencerait pas. Le Chevalier comprenait à présent ce que Maître Yoda entendait par « veiller à ses expériences ».
Les traits de Tanios étaient tirés et il restait pâle. Il fixait sur lui des grands yeux curieux et inquiets.
« - Tu es très affaibli. Dors à présents. »
L'enfant s'endormit presque instantanément. Yeva demeura assis à son chevet. Il invoqua la Force et la concentra sur le garçon. Il resta ainsi jusqu'à l'aube puis, assuré qu'il était hors de danger, il regagna sa propre chambre pour dormir quelques heures. Il prit soin tout de même auparavant de signaler à l'incident à l'infirmerie. Maître Tiin leva les yeux au ciel et soupira : « Encore Tanios Estem ! Qu'inventera-t-il la prochaine fois ?... Nous lui enverrons à manger dans quelques temps avec l'ordre de rester au lit. Merci de nous l'avoir signalé. »

Yeva passa voir Tanios dans l'après-midi. Il l'observa un moment, adossé au mur de la chambre. Le garçon avait repris des couleurs et dormait paisiblement. Il dut sentir la présence du Chevalier car il se réveilla au bout de quelques minutes. Il cligna des yeux plusieurs fois puis sourit.
« - Bonjour Maître Yeva !
- Bonjour Tan. Comment te sens-tu ?
- Bien mieux. Merci encore de votre aide hier. ? Maître Tiin a dit que je ne pourrai me lever que quand vous m'y autoriseriez. Je suis guéri maintenant. S'il vous plaît, est-ce que je peux me lever ? »
Le chevalier sourit.
« - Tu es guéri, dis-tu ? Nous allons voir ça. Habille-toi et rejoins-moi dans la salle d'escrime. » Les yeux du garçon brillèrent et il sauta au bas de son lit. Yeva le laissa se préparer et se rendit dans la salle d'escrime. C'était un endroit qu'il appréciait particulièrement. Ici, tous se mélangeaient. Plusieurs combats avaient lieu simultanément dans l'immense salle. Ici et là, des groupes de spectateurs discutaient avec animation, commentant les combats qu'ils observaient. Certains s'entraînaient seuls à faire des séries d'exercices. Il vit deux apprentis absorbés dans une routine tellement rapide que leurs sabres semblaient deux papillons de lumière. Les routines consistaient en une suite d'attaques et de parades que l'on faisait de plus en plus rapidement jusqu'à ce qu'un des antagonistes abandonne. Celle-ci était assez simple mais les deux combattant la maîtrisaient assez pour qu'elle soit spectaculaire. Les combats se croisaient et s'entremêlaient. Il était fréquent que l'ont doive parer en catastrophe des coups qui ne vous étaient pas destinés et ne provenaient pas de votre adversaire. Ce désordre était recherché par ceux qui voulaient travailler l'interaction avec l'environnement. En effet, la concentration requise pour ne pas être touché par erreur ou pour ne pas blesser les spectateurs était énorme.
C'était également l'endroit où l'on pouvait nouer de nouvelles relations. Ici, les groupes n'étaient pas fermés. Lorsqu'on entrait dans la salle, celui qui souhaitait s'entraîner et n'avait pas d'adversaire vous proposait de l'affronter, sans souci de votre âge ou votre expérience. C'était en réalité plus un lieu de détente que d'entraînement. Deux ou trois défis lui furent lancés en quelques minutes mais Yeva les déclina tous, expliquant qu'il attendait quelqu'un. Enfin, Tanios arriva.
« - As-tu pris ton sabre laser ?
- Oui, Maître Yeva
- Très bien alors ? en garde » déclara-t-il en se levant et en activant son propre sabre.
Le garçon tira le sien et para de justesse le coup que lui portait le Chevalier. Il attaqua à son tour mais sa lame taillada le vide. Yeva avait bondi et se trouvait à présent au milieu d'un espace dégagé. L'apprenti dut courir pour le rejoindre. Il para la série de coups que lui envoyait son adversaire puis attaqua à nouveau. Cette fois, le chevalier ne se déroba pas, mais para tout les coups, implacablement. Tanios recula et repris son souffle. Il était déjà hors d'haleine et couvert de sueur alors que son adversaire était frais, calme et dispo, comme s'il sortait d'une séance de méditation. Un groupe de spectateurs se forma autour d'eux. Aiguillonné par leurs regards, Tanios attaqua de plus belle, sans aucun résultat. Yeva parait tout ses coups, sans efforts apparents. Puis, brusquement, il passa à l'attaque. Tanios vit à peine son sabre bouger. Il aperçut un flou lumineux et se sentit touché quasi simultanément au flan, à la poitrine et au cou. Trois coups considérés comme mortels. Yeva se tenait face à lui et semblait ne pas avoir bougé. Il éteignit son sabre et s'inclina devant le garçon ébahi. Celui-ci trouva l'esprit de l'imiter, en prenant brusquement conscience que le combat était déjà fini et qu'il était vaincu. Hors d'haleine, il alla s'effondrer sur un des bancs qui bordaient la salle. Il se releva, réalisant que Yeva l'avait suivi. Il ne voulait pas paraître faible devant le chevalier. Celui-ci l'observait.
« - Tu te bats bien.
- Il me reste encore beaucoup à apprendre. Je n'ai toujours pas compris comment vous m'avez touché !
- Tu étais encore affaibli par l'incident d'hier soir. Mais il est vrai qu'il te reste encore un long chemin à faire pour devenir un jour un Jedi. Voudrais-tu de moi pour guide, à tes côtés ? Je serai fier de t'avoir comme Padawan, Tanios Estem. »
Un bonheur sans nom envahit Tanios. Il s'attendait à la proposition, mais il n'en était pas moins heureux. Il avait craint que « l'incident d'hier soir » et l'absence prolongée du chevalier ne le poussent à remettre en compte ses facultés à être un Jedi. Il voyait avec joie qu'il n'en était rien.
« -J'accepte, Maître Yeva. »
Leurs regards se croisèrent et ils se sourirent.
Et chacun prit conscience que l'autre serait son quotidien, son soutien et son inquiétude, pour de nombreuses années à venir.
Chapitre 3
La guerre était une chose horrible. A ce moment, plus qu'à tout autre de sa vie, Ann de Trey en était persuadé. Son Altesse l'avait chargé de mener une expédition punitive sur une de leurs petites colonies, Sand. Les habitants de cette planète s'étaient rebellés et avaient tué tous les émissaires royaux alors sur place. Les enjeux politiques de l'expédition lui avaient été dits et expliqués : si San Ta ne réagissait pas, toutes les autres colonies l'imiteraient. De plus, sa Majesté ne pouvait cautionner le meurtre de ses sujets. Ann se le disait et se le répétait tandis qu'il observait au travers de la vitre de son vaisseau de commandement la foule amassée à ses pieds qui criait et suppliait. Sand était la seule ville de la petite planète à peine habitable. Le c?ur d'Ann se sera lorsqu'il réalisa combien d'efforts et de sacrifices avaient été nécessaires à sa construction.
Ses hommes avaient rapidement pris le contrôle de la petite citée blottie au creux d'une vallée, à l'abri du soleil brûlant de l'été et des glaces de l'hiver. Toutes les personnes prises les armes à la main étaient abattues sur place. C'était Ann lui-même qui avait donné cet ordre. Sand devait être un exemple pour les décennies à venir. Le roi, son maître, l'avait approuvé. Mais Ann se sentait un assassin de la pire espèce.
A présent, la ville était déserte. Du moins l'espérait-il. Il leva le bras. Il savait que quand il l'abaisserait, la vie de tous ces gens qui le suppliaient en pleurant allait s'écrouler. Les canons de ses vaisseaux se dirigèrent vers le citée et la foule de sa population rassemblée à ses pieds. Il entendit des cris d'horreurs. Certains, croyant qu'ils allaient être fusillés, tentèrent de fuir dans la ville. Le duc savait qu'ils se condamnaient en y entrant. Soudain le silence se fit et tous se tournèrent vers lui. Il croisa le regard d'un homme de son âge qui tenait contre lui une petite fille et un jeune garçon. La garçon avait le même âge que son petit dernier. Ann sentit sa volonté vaciller. Il ferma lâchement les yeux et abaissa son poing. Il entendit les salves de lasers que tiraient ses vaisseaux. Il entendit les hurlements de la foule. Il rouvrit les yeux et s'attarda sur le spectacle qui s'offrait à lui ; La ville n'était plus qu'un amas de ruines sur lesquelles ses vaisseaux s'acharnaient pour s'assurer que nul ne pourrait plus y trouver refuge. Il avait suffit de quelques minutes pour faire d'une cité prospère et joyeuse, un tas de débris sinistre et insupportable d'horreur.
Enfin, les tirs cessèrent. La foule que survolait le Duc était partagée entre la joie de se trouver en vie et l'horreur face à la destruction de leur citée. Puis soudain, ils réalisèrent qu'ils allaient rester sans abris face à l'hiver qui arrivait. Des clameurs de désespoir s'élevèrent. Ann s'effondra dans son siège.
« - Replis. On rentre. » murmura-t-il.
Le vaisseau s'éloigna rapidement de la citée détruite et de sa population condamnée. Les hivers sur Sand étaient très rigoureux et duraient près d'une année standard. Peu d'entre eux y survivrait. Ils étaient renvoyés à l'époque lointaine où nulle civilisation ni technologie n'existait. Savoir l'amplitude de sa responsabilité dans les milliers de morts qu'avait causé ou que causerait l'expédition le terrifiait. Il se demanda si la petite fille de l'homme serait encore vivante au prochain printemps. Il s'efforça de chasser ces images de son esprit. Dans quelques heures, il serait chez lui et il ne voulait pas inquiéter la famille. Il pensa à sa femme. Inna l'aimerait-elle encore si elle savait ce qu'il avait fait ?
« Bonjour chérie ! J'ai eu une très mauvaise journée. J'ai fait assassiner des centaines de personnes et j'ai condamné ceux qui étaient trop faibles pour se battre à mourir de froid et de faim dans l'hiver qui arrive. Un vrai génocide en quelque sorte. Mais oui, chérie, je t'aime ! »
Génocide.
Le mot le hante. Il n'a fait qu'obéir aux ordres. Il a donné à une partie de la population une chance de survivre. Vraiment ? Ne les a-t-il pas plutôt condamné à une mort plus atroce encore ? San Ta s'approchait. Il distinguait la capitale et le palais royal. Il lui faudrait rendre compte, puis il rejoindrait sa famille sur Trey. C'est l'été en ce moment sur Trey. Il pourrait emmener les enfants nager dans le lac.
Génocide.




*********



Yeva et Tanios cheminaient ensemble vers l'une des plates formes d'atterrissage du Temple.
Il leur avait fallu plusieurs semaines d'entraînement pour que Maître Yeva décide qu'ils étaient capables de partir ensemble en mission. Il y avait déjà trois mois qu'ils avaient échangé leurs serments, avec l'approbation du Conseil. Depuis, ils avaient enchaîné les séances d'entraînements et de méditation afin de renforcer leur lien maître-padawan encore neuf. Ils avaient de plus emménagé dans leurs nouveaux quartiers.
A présent ils se dirigeaient vers le vaisseau qui les emmènerait jusqu'à une planète de la bordure médiane, où ils étaient envoyés en mission.
« Ma première mission » songeait Tanios excité à cette idée. Il était heureux, il allait enfin pouvoir mettre en pratique ce qu'il avait appris au cours de toutes ces années passées à étudier.
Yeva sentait l'enthousiasme du garçon. Il sourit. Il était dans le même état lorsque, des années plus tôt, Maître Kenaz l'avait emmené pour la première fois en mission. Puis cette émotion s'était amoindrie au fil des missions et avait fini par disparaître. Il se réjouissait de la ressentir à nouveau à travers son Padawan. Il songeait au souffle de nouveauté que le garçon avait amené sur sa vie. Ces temps-ci il avait ressenti une lassitude qui l'étonnait et qu'il n'arrivait pas à combattre. Plus grand-chose ne l'émerveillait ou ne l'horrifiait. Il avait réalisé qu'il était blasé et cette idée l'avait profondément dégoûté. Il remarquait à présent que sa connexion avec la Force en avait souffert également. Sur le coup, il avait mis cela sur le compte de la fatigue, mais il savait à présent qu'il n'en était rien.
Sans qu'il ne s'en doute, son Padawan lui avait été d'une aide salutaire. Redécouvrir la galaxie et la vie à travers ses yeux promettait d'être passionnant. Il jeta un coup d'?il au garçon qui regardait avec admiration le vaisseau qui devait les conduire sur Etti IV. Il était pourtant d'un type tout à fait courant, et ne présentait aucune particularité. Yeva réfléchit à ce qui pouvait émerveiller ainsi son Padawan. Puis il comprit. Ce n'était pas le vaisseau qui était si important, mais ce qu'il représentait. Un moyen de transport. Le départ du Temple et de Coruscant.
Ils se dirigèrent vers le vaisseau. Au moment de monter sur la passerelle, Tanios marqua un moment d'hésitation. Son maître le regarda, étonné. Il soutint nerveusement son regard.
« - C'est juste que? heu? je ne suis jamais monté dans un vaisseau avant. Juste des speeders?. »
Yeva sourit.
« -Un grand moment d'émotion, hein ? » Plaisanta-t-il. Il n'en dit pas plus. Il sentait que cela aurait vexé le garçon. Il voulait affronter son appréhension seul, et il le laisserait faire. Il avait bien besoin de surmonter seul une épreuve, fut-elle minime, en ce début de première mission. Cela l'aiderait à prendre confiance en lui. Il passa donc devant lui et gagna leur cabine pour y poser son sac de survie. Son Padawan arriva quelques minutes plus tard, détaillant le vaisseau avec émerveillement. Une fois de plus, il arracha un sourire à Yeva. Il ne dit rien, se contentant de s'asseoir sur une des couchettes et d'observer son Maître. Celui-ci s'assit en face de lui et commença à le préparer à la mission qui les attendait.
« - Explique-moi la mission, Padawan. » Le garçon sourit et se leva pour faire son exposé
« - Etti IV est une planète normale. Les Ettis qui y habitent sont des humanoïdes à peau bleue pâle. Cette planète est le siège du Secteur Corporatif, une entreprise de commerce qui est en plein développement. Le dirigeant officiel de la planète est aussi le directeur de Secteur Corporatif, l' ExO. Cependant certains Ettis, les Opposés, n'apprécient pas le pouvoir du Secteur Corporatif. Ils font des coups de main sur des bureaux ou menacent des membres du Direx, le conseil d'administration du Secteur Corporatif. Leur cause est peut être défendable, mais pas les moyens qu'ils utilisent. »
Yeva sourit au commentaire du garçon.
« -Effectivement. Mais ils pourraient aussi faire bien pire. Et c'est ce que nous devons à tout prix éviter. Tu as très bien décrit la planète, Padawan. A présent détaille les faits qui les ont poussés à faire appel aux Jedi.
- Les Opposés ont décidé de faire un grand coup. Ils ont enlevé le fils unique de l'ExO, Bowman, et l'ont pris en otage. En réaction l'Exo a fait arrêter les familles des membres connus des Opposés et menace de les exécuter s'ils font le moindre mal à son fils. En tout, deux à trois cent otages sont pris dans cette opposition. Les deux partis ont commencé à négocier et semblaient sur le point de régler seuls l'affaire. C'est alors que les Opposés ont brusquement interrompu les négociations. L'ExO, exaspéré, a exigé l'appel aux Jedi. Les Opposés ont accepté. Maître, comment pouvons nous leur faire relâcher leurs otages ?
- Leur faire relâcher leurs otages ? Nous ne pouvons rien leur faire faire, Padawan, juste leur faire admettre l'absurdité de leur comportement. Mais en aucun cas, nous ne pouvons les forcer à faire quoique ce soit.
- Mais si les choses tournent mal ? Si un des deux partis décide d'exécuter ses otages ? Nous ne pourrons rien faire ?
- Absolument rien, Padawan. Nous opposer au gouvernement en place causerait des dommages bien plus grands que l'exécution d'une centaine d'otages.
-Comme ?
-Une guerre entre le Secteur Corporatif et la République, par exemple. Ou la chute du gouvernement en place et la guerre civile qui s'en suivrait immanquablement. ?Ou l'obligation pour deux Jedi de réviser entièrement pendant des mois les lois galactiques.» Ajouta-t-il en voyant l'air effrayé de son Padawan à l'idée des catastrophes qu'il pourrait déclencher. Le garçon sourit, mais reprit vite un air sérieux qui enchanta son maître.
« -Mais, Maître, une fois arrivés, qu'allons-nous? »Il pâlit soudain et chancela. Son maître le rattrapa par les épaules et le força à s'asseoir.
« - Ce n'est rien. C'est normal, c'est la première fois que tu passes en hyperespace. Tu verras, on s'y fait très vite. Ta nausée va bientôt disparaître, et la prochaine fois, tu ne seras plus surpris. »
En effet, il fut complètement remis quelques minutes plus tard, et put enfin poser sa question, sûr que le contenu de son estomac resterait à la place qui était la sienne.
« - Comment allons nous faire ?
- Réfléchis. Quand est-ce que les choses ont vraiment dégénéré ?
- D'abord, ils voulaient bien négocier? et puis d'un seul coup, les Opposés n'ont plus voulu?Pourquoi ont-ils changé d'avis ?
- C'est ce que nous devrons découvrir, Padawan. J'ai l'impression que la clef est là.




*********



Yeva et son Padawan dînaient en compagnie de l' ExO et de son épouse. Tous deux mangeaient et discutaient comme si tout était normal, comme si leur fils était en parfaite santé et hors de danger, dans sa chambre. Le sujet ne fut même pas abordé. Yeva admirait leur impassibilité. Car sous ces airs sereins, le tourbillon d'émotions qu'il ressentait chez les époux était indéniable. Ils étaient pleins d'inquiétude. A la fin du repas, la maîtresse de maison se retira et l'ExO leur proposa de le suivre dans la bibliothèque. Là, ils s'assirent dans un confortable canapé, tandis que leur hôte faisait les cents pas devant eux. Il s'arrêta brusquement et leur fit face.
« - C'est incompréhensible ! » s'exclama-t-il. « Ils étaient tout à fait d'accord pour négocier, c'était même pour ça à la base qu'ils l'avaient capturé ! J'avais réussi à obtenir de lui parler. Il allait bien, me disait-il, et il était bien traité. Et puis du jour au lendemain, ils refusent les conditions qu'ils avaient accepté la veille, se montrent odieux, présentent des exigences exorbitantes, bref, on jurerait qu'ils font tout leur possible pour retarder voir empêcher la résolution du conflit. Je me suis montré plus que conciliant, mais je ne peux et ne veux pas faire plus ! Mais impossible de les faire revenir sur leurs propositions ! J'ai senti que la situation était bloquée et j'ai proposé qu'on vous appelle ! Sans joie au c?ur, notez. Je n'aime pas que l'on vienne regarder dans nos affaires. Mais ils n'étaient pas très chauds non plus, je peux vous le dire. Puis ils se sont retirés, ils ont causé un peu, enfin je suppose, si ça se trouve, ils se sont tapés dessus ! Puis ils sont revenus totalement enthousiastes. Au point que j'ai failli retirer ma proposition ! Mais les Jedi, vous êtes impartiaux et vous respectez la non-ingérence, n'est-ce pas ? »demanda-t-il en leur lançant un regard torve. Ravi de pouvoir enfin placer un mot mais irrité par ce discours méprisant, Yeva répondit froidement :
« - Assurément. Nous ne sommes là que pour empêcher un conflit ou un massacre, en aucun cas nous ne prendrions partis. » L'ExO remarqua la froideur du Chevalier.
« - Excusez-moi, je me suis emporté, je n'aurais jamais dû vous parler sur ce ton. Que comptez vous faire ?
- Nous avons votre opinion sur l'affaire. Il nous manque celui des Opposés pour pouvoir avoir une vision claire et impartiale de la situation. Savez-vous comment nous pourrions entrer en contact avec eux ?
- Aucune idée. Nous communiquions par la presse.
- Nous n'avons qu'à passer une annonce disant que nous voulons leur parler. Ils trouveront bien un moyen d'entrer en contact » suggéra Tanios, s'immisçant dans la conversation
« - Excellente idée, Padawan. J'allais proposer la même chose
- Si deux Jedi ont la même idée, c'est qu'elle est bonne » plaisanta l'ExO. « Soit. Je ferai donc mettre dans les Holonews de demain que les Jedi souhaitent rencontrer les Opposés. Sur ce, je vais vous laisser vous reposer, vous avez fait un long voyage et la journée de demain sera probablement chargée. Bonne nuit. »
Et il les laissa aux mains d'un serviteur qui les mena jusqu'à leur chambre. Yeva avait hésité avant d'accepter l'hospitalité de l'ExO puis avait fini par accepter. Après tout, il leur faudrait sûrement aussi passer plusieurs jours dans le campement des Opposés.

L'idée fit ses preuves dès le lendemain, alors qu'ils visitaient la partie historique de la ville. Ils se promenaient seuls, espérant que les Opposés profiteraient de cette occasion. Ils privilégiaient les ruelles désertes mais en vain. Vers midi, Yeva entraîna son Padawan vers les quartiers plus fréquentés pour y trouver à manger, lorsqu'il se retrouva au milieu d'un groupe d'Ettis si serrés qu'il se demanda comment il avait pu y arriver. Soudain, il perçut une onde de peur et de surprise venant de son Padawan, puis sa présence s'estompa. Yeva le chercha en vain autour de lui, les Ettis bloquant sa vue et entravant ses mouvements. Soudain l'un d'entre eux lui vaporisa sur la figure le contenu d'un petit aérosol. Il retint sa respiration en feignant de perdre connaissance. Un des Ettis le rattrapa alors qu'il se laissait tomber au sol et il fut chargé dans un speeder. Un corps lui tomba dessus, celui de son Padawan. La scène avait duré moins d'une minute. Personne n'avait rien remarqué.

Dans le speeder, Yeva garda les yeux clos et ne fit pas un geste malgré la position inconfortable dans laquelle il était tombé et son Padawan qui l'étouffait à moitié. Il commença par sonder celui-ci, s'assurant qu'il n'était pas blessé. Non, il était juste assommé par le gaz qu'ils lui avaient fait respirer. Il se servit de la Force pour affiner ses perceptions et repérer où ils se rendaient. Il doutait qu'ils soient vraiment en danger, mais l'hypothèse d'une fuite précipitée n'était pas à exclure. Et il n'était pas tout à fait sûr que leurs ravisseurs fussent bien les Opposés. Au bout d'une heure, il décida qu'il était temps de reprendre conscience. Il gémit un peu, remua, puis ouvrit les yeux. La femme qui se trouvait sur le siège du passager se tourna, braquant un blaster sur sa tempe.
« -Ne bougez pas. Nous ne vous voulons aucun mal. Nous sommes des Opposés chargés de vous mener à notre QG, pour discuter et négocier.
- Je propose que vous commenciez par prouver votre absence d'agressivité en éloignant votre blaster de ma tête. Je n'ai pas la moindre intention de m'échapper ni de vous sauter dessus, je tiens trop à discuter avec vous et les vôtres. »
Elle rit.
« - Soit. Par mesure de sécurité, nous ne vous dirons pas nos noms complets. Vous pourrez nous appeler Pia et Hanno. Et vous, vous êtes le chevalier Jedi Yeva, et le garçon qui émerge péniblement est votre apprenti Tanios Estem. Je me trompe ?
- Vous étiez vraiment obliger de nous faire respirer ce truc ? » bougonna Tanios l'esprit encore embrumé mais pas impressionné le moins du monde. Pia rit à nouveau.
- Je suis désolée, jeune homme. Mais c'était nécessaire. Nous ne voulons pas courir le moindre risque. »
Le véhicule s'arrêta. Tanios crut qu'ils étaient arrivés, mais Pia se contenta de sortir deux bandeaux noirs de sa poche.
« - Je suis désolée, mais c'est nécessaire aussi. » Tanios jeta un coup d'?il interrogateur à son maître qui répondit par un hochement de tête. Tous deux se laissèrent bander les yeux par la jeune Etti, puis ils repartirent, en silence cette fois.

Ils s'arrêtèrent quelques heures plus tard. L'obscurité, l'ennui et les derniers effets du gaz avaient eu raison de Tanios que s'était endormi sur l'épaule de son maître. Celui-ci le secoua doucement à l'arrivée. Pia descendit et leur ôta leurs bandeaux. Ils se trouvaient dans ce qui ressemblait à un complexe industriel à l'abandon. Elle les guida à travers un dédale de couloir jusqu'à une pièce où les attendait un Etti qui semblait être le chef des Opposés. Il les salua.
« - Bienvenu, messieurs. Je suis Greth. Je vous prierais d'excuser nos manières un peu cavalières, mais nous sommes en guerre et nous n'avons pas le temps pour nous embarrasser de ce genre de choses. Nous étions opposés à votre venue, mais nous avons dû admettre que vous seuls pourriez peut-être résoudre le conflit. Nous sommes tout à fait d'accord que nous n'aurions jamais dû enlever le gosse et nous sommes tout à fait d'accord pour le rendre immédiatement et sans délai en échange des nôtres, mais cela est impossible. Et c'est là que nous avons besoin de vous. »
« Décidément, songea Tanios, l'autorité et la froideur semblent être des traits dominants des chefs ettis. » Son maître répondit calmement.
« - Nous ferons tout ce que nous pourrons pour résoudre la situation. Que s'est-il passé ?
- Bowman a disparu. »
Tanios tiqua, surpris. Il regarda son maître et devina un léger sourire sur son visage, comme s'il avait confirmation de quelque chose qu'il avait pressenti. En effet, Yeva se doutait que quelque chose de ce genre était arrivé, qui avait fait perdre aux Opposés toute maîtrise de la situation. Mais la nouvelle n'en était pas moins mauvaise. Le garçon avait-il essayé de s'évader et s'était perdu ? Avait-il était enlevé par une autre bande ? Avait-il été libéré par son père qui souhaitait profiter de cette occasion de se débarrasser de Opposés ? Autant commencer par le début.
« - Pouvons nous voir l'endroit où il était retenu ? »
La chambre n'avait rien d'une prison. Elle était tapissée de jaune orangé et décorée d'une fresque qui faisait plusieurs fois le tour de la pièce. Elle n'avait qu'une seule fenêtre qui donnait sur un vide impressionnant. Yeva se pencha. Non, personne ne pourrait partir par-là sans aide. Comme pour répondre à ses pensées, Greth lui décrivit la surveillance dont «bénéficiait » l'enfant.
« Il y a en permanence trois gardes qui surveillent la fenêtre, du bâtiment en face. Deux dans l'antichambre et cinq dans le couloir. Il est quasiment impossible qu'il ait été enlevé ou qu'il se soit échappé sans que nous le sachions. »
C'était vrai. Une évasion ou un enlèvement à l'insu des geôliers semblait inconcevable. Pourtant, le jeune Bowman n'était plus dans sa cellule.
«- Quelque chose d'autre a disparu ?
- Non. Enfin, si. Un tabouret.
- Un tabouret ?
-Oui. Etrange, n'est-ce pas ?
Souhaitez-vous interroger les gardes de faction lors de sa disparition ? »
Yeva accepta, bien qu'il douta qu'ils puissent lui apporter le moindre éclaircissement. Il suivit donc Greth dans la chambre voisine. Tanios ne le suivit pas. Il avait commencé à observer la fresque et s'était aperçu qu'elle racontait une histoire. Celle d'un chevalier qui recherchait sa dame. A un moment le chevalier ramassait quelque chose, émerveillé, mais Tanios ne pouvait pas voir ce que c'était à cause de la poussière. Il posa ses doigts dessus pour l'enlever lorsque le sol se déroba sous ses pieds. Il poussa un cri et tomba.

Yeva était en train d'interroger un des gardes lorsque le cri de son Padawan l'atteignit en même temps que l'onde de frayeur qu'il émit. Il se redressa d'un bond et se précipita vers la chambre, prêt à dégainer son sabre laser. Greth et les gardes le suivaient. Ils firent irruption dans la chambre vide. Personne. Tanios avait disparu. Yeva se précipita à la fenêtre ouverte, un angoisse indescriptible lui serrant la gorge. Il jeta un coup d'oeil en bas, redoutant ce qu'il pourrait y découvrir. Mais il n'y avait rien, aucun corps d'adolescent disloqué par une chute. Il en fut légèrement soulagé. Mais la pièce n'avait pas d'autre issue que cette fenêtre et la porte qui donnait sur l'antichambre où il était. Où était son Padawan ? Il n'était pas mort, il en était sûr à présent. Il sentait sa présence, quelque part, tout près, mais il ne pouvait comprendre où. Greth éclata :
« -C'est incroyable ! deux enfants disparaissent dans cette pièce en quelques jours !! et vous, bien sûr vous n'avez rien vu !! Eh bien !! Fouillez la chambre au lieu de rester là à rien faire !! » Tandis que Greth déversait sa colère sur ses hommes, Yeva se concentrait dans la Force pour lancer un message à son Padawan : « Où es-tu ? »

Tanios était tombé longtemps. Il avait entendu la trappe se refermer avant qu'il ne touche le fond du puits dans lequel il tombait. Un dizaine de mètres plus bas, ils se réceptionna sans douceur, laissant échapper un cri de douleur lorsqu'il sentit sa cheville se tordre sous lui. Il resta étendu sur le sol, K.O. pendant quelques secondes. Il sentit soudain un appel dans la Force. Son Maître le cherchait ! Il invoqua la Force, se concentrant sur l'image de la trappe ouverte, celle du bas relief sur lequel il avait appuyé avec la Force et les envoya vers son maître. Ensuite, il alluma son sabre laser pour s'éclairer. En haut, la trappe s'ouvrit puis se referma. Elle s'ouvrit à nouveau. Yeva se pencha sur l'ouverture.
« - Padawan ? Tout va bien ? Tu es blessé ?
- Je n'ai rien. Juste une entorse à la cheville.
- Tu peux remonter ?
- Oui?mais non. »
Yeva haussa un sourcil, perplexe. « Oui mais non » ? Il s'attendait à une réponse plus?explicite.
« - Je crois qu'il vaudrait mieux que vous descendiez, Maître. » Cette fois, le Jedi fronça les sourcils, inquiets. Son Padawan était-il trop gravement blessé pour remonter seul ? Il arrima son lance câble et descendit dans le puits. Il trouva son Padawan debout, un peu pâle mais d'attaque.
« -Qu'y a-t-il ?
- Regardez, Maître » répondit-il en lui montrant un objet au sol.
« - Le tabouret. Donc Bowman est tombé aussi.
-Oui. Et il a dû essayer de sortir par le tunnel.
-Le tunnel ? » demanda Yeva, avant de remarquer l'entrée d'un souterrain. Tanios s'y engageait déjà
« - Attends, Padawan, je passe devant. Tu as suffisamment défié le sort pour aujourd'hui. »
Avec une moue déçue, le garçon recula et laissa passer son maître, qui lui ébouriffa les cheveux au passage.
Mais il ne devait plus y avoir de danger pour la journée. Le tunnel débouchait sur une allée résidentielle. Ils firent du porte-à-porte, jusqu'à retrouver Bowman qui avait était recueilli par une famille ayant pris en pitié le jeune garçon. Ce quartier étant sous la dominance des Opposés, il avait eu la sagesse de ne pas révéler son identité, mais cela l'avait aussi empêché de contacter les siens.
Ils le ramenèrent à son père qui fit quelques difficultés, mais finit par relâcher les otages qu'il détenait.



Tanios trouvait que tout c'était passé trop vite. Il n'avait pas eu à tirer son sabre laser, sauf pour s'éclairer, et n'avait pas couru le moindre danger, ni eu besoin de négocier vraiment.
Il s'en ouvrit à son maître qui sourit.
« - Oui, cette mission s'est révélée relativement facile. Mais regarde : les négociations étaient déjà presque finies lorsqu'ils ont eu besoin d'aide. En réalité, nous n'étions envoyés que pour déterminer et résoudre le problème subi par les Opposés. C'était notre première mission en commun, tu es mon premier Padawan et je ne suis chevalier que depuis quelques années. Considère qu'il s'agissait d'une mission test et que nous l'avons réussi. Nous formons une bonne équipe et nous l'avons prouvé. »
A cette idée, Tanios sourit.
« - Quand aurons-nous notre prochaine mission ?
- Je ne sais pas. Ils ne tarderont pas à nous la confier. En attendant, nous pourrons profiter de l'hospitalité de l'ExO. Je te rappelle que tu as toute une journée de jeun à rattraper, ainsi qu'une cheville à soigner ! De plus, les occasions de se reposer sont rares dans les séries de missions et je te conseille de bien en profiter.
- Je vais m'y mettre tout de suite alors » lança le jeune homme, espiègle.
Le comlink de Yeva clignota.
Chapitre 4
Le comlink de Yeva clignota. Il y jeta un coup d'?il.
« - Le signal de Yoda ! » S'exclama-t-il en activant la fonction holographique. La minuscule silhouette du maître Jedi apparut.
« - Maître Yeva, te parler, à toi seul, je voudrais. » annonça-t-il sans préambule. Vexé par cette introduction, Tanios mit un point d'honneur à le cacher et à se montrer discret.
« - Je vais soigner ma cheville. Je vous laisse entre vieux »Ajouta-t-il avec un sourire. Sur cette flèche du Parthe, il sortit de la chambre.
« - De graves nouvelles à vous impartir j'ai ? » Fut la dernière chose qu'il put entendre.

Lorsque Yeva sortit de la pièce, il était particulièrement ému. Il rejoignit son Padawan dans sa chambre. Il achevait d'étaler sur son entorse une pommade à base de bacta, ce liquide miraculeux si nouveau et précieux à l'époque. Yeva pris le tissu posé sur le lit et lui banda soigneusement la cheville, feignant la concentration pour ne pas avoir à parler. Il cherchait comment annoncer au garçon les nouvelles que lui avait communiquées Yoda. Il posa le pied bandé sur le sol et se lança.
« - Et voilà. Dans trois jours, il sera comme neuf ! Enfin, j'espère, parce que tu risques d'en avoir besoin !
- Nous repartons en mission ? Déjà ? » Interrogea l'apprenti avec un sourire ravi.
- Tanios, écoute-moi. » Le sourire s'effaça devant le ton grave du chevalier. « Je suis désolé de ce qui arrive. Cela ne devrait pas être. C'est une chose que je ne souhaite à aucun Jedi, mais nous n'avons pas le choix.
- Qu'est-ce qui se passe ? » demanda Tanios, inquiet.
« - Maître Yoda m'a annoncé quelque chose de très grave.
- Vous ne pouvez plus me prendre comme Padawan ? » interrogea le garçon, au bord des larmes de voir ses pires craintes se réaliser.
« -Oh, non ! non ! Padawan ! » répondit Yeva affligé, le prenant par les épaules « Comment peux-tu croire que je laisserais faire une chose pareille ? Tu es mon Padawan et tu le resteras tant que tu ne démériteras pas ! Non, c'est une mauvaise nouvelle, qui te concerne de près, mais je te jure que jamais je ne t'abandonnerai de la sorte !
- Qu'est-ce qui se passe alors ? » demanda Tanios, rasséréné, persuadé que rien ne pourrait arriver de pire.
- Nous partons en mission sur San Ta. Ce nom te dit quelque chose ?
- Vaguement, oui. Je l'ai déjà entendu. Mais c'était il y a longtemps.
- San Ta est la planète centrale d'un royaume qui est en fait une agglomération de multiples petites planètes-seigneuries : le comté d'Aurch, le duché de Tad, le duché de Trey?
- Trey ? Je connais ce nom. Attendez?. C'est le nom de mon père ! Le Duc de Trey ! » Yeva eut un petit sourire triste.
- Exactement. Tanios, je suis désolé, mais nous devons y aller. Ton père à disparu.
- Quoi ?
- Tu comprends, même lorsqu'il est chez lui, il reste un ambassadeur extraordinaire de Sa Majesté et donc sous la protection des Jedi. Or, personne ne l'a vu depuis trois jours. Nous sommes l'équipe de Jedi la plus proche. Nous irons commencer l'enquête et prendre les mesures de protection qui s'imposent si nécessaire. Je comprends que cela peut t'être pénible de retourner chez ta belle famille, mais j'ai aussi pensé que tu ne voudrais pas ne rien faire en apprenant la nouvelle. Ai-je eu tort ? Je comprendrais que tu ne veuilles pas y aller. Si c'est le cas, je rappellerai Maître Yoda pour lui dire d'envoyer quelqu'un d'autre. A toi de voir. » Yeva ne savait plus quoi dire. Il se tut. Tanios ne parlait pas non plus. Il gardait la tête baissée et les yeux clos. Il releva soudain la tête.
« - Non. Vous avez raison. Nous devons y aller. C'est notre devoir de Jedi? et mon devoir de fils, je suppose » ajouta-t-il en hésitant. Son maître lui sourit chaleureusement. Comment avait-il pu douter de lui ? Il était si gentil et aimable. Il faisait toujours attention à lui. Il lui avait même laissé la possibilité de refuser la mission, ce qu'il avait d'ailleurs failli faire. Il savait qu'il était encore trop jeune pour ne pas s'attacher aux membres de sa famille. Il se rappelait encore la seule fois où il avait vu ses frères et s?urs il se souvenait même de leurs noms à tous. Jan, l'aîné, Fleure, la jolie petite fille, Tom, le petit garçon qui peinait encore à parler. Il s'était surpris plus d'une fois à calculer leurs âges au fil des ans. A présent, Jan devait avoir 11 ans, Fleure 9 ans et Tom 6 ans. Quand au bébé dont il ne savait même pas le nom, il aurait bientôt trois ans. Il savait qu'il n'aurait pas dû faire ça. Qu'il aurait dû les oublier. Mais il n'avait pas pu.


*********************

Yeva et Tanios attendaient dans l'antichambre de Sa Majesté. A leur arrivée sur la planète capitale, des agents de sécurité les avaient reçus, leur avait proposé un speeder luxueux qu'ils avaient partagé avec l'homme chargé de l'enquête. C'était non pas un simple inspecteur, comme Tanios l'avait d'abord cru, mais le général T'an, un ami de son père. Il leur fit un compte rendu de ce qu'ils avaient découvert. Ce fut bref : ils ne savaient rien. Le Duc avait passé une matinée ordinaire : il s'était levé tôt, comme à son habitude, il s'était promené dans les jardins en discutant avec le jardinier, il était allé en fin de matinée rendre ses devoirs au Roi, était allé chercher sa femme et ses enfants qui arrivaient de Trey, avait déjeuné avec eux, était sorti rendre visite à un de ses amis. Et c'était là qu'il avait disparu. Il n'était jamais arrivé chez l'ami en question, bien qu'on fut sûr qu'il eut quitté sa demeure.
« - Il était sorti seul ? » interrogea Yeva, intrigué.
« - Oui. Son garde du corps avait demandé son après midi, afin de fêter l'anniversaire de son épouse, comme tous les ans.
- Est-ce un homme de confiance ?
- Oh oui ! Il est dévoué corps et âme à la famille Trey. Je crois que le Duc l'avait tiré d'un mauvais pas un jour. Non, nous avons examiné en détail son emploi du temps au cours des derniers mois et nous n'avons trouvé rien d'anormal. A vrai dire, nous avons interrogé l'ensemble du personnel, sans rien en tirer sinon ce que je vous ai raconté. Nous prenons ces recherches très à c?ur, vous savez. Ann est vraiment un ami.
- Je n'en doute pas. Une dernière question encore. Chez qui le Duc se rendait-il quand il a disparu ?
- Chez moi. » Yeva s'étonna.
« - Et on vous confie l'enquête ?
- C'est moi qui l'ai demandé. Ann est un ami, comme je vous l'ai dit. Nous nous connaissons depuis l'enfance. Je ne pourrai pas rester bras croisés, je dois le trouver et l'aider s'il est vivant ou le venger s'il est mort.
- Votre affection pour lui ne risque-t-elle pas de vous aveugler ?
- C'est vous qui me demandez ça ! N'est-ce pas son fils que je vois à vos côtés ? »
Tanios avait sursauté. Il ne pensait pas que son père avait parlé de lui à ses amis. Mais en y réfléchissant, c'était normal. T'an avait remarqué sa mimique et l'avait rassuré.
« Peu de personnes sont dans la confidence. Moi, le roi, le notaire et la famille d'Ann. »

Et à présent, ils attendaient le bon vouloir de Sa Majesté. Tanios avait été ébloui par le luxe du palais royal. Il se sentait un intrus, avec sa bure brune et sa tunique blanche, au milieu des courtisans chamarrés et multicolores. Ceux-ci chuchotaient entre eux par petits groupes, tout en observant les Jedi. Finalement, l'un d'entre eux quitta son groupe et s'avança d'un pas résolu vers Yeva et son Padawan. Il se planta à un mètre d'eux et les interpella :
« - Salut Jedi !
- Bonjour. » répondit calmement Yeva. Il savait ce qui était en train de se passer et attendait la suite.
« - On prétend que vous venez à cause de la disparition de Trey
- C'est exact.
- Eh bien ! on peu dire que vous êtes des rapides, vous autres. Vous débarquez cinq jours après, et vous espérez encore trouver quelque chose qui aurait échappé à notre police ? Mais c'est vrai que c'est bien agréable d'arriver quant tout est fini, juste à temps pour récolter les lauriers à la place des autres !
- Sa Majesté a cru bon d'en appeler à nous il y a seulement deux jours ! Mais sans doute êtes vous mieux informé qu'elle sur son royaume et la façon de le gouverner !! » Tanios s'était levé d'un bond, indigné par la façon dont le courtisant avait parlé à son maître. Celui-ci grimaça intérieurement face à la réaction de son Padawan. Il venait de se faire un ennemi de cet homme, et sûrement de nombreux autres courtisans. Il se leva lentement au côté de son apprenti. Les yeux de l'homme luisaient de colère. Les choses allaient s'envenimer davantage, Yeva hésitait à faire quelque chose lorsque la porte s'ouvrit et que l'huissier appela :
« Maître Yeva, Chevalier Jedi et Tanios Jenda, son Padawan. » Tous deux se dirigèrent vers la porte, échappant à cette dangereuse conversation.
« Maître, chuchota le garçon, pourquoi m'appellent-ils Jenda, et pas Estem ?
- Je n'en sais rien.» répondit le Chevalier, les sourcils froncés. Tanios crut qu'il s'agissait d'un reproche pour son comportement avec le courtisan et il baissa la tête.
Yeva était préoccupé. L'hostilité des courtisans n'allait-elle pas gêner l'enquête ? Et ils avaient maintenant un ennemi en la personne de l'individu qui les avait provoqué. Et cela faisait à peine deux heures qu'ils étaient sur San Ta ! Yeva n'eut pas le temps de s'en inquiéter davantage. Ils se tenaient devant le roi de San Ta qui se leva à leur arrivée. Il suffit d'une minute à Yeva et de cinq à Tanios pour le juger. C'était un homme intègre, dur mais juste, sec mais respectueux. Il se contenta de leur annoncer qu'il leur donnait carte blanche pour l'enquête, que tous ses officiers étaient à leur service et que la famille du Duc était repartie sur Trey, autant pour se mettre à l'abri que pour y trouver un peu de quiétude. Il acheva en les suppliant de retrouver le Duc au plus vite. C'était un homme bon et loyal qui le servait avec dévouement depuis des années.
« - Majesté, puis-je vous poser une question ? » interrogea Yeva. « Vous semblez penser que le Duc de Trey est emprisonné ou a eu un accident. Ne serait-il pas possible qu'il ait été assassiné ? » Il sentit Tanios se raidir derrière lui. Il avait hésité à poser la question, mais après tout, l'enquête devait passer avant la sensibilité de son Padawan. Il regrettait de plus en plus de l'avoir emmené.
« - Je ne pense pas. Qui aurait intérêt à sa mort ? Ses enfants, pour l'héritage ? Ils ne sont pas encore en âge de mener ce genre de conspiration. Sa femme ? Elle y perdrait plus qu'elle n'y gagnerait. Il n'avait pas d'ambition particulière qui aurait pu lui attirer la haine d'un courtisan. Et on sait qu'il est sous ma protection. Non, le plus logique serait qu'on l'ait enlever, pour en tirer une rançon ou des renseignements. Ou alors il aura fui, pour une raison quelconque ? » Yeva ne dit rien. Il pensait que le roi présumait de trop de choses. Il s'inclina devant lui, imité par son Padawan, sortit de la pièce puis du palais. Il se dirigeait à grandes enjambées vers l'hôtel où ils avaient retenu leurs chambres, si bien que Tanios devait parfois courir pour rester à son niveau. Le Chevalier s'en aperçut brusquement et ralentit.
« - Maître ? Interrogea le garçon, Vous êtes fâché contre moi ? » Yeva était amusé à chaque fois qu'il entendait ce genre de question dans la bouche de son Padawan. Elles lui permettaient, en posant les bonnes questions, d'en savoir la réponse.
« - M'as-tu donné des raisons de l'être ? répondit-il
- Eh bien? hésita le garçon. J'ai été trop vif avec ce courtisan. Mais il nous avait insultés !
- Pourquoi ?
- Pour voir comment nous allions réagir, sans doute.
- Exactement. Pour mesurer notre force. Si nous n'avions rien répondu, ils nous auraient pris pour des lâches et ils nous auraient traités par le mépris, sans hésiter à nous mentir. Tu as fait exactement ce qu'il fallait. Néanmoins, je crains que l'homme qui t'a défié ne te pardonne pas facilement. Il faudra te méfier, Padawan, si tu le croises encore.
- Bien Maître
- D'autre part, il est possible que ses amis t'en veuillent encore plus. En t'en prenant à son orgueil, tu t'en es pris au leur. Et ta riposte dans l'antichambre a montré ton esprit aux courtisans qui livreront désormais un concours au premier qui t'humiliera. »
Le garçon se renfrogna, d'autant plus qu'il devinait où ce discours menait.
« - Pourtant Maître vous avez dit vous-même que ça aurait été pire si j'avais rien dit.
- En effet, cela aurait nuit à l'enquête. Mais il vaudra mieux que tu ne retournes pas au palais. Tu y as déjà trop d'ennemis
- Mais? pour l'enquête ?
- J'irai seul au palais, si cela s'avère nécessaire. »Trancha Yeva. Avec un léger soupir, Tanios accepta la sentence. Son maître parlait avec la voix de la raison.


*********** ****** ****** ************* ** *************** **


Tanios faisait les cents pas dans sa chambre d'hôtel. Yeva l'y avait déposé avant de retourner au Palais. Il n'aimait pas rester en dehors de l'action, mais il se tiendrait aux décisions de son maître, quelles qu'elles soient. Il s'assit en tailleur sur le lit et se concentra sur ce qu'il savait, mais cela ne représentait pas grand chose. Il eut soudain une idée : il ne pouvait pas aller au palais, mais rien ne l'empêchait de circuler dans la ville. Il laissa un court message à son maître indiquant ce qu'il faisait, puis il sortit. Il demanda à un passant le chemin de la demeure du Duc de Trey. Une fois sur place, il admira la splendide maison avec un léger pincement de c?ur. Puis il s'enquit du logement du général T'an, chez qui se rendait son père lors de sa disparition. Il fit donc à pied le chemin qu'avait suivit son père, en espérant découvrir un indice. Il avançait pas à pas, avec une lenteur exagérée, mais il ne voulait pas prendre le risque de passer à côté de quelque chose d'important. Hélas, il arriva quelques heures plus tard au bout du chemin sans avoir rien découvert. Il se découragea un instant. Il était fatigué, et le soir tombait : il avait froid, faim et il n'y verrait bientôt plus suffisamment pour découvrir quoique ce soit. Son comlink bipa.
« -Padawan ? Où es-tu ?
- Chez le général T'an, Maître. Je n'ai rien trouvé. Je rentre.
- Attends, je viens te chercher.
- Je peux rentrer à pied !
- Je n'en doute pas, mais je ne souhaite pas te voir traverser la ville, seul, à pied, dans la nuit. Même moi, je ne m'y risquerai pas !
- Bien Maître. »
Yeva arriva quelques minutes plus tard. Ils étaient en route depuis quelques instants à peine quand le comlink du chevalier sonna. Tanios l'alluma. C'était le roi en personne.
« - Bonsoir messieurs. L'enquête avance-t-elle selon vos souhaits ?
- Hélas non, monseigneur, répondit Yeva. Nous piétinons toujours.
- En ce cas, je suppose qu'un indice de plus vous sera utile. Je viens de recevoir un message anonyme qui m'invite à prendre de mes nouvelles de mon « complice» devant les portes du palais. Comme il serait peu judicieux que je m'y rende, puis-je vous demander de vous en charger ?
- Bien sûr ! Nous arrivons.
- Merci. » La communication s'interrompit.
- Vous croyez qu'il s'agit des ravisseurs ? » demanda Tanios, soudain surexcité
- Je n'en sais rien, répondit prudemment Yeva. Il s'agit peut être aussi d'un piège. » Le garçon s'aggrava.
« - Vous avez raison : il vaut mieux rester prudent »
Ils arrivaient. Tanios sauta du speeder et examina les environs. Ils étaient déserts. Il se tourna vers son maître. Celui-ci sondait les lieux avec la Force.
« - Il n'y a personne ici » déclara-t-il.
- Il s'agit peut-être d'un message ? Tenez, il y à un paquet là » Tanios s'y précipita. Le paquet en question mesurait un peu mois de deux mètres et était emballé de tissu.
« - PADAWAN ! NON ! » hurla Yeva. Mais il était trop tard. La fin de son cri fut couverte par le hurlement d'épouvante du garçon. La vague de terreur et d'horreur transmise par la Force fit chanceler le chevalier. Il s'avança néanmoins, juste à temps pour réceptionner dans ses bras le corps inerte de son Padawan. A genoux sur le sol, il serrait le garçon inconscient contre sa poitrine et fixait le cadavre devant lui. Il avait été affreusement torturé et mutilé, et la souffrance inscrite sur son visage le rendait encore plus méconnaissable. Mais le doute était impossible. Tan avait reconnu son père au premier coup d'?il.
Des gardes sortirent du palais, alertés par leurs cris. Ils les entourèrent rapidement. Yeva se releva, portant son Padawan dans ses bras.
« Nous avons retrouvé le Duc de Trey. Il est mort. Que l'on prévienne le roi et que l'on prenne soin de sa dépouille. » Il se détourna, laissant les gardes remplir les missions qu'il leur avait confiées. Certains d'entre eux ne purent supporter la vue du cadavre et préférèrent se précipiter vers le palais afin de prévenir le roi.
Yeva assit doucement son Padawan sur le siège arrière du speeder. L'enfant avait subi un choc atroce et restait immobile, le regard fixe et vide. Le c?ur de Yeva se serra quand il vit la pâleur du garçon. Il n'aurait jamais dû accepter de l'emmener sur cette planète. Il aurait dû se douter qu'il ne pouvait en sortir que de la souffrance pour son Padawan. Oui, mais Maître Yoda en personne lui avait demandé de se charger de cette mission. Et lui aussi semblait penser que le duc avait été simplement enlevé. Il gara le speeder devant l'hôtel et aida son Padawan à monter jusqu'à leur chambre. Il l'assit sur le lit, et le secoua doucement.
« - Tan. Tan ! Réponds-moi ! Tan, c'est un ordre ! » Il se montrait volontairement dur, pour sortir le garçon de sa stupeur. Il vit ses yeux bouger, s'illuminer soudain de conscience, puis se remplir de larmes.
« -Pardon Maître, pardon. » dit-il d'une voix entrecoupé de sanglots. « Je ne veux pas être faible.
- Tais-toi Padawan. Pleure. »
Quelques temps plus tard, le garçon s'était calmé et ne pleurait plus, mais il gardait les traits tirés et de grands cernes autour des yeux.
« - Dors à présent. Demain, nous parlerons » Ordonna Yeva. Le garçon s'allongea docilement et s'endormit presque instantanément.



Lorsque Tanios s'éveilla, il faisait grand jour. Son maître était parti en lui laissant sur la table un petit déjeuner. Affamé, le garçon le dévora. Puis les événements de la veille lui revinrent en mémoire, et il sentit son estomac se retourner. Il s'assit sur le lit et s'ouvrit à la Force pour méditer et surmonter le choc qu'il avait reçu la veille. Lorsqu'il rouvrit les yeux quelques temps plus tard, son maître était rentré et le fixait gravement, avec compassion. Tan sauta sur ses pieds.
« - Pardonnez-moi, Maître, je ne vous ai pas senti arriver
- Ce n'est pas grave. » Il n'ajouta rien et Tan ne savait pas que dire ou faire. Il se contenta donc de fixer le Jedi, en attendant ses instructions. Mais le Chevalier se contentait de le regarder attentivement, la mine sombre. Enfin, il parla
« -Comment te sens-tu, Padawan ? » Le garçon releva la tête avec orgueil
« -Bien Maître
- J'en doute. Mais qu'importe. Tu as besoin de calme et de tranquillité pour méditer, et assimiler ce qui s'est passé.
- J'aurais dû être plus prudent, je le sais. Oh, Maître, je vous en supplie ! Ne me renvoyez pas au Temple ! Gardez ?moi à vos côtés !
- Non, Padawan. Je ne vais pas te renvoyer sur Coruscant, mais je ne veux pas te garder ici. Tu vas aller rejoindre ta belle-famille sur Trey, et nous partirons dès que l'équipe envoyée par le Temple sera arrivée.
- Mais?
-Padawan ! » Le ton de Yeva était glacé. Le garçon baissa la tête. C'était la première fois que son Maître lui parlait aussi sévèrement.
« -Bien Maître.
- Ton vaisseau part dans quelques minutes. Dépêche-toi.
- Bien Maître »
Yeva était désolé de se montrer si sévère alors que, il le savait bien, son Padawan avait tant besoin d'être réconforté. Mais il était inquiet et sentait que plus vite le garçon serait parti, mieux ce serait. Plus tard, une fois de retour au Temple, débarrassé de tous ces soucis, ils pourraient parler, méditer, apprendre à vivre avec l'horreur qu'ils avaient vue. Pour l'instant, l'urgence était d'éloigner Tanios et de retrouver les assassins d'Ann Jenda. Et de faire taire cette voix qui lui disait qu'il n'était pas un bon maître, celui qui se débarrassait de son Padawan à la première difficulté.


******** **************** ********************* ***


Tanios arriva sur Trey quelques heures plus tard. Un chauffeur l'attendait qui le conduisit à la demeure ancestrale des ducs. Le palais était sis au milieu d'un immense parc que Tanios observait avec intérêt tandis qu'ils remontaient la vaste allée bordée d'arbres majestueux qui menait à l'entrée. Le jeune Jedi était ébahi par cette profusion de nature. Sur Coruscant, c'était un luxe réservé à quelques nantis. Ici, c'était le lot de tous. La voiture arriva devant l'entrée. Une femme attendait le garçon en haut des marches. C'était l'intendante, Madame Perra. Elle était très vielle, très ridée et très gentille. Elle était vêtue de noir et pleurait constamment, un mouchoir dans sa main. Elle accueillit Tan avec des sanglots redoublés lui assurant qu'il était tout le portrait de son pauvre père au même âge. Elle lui montra sa chambre. C'était en réalité un confortable appartement qui comprenait une vaste chambre à coucher dotée d'un immense lit à baldaquin, une armoire massive, un coffre, deux chaises et d'épais et chauds tapis répandus sur le sol. La pierre grise des sols et du mur jouait très bien avec le rouge profond du lit et des tapis, et le bois du mobilier rajoutait à l'ensemble une note chaleureuse qui semblait braver avec insolence la douleur des maîtres de maison..
« - C'est monsieur le duc lui-même qui avait choisi la décoration, il y a des années.
- Des années ?
- Dès qu'il avait appris votre existence, monseigneur avait fait aménager cet appartement pour vous. Souhaitez vous visiter le reste de la suite ?
- Oui, s'il vous plaît. »
La pièce suivante était un petit salon, où Tanios était censé recevoir ses amis, puis il y avait une immense salle remplie de databank sur tous les sujets possibles et imaginables. Il y avait de plus un projholo qui transmettait en permanences les dernières nouvelles.
Il y avait aussi une luxueuse salle de bain ainsi qu'une porte qui donnait sur l'extérieur. En d'autres circonstances, Tan aurait adoré cet appartement.
La gouvernante lui annonça qu'ils partaient le jour même pour la résidence de campagne de la famille, situé au bord d'un lac. La maison était beaucoup plus petite, mais elle était plus calme, et plus propice à un deuil. Elle l'informa ensuite que la duchesse et ses enfants devaient l'attendre à présent dans le parc, où ils prendraient leur déjeuner. Tanios s'y hâta et arriva en même temps que ses hôtes.

Ce furent de tristes retrouvailles. Avant de s'asseoir Tan serra dans ses bras Fleure et le petit Tom qui sanglotaient à c?ur fendre. Il embrassa Donlé, le petit dernier, et la duchesse. Celle-ci lui annonça que Jan les rejoindrait à la maison de compagne le lendemain car il était en pension dans un collège privé, dans un système voisin.
« - L'enterrement aura lieu dans deux jours. Tu seras là, n'est-ce pas ? » interrogea-t-elle.
« - Je ne sais pas? Si l'équipe arrive trop tôt, je devrai partir? Je ne sais pas si mon maître voudra bien?Je ferai ce que je pourrai !
- Nous verrons bien. Mangeons à présent, les enfants. Le c?ur n'y est pas, mais nous devons bien cela au cuisinier. »
Il n'y eu plus une seule parole échangée et les seuls bruits furent les tintement des couverts et les sanglots des plus jeunes. La duchesse semblait désespérée, mais elle ne pleurait pas. Tan l'étudia attentivement. Elle paraissait nerveuse, inquiète et coulait de temps en temps un regard furtif vers son beau-fils. Mais Tan était trop triste et fatigué pour s'en inquiéter davantage. Le voyage vers l'autre maison se fit dans la même morne ambiance, sans que qui que ce soit n'ait le courage ou l'envie de rompre le silence.