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SOMBRE RUELLE
Une ruelle déserte, dans les bas-fonds de Coruscant. Le genre d'endroit où exister relève de la lutte pour les débris de l'existence luxueuse des plus riches? le genre d'endroit où on ne s'attend pas à rencontrer âme charitable qui vive? le genre d'endroit où l'on n'attend pas, tout court. Dans la pénombre où traînaient, épars, papiers gras et vieux robots à moitié démantelés, le silence fut soudain troublé par les bruits étouffés d'une course précipitée. Au pied de l'un des vieux bâtiments donnant sur une cours interne, les quelques rongeurs flibustiers, qui chapardaient leur repas du soir dans les tas d'immondices débordant pèle-mêle des conteneurs, prirent la fuite avec de petits cris furtifs. A peine avaient-ils disparu que des jurons en langue étrangère et des coups de feu résonnèrent en écho le long des vieux escaliers rouillés. Puis de nouveau le silence... Une lumière, un instant vacillante à une fenêtre, s'était évanouie. L'obscurité happait de nouveau la coursive. Un songe. De toute façon, pour tout esprit censé, tout ce qui se passait après une certaine heure du jour dans ce genre d'endroit devait raisonnablement être considéré comme illusion sur laquelle il ne fallait absolument pas s'attarder. Ni aider? ni même se rappeler.
Pourtant, ce soir, un brusque cri guttural troubla la tension presque palpable du lieu. Le fracas d'une vitre volant en éclat déchira l'air environnant, au cinquième étage d'un des bâtiments miteux. Des milliers de morceaux cristallins, projetés avec une violence extrême, scintillèrent un instant aux dernières lueurs des enseignes. A peine un instant. Juste assez pour apercevoir au centre de cette constellation de verre une silhouette toute de noir vêtue, recroquevillée sur elle-même, bras devant le visage. Visiblement étourdie, celle-ci chuta sur plusieurs mètres avant de sembler se déployer dans un sursaut, pour attraper du bras une première rampe d'escalier, qu'elle lâcha dans la violence du heurt. Sans perdre son sang froid, elle attrapa des deux mains cette fois la rampe suivante et tint bon, malgré la secousse qu'occasionna le brusque arrêt. A peine un seconde plus tard, avec une souplesse de félin, le corps fin suspendu à plusieurs mètres enlaça de ses jambes l'une des structures de fer verticales qui joignaient entre eux les différents paliers de secours, et lâchant prise des mains son premier appui, se réceptionna avec agilité sur le sol grillagé avant de s'élancer vivement dans les escaliers pour rejoindre la rue trois étages plus bas. Quelques mètres plus haut trois visages indistincts se penchaient avec des jurons à peine réfrénés pour voir s'enfuir la jeune personne. Des tirs fusèrent, mais, maintenant hors de portée, celle-ci ne prit même pas la peine d'esquiver par prudence et disparut dans l'ombre grandissante des ruelles adjacentes.

Syëhl essuya d'un geste las la sueur qui perlait à son front. Encore une fois, elle s'en sortait bien mieux qu'escompté. Le tuyau de son informateur avait sûrement dû être éventé? peut être même n'était-ce depuis le départ qu'un piège. Pas le premier? et pas le dernier. Agée alors 21 ans, l'adolescente d'Adarlon avait progressivement laissé la place à une jeune femme, dont l'élancement souple du corps, moulé par le tissu, avait gardé, malgré l'usure des vêtements, le port de reine, l'assurance orgueilleuse et la grâce inflexible qui caractérisait déjà la fille adoptive du Jedi noir Gaïlon. Son regard violet, des plus expressifs, semblait quand il se focalisait sur quelqu'un transpercer l'être et deviner au-delà les pensées de celui-ci. Seul leur expression avait un peu changé. L'ancienne douceur que reflétaient ses prunelles, dans les rares moments de calme sur la petite planète, avait disparu, masquée par une haine implacable que rien, pas même ces années d'exil n'avaient pu estomper. La colère de n'être pas assez forte et déterminée pour accomplir ce pourquoi son mentor l'avait sauvée des flammes, l'avait lancée sur les routes, en marge de la société bien pensante, et avait peu à peu renforcé l'originelle carapace de ce c?ur passionné mais méfiant, capable des attachements les plus dévoués comme des haines les plus farouches?Ces prunelles qu'avait détesté les compagnons sombres de son mentor ne reflétaient plus que la glace dont elle s'était barricadée l'âme et renforçaient encore la prestance féline et dédaigneuse que la jeune femme aux longs cheveux d'ébène avait acquis par les arts martiaux. Que serait-elle devenue si Gaïlon était resté en vie, si elle avait continué à évoluer sous son aile sombre ? Elle-même l'ignorait? Mais ce qu'elle savait était qu'un jour prochain elle passerait les portes de l'académie Jedi sous la couverture de Padawan et détruirait de l'intérieur la structure abritant les meurtriers de son père adoptif? du seul qui avait réussi à apprivoiser sa nature sauvage? Gaïlon.
Un élancement douloureux la tira brutalement de ses réflexions. Portant la main au bas de son ventre, elle la retira couverte d'un liquide tiède et rouge. Du sang. Et pas une égratignure. Dans sa fuite effrénée, elle n'avait même pas senti qu'elle était touchée. Tâtonnant un peu le tissu autour, elle cerna les contours de sa plaie et retint avec difficulté un gémissement en réalisant que ce qui l'avait atteinte était un morceau de verre de taille considérable, profondément ancré dans la chair. Le vêtement, poisseux, semblait gorgé de terre et de sang. Elle en avait donc déjà perdu beaucoup. S'adossant à un mur, elle entreprit de soulever celui-ci et grimaça. L'hémorragie ne semblait pas en voie de se stopper. Le souffle à moitié coupé par la souffrance, Syëhl sentit ses jambes trembler légèrement. Courir avait accéléré son rythme cardiaque et poussé le sang vers la blessure de manière dangereuse. Et les heurts lors de son atterrissage acrobatique n'avaient rien arrangé. Il fallait au plus tôt ôter le morceau restant et comprimer la plaie. Mais pas ici? une fois le verre enlevé, elle perdrait bien plus vite encore ses forces. Elle n'était pas sûre d'avoir semé ses poursuivants pour longtemps, et les probabilités pour qu'ils la laissent récupérer avant d'engager les recherches étaient inexistantes. Cette pensée la fit sourire, désabusée. Comme si c'était même envisageable ! Pour survivre, ne jamais montrer sa faiblesse. Elle se força à respirer le plus doucement possible, pour ralentir d'autant les battements de son c?ur. Tout d'abord, le flux sanguin? puis trouver une cachette. Se redressant péniblement, elle se remit à avancer à la recherche de quelque lieu malfamé où elle pourrait prendre le temps de s'occuper sérieusement de sa blessure, car si rien n'était fait?
Elle n'eût malheureusement pas le temps de réfléchir plus longuement à la question. Alertée par un instinct très développé qui plusieurs fois déjà l'avait sauvée, elle s'arrêta de nouveau et se plaqua contre la carcasse de ce qui avait dû un jour être un moyen de transport terrestre biplace. « Ils ont été rapides? ». Mais, à la réflexion, la suivre ne devait pas être trop difficile étant donné le sang perdu?Passant ses mains sur son visage dans un geste d'accablement, sans souci de la balafre sanglante qu'elle laissa par la même occasion sur son front pâle, elle se prépara à défendre chèrement son existence, rassemblant ses forces. Elle ne mourrait pas là? jamais ! Elle avait quelque chose à accomplir avant de laisser le sort ou quiconque lui ôter le souffle et la volonté !

Les pas qu'elle avait perçus résonnèrent dans le silence de la ruelle et parurent se rapprocher. Soudain, un homme déboula et passa devant la carlingue, sans prêter attention à quoi que ce soit. Affolé? il le semblait réellement. Il s'arrêta un instant et se retourna, l'air terrifié, avant de constater qu'il était toujours là. Il le poursuivait sans relâche, depuis des heures maintenant et paraissait plus assoiffé de sang que jamais. Sur ce constat, l'individu reprit sa course effrénée, mais pour quelques mètres seulement. Son pied buta contre un débris et l'humain fit un roulé-boulé, accompagné d'un long cri de douleur. Tant bien que mal, il se releva mais dû se rattraper au mur, sa jambe droite se dérobant sous son poids. Subitement, il l'aperçut? L'ombre se trouvait là, face à lui. Horrifié il se plaqua contre le mur, tremblant de tous ses membres et ne put rien faire d'autre que le regarder s'avancer. Dans un léger vrombissement, une puissante lumière rouge sembla jaillir de sa main droite et illumina doucement une haute silhouette, toute de noir vêtue. La lueur se refléta sur l'armure que portait son poursuivant et l'espace d'un instant, il comprit que la mort se tenait là, prête à l'emmener, à l'attirer dans ses ténèbres.
- Pas ça? Je vous en prie ! cria-t-il en désespoir de cause.
Sourd à la supplication, l'ombre s'approcha et d'un geste ample qui ne traduisait aucune hésitation, décapita le malheureux.
Cette misérable larve ne méritait pas mieux. L'homme désactiva son arme et tandis qu'il s'apprêtait à disparaître, sentit une présence toute proche.

Devant la rapidité des événements, Syëhl était restée saisie et n'avait pas bougé. Quelque chose avait roulé presque jusqu'à ses pieds tandis que le corps de l'homme chutait, brusquement privé de la parole, dans un bruit mat. Elle avait baissé la tête, les yeux légèrement agrandis, fixant sans même réaliser vraiment, le chef de l'individu, détaché du reste du tronc, où les yeux, restés ouverts, exprimaient encore l'horreur de l'instant d'avant. Dans un haut-le-c?ur, le brusque flot des souvenirs submergea son esprit devant cette vision : les mêmes gestes? la lame rouge? les meurtres, la terreur des victimes? l'odeur caractéristique du sang? le dégoût dans sa bouche lors des crises? Un Sith? Un Sith qu'elle venait de voir décapiter sans aucune pitié l'inconnu horrifié? Que faisait-il ici ? Et qu'avait fait cet homme pour attirer son courroux ? Toutes ces questions fusèrent et se brouillèrent en un dixième de seconde dans son esprit sous la seule certitude qu'elle discernait : il l'avait certainement sentie. Mais Syëhl n'eut pas le temps de chercher à rebrousser chemin.
Le Sith, en effet, s'était immobilisé avant de détourner ses pas et de commencer à s'avancer vers l'épave d'où elle avait suivi la scène, se concentrant sur l'âme cachée juste derrière. Il capta des sentiments brouillés, mêlés de crainte, de fatigue mais aussi de détermination. Soudain, il laissa son esprit l'approcher un peu plus. Il est blessé, se dit-il. L'intrus semblait gravement blessé? Non ! Pas un intrus? Une intruse ! Mais que pouvait bien faire une femme ici ? Agressée ? Poursuivie ?
Déterminé à éclaircir la situation, le sabre toujours en main, il fit le tour des décombres et la vit, recroquevillée sur elle-même, les vêtements tailladés, le visage couvert de sang. Le guerrier de l'ombre stoppa net et la dévisagea.

Se sentant prise au piège, Syëhl redressa la tête lentement, s'attardant sur le sabre serré dans la main, puis sur le torse, remontant enfin jusqu'au visage, ou ce qui semblait l'être. Dans un effort pour ne pas crier de douleur, la jeune femme se releva tant bien que mal en s'appuyant contre l'ossature rouillée, gardant constamment son regard fier, fixé sur le Sith. Celui-ci, entièrement recouvert d'une armure noire sur laquelle des motifs étranges étaient incrustés, ne bougeait pas, et malgré son visage masqué, Syëhl devina aisément sa surprise. Esquissant un sourire à la fois narquois et destiné à cacher tant bien que mal son état, elle rabattit de sa main libre l'une de ses mèches en arrière, tandis que l'autre se trouvait posée sur son ventre. Entre ses doigts serrés coulait le sang que rien n'endiguait. Face au Sith qui l'observait, imposant et majestueux, la jeune femme eut la conscience très nette de paraître bien frêle et, dans un geste orgueilleux du menton, elle releva totalement la tête pour ne pas détourner ses yeux de l'homme. Elle avait vu bien plus qu'il ne devait le désirer, elle savait parfaitement qu'elle n'aurait pas dû se trouver là et constituait un témoin gênant? Mais son regard affermi, où un instant plus tôt, s'était lue de la crainte, rendait par sa flamme la prestance innée à la jeune femme. Il renforçait le paradoxe de cette fragilité, de cette faiblesse qui adoucissait pour un instant les prunelles dures. Non elle n'en avait pas peur? Debout et immobile désormais, les lèvres entrouvertes pour chercher son souffle, le bras gauche ensanglanté par l'hémorragie, se raidissant sans y parvenir pour réprimer le léger tremblement de fatigue qui s'installait en elle peu à peu, Syëhl défia celui qui lui faisait face.
L'étonnement ne se démentait pas chez le Sith. Celle qui se tenait devant lui ne semblait pas avoir peur et pire, son arrogance se révélait dérangeante. Qui donc était cette? jeune femme, qui se risquait à le braver de la sorte ? L'espace d'un instant, il songea à mettre un terme à cette provocation mais? une autre idée lui vint. D'un geste du doigt, il alluma son sabre et s'avança d'un pas assuré vers elle pour constater sa réaction.
Le rouge flamboyant de l'arme sembla aviver d'une couleur factice le visage de la jeune femme. Celle-ci sursauta légèrement en voyant se développer la lame. Elle avait vu juste? Et elle n'était pas en état de se battre correctement ! Elle devait déjà faire un effort pour ne pas laisser trop paraître le vertige qui l'envahissait. Pourquoi avait-il fallu qu'elle se trouve à cet endroit, à ce moment là ? Allait-il la tuer, avec autant de facilité que ce minable, à ses pieds ? Fermant les yeux une seconde, elle se sentit frémir sans pouvoir s'en empêcher. Non ! Mourir ainsi signifierait renoncer à tout ce pourquoi elle luttait. Rouvrant alors les paupières pour dévoiler l'intensité de sa détermination, Syëhl tenta de faire abstraction de la douleur et attrapa le fin couteau qu'elle gardait contre sa cuisse en s'élançant vers le Sith. Esquivant avec une souplesse étonnante pour la gravité de la blessure la lame écarlate, elle rabattit sa main vers la jointure du masque dans un éclat métallique.
Le guerrier détourna légèrement la tête au dernier moment, sans esquisser un seul geste pour se défendre et l'arme vint tracer une balafre sur la partie basse de sa visière. Dans un mouvement rapide comme l'éclair, tandis qu'elle se trouvait maintenant proche de lui, le Sith attrapa son poignet et la désarma avec poigne avant de la plaquer, dos tourné contre lui et de placer son sabre de nouveau éteint, engagé vers la gorge de son assaillante. A la moindre alerte, un doigt lui suffirait pour mettre un terme à son existence. Syëhl serra les dents en gémissant imperceptiblement. Ses gestes bien qu'encore extrêmement véloces pour les combattants inexpérimentés, avaient perdu de leur vivacité à cause de sa plaie. S'etranglant de rage elle se débattit en donnant de furieux coups de pieds dans les jambes du Sith tout en ayant honteusement conscience de l'inutilité de cette démarche. La position dans laquelle il l'avait immobilisée empêchait toute tentative sérieuse de contre attaque, et sa blessure, saignant de plus belle, propageant la douleur jusque dans sa poitrine, qui se soulevait de manière rapide et venait frôler le pommeau du sabre à chaque inspiration.
Amusé par cette vaine résistance, il réprima en lui un rire moqueur puis vint murmurer à son oreille, d'une voix grave et sévère :
- Qui es-tu et que fais-tu ici ?
Toujours prisonnière de la poigne de fer, Syëhl s'immobilisa un instant, interdite. Il parlait donc le basic ? A le voir jusque-là silencieux, elle en était venue à ne pas envisager la possibilité d'entendre sa voix. Mais pourquoi lui demander son identité pour la supprimer ensuite ? Elle se souvint que Gaïlon aussi connaissait tout de ses victimes avant de? Sans répondre, elle recommença à se débattre, bien que plus faiblement.
Il resserra son étreinte autour de sa gorge et reprit d'un ton beaucoup plus dur :
- Je t'ai posé une question ! Qui es-tu et que fais-tu ici ?
Etouffant à moitié, elle porta instinctivement ses mains sur le bras de l'inconnu pour lui faire lâcher prise. Du coude gauche tombèrent quelques gouttes de sang qui vinrent rejoindre celles glissant le long de sa jambe jusqu'au sol de terre battue. Elle comprit qu'elle n'arriverait pas à se dégager. Mais même la frustration de se sentir ainsi prise au piège s'atténuait. Une sensation de lassitude gagnait peu à peu ses membres, l'envahissait progressivement. L'impression agréable de flotter l'engourdissait, estompait ses désirs de rébellion et bientôt, tout doucement, elle relâcha un peu ses mains avec lesquelles elle tentait d'écarter le bras du Sith. A quoi bon, puisque d'une simple pression il pouvait la transpercer? Non, décidément, cette journée n'était pas comme les autres. Comment déjà avait-elle dégénéré ? Comment? Rabaissant complètement ses bras, elle murmura d'une voix un peu étouffée:
- Syëhl... je m'appelle Syëhl
- Et que fais-tu dans cette ruelle Syëhl ? continua-t-il encore en desserrant légèrement son bras tout en prenant garde à ce que cet abandon ne soit pas une ruse.
Mais tout ceci était loin d'en être une. L'état de la jeune femme se détériorait de seconde en seconde. Très pâle, elle mit un temps à comprendre les paroles de l'inconnu masqué. Une ruelle? oui? mais où exactement ? Et pourquoi ne comprenait-il pas qu'ils seraient là d'une minute à l'autre ? Dans un souffle, elle lâcha :
- Laissez moi, ? ils? il ne faut pas qu'Ils me trouvent?
- Ils? Qui? fit-il surpris.
Elle fit un effort pour se remémorer la nature exacte du danger, de ce « ils », mais son cerveau embrumé refusa de lui livrer l'information. Laissée plus libre par le bras du guerrier, Syëhl sentit vaguement ses jambes se dérober sous elle. Etrangement? elle ne ressentait plus aucune douleur au ventre. Pourquoi cette tache au sol qui s'élargissait, alors? Etait-ce bien à elle, ce sang qui la couvrait?
La réponse à la question étonnée du Sith prit une autre forme qu'un aveu de la jeune femme. Au moment où celle-ci relevait avec difficulté la tête, trois personnages armés de blasters dernier cri débouchèrent au bout de la ruelle devant eux, et s'arrêtèrent un instant, surpris à leur tour de la scène.
Syëhl posa sur eux un regard qui se troublait et esquissa un geste de recul. Mais le bourdonnement qui venait de l'accabler s'intensifia brusquement, les murs dansèrent et toute la ruelle sombra dans un néant tandis qu'elle basculait en avant, inconsciente.
Constatant son état, le guerrier de l'ombre la posa au sol et avisant les individus, il comprit immédiatement qu'ils se trouvaient à la poursuite de cette étrange humaine. Si la situation se révélait embarrassante pour elle, elle le devenait tout autant pour lui. Sans se poser plus de question, utilisant la Force, il tendit le bras devant lui et projeta à toute vitesse sur le groupe, d'imposants conteneurs qui reposaient contre un mur, juste devant eux. Deux eurent juste le temps de plonger à terre pour les éviter, mais le troisième fut frappé de plein fouet et s'écroula. Toujours par la pensée il s'empressa de désarmer les deux autres et avec une rapidité effrayante, se dirigea vers eux. Le plus fortement bâti se releva le premier et ne parvint pas à éviter le violent crochet à la mâchoire que lui porta le Sith.
Puis, le contournant, il passa son bras autour de sa gorge et lui brisa la nuque d'un geste sec.
Terrorisé, le dernier tenta de s'enfuir mais l'homme en noir ramena à sa main une barre de fer posée tout près et la projeta vers lui par l'esprit. L'opportun fut transpercé de part en part et retomba dans un long râle de douleur.
Sans perdre de temps, le Sith retourna auprès de la jeune femme.
Autour d'elle, au niveau du ventre, le sol s'était assombri d'une teinte bordeaux. Le visage contrastaient fortement par sa pâleur avec le tissus et la terre sur laquelle elle reposait. Sur les bras et le long des jambes s'étaient figés de minces entrelacs sanglants. Seuls les fins sourcils légèrement froncés et la poitrine se soulevant de manière rapide soulignaient qu'elle était encore en vie, et qu'elle souffrait.
Il ne fallait pas rester en ces lieux, il venait de se faire bien trop remarquer. Qu'allait-il faire d'elle ? Pas l'achever ici de la sorte? Il n'était pas de ces gens qui usaient de lâcheté au quotidien. Malgré les apparences, il respectait scrupuleusement un code qu'il s'était imposé, de nombreuses années auparavant.
L'homme se dépêcha de prendre l'humaine dans ses bras et disparut aussitôt dans la pénombre, sans bruit. Un lourd silence retomba sur la ruelle baignée d'obscurité.

REVEIL ET INTERROGATIONS
Autour du corps sombre de stature imposante crépitaient de longues flammes qui venaient lécher ses vêtements, sans sembler les attaquer. La chaleur intolérable et l'éclat de la fournaise éblouissait l'enfant qui restait, le regard fixé sur l'incendie, sans même se soucier de se protéger, fascinée et emplie de terreur, pourtant. La silhouette tendit un bras et elle se sentit tirée par l'épaule pour être présentée devant l'inconnu. Mais elle ne voulait pas. Il lui faisait peur? Et elle ne voulait pas quitter les siens? Dans un déchirement métallique, une partie du sas s'écroula au dessus d'elle. Elle leva la tête pour voir arriver sur elle une poutrelle de fer chauffée à blanc?

Syëhl se réveilla en sursaut, les yeux grands ouverts, la respiration précipitée. Autours d'elle, un silence plus qu'assourdissant semblait l'entourer comme un cocon. Un rêve? Toujours le même?
Cherchant à percer la pénombre environnante, la jeune humaine réalisa soudain qu'elle se trouvait allongée dans un lit. Elle avait si peu dormi ces derniers temps, et tellement souvent dans la soute d'un vaisseau ou au fond d'un bar miteux, la conscience toujours éveillée, prête à se défendre à la moindre alerte, que cette sensation de repos à laquelle elle n'était plus habituée l'emplit d'un malaise indéfini. Quelque chose clochait. Comment était-elle arrivée là ? Avec ahurissement elle chercha à rassembler ses souvenirs. Quelques vagues flash lui revinrent, hachés : une ruelle sombre, une course poursuite... Elle oubliait le plus important, elle le sentait... Mais quoi? Un homme qui s'avançait... une lueur rouge familière et le sentiment d'une surprise sans borne... Soudain le froissement infime d'un tissu lui fit tourner la tête vers une silhouette immobile, assise sur une chaise à coté de son lit. Gaïlon... L'espace d'un instant, elle oublia les années passées, les raisons de son exil, l'impossibilité de sa présence. Un sourire d'adoration, doux, illumina le visage de cette enfant de l'ombre.
Le Sith se redressa à la vue de son expression. Qui était donc l'homme dont il avait capté le nom? Décidément, cette jeune humaine se révélait bien surprenante. Quel rapport entretenait-elle avec le Côté Obscur pour ne pas le craindre et le défier de la sorte? Tôt ou tard, il obtiendrait les réponses à ces questions...
Mais les yeux étincelants de Syëhl s'assombrirent brutalement comme elle reconnaissait son erreur. « Ce n'est pas Gaïlon ! » Ces quelques mots, traversant d'un coup les dernières brumes de son inconscience, lui firent l'effet d'un coup de fouet : deux ans s'étaient écoulés depuis? Mais si ce n'était pas lui qui la veillait, où donc et aux mains de qui se trouvait-elle ? Rejetant les draps vivement, elle tenta de se redresser, mais ce simple mouvement lui arracha un cri de douleur.
- Reste calme ou l'hémorragie va reprendre, conseilla-t-il d'une voix toujours aussi sévère. J'ai déjà eu bien assez de mal à l'arrêter.
Mais sans même sembler écouter, la jeune femme serra les dents et posa les pieds au sol après s'être assise, ne se souciant pas de la tache de sang qui de nouveau réapparaissait sur le bandage propre entourant le bas de son ventre. D'une main fébrile, elle passa ses doigts légèrement sur celui-ci. Il avait visiblement soigné la blessure? Mais un autre détail l'alerta bien plus : les vêtements qu'elle portait n'étaient pas les siens! L'espèce de tunique de toile noire, attachée aux épaules et entrouverte au niveau de la blessure, bien trop grande pour elle, descendait en plis amples, juste serrée autours de la taille doucement par une ceinture d'un tissu satiné, noir aussi. Il l'avait? déshabillée ? ? ? La colère et la honte la firent rougir jusqu'aux oreilles et se redresser malgré la souffrance.
- Qui êtes vous ? Et qu'est ce que? qu'est ce que je fais ici ? ? ?
- Ce n'est pas à toi de poser les questions, rétorqua-t-il durement, d'une voix extrêmement grave. Et tiens-toi tranquille, ta plaie est profonde et vient de se rouvrir. Il va falloir...
Il s'arrêta et soupira longuement en la fixant.
Ignorant l'avertissement pour ne relever que l'ordre donné, Syëhl jeta sur l'inconnu un regard hargneux et recula à coté du lit. Cette voix? Elle l'avait déjà entendue? et ce ton à la fois méprisant et froid? Tout d'un coup le souvenir de l'homme et du bref combat les opposant traversa son esprit. Bien sûr! Comment avait-elle pu ne pas faire le lien ! En même temps que les images, le sentiment de frustration revint, rendu plus fort de se retrouver face à lui sans savoir depuis combien de temps elle dormait? ni même sous la surveillance de qui ! !
- Je vous demande qui vous êtes! Si vous croyez que je vais me contenter de vos réponses méprisantes?
Mais Syëhl ne put continuer. Un élancement plus violent que les autres venait de la clouer sur place dans son geste pour se diriger vers la porte et se recroquevillant elle s'effondra au sol, livide, le souffle coupé.
Rapidement il la rattrapa en pestant dans une langue inconnue et la recoucha sur le lit sans plus de cérémonie. Puis, de la main droite, il se saisit de son sabre et reprit d'une voix qui ne laissait aucune place à la contestation :
- Tu n'as pas le choix.
Un sentiment de panique s'empara d'elle à ce geste. L'incompréhension se lut sur son visage malgré la pénombre. « Il veut me tuer ? Mais pourquoi maintenant, après m'avoir soignée ? » Elle ne prit cependant pas le temps d'analyser la situation. Attrapant le drap d'une main, elle le rabattit avec une extrême vélocité sur le Sith et lui asséna dans l'estomac un violent coup de genoux. L'onde de douleur que cet effort déclencha en elle fut telle qu'elle vit tout autours d'elle tourner, mais, se dégageant, elle trouva tout de même la force, trébuchant, de s'éloigner du lit.
D'un geste rageur, le guerrier jeta l'étoffe sur le matelas et revint vers elle. Sans ménagement, il l'attrapa par le col de la tunique et la repoussa brutalement vers la couche.
- Tu vas faire ce que je te dis maintenant! grommela-t-il furieux.
- Me laisser tuer sans rien dire? ! Non, mais vous rêvez! Lâchez-moi, espèce de brute!
De l'index gauche, il pointa la blessure de l'humaine et ajouta:
- Pauvre idiote... Il faut? la cautériser? sinon, tu vas te vider de ton sang comme un vulgaire animal blessé?
Piquée au vif par l'insulte, la jeune femme le fusilla du regard. Le Sith avait à moitié dénudé l'épaule dans son geste brusque et cette touche d'une blancheur diaphane au milieu des habits et du drapé des cheveux d'ébène rappelait subitement sa nature de femme et sa fragilité malgré sa rébellion et sa volonté de fer. Ses réactions et l'expression de son visage, où se lisait tant cet esprit de liberté et la revendication farouche de son indépendance, soulignaient en effet à cet instant la grâce féline, et l'instinct sauvage qui coulait dans ses veines, par son enfance passée auprès d'un Jedi noir. De nouveau, cette affinité avec le Coté Obscur se dévoila dans le coup d'?il rageur dont elle gratifia l'inconnu. Ce n'était donc pas pour la supprimer? Mais? Cautériser la plaie avec CA ? ? Un sabre laser ? ? ?
- Vous êtes fou?
- Si tu préfères mourir de façon aussi sordide, à toi de voir...
- Je ne vais pas mourir d'une vulgaire blessure, répliqua-t-elle tout en ramenant sur elle la tunique. Je ne vois pas pourquoi je me laisserais torturer par quelqu'un comme vous pour?
Portant soudain la main à ses lèvres elle toussa violemment et la retira rouge de sang. Ce goût dans sa bouche, qu'elle connaissait tant, l'alerta sur son état, plus grave qu'elle ne le pensait. Le fait de se débattre avait rouvert les chairs.
- Vas-tu enfin m'écouter? rajouta-t-il cyniquement en constatant cette quinte subite.

Il croisa les bras sur son torse et resta de marbre tout en la dévisageant. Insolente, arrogante... presque désagréable... Mais son lien avec l'obscurité avait éveillé sa très rare curiosité... Sinon, il l'aurait déjà...
Syëhl fixa un instant des yeux le guerrier. Sa propre faiblesse la répugnait, et il n'avait visiblement pas tord quant à la blessure... Mais s'en remettre ainsi à un inconnu, un Sith qui plus est! Elle ne connaissait même pas son nom ! Ne pouvoir distinguer son visage, ses traits, évaluer celui qui la tenait pour ainsi dire à sa merci, l'irritait au plus haut point. Mais insidieusement, elle ressentait pourtant en elle autre chose, l'influence de cet adepte du Coté Obscur qui lui rappelait parfois son mentor... Son père adoptif... C'était pour lui qu'elle voulait poursuivre, pour le venger... Elle ne pouvait pas se permettre de mourir...
Se décidant soudain, elle hocha doucement la tête, d'un accord tacite, et le regarda décroiser les bras, sans montrer d'émotion et s'approcher d'elle.
Sans mot dire, il la fit basculer sur le côté et ôta le pansement rougi d'hémoglobine. Les mouvements trop brusques de la jeune femme tendaient à aggraver le mal. Puis, il posa un genou sur le lit, et vint se mettre à califourchon juste au-dessus d'elle, s'attendant à la voir protester.
- Mais qu'est ce ...?
Instinctivement elle le repoussa des mains. Ne lui laissant pas le temps de répliquer, il l'attrapa par les poignets et plaça ses bras au dessus de sa tête avant de se pencher vers elle. Son souffle chaud vint se déposer sur le visage de l'humaine et il murmura à son oreille :
- Ce sera rapide mais douloureux. Si tu bouges? tu meurs? prends garde.
Détournant la tête, elle ne répondit d'abord rien, troublée. L'intonation de la voix avait changé. Etait-ce le fait qu'il murmure ? Pourtant, elle n'était pas sure de distinguer très nettement la limite de la part de plaisir qu'il prenait à lui chuchoter ainsi qu'elle pouvait y rester... Mais il était trop tard pour reculer. Elle connaissait la douleur bien plus qu'il ne semblait le supposer. Elle l'avait déjà affrontée et l'affronterait encore... Malgré l'énervement que lui inspirait un si visible sentiment de supériorité, elle ne pouvait que s'en remettre à lui pour l'instant... Fermant les yeux elle lâcha dans un souffle :
- Je ne ... bougerai pas...
Le Sith se redressa, ôta ses gants et d'un geste activa son sabre. Il se concentra et approcha la lame ardente de la blessure. Plus près? encore plus près?jusqu'à ce que le laser commence à brûler la peau de sa? patiente? Le corps de celle-ci se crispa sous la douleur et il resserra les jambes autour de son bassin pour l'empêcher de remuer, tout en écartant l'arme quelques secondes. Accroissant la force de son emprise sur ses poignets, il reprit sa tâche tout en fixant son visage. Cette fois-ci, il eut juste le temps de terminer et lâcha le pommeau avant de venir placer sa main droite sur le front de Syëlh et l'autre sur la plaie encore chaude. Il murmura, d'une voix semblant surgir d'outre tombe, des mots qu'elle ne comprit pas et la sentit peu à peu s'apaiser.
Tétanisée par une souffrance insensée, Syëhl avait perdu la notion d'autre chose que de la brûlure contre sa peau. Elle aurait voulu crier mais aucun son ne sortit, et tout vacilla. La langue qu'il psalmodiait lui était inconnue, mais dans son égarement, elle en perçut en elle la musicalité et sentit son esprit se focaliser sur ces tonalités étranges et captivantes. Desserrant les poings, elle se détendit progressivement comme tout s'estompait, dans une vague conscience de sombrer dans un néant cotonneux.
Constatant qu'elle venait de s'assoupir, le guerrier se redressa et la regarda de longues minutes. Elle s'était montrée bien courageuse pour une femme de son âge. Beaucoup auraient crié leur douleur avec force mais elle disposait d'une telle volonté... D'où la tenait-elle? Qui était donc cette humaine aussi insensée que leur rencontre?
Sur ces quelques questions, il redescendit du lit et changea le pansement avant de remonter le draps jusqu'à ses épaules. Puis, après avoir raccroché son sabre à sa jambe droite, il retourna s'asseoir sur le fauteuil et ramena sa capuche en avant. Il n'était pas encore temps pour elle de le voir. Pas tant qu'il n'en saurait pas plus... Il ferma les yeux et décida de se reposer, comme toujours, incapable de dormir à l'extérieur de son refuge.
REVELATIONS
A l'aube naissante, le Sith se leva et se dirigea vers la minuscule fenêtre qui éclairait légèrement la petite pièce. Il regarda dehors en écartant doucement le lourd tissu qui pendait devant et constata la couleur orangée que venait de prendre le ciel, où le soleil ne tarderait pas à faire son apparition. A cette hauteur, il était aisé de le voir, contrairement à depuis les bas fonds.
Relâchant le rideau, il fixa un court instant la jeune femme au sommeil agité et soupira. Il aurait dû la tuer... Il serait déjà loin de cette planète qu'il détestait, ainsi... Mais maintenant, il ne pouvait plus reculer. Il fallait assumer son choix et découvrir ce qu'elle cachait, sous ses airs de gamine rebelle. Quelque chose de plus profond... d'étrangement lié au Côté Obscur, il s'en trouvait persuadé.
Arrivé vers la table où il avait posé son sabre laser, il prit place sur une chaise et l'observa... Le guerrier fit une moue de mécontentement avant de s'en saisir et commença à le briquer. Il devrait ensuite faire de même avec son armure, toujours maculée du sang de l'humaine. En plus de l'avoir provoqué, elle lui en avait fichu partout. Il soupira... Quelle peste... Pourquoi donc s'en encombrer ? ! Rageusement, après l'avoir nettoyée, il claqua l'arme sur la table et se dirigea vers son équipement pour faire de même.

Le bruit sec du métal contre la table atteint la jeune femme dans son sommeil et lui fit ouvrir les yeux. Elle mit quelques secondes à comprendre où elle était. La luminosité nouvelle de la pièce, quoique tamisée, changeait radicalement ses perceptions de l'endroit. Comme elle reprenait ses esprits, elle revit mentalement le Sith et la scène qui s'était déroulée dans la pénombre la veille, se remémora la souffrance atroce de la cautérisation, puis la sensation de s'endormir dans un bien être flou, sous les mains chaudes de l'inconnu. Elle tenta de se redresser mais grimaça. La douleur était encore à la limite de l'évanouissement et lorsqu'elle eut réussi à s'asseoir, elle dut attendre un instant que les taches sombres devant ses yeux s'estompent.
L'ayant entendue, l'homme se retourna et capta ses pensées douloureuses. Après un long soupir, il lui conseilla, tout en s'approchant d'un placard:
- Attend, reste calme un instant.
- Où sommes nous?
Sa vision redevenant nette, elle se retourna un peu pour suivre ses mouvements. Qui était-il finalement? Il n'avait pas voulu, ni même daigner, répondre à ses questions... Et quel but poursuivait-il en l'ayant recueillie et soignée?
Il revint vers elle, quelques minutes après et lui tendit une tasse en expliquant:
- Ce n'est qu'un anti-douleur.
Avisant le liquide d'une couleur étrange, elle releva un regard assombri vers lui en repoussant avec une vivacité étrange le breuvage, sans mot dire. L'expression sombre de son visage démentait un simple caprice. Après un silence, elle finit par reprendre d'une voix tremblant un peu sous la souffrance, mais où se discernait une défiance farouche :
- Vous n'avez pas répondu à ma question. A aucune en fait... Qui êtes-vous? Et où sommes-nous?
Se rappelant les paroles psalmodiées la veille, et son glissement doux vers une perte de conscience, elle ajouta dans un murmure :
- Et que m'avez vous fait?
Agacé par son comportement, il posa violemment le récipient sur la petite table de nuit et grommela:
- Après tout, si tu préfères souffrir, c'est ton problème.

Il retourna vers le fond de la pièce tout en réfléchissant aux pensées qu'il avait capté lorsqu'elle avait observé le breuvage. Craignait-elle qu'il la drogue? Quelles en étaient donc les raisons? Peut être avait-elle déjà subi... ce genre de piège...
Après ces quelques réflexions, d'une voix qui se voulait un peu moins sévère, il répondit:
- Ce que je suis, tu le sais parfaitement. Quant à où nous nous trouvons... dans un immeuble de Coruscant, à l'abri.
Il se retourna vers elle pour voir sa réaction, mais à cet instant, de violentes images envahirent son esprit. Une pièce blanche... une lumière aveuglante... Il ferma les yeux, comme pour ne plus la voir et leva son bras devant son visage, avec un désir de protection. Douleur, tourments, tout se mélangeait subitement dans un tourbillon intense d'émotions brutales... Le flash s'estompa et revenant à la réalité, il prit appui quelques secondes sur la table, juste derrière. La réponse semi interrogative de Syëhl ne lui parvint que de manière lointaine.
- A l'abri ? ?
Celle-ci fit rapidement le tour de la chambre du regard. Qui il était, oui, elle le savait, elle le "sentait" sans pouvoir en expliquer l'impression : un Sith, un adepte du Coté Obscur. Et pas n'importe lequel. Il se dégageait de lui une puissance étrangement fascinante, différente pourtant de celle de Gaïlon. Mais son mentor avait pour elle des sentiments paternalistes, qui, pour être inexplicables chez un homme dévoué à la Force Sombre, existaient bel et bien. Lui était différent. Ils n'appartenaient pas aux mêmes mondes? Ils n'auraient même jamais dû se rencontrer si? Se rappelant brusquement la raison de cette rencontre elle releva vivement la tête:
- Mais ceux qui me poursuivaient ? Qu'en avez vous f? Qu'avez vous !?
Syëhl l'observa chanceler et s'appuyer à la table, visiblement étonnée. Qu'avait-il eu tout d'un coup, ou vu plutôt, pour se protéger instinctivement du bras?

Mais il n'entendit pas sa question. Tentant de reprendre sa respiration, il resta un peu le regard dans le vide puis essaya d'analyser cette vision étrange. Que lui était-il arrivé? A quoi correspondaient donc les images de cette pièce... de ce... laboratoire? L'espace d'un instant, tout semblait se brouiller dans son esprit. Les questions s'y bousculaient par dizaines et restaient sans réponse.
- Répondez moi!! Reprit la jeune femme, serrant fortement un des montants du lit de fer.
Cette situation n'était plus tenable. Comme à chaque fois qu'elle se sentait en danger, les murs de la pièce lui rappelèrent d'autres murs, d'autres endroits qu'elle aurait aimé oublier. Même le toucher glacé du montant du lit ravivait des sensations enfouies et désagréables. Se levant vivement en retenant à temps un cri de douleur, elle tint bon, une courte flamme sombre dans ses prunelles, et s'avança vers lui, déterminée.
- J'exige des réponses! Quel est votre nom? Pourquoi m'avoir... soignée? Pourquoi vous cachez-vous ainsi ? Montrez-moi votre visage.
Elle était presque arrivée près de lui et tendit vers la capuche une main assurée. Revenant à la réalité, il attrapa son poignet au dernier moment et lui tordit le bras dans le dos.
- Je ne reçois d'ordre de personne, murmura-t-il hargneusement. Si tu ne veux pas subir le même sort que tes poursuivants, reste tranquille!
Le Sith la força à se rapprocher du lit. Il les avait donc éliminés? Comme elle tentait de lui opposer résistance, de la main droite, il vint appuyer sur sa blessure pour la faire plier. Puis, violemment, il la jeta sur le lit sur lequel elle retomba lourdement.
La pression au niveau de la plaie lui arracha un cri de douleur. Effondrée sur le matelas, les paupières fermées, elle ramena dans un gémissement devant elle ses jambes, le temps de sentir l'arc électrique s'atténuer un peu. En elle, une voix se fit de plus en plus impérative, et dans sa colère grandissante, elle cessa bientôt de la retenir. Il se produisit alors quelque chose que le guerrier ne put deviner à temps. Incapable de gérer quoique ce soit, Syëhl laissa tout d'un coup libre court à sa rage, en se relevant, occultant totalement ses sensations.
- Ne me menacez pas!! Hurla-t-elle d'une voix changée.
Rouvrant des yeux d'un violet étrangement trouble, elle posa brusquement son regard sur le Sith et dans la même seconde, celui-ci fut projeté avec une force inouïe contre la table, qui se renversa sous la poussée. Mobilier et guerrier atterrirent au sol dans un fracas chaotique. Elle n'avait pas bougé et respirait de manière très saccadée. La gamine, comme il la nommait, disparut un instant pour laisser entrevoir un visage bien plus mûr, contracté par la haine. L'énergie qui se dégageait de cette toute jeune femme, debout devant le lit, hautaine, avait totalement changé pour dévoiler un potentiel que l'ombre de la haine teintait de manière menaçante. Mais tout aussi soudainement que la vague de rage était apparue, l'étrange lueur vacilla et Syëhl, comme réveillée par le chamboulement, fixa le guerrier au milieu des meubles d'un air ahuri.
L'homme resta d'abord immobile puis finit par se redresser en se frottant le flanc gauche. Serrant les dents pour ignorer la petite pointe de douleur qui le poignardait à cet endroit, il fixa l'humaine avec surprise. La Force était en elle... mais bien plus dangereux que cela, elle ne la maîtrisait pas...Bien au contraire, seules ses violentes émotions la révélaient l'espace de quelques secondes, dans un accès de colère, dont il venait de faire les frais. Une Force incontrôlée, une imprécation du côté obscur... Cette jeune femme se mettait en péril elle-même sans le savoir. Les deux ainsi combinés ne faisaient pas bon ménage, bien au contraire. En s'appuyant sur les meubles couchés, il se releva puis la dévisagea de toute sa stature. Enfin, il ôta sa capuche, et demanda:
- Qui donc t'a laissé entrevoir l'Obscurité?
Syëhl ne répondit pas tout de suite, bouche bée devant le visage enfin dévoilé de l'inconnu. Ainsi ce n'était donc pas un humain ! La peau d'une teinte bleue soulignait des traits prononcés sur lesquels se lisaient la solitude, la force de caractère, l'habitude de se faire obéir aussi. La bouche donnait une touche volontaire au guerrier. Mais ce ne fut pas ce qui l'étonna le plus. Ces tatouages sur le coté gauche l'intriguèrent bien plus encore. Que pouvaient-ils bien représenter ? Oubliant son accès de colère sous la curiosité, elle s'avança vers lui, et leva doucement la main, s'attendant à se sentir stoppée à tout moment. Mais le Sith ne bougea pas. Son regard était intensément posé sur elle. Prenant son immobilité pour un acquiescement, elle acheva son geste et vint effleurer des doigts les tatouages sur sa joue.
- Vous êtes?Que signifient ces tatouages ?
Relevant la tête, ses yeux croisèrent les siens et elle resta la main à quelques centimètres de son visage, sans plus se mouvoir. Il avait des yeux fascinants ! Ils semblaient percer droit les défenses pour fouiller votre âme et pourtant, l'attraction qu'exerçaient ces pupilles émeraude retenait l'interlocuteur de s'écarter.
Dans un mouvement machinal, les doigts du Sith vinrent se poser sur ceux de Syëlh et les ramenèrent contre son visage. Il ferma les yeux un court instant avant de recommencer à la dévisager avec insistance.
- Je suis d'origine Dazen, murmura-t-il simplement.
Le contact de sa main sur la sienne et la douceur avec laquelle il la ramena contre sa joue la troublèrent encore davantage et masquèrent dans son esprit l'autre question à laquelle il n'avait pas répondu. Ayant totalement écarté le fait qu'elle venait de le balancer contre la table toujours renversée pour l'avoir brusquée, elle ne fit pas un geste pour se dégager. Comme absente, elle reprit d'une voix basse :
- Dazen...
De l'autre main, il vint frôler la joue de l'humaine. Quelle femme étrange, rageuse un instant et tellement sensible quelques secondes après. Elle se tenait sur la défensive, opprimée par un passé omniprésent et pourtant, en ce moment, elle venait de laisser tomber cette façade qu'elle s'efforçait d'afficher.
- Qui es-tu Syelh, d'où viens-tu? continua-t-il de murmurer tout doucement sur le même ton, pour ne pas briser ce lien étrange qui venait de s'établir.
Comme sous le poids d'une émotion la prenant à la gorge, elle frissonna un peu en dégageant tout doucement sa main, et finit par répondre dans un souffle :
- Je viens d'Adarlon? Mon ? père adoptif ETAIT un Jedi noir?
Cette première réponse constituant une victoire, il préféra ne pas la brusquer avec d'autres questions et lui conseilla une nouvelle fois:
- Je sens bien que tu souffres même si tu ne veux pas le montrer, malgré ta bravoure. Crois-moi, bois l'anti-douleur, ce n'est rien de plus, je te le jure.
Elle sembla hésiter. Elle savait que ses jambes ne la porteraient pas longtemps ainsi. Malgré ses efforts, les élancements rayonnaient dans tout son buste et la paralysaient à moitié. Mais quel crédit accorder à la parole d'un inconnu ? Seulement? était-il vraiment encore un inconnu ? Sans mot dire, elle se rapprocha de la petite table de nuit, saisit la tasse d'une main quelque peu tremblante et jeta un dernier coup d'?il au Sith, comme pour détecter un éventuel signe alarmant. Mais il n'avait pas changé d'expression. Portant alors le récipient à ses lèvres, elle en avala le contenu sans cesser de surveiller celui-ci. Le goût hésitait entre amertume et âpreté. Elle sentit le liquide couler dans sa gorge comme s'il avait été brûlant.
Pendant ce temps, il se baissa pour ramasser le mobilier écroulé et remit tout en ordre. Lorsque ce fut fait, il marmonna:
- Je vais en faire autant...
Il se dirigea de nouveau vers les placards avant de se préparer à son tour une décoction qu'il avala d'un trait. La douleur provoquée par sa chute continuait de le tirailler au niveau des côtes et il ne doutait pas de la fracture de certaines.
Puis, calmement, il revint s'asseoir dans le fauteuil et plaça ses mains sous son menton tout en regardant Syëhl.
La jeune femme avait reposé la tasse et suivi les actions du Dazen en coin. Lorsqu'elle le vit la dévisager son mot dire, elle ressentit un malaise croissant. Le calmant n'avait pas encore fait effet et elle avait toujours du mal à se tenir droite sans hurler. Pour se donner une contenance, elle alla silencieusement regarder par la fenêtre en entrouvrant légèrement le rideau et constata la hauteur vertigineuse. Si le besoin s'en faisait sentir, elle ne pourrait pas s'échapper par là. Un saut de ce genre lui avait déjà coûté beaucoup et cela n'avait été que de la hauteur de quelques étages. Ici c'était bien différent? Son instinct de vie ardente, ayant évolué dans les larges espaces à l'air libre, lui faisait ressentir encore plus l'exiguïté de toute chambre close.
Le jour s'affirmait.
- Combien de temps ai-je? dormi ? « Et quel était cette ? incantation qu'il a récité sur moi ? » pensa-t-elle.
- Environ deux jours, répondit-il toujours sans bouger.
Syëhl sursauta. Deux jours!! Elle était restée inconsciente tant de temps?! Lui tournant toujours le dos, elle sentait son attention focalisée sur elle comme si elle lui avait fait face. A quoi pouvait-il penser?
Subitement, il se releva et vint se placer juste dans son dos, les deux bras de part et d'autre d'elle, appuyé sur l'encadrement de la fenêtre et il lui demanda avec la plus grande franchise:
- Quel est ton but Syehl?
- Mon but?
Il la sentit se contracter à cette question. La douceur qui avait percé un moment disparaissait de nouveau dans une flamme de haine qui la consumait. Son but... Elle avait fait tellement d'effort pour l'atteindre. Aujourd'hui encore elle savait qu'elle n'était pas prête. Mais il restait le même. Ceux qui avaient tué Gaïlon devraient payer. Au centuple!
- La vengeance... dit-elle d'une voix sinistre.
Le Sith prit le temps de réfléchir quelques instants avant de poursuivre. Tout concordait. Ce qu'il ressentait en elle, ce sabre à l'aura sombre, qu'il avait remarqué dans ses affaires, ses aveux... et maintenant ce but auquel elle semblait tant tenir.
- Lorsque tu te sentiras prête à mener ton ?uvre jusqu'à son aboutissement, sache que tu devras faire preuve d'une patience sans faille. La vengeance se mérite et peut prendre un temps infini...
Syëhl ne bougea pas. Elle sentait le Dazen l'entourer de ses deux bras appuyés sur le rebord de la fenêtre. Sa voix n'avait plus rien à voir avec celle dont il lui signifiait son infériorité tantôt. Que s'était-il passé en lui pour qu'il lui accorde soudain de l'attention ? Peu habituée à cela depuis deux ans, elle se rebella instinctivement contre l'envie qu'elle ressentait de savoir, de le comprendre, d'apprendre de lui. Sa remarque, en partie pour sa véracité, l'irrita. Qu'avait-il à lui donner des conseils? S'il croyait que, parce qu'il s'était trouvé une fois sur son chemin, elle ne pouvait mener à bien son but sans être guidée? Elle s'infiltrerait et elle les tuerait avec l'arme même qu'il ... Le sabre!! La douleur puis la surprise de le trouver différent à chaque instant lui avait fait oublié qu'elle ne portait plus les mêmes vêtements. Se retournant vivement dans l'étroit espace de ses bras, son visage de se retrouva à quelques centimètres seulement du torse de l'homme.
- Qu'avez vous fait de mes affaires?
- Propres et rangées dans le placard, à côté du lit. Et le sabre aussi, ajouta-t-il en la fixant d'un air sérieux. Et je ne te dis pas tout ça pour tenter de te guider ou autre chose. Tu feras ce que tu veux mais je te parle juste par expérience personnelle. Après, fais comme bon te semble, Syëhl.
Il s'écarta brusquement, prit son arme posée sur la table, et alla poser sa cape sur le fauteuil avant de se diriger vers une petite porte.
- Je vais prendre une douche, fais ce que tu veux, mais ne dérange pas la pièce, c'est tout ce que je te demande.
Ayant ajouté cela, il s'enferma dans la salle de bain.
Syëhl se retrouva seule dans la chambre, interdite. Cette brusque licence lui donna presque une impression de vide. Mais surtout? "Ne dérange pas la pièce"? C'était là son plus grand souci quand il avait près de lui quelqu'un dont il ne connaissait presque rien et qui pouvait lui porter du tord? Si elle n'avait pas encore dans son esprit le sérieux de son expression, elle aurait trouvé sa réflexion presque... risible. Mais tout en lui reflétait une maîtrise totale de soi, une prestance dans elle subissait inconsciemment l'ascendant, inconsciemment. Et que signifiait ce ton sérieux avec lequel il lui avait parlé de son but? Elle n'avait besoin de personne... Et pourtant... S'il n'était pas intervenu? Elle serait morte? S'approchant de la porte de la salle de bain, elle posa avec douceur les mains à plat contre le métal du battant. Qui était-il vraiment ? Et combien de facettes différentes avait-il encore?
Le bruit de l'eau coulant la tira de sa rêverie. Puisqu'il la laissait libre, pourquoi ne pas prendre ses affaires et partir ? Elle fit un pas vers l'armoire qu'il lui avait indiquée, en ouvrit un coté et vit en effet celles-ci proprement pliées et disposées.
Elle esquissa un geste pour reprendre le tout mais s'arrêta, songeuse. La douleur s'était nettement atténuée grâce au breuvage, mais combien de temps cela durerait-il ? Si elle n'était pas capable de se tenir debout sans souffrir, comment se défendrait-elle en bas ? Sans compter qu'elle ne croyait pas au hasard. Cette rencontre l'intriguait. Et elle ne connaissait même pas son nom...

Pendant ce temps, le Dazen venait d'entrer dans la cabine et une fois le jet déclenché, s'appuya contre le carrelage, dont le froid contrastait nettement avec la température de l'eau qui coulait sur sa peau. Elle se voulait rebelle mais quelque part nécessitait protection. Elle avait besoin d'être protégée de l'extérieur mais aussi contre elle même, contre cette force indomptable qu'elle devait apprendre à maîtriser. Mais ce n'était pas son rôle. Il venait d'obtenir les réponses à ses questions alors pourquoi continuer à s'encombrer? Il ferma les yeux et soupira.
Mais autre chose l'intriguait. Il avait parfaitement ressenti l'aura sombre du sabre et elle désirait vengeance... Son père adoptif devait donc être mort... Alors pourquoi n'avait-il pas perçu son décès en touchant l'arme ? Etait-il toujours vivant ? Que savait-elle réellement ? Une autre interrogation lui vint. Si elle parvenait à se contrôler, de quoi serait-elle capable...

Subitement, il sentit la température de l'eau augmenter et celle-ci devint brûlante. Malgré lui, il poussa un cri de douleur et se précipita en dehors de la douche.
Le thermostat s'était encore déréglé!
Il s'empressa de s'essuyer et d'enfiler son pantalon avant de sortir à l'extérieur et de foncer droit vers le placard où il rangeait son matériel de soin. L'eau l'avait brûlé bien plus que la dernière fois et il devait vite appliquer un baume pour ne pas voir s'aggraver la blessure.

Assise avec dans les mains le sabre de Gaïlon, qu'elle avait repris, Syëhl avait été arrachée de ses pensées par le hurlement. Avec effarement elle le vit débouler torse nu, et se précipiter vers l'armoire, puis en sortir une lotion qu'il tenta maladroitement de s'appliquer dans le dos. Comprenant la nature de la blessure, elle se leva, posa le sabre sur le lit, et une fois près de lui, saisit d'autorité le tube de crème sans même lui demander son avis et sans rien dire.
Le Sith se tourna et la regarda, surpris.
- Mais que...
Mais elle détourna la tête :
- Retournez vous... et? asseyez vous.
Comprenant qu'elle souhaitait l'aider et sentant la douleur s'accroître, il ne se fit pas prier et attrapa la chaise avant de s'asseoir, face au dossier.

Sans tarder plus, elle étala sur la zone de la brûlure la lotion. Sa main fraîche contrasta avec la chaleur de la peau du Dazen. Syëhl était de plus en plus éberluée. Les tatouages descendaient donc jusque là ? Mais ces marques tribales n'étaient pas les seuls vestiges d'un passé inconnu. Zébrant son dos, de larges cicatrices avaient marqué de leurs traces indélébiles le corps du Sith. Elle sentit d'autres souvenirs resurgir mais les refoula. Cherchant à éloigner ces vieux fantômes, elle profita de l'occasion pour lui redemander:
- Je ne sais toujours pas votre nom...
- Krohn... se contenta-t-il de dire tout en fermant les yeux, appréciant de sentir la sensation de brûlure diminuer.
Il croisa les bras sur le dossier et y posa la tête pour profiter de l'instant. Pendant de longues minutes, elle s'appliqua à faire pénétrer le baume avec des mains expertes en massant légèrement. Ses doigts agiles courraient sur la peau du guerrier, s'attardant aux endroits particulièrement tendus, avec une dextérité qui trahissait non seulement l'habitude et la maîtrise de cet art ancestral aux vertus calmantes, mais aussi une sensualité à fleur de peau. Elle paraissait savoir instinctivement les gestes qui apaisent et détendent, glissait le long de la colonne vertébrale, remontait à l'arrière de la nuque dans une fluidité et une douceur insoupçonnée, pour imposer ses paumes renversées de chaque coté de la base du cou avec une légère pression. De ses pouces, elle termina en insistant entre les omoplates puis en donnant à ses gestes de plus en plus de légèreté jusqu'à ce que l'apaisement qui devait l'avoir envahi ne lui permette plus de distinguer sa présence.

Krohn poussa un léger soupir. Mais où avait-elle appris une telle science du massage ? Il fallait bien l'avouer, pour une fois, il ne se plaignait pas, bien au contraire. Il se sentait soudainement beaucoup plus calme et les tourments paraissaient bien loin en ces quelques instants de tranquillité. Au bout d'un certain laps de temps, le Dazen cessa de sentir sur son dos la fraîcheur de ses mains.
- Restez un peu ainsi... Krohn, murmura-t-elle.
Sans un bruit, elle reboucha le tube et alla le reposer elle-même dans la trousse. Elle jeta un coup d'?il au Sith qui n'avait pas bougé depuis qu'elle avait cessé son massage. Elle le vit ouvrir doucement les paupières et la regarder. Pour la première fois depuis leur rencontre, la jeune femme lui sourit.
Elle savait parfaitement la sensation de flotter qui accompagnait cette science. Ce sourire qui pour la première fois apparaissait sur le visage de Syehl sembla dévoiler une autre personne.
Ecoutant le conseil, il attendit un peu puis se remit debout avant de s'étirer et de lui faire un signe de tête pour la remercier.
Il ne lui avait rien demandé et pourtant... elle l'avait aidé d'elle-même. Il se dirigea vers un placard d'où il tira une tunique propre avant de l'enfiler, puis reprit:
- Tu peux me tutoyer, je n'y vois aucun inconvénient.
Le sourire s'accentua légèrement avec étonnement. Se redressant, elle acquiesça et montra la salle de bain.
- Puis-je à mon tour prendre une douche?
- Hum... Si le thermostat n'est plus détraqué... fit-il en haussant les épaules.
- Je suis prévenue, je ferai attention, dit-elle en prenant ses vêtements propres dans l'armoire avant de se diriger vers la porte.
Elle allait la refermer quand elle s'arrêta sans se retourner vers lui, après un visible effort sur elle même. La fixant, il lui sembla qu'elle allait parler, mais il la vit contracter un peu sa main sur le montant de la porte et hésiter. Finalement, elle acheva son mouvement et s'enferma dans la salle de bain, laissant le Dazen perplexe.
SHOPPING
Une demie heure plus tard, la jeune femme sortit de la salle de bain. Contre sa peau encore humide, les vêtements noirs collaient par endroit, et ses longs cheveux coulaient en flots sur ses épaules et son dos, encore mouillés. Quelques perles d'eau étaient restées sur les mèches qui encadraient son visage, et dans ses longs cils d'ébène.
Ayant entendu la porte, le Sith, qui finissait de réajuster son bliaud, la fixa tout d'abord sans rien dire et fronça soudain les sourcils.
Sous le regard scrutateur de Krohn, Syëhl détourna le sien et murmura d'un air neutre :
- Le thermostat n'a pas fait des siennes...
- Tu as bien de la chance, répondit-il. Cependant, vu l'état de tes vêtements... tu ne vas pas pouvoir rester comme ça.
Le Dazen se tourna et fouilla dans ses affaires sur la table avant de cacher quelque chose sous sa cape. Puis de nouveau, il la dévisagea et lui indiqua la porte de l'index.
Syëhl reporta son attention sur ses habits. Le tissus était à plusieurs endroits lacéré de coupures diverses à cause de son saut à travers la fenêtre, et la plus large d'entre elles, au niveau de sa blessure, révélait un bon morceau du bandage.
- J'ai pris pour habitude de voyager léger... railla-t-elle avec une pointe d'ironie, tandis que ses yeux suivaient son geste. Que cachait-il ainsi, sous ses vêtements?
- Alors viens, dit-il simplement.
Penchant un peu la tête avec une expression de surprise, elle resta un instant interdite.
- Où ça?
- Je t'emmène faire quelques courses, tu ne vas tout de même pas te faire prier, lâcha-t-il cyniquement en se dirigeant vers la sortie.
Des courses? Dehors?! Mais il était fou!! Elle avait la moitié des bandits de la basse ville sur les talons, et ? Et lui aussi, en l'ayant aidée ! Et il proposait tranquillement de sortir faire des courses!! Syëhl s'élança entre la porte et Krohn avant de dire :
- Attends... que fais tu de ceux qui... qui me cherchent?
- Parce que tu crois vraiment qu'ils te chercheront dans les hauts quartiers? Et puis je n'ai pas l'intention de rester ici indéfiniment. Ce soir, je quitte cette planète Syëhl, répondit-il en reprenant tout son sérieux. Si tu ne veux pas venir, j'irai seul faire ce shopping mais, ma foi... il me sera plus difficile de choisir à ta place!
Dans les hauts quartiers?? Elle le dévisagea, éberluée. Il avait tant de moyens que ça??? Mais une autre phrase lui revenait à l'esprit. Quitter New Coruscant... Demain. Ce qui signifiait que demain, leurs routes se sépareraient de nouveau. Elle baissa la tête en s'écartant de la porte. Tant mieux. Il l'énervait avec son ton hautain, souvent méprisant... Elle n'avait pas besoin de lui. Il l'avait soignée, c'était déjà bien assez de lui devoir cela... Bon vent! Alors pourquoi...?
- Je t'accompagne, répondit elle seulement, avec la volonté d'être neutre, en saisissant au passage d'autorité l'une des capes du Dazen pour s'en couvrir les épaules et éviter les regards dans la rue.
Le guerrier lui fit signe de passer devant et la suivit silencieusement tout continuant de la regarder. Il sentait parfaitement que l'annonce qu'il venait de faire, bien malgré elle, la perturbait. Elle ne voulait pas l'admettre mais il le savait. Ils empruntèrent un turbo élévateur et gagnèrent les étages supérieurs, reliés aux centres commerciaux. Ils traversèrent une petite galerie sans importance et par le biais de tapis roulant et escalator, gagnèrent un complexe bien plus luxueux, où se bousculait une foule aisée. D'énormes écrans, fixés à d'impressionnants piliers, diffusaient des publicités en continu, vantant les vertus de n'importes quels produits. Les vitrines, dont le verre organique changeait sans cesse de couleur pour attirer l'attention, regorgeaient de vêtements et d'articles hors de prix. Sur cette planète, toutes les activités commerciales, politiques s'étaient re-développées dans les hauteurs, comme c'était déjà le cas avant la destruction par les Yuuzhan Vong. La basse ville, d'où n'était même pas visible le ciel, le soleil, abritait quant à elle, tous les reclus de la société, les gens sans importance? à qui personne ne désirait accorder le moindre espoir d'une vie meilleure. Tandis qu'un tapis roulant les faisait redescendre dans la galerie d'un autre bâtiment, il vint lui souffler:
- Et toi que vas-tu faire demain?
Syëhl sursauta légèrement. D'un pas, elle s'écarta un peu tandis que la lueur sombre réapparaissait dans ses prunelles si changeantes:
- Ici ou ailleurs, la même chose que d'habitude...je n'abandonnerai pas.
- Je n'en doute pas, mais si tu veux voyager gratuitement pour quitter cette planète, il te suffit de le demander, lâcha-t-il en entrant dans une première boutique tout en s'éloignant quelque peu, guettant sa réaction.
Qu'allait-elle décider de faire? Elle, si imprévisible... pensa le Sith sans la regarder.
La jeune femme s'arrêta devant la vitrine dudit magasin en fixant un habit, sans même vraiment le voir. Il venait de lui proposer clairement de l'emmener... Lui faire quitter la planète? Le regard perdu sur l'étalage, elle prit quelques instants pour réfléchir. Pour la déposer où? Là ou ailleurs... Elle vivrait des mêmes subterfuges. Elle finirait par devoir repartir, éternellement. Ici la ville était assez grande pour receler de nombreuses cachettes où disparaître? ou mourir. Et surtout ici, le temple était près, lui jetait toujours sous les yeux le souvenir de ce qui motivait sa haine...
Certes, elle ne se sentait pas encore la force de pousser les portes du temple, mais... non. Mieux valait pour elle qu'elle ne reste pas plus longtemps avec lui, même le temps d'un voyage. Poussant à son tour la porte du magasin, elle entra et se rapprocha de Krohn pour murmurer, les yeux posés sur un rayon :
- Je préfère ne pas t'encombrer d'une passagère.
Il se tourna vers elle et la fixa subitement d'un air sérieux et quelque peu sévère. Le Sith resta silencieux quelques instants puis lâcha:
- Crois-tu que je te proposerais l'opportunité de me suivre si tu m'encombrais? Que comptes-tu faire ensuite? Traîner un moment avant de te décider à pousser les portes du temple? Essayer de tuer des Jedi qui maîtrisent la Force alors que tu n'en connais même pas les brides? Au fond de toi tu sais que ce n'est pas un choix judicieux. Prends ton temps et réfléchis bien Syëhl. Et profites-en pour te choisir quelque chose à mettre, je t'attends dehors !
Ayant dit cela, il tourna les talons sans lui laisser le temps de répondre et referma la porte rageusement derrière lui.
Syehl frappa une étagère du poing, une réplique cinglante aux lèvres. Mais peu habituée aux traitements brutaux, celle-ci bascula pour laisser dégringoler sur la tête de la jeune femme une pile plus ou moins bigarrée de vêtements. Les regards indignés des vendeuses présentes se posèrent sur elle, comme elle pestait en se dégageant et en remettant tant bien que mal les affaires à leur place. Bravo. Belle manière de passer inaperçue, se morigéna-t-elle intérieurement. Evidemment, dans un magasin de ce standing, même avec une cape, ses vêtements déchirés ne se fondaient pas du tout dans le décor, et son geste venait d'attirer toutes les attentions.

Mais l'un des habits de la pile attisa sa curiosité. Dans cette ville si hétéroclite, où plus rien ne comptait que l'apparence, dans les hautes classes, les tenues avaient peu à peu pris une importance toute particulière, comme la seule chose permettant encore de se distinguer. La plupart étaient donc d'une extraordinaire excentricité, bien trop voyantes et volumineuses à son goût. Aller se battre avec une robe garnie de minuscules diodes qui scintillaient, or et argent, illuminant le corsage et le jupon, l'aurait presque faite rire. Et pourtant ce genre était à la toute dernière pointe de la mode ! La tenue qui l'avait arrêtée, quant à elle, se singularisait par sa sobriété. Il s'agissait d'une sorte de combinaison moulante noire formée d'un corset indépendant du bas, qui descendait en entrelacement le long du dos. Haussant les épaules, Syëhl décida d'au moins l'essayer et, passant dans une cabine, ôta ses propres affaires pour revêtir celle-ci. Le tissu d'une souplesse incomparable épousait parfaitement les formes harmonieuses de la jeune femme. Un col assez large dégageait ses épaules d'une blancheur qui tranchait sur le coté sombre de l'ensemble, puis le bustier enserrait la taille d'un contours délicat, couvrait les bras d'un voile transparent qui laissait deviner leur finesse. Le vêtement continuait ensuite en fuseau ajusté le long des jambes et galbait la silhouette en faisant ressortir son coté félin. Le même voile que celui des bras descendait en cascade, du bas du corset, et ajoutait à l'ensemble un coté aérien et doux au balancement des hanches fines. Mais Syëhl n'accorda qu'un regard indifférent à tout cela et sortit en gardant la tenue sur elle. Du moment qu'elle pouvait avec celle-ci passer relativement inaperçue et se défendre? Du regard, elle chercha Krohn, embarrassée, comme une vendeuse se dirigeait vers elle pour lui demander avec une affabilité de façade si cela lui convenait.
Guettant la fin de ses essayages, il entra de nouveau dans la boutique et se dirigea vers la caisse pour régler ses achats, son visage affichant cette mine dure qu'il arborait la plupart du temps. Une fois la somme versée, il quitta les lieux et pressa le pas vers la suite du centre commercial.

Une lueur excédée luit dans les yeux de la jeune femme. Sans même répondre à la vendeuse, qui de toute façon l'agaçait avec son sourire mielleux, elle reprit à la main ses anciennes frusques et sortit du magasin pour rejoindre Krohn. Au passage, elle jeta celles-ci dans une poubelle jalonnant les allées et finit par s'emparer du bras du Sith pour le forcer à s'arrêter et à se retourner. Réprimant la douleur qu'entraîna ce trop brusque geste, elle ne lâcha pas son bras :
- As-tu bientôt fini??? Qu'espérais-tu? Que je saute de joie à ta généreuse proposition?
- Une généreuse proposition, maugréa-t-il... avant de rester un moment silencieux. Fais comme bon te semble après tout... Mais cette tenue te va très bien.
Sur cette conclusion, avec une rapidité qui ne laissa pas à la jeune femme le temps de réagir, il l'attrapa par la taille puis l'embrassa avant de la relâcher et de la dévisager d'un regard taquin. Enfin, sans mot dire, il reprit sa route.
Médusée, la jeune fille de l'ombre porta la main à ses lèvres en regardant partir Krohn. Comment pouvait-il passer de la dureté à un tel ... geste en une seconde?
Ce qu'il pouvait être horripilant!! Pour qui se prenait-il? Pourtant, bien malgré elle, un sourire naquit sur ses lèvres et elle s'élança à sa suite pour le rattraper et le tancer vertement, quand, au moment où elle posait sa main sur son épaule, elle s'arrêta net, instinctivement alertée.
Ils avaient quitté l'artère principale du centre et l'allée, peu fréquentée, moins bien éclairée, n'était encombrée que de passants plus rares, pressés. Mais sur sa droite, elle venait de voir briller, un instant dévoilé, un éclair métallique qu'elle identifia très vite comme n'étant pas celui d'un miroir de poche.
Figé à son tour, il avait lui aussi ressenti la menace et son visage venait de s'assombrir.
Sûrement persuadé que les quelques passants restants les empêcheraient de faire montre de leur force, l'un des visages encapuchonnés qu'elle avait remarqué s'avança, un canon ostensiblement pointé vers eux, sous la légère épaisseur du tissu. Syëhl lâcha d'un geste inconscient le bras de Krohn. Aux cotés du Dazen, la jeune femme de l'instant d'avant, disparaissait de nouveau derrière le masque de haine qu'il connaissait.
- Ne bouge pas, lui demanda-t-il alors par la pensée. Ils sont tous nos ennemis... tous sans exception.
Très vite, le Dazen les compta et détermina que quinze hommes voulaient... leur mort... Aucun d'entre eux n'était plus simple passant, et ils s'étaient laissés entourer avant de s'en rendre compte. Quelle belle façon de terminer cette séance de shopping... se dit-il ironiquement. Mais il devait réfléchir vite... très vite car il leur fallait une tactique infaillible pour se débarrasser d'autant d'individus, armés de blasters.
Ils ne pourraient peut-être pas lutter longtemps, Syëhl étant blessée, aussi devait-il trouver un échappatoire rapide. Il détestait fuir le combat... en l'occurrence... le choix ne se posait pas. Une idée lui vint alors.
- Si tu pouvais t'occuper des deux directement à ta gauche, j'ai une idée, lui expliqua-t-il mentalement.
Il aurait de toute façon été impossible de faire autrement pour l'instant : quatre des personnes cagoulées s'étaient rapprochées de Krohn et il dut leur faire face sans pouvoir empêcher que Syëhl, décalée quelque peu de lui, ne se retrouve elle aussi assaillie. Celle-ci ne jeta pas un regard au Dazen, ne montra en rien si elle avait entendu sa suggestion télépathique. Immobile, elle tenait sa tête baissée et semblait ne même pas avoir vu ses trois adversaires se rapprocher dangereusement.
DEMONSTRATION DE FORCE
Tandis qu'il repoussait quelques tirs de blasters avec son sabre, le Sith lança un regard en coin vers la jeune femme. Que faisait-elle donc? Mais bien vite, il dut reporter son attention sur ses assaillants et parvint à renvoyer un tir sur l'un d'entre eux, le tuant dans la foulée.
Le corps du premier des leurs tombant à terre déclencha l'assaut général. Des trois hommes qui entouraient Syëhl, deux s'élancèrent sur elle. Juste à cet instant, la jeune femme redressa la tête, dévoilant son visage de derrière ses cheveux, un sourire d'ironie cruelle aux lèvres.
- Imbéciles...
L'individu le plus près d'elle eut à peine le temps d'esquisser une expression incrédule. Avec une surprenante rapidité, Syëhl pivota sur ses pieds, attrapa le blaster d'un des assaillants et le retourna face à l'autre, comme le tireur, sûr de la toucher, faisait feu. Le corps s'écroula à terre, sans vie, dans un bruit étouffé de tissus. Dans la stupeur qui suivit ce geste, l'humaine se dégagea d'un coup de coude et attrapa d'un coup de pied rageur un morceau de barre de fer traînant du chantier tout proche, qu'elle retourna avec une aisance dénotant la pratique assidue des arts martiaux, pour l'enfoncer jusqu'aux côtes dans le ventre du tireur, qui lâcha son arme et s'agenouilla dans un gémissement. Sans prendre le temps de s'appesantir sur l'extrême douleur qu'elle sentait affluer de nouveau en elle de sa blessure non guérie, elle donna un coup de pied dans le blaster qui glissa jusqu'au mur dans un grincement métallique.
Restait l'autre... La jeune femme porta sa main à sa blessure. Celui-ci tira, la voyant acculée près du mur. Syëhl se baissa à temps et regarda juste au dessus d'elle la trace brûlante fumer... Ratée, mais de peu... Avec un vertige, la jeune femme sentit ses jambes trembler : la douleur se propageait en vagues amplifiées par l'effort nécessité? Il fallait faire vite et surtout ne pas s'arrêter? Sinon elle n'aurait plus la force, ni la volonté de se débattre?Se redressant vivement, elle ne lui donna pas la chance de pouvoir retenter de tirer. Saisissant le poignet de l'homme à pleine main, elle le lui tordit et le contraignit à lâcher l'arme. Puis dégageant son bras elle réapparut dans son dos avant qu'il n'ait eu le temps de comprendre, et plaqua sa main contre le dos de l'homme.
- Bonne nuit...
Celui-ci sembla accuser un choc extrêmement violent sur place et s'affaissa soudain, les pupilles révulsées, sans qu'elle ait bougé de plus de cinq centimètres ni esquisser le moindre geste. La jeune femme resta un instant immobile à fixer le corps de l'assaillant à terre. Puis brusquement, elle porta la main à ses lèvres et toussa en se recroquevillant.
Aussitôt, alors qu'il venait d'éliminer un autre ennemi, Krohn remarqua le malaise de la jeune femme. La situation ne pouvait plus durer, il était temps d'appliquer sa diversion.
Il se concentra et commença à influer sur l'esprit des quatre opposants se trouvant juste devant lui. Insidieusement, il laissa résonner dans leurs têtes divers mots qui les influencèrent immédiatement. Manipuler des esprits faibles comme les leurs ne représentait pas une grande difficulté. Ils se regardèrent et se mirent à s'insulter les uns les autres tandis que le guerrier criait à Syëhl:
- Viens! Profitons-en!
Avec la Force, il repoussa violemment les trois individus qui se dirigeaient vers elle et lui indiqua une direction à suivre.
Relevant la tête avec difficulté, elle se concentra pour ne pas voir tout tanguer et s'élança en occultant sa douleur vers le point indiqué.
Couvrant leur retraite avec son sabre, il la fit emprunter les escaliers. Son instinct lui soufflait qu'il s'agissait là de leur meilleure chance de s'en sortir et il se trompait rarement.
Avec une agilité déconcertante pour la souffrance endurée, Syëhl monta quatre à quatre les marches de marbre grisâtre. Elle ne comprenait pas où il voulait en venir... et fuir sans but ni option n'était pas pour lui plaire. Mais l'heure n'était pas à la réflexion.
Jetant un coup d'?il à Krohn, elle le vit le suivre en surveillant leurs arrières. Et après? Que donnerait de plus comme avantage d'être à l'air libre?? Débouchant net en haut des marches sur une des sorties du complexe, elle sentit soudain la pluie battante lui fouetter le visage.
- Mais? de la pluie en plus!!!
Courant derrière elle, le Sith s'immobilisa en plein milieu de la terrasse, avant de lever les bras au ciel, avec un rire des plus sinistres. Se retournant, interloquée, l'humaine fixa le guerrier en tentant de comprendre la raison de sa brusque gaieté. Mais elle n'eut pas le temps de méditer la question. Des bruits de pas précipités arrivaient jusqu'à eux, et elle devait déjà faire appel à toute sa volonté pour rester debout.
- Syëhl, tiens toi prête à faire ce que je vais te demander si tu veux rester en vie! lança le Dazen à la jeune femme en rengainant son sabre.
Un rapide aperçu des lieux renforça la perplexité de celle-ci. A part un vieux speederbike usé, il n'y avait qu'eux, et la pluie... Pourquoi rangeait-il son sabre d'un air assuré?
Cependant quelque chose lui dictait de suivre ses directives, lui certifiait qu'il devait savoir ce qu'il faisait. En deux ans d'exil, elle avait appris à ne pas poser de questions inutiles. Se reprenant, elle acquiesça avec fermeté, sans plus montrer ses doutes, le regard posé sur Krohn.
Leurs poursuivants firent à leur tour leur entrée en ces lieux et il les fixa, un rictus au coin des lèvres.
- Vous êtes coincés! cria l'un d'entre eux.
- Et vous morts, rétorqua le Sith en tendant le bras vers le speeder.
D'une pensée il l'activa et celui-ci se mit à survoler la terrasse.
- Si tu t'imagines qu'on va vous laisser partir! lança un autre.
Le Dazen leur signifia que non de l'index droit et les toisa d'un air moqueur.
- Nous ne partons pas... vous allez tous mourir...
Sans leur laisser le temps de répondre, il leva de nouveau les bras au dessus de sa tête, inspirant profondément et puisa tout au fond de lui une grande énergie qui se traduisit aussitôt en éclairs.
Surprise, Syëhl fixait toujours alternativement les nouveaux venus et le Sith. Que comptait-il faire? Un élancement plus douloureux que les autres la fit vaciller un peu sous les regards moqueurs des assaillants. Non... elle ne leur ferait pas ce plaisir de la voir affaiblie !
Rouvrant les yeux devenus plus rouges que la lueur de son sabre, le Sith les dévisagea, le visage obscurci par une haine et un dédain sans borne. Il ramena les éclairs, juste devant lui et ceux-ci formèrent un arc crépitant entre ses deux index.
- Et tu t'imagines pouvoir tous nous tuer avec ça? Qui va tu donc viser! Pas tout le monde à la fois!!! railla le leader de leurs poursuivants.
L'expression plus sévère que jamais, il lui répondit d'une voix semblant surgir d'outre-tombe :
- Qui te dit que j'ai besoin de viser pauvre idiot... Syëhl, saute sur le speeder!
Les yeux assombris de Syëhl se posèrent de nouveau sur son compagnon de route. Des éclairs... et cette pluie... elle comprenait... Sans réfléchir, réunissant ses dernières forces, elle recula en prenant de l'élan, s'élança sur l'appui d'une fenêtre, vacillant légèrement, la vue obscurcie, et dans un dernier effort sauta sur l'engin.

La scène sembla alors se dérouler au ralenti. Il fixa une dernière fois la jeune femme puis leurs ennemis. Sans attendre une seconde de plus, sous la pluie battante, la respiration accélérée, le Dazen se laissa retomber à genoux et posa les mains à plat sur le sol... mouillé. Ces moins que rien allaient goûter toute la puissance de sa haine, de sa colère en quelques secondes. Krohn serra les dents et laissa s'évader toute cette Force emmagasinée en lui qui ne demandait plus qu'à être libérée. Une vague d'énergie déferla le long du sol humide, et vint sans pitié frapper un par un leurs opposants. Certains voulurent sauter sur des objets ou reprendre les escaliers mais ce fut en vain. La pluie recouvrait l'ensemble des lieux et conduisait l'électricité dans les moindres recoins. Ceux-ci hurlèrent, voyant leur vie s'échapper dans une douleur sans nom, tandis que prenant inconsciemment plaisir à les faire souffrir de la sorte, le Sith accentuait encore la puissance de son attaque. Ils allaient tous griller, être exterminés et il ne ferait montre d'aucune compassion à leur égard. En lui montaient d'étranges désirs assassins auxquels il voulait, en cet instant, laisser libre court. Aussi les dévisagea-t-il avec une lueur de cruauté intense au fond des yeux et apprécia de les voir souffrir. Sentant cependant qu'il s'apprêtait à perdre le contrôle de lui-même au risque de sombrer dans une folie sans borne, le Dazen poussa un long râle et stoppa son attaque tandis que le dernier individu s'écroulait, mort à son tour.
Il resta un instant immobile, toujours dans la même position et tenta de reprendre son souffle. Cette action venait de le fatiguer bien plus qu'il ne l'avait imaginé.
Le silence qui suivit, seulement interrompu par le battement de la pluie, s'éternisa un bon moment... puis une voix près de lui le força à relever la tête :
- C'est ... fini?
Debout sous la pluie, les cheveux à moitié devant son visage trempé et très pâle, Syëhl était redescendue du speeder et le fixait, le regard flou, une trace de sang au coin gauche des lèvres. Qui était donc ce Dazen qui n'avait pas hésité à faire montre devant elle d'une telle puissance destructrice pour? la sauver ? Il aurait aisément pu se débarrasser de ses assaillants et partir, mais tout avait été calculé pour la préserver. Et cette rage ressentie alors, palpable dans l'air ? Grisante? Si proche de ce qu'elle ressentait? Orgueilleux, méprisant à l'extrême, mais d'une puissance qu'elle savait ne pas devoir être négligée. Leur fuite était calculée. Il savait et avait tout prévu?Elle jeta à peine un regard sur les cadavres. Oh non, il ne lui faisait pas peur. Dans ses yeux, le Sith ne put trouver trace de ce qu'il aurait du s'attendre à voir, pas même de la crainte. Bien au contraire. Cela aussi était étonnant chez elle. Elle semblait côtoyer le Coté Obscur sans aucun recul ou aucune défiance autre que la simple prudence qu'elle arborait face à tous. Ses yeux plus brillants sous la souffrance qui lui tenaillait le ventre se posaient, seuls assurés, sur lui, avec une lueur étrange de compréhension muette. A peine de l'étonnement, et le pressentiment d'une affinité, d'une acceptation, d'une connaissance qui n'aurait pas dû exister chez une si jeune femme. Sous le rideau d'eau qui grisait le paysage et en estompait les contours, elle possédait plus que jamais une présence sauvage, audacieuse, mêlée de fragilité, une grâce toute particulière.
- Oui, murmura-t-il avant de se relever difficilement.
La fixant, il vint du bout du pouce, essuyer le mince filet avant de tendre un bras autour d'elle pour la soutenir. Puis il ajouta:
- Rentrons préparer nos affaires avant qu'il n'en vienne d'autres...
- Je peux marcher seule.
La voix résonna, sèche, butée. A coté de lui, Syëhl détournait son visage, tout en se dégageant. Elle ne voulait pas qu'il la croit faible, encore moins après ce qu'elle venait de voir. Il l'avait débarrassée de ses poursuivants deux fois?Deux fois de trop. Elle chancela visiblement, mais se raidit et se força à avancer à coté du Sith, sans montrer aucun signe de douleur.
Sans tenir compte de son avis, le guerrier stoppa sa marche et la regarda droit dans les yeux, son visage exprimant une légère fatigue. Après un bref instant de silence, il lui souffla:
- Je ne fais pas ça par pitié ou autre Syëhl. Tu souffres et tu te trouves au bord de l'évanouissement même si tu ne veux pas l'accepter. Sois raisonnable s'il te plaît. Il faudra ensuite tenir jusqu'au vaisseau...
-... Le vaisseau...
Il semblait ne pas avoir changé d'idée à son sujet. Mais partir pour aller où? ... Elle fit encore un pas sans paraître faire attention à ses paroles, avec orgueil. Mais le vertige la submergea presque aussitôt et se raccrochant à Krohn, elle murmura entre ses dents :
- D'accord...
La soutenant de nouveau, ils redescendirent les marches à une cadence moindre que celle de leur montée et rebroussèrent lentement chemin. Son autre main caressant sans cesse la poignée de son sabre, le Sith resta sur ses gardes tout le long du trajet.
Mais ils ne furent plus inquiétés. Le Dazen semblait avoir mis assez en alerte les poursuivants pour que d'éventuels autres assaillants hésitent à s'attaquer à eux pour l'instant. Mais cela ne durerait pas. Il le savait tout comme elle. Ils désiraient se venger, la tuer, et en l'aidant il s'était lié à elle pour supporter leur courroux.
Après une bonne demi heure, ils parvinrent enfin à l'appartement et Krohn fit s'asseoir l'humaine sur le lit. Puis il se dirigea vers l'armoire du fond, déposant sa cape au passage sur le fauteuil. Il en tira quelques pansements et accessoires de soin avant de revenir vers elle. Le cheminement avait fortement affaibli la jeune femme, et elle ferma les yeux, une fois assise sur le lit.
- Avant de partir, il faut refaire le bandage, conseilla-t-il alors.
La voix du guerrier la tira de la sorte de torpeur qui l'envahissait. Elle hésita un instant puis sembla acquiescer sans beaucoup d'enthousiasme.
- Retourne toi...
Il s'apprêtait à lui rétorquer quelque chose mais préféra se taire. Tournant la tête sur le côté, il ferma les yeux et lui précisa seulement qu'il ne regarderait pas.
Délassant avec difficulté les cordons situés dans son dos, elle ôta celui-ci avant de rabattre sur sa poitrine le drap déplié du lit, laissant juste son ventre visible.
- C'est... C'est bon.
Patiemment, il retira la bande, puis la compresse et constata que la plaie continuait de suinter. La nettoyant avec une application des plus minutieuses, il s'appliqua à ne pas la faire souffrir d'avantage. Tandis qu'il imbibait de produit un nouvel emplâtre, il murmura:
- Je ne suis pas du genre voyeur tu sais. Ca ne m'a pas amusé l'autre jour de te... enfin bref.
Serrant les mains sur le tissu dont elle s'était protégée la poitrine, elle ouvrit la bouche, sur le point de répondre, mais rien ne vint. Elle ne pouvait que réaliser que pas une fois il n'avait tenté... Violent, autoritaire, imbu de lui même... mais il n'avait jamais utilisé sa force pour la contraindre à autre chose, qu'à ce qui était nécessaire pour la soigner... Syëhl serra les dents. Malgré toute la douceur qu'il mettait dans ses gestes, la blessure la faisait souffrir énormément. Etonnée, elle le laissa changer le pansement et lui administrer les soins sans mot dire, ses grands yeux redevenus d'un bleu intense.
Ses gestes la surprenaient. Elle baissa la tête et observa ces mains, empruntes de tant de délicatesse, et qui quelques minutes plus tôt avaient tué tant d'hommes... Il était puissant... Elle ne pouvait le nier. Sans lui, elle aurait perdu la vie, et la possibilité de se venger... mais de là à partir avec lui... autre chose lui revint en mémoire. Le souvenir de son brusque accès de gaieté et de ses lèvres sur les siennes... sans s'en rendre compte, elle rougit fortement.
Lorsqu'il eut achevé sa besogne en silence, il releva la tête et son regard croisa le sien. Pourquoi rougissait-elle si subitement? Il remarqua alors la couleur bleue de ses yeux qu'il avait peu vue jusqu'ici. Fragile un instant et fatale pour ses ennemis lorsque cela s'avérait nécessaire? La façon dont elle leur avait tenu tête malgré sa souffrance l'avait impressionné, il fallait bien l'admettre. Où puisait-elle une telle énergie? Peut être dans sa forte volonté...
L'étonnement qu'elle lut dans son regard la ramena à la réalité et elle rougit encore plus en fixant avec un intérêt démesuré la vieille tapisserie décollée à certains coins de l'appartement. Il n'avait pas reparlé du vaisseau depuis leur arrivée... Regrettait-il de lui avoir proposé de l'emmener? Et était-ce juste une façon de lui faire quitter la planète ou ...? Sa force et sa détermination les avaient tirés d'affaire... Et il semblait avoir cerné ce qu'elle recherchait... Pourrait-il ... ? Non. Impensable, elle vivait seule et le resterait. Sentant son regard sur elle, elle tenta de faire fi de sa gêne en reprenant le dialogue :
- Ils ne tarderont pas à revenir à l'assaut...
- Je sais, dit-il en se relevant.
Sans mot dire, il retourna ranger le matériel de soin puis vida le placard dans un sac de toile noire. Puis, se figeant un instant, le dos tourné, il passa la main sur son visage, quelque peu épuisé des efforts fournis jusque là et marmonna:
- Ma proposition tient toujours. Si tu veux m'accompagner...
- Pour aller où??? Ici ou ailleurs, ce sera pareil pour moi ! répliqua-t-elle d'un ton ironique, avec un peu trop de vivacité.
Secouant la tête de dépit en comprenant qu'elle n'avait pas capté le fond de sa proposition, il acheva de ramasser ses affaires et lâcha:
- Tu n'as pas compris où je voulais en venir... ce n'est pas grave, fais comme bon te semble...
- Que n'ai-je pas compris? Insista-t-elle en se relevant pour marcher vers lui.
- D'après toi? rétorqua-t-il en la fixant de nouveau.
Elle resta un instant saisie. Se pouvait-il qu'il lui propose non pas de l'emmener ailleurs mais de rester... avec lui? Impossible... pourtant...
- Pourquoi t'encombrerais-tu de quelqu'un comme moi?
- Je... je ne sais pas... mais la Force et mon instinct me le dictent... Je les écoute toujours, lâcha-t-il pour tenter de se justifier.
A peine eut-il prononcé ces quelques mots qu'il se remit à ranger le peu de vêtements qui restaient posés dans le placard, dans son sac.
Le suivre... Pourquoi pas puisqu'elle même, avant qu'il ne précise sa pensée... Mais jusqu'à présent elle n'avait compté sur personne... Pourquoi se sentait-elle attirée par la proposition? A l'esprit lui revinrent d'autres paroles du Sith : « Que comptes-tu faire ensuite? Traîner un moment avant de te décider à pousser les portes du temple? Essayer de tuer des Jedi qui maîtrisent la Force alors que tu n'en connais même pas les brides? Au fond de toi tu sais que ce n'est pas un choix judicieux. » En effet, elle le savait. Elle se débattait avec ses propres doutes depuis si longtemps? Elle était fatiguée de tout cela. Et lui était fort? En savoir plus sur lui, saisir cette perche tendue et devenir plus forte elle aussi? Profiter de son expérience pour enfin réussir? Peut-être? Attrapant le dernier vêtement sur l'étagère, elle le lui tendit en répondant d'un air détaché, signifiant ainsi son choix :
- Et où... va-t-on aller?
- Chez moi... se contenta-t-il de répondre en empoignant le plastron de son armure. Laisse-moi quelques minutes pour la revêtir et nous partons.
DEPART
Ayant dit cela le Dazen enfila son équipement avec des gestes et une rapidité qui démontraient son habitude. Pendant ce temps, un sourire imperceptible aux lèvres, il continuait de fixer la jeune femme, satisfait d'avoir réussi à la convaincre. Enfin il attrapa son sac, le casque et lui annonça qu'ils pouvaient partir.
Syëhl était restée immobile. Sa blessure la faisait énormément souffrir et tout allait trop vite. Elle avait accepté... pourquoi au juste? Elle ne pouvait même pas elle-même le définir précisément... Mais une chose était sure, cette rencontre changeait bien trop de choses à son goût. Se levant sans mot dire, elle retint la grimace qui suivait son geste et hocha la tête
- Il faut faire vite et rester discrets. Je n'ai pas envie que d'autres nous attaquent, ce n'est pas le moment.
Il rabattit sa capuche et tous deux empruntèrent de nouveau l'escalier.
Suivant le Dazen toujours silencieusement elle s'efforça de ne pas accorder trop d'importance à sa douleur. Les couloirs se succédèrent... mais cette fois la direction prise était différente. Syëhl ne reconnaissait pas cet endroit.
- Où est ton vaisseau? murmura-t-elle.
- Un embarcadère... tout proche... fit-il en la ramenant vers lui. Viens, jouons le jeu et personne ne nous remarquera...
- Que... quel ... jeu? chuchota-t-elle tout en sentant le bras du Sith entourer ses épaules et la rapprocher de lui.
Comprenant soudain, elle eut envie de s'écarter vivement avec courroux. Jouer un couple ! Elle commençait déjà à regretter sa décision. Pourtant quelque chose la retint dans son geste et elle baissa la tête pour cacher son visage en partie, sans répondre.
Avec la plus grande discrétion ils traversèrent une myriade de corridors, croisant ça et là quelques personnes qui ne leur prêtèrent pas la moindre attention.

Les ruelles s'étaient peu à peu obscurcies pour se fondre dans l'ombre et le visage de la jeune femme, caché, ne trahissait aucune émotion. Elle se taisait, silencieuse depuis un long moment, et semblait perdue dans ses pensées. Cependant au fur et à mesure de leur marche, ses pas s'étaient ralentis infimement, et elle sembla s'appuyer avec moins de mauvaise volonté contre lui.
Sentant la pression de la jeune femme s'accroître sur son bras, Krohn la ramena un peu plus contre lui pour la soutenir. Il la regarda du coin de l'?il, s'attendant à une réaction négative.
Mais celle-ci ne sembla pas se rendre compte de son geste, au grand étonnement du dazen. Une immense fatigue la reprenait, et elle lutait pour ne pas fermer les yeux et s'abandonner au sommeil. Etrangement, elle n'arrivait pas à fixer dans son esprit depuis quand elle la ressentait. Depuis le début de la marche, sûrement... Mais depuis combien de temps déambulaient-ils?? Il lui semblait que cela faisait une éternité, qui le paysage se déroulait, toujours identique. Soudain, elle trébucha sans gravité sur la chaussé et s'agrippa au bras de Krohn pour se maintenir, en murmurant d'une voix basse :
- Cette luminosité qui baisse... on ne voit même pas où l'on marche...
- Non Syëlh, la lumière est toujours la même. Tiens bon encore quelques minutes, nous y sommes presque, répondit le guerrier en la secouant avec douceur.
La phrase atteignit à peine la jeune femme. La même... Ce mot effleura son esprit sans que celui ci n'arrive à en percer la signification. Relevant un peu la tête, elle se rendit compte avec étonnement qu'elle ne ressentait plus du tout de douleur au ventre. Tout prenait soudain des contours plus flous. Même la fatigue avait disparu, remplacée par un sentiment de bien-être qu'elle ne cherchait même pas à cerner.
- Syëlh! Que se passe-t-il? fit-il encore.
Le son de la voix de Krohn résonna, lointain maintenant, à ses oreilles. Elle voulut répondre quelque chose mais les mots se dérobèrent comme des choses inaccessibles, inutiles. Lâchant progressivement son bras, la jeune femme glissa dans l'inconscience sans heurt, comme on cède au sommeil.
Surpris de la voir sombrer, le Sith la rattrapa de justesse et ramena sa tête contre son épaule, pour rester discret. Apercevant un peu plus loin un intersection, il la maintint par la taille et s'y rendit avant de se cacher dans une petite ruelle sombre attenante. Là, il adossa l'humaine au mur et la secoua doucement en l'appelant pour tenter de la ramener à elle.
Mais rien n'y fit. Syëhl semblait ne plus rien sentir du monde réel et ses mains, glacées, étaient aussi pales que son visage. Sa respiration s'était réduite à un souffle.
Comprenant qu'elle ne reviendrait pas à elle et qu'elle risquait de s'enfoncer encore plus, il chercha rapidement un moyen de la sortir de cet état. Il ne pouvait pas la porter jusqu'au vaisseau. Leurs agresseurs les repéreraient vite. Il devait la réveiller maintenant... avec la Force. Mais il fallait rester discret, ne pas trop la répandre pour ne pas être détectés. Un impact... sur ses points vitaux. Rien d'autre ne pourrait la ramener plus vite... Sans se poser plus de question, il la serra contre lui et contre le mur, le plus fort possible, puis ferma les yeux. Le Dazen se concentra sur la Force qui circulait en lui et prit garde de laisser l'agressivité qui l'amenait à l'obscurité, de côté. Enfin, resserrant l'étau de son bras autour de sa taille, le guerrier émit une intense onde de Force et la projeta en elle, atteignant tous ces points vitaux à la fois, tel un électrochoc.
La technique eut le résultat escompté... Du moins au début. Le corps de la jeune femme accusa le coup et tressaillit entre ses bras, et celle-ci dans le malaise de ce réveil assez brutal, ouvrit les yeux, abandonnée encore dans ses bras. Elle avait affreusement froid et il lui semblait que tout son être était engourdi. Contre le torse de Krohn, le c?ur de la jeune femme avait repris de la vitesse mais battait de manière assez saccadée. Mais la conscience d'où elle était lui revint en même temps que les réactions d'insoumise qu'elle avait toujours eu : sentant le bras de Krohn autours de sa taille et le corps de celui-ci contre le sien, si près, elle ne prit pas le temps d'analyser la situation et le gifla de toutes ses forces, dans un claquement retentissant, avec une lueur sauvage au fond des yeux, masquant totalement les traits doux qu'avait amené l'évanouissement. La marque des doigts s'imprima fortement sur la joue du dazen.
Celui-ci s'écarta vivement et la fixa, le regard empli de colère, tout en se frottant. Puis les dents serrées, il maugréa:
- Ingrate...
Les yeux agrandis par la surprise de ce qu'elle venait de faire et mêlés de colère, elle le dévisagea, le bras toujours tendu depuis la gifle. Mais à peine sortie de l'inconscience, ses jambes refusèrent de la porter seule et elle chuta le long du mur sans cesser de le regarder. Que faisaient-ils là? Elle ne se souvenait pas être allée dans cette ruelle. En tentant de fixer son attention sur les événements antérieurs, elle réalisa doucement qu'une partie restait floue, et comprit qu'elle avait dû s'évanouir. Comment étaient-ils ensuite arrivés ici, et surtout comment s'était-elle retrouvée dans ses bras? L'avait-il portée? Troublée, elle bredouilla :
- Que fait-on là? Et comment...???
Toujours furieux, il plissa les yeux un court instant et comprenant qu'elle n'avait agi que par simple réflexe, il expliqua sèchement:
- Tu t'es évanouie et tu t'enfonçais dangereusement dans l'inconscient. Je t'ai amenée ici et t'ai réveillée avec une onde de Force.
- Une... onde de Force?
- Une onde de Force pure qui a choqué tes points vitaux... Mais je ne devais pas attirer l'attention avec elle...
Syëhl baissa la tête et porta la main à sa poitrine. Ses points vitaux... Gaïlon lui avait parlé de cette utilisation de la Force. Une sorte d'électrochoc pour faire réagir les organes... Alors il n'avait pas cherché a ... La jeune femme serra les lèvres avec énervement. Belle idiote! Elle comprenait mieux sa colère et le terme d'ingrate. Mais être ainsi serrée contre quelqu'un, c'était une sensation qu'elle n'avait plus connue depuis...tellement longtemps qu'elle avait réagi... au quart de tour. Syëhl releva des yeux interrogateurs sur Krohn. Voilà qui allait aider leur relations déjà tendues...
Mais lui resta là, bras croisé et détourna fièrement la tête sans répondre.
Syëhl soupira. Il venait donc de nouveau de l'aider. Elle détestait cette idée... et pourtant. Il fallait bien admettre que sans lui cette fois encore... Un nouveau coup d'?il lui montra Krohn muré dans son expression fière. Une pensée bien plus légère traversa tout d'un coup ses réflexions. Mais? il boudait! Certes, ce terme semblait ridicule, attribué au Sith, mais c'était... l'exacte vérité!! Un sourire naquit en coin sur les lèvres de Syëhl. Il avait même dans son expression un je ne sais quoi du gamin qu'il avait dû être.
Un peu détendue par cette constatation, elle murmura sans le quitter des yeux, la lueur de malice qu'avait éveillée sa réaction toujours dans les prunelles :
- Il semblerait que je doive des remerciements... et des excuses...
- Certes, murmura-t-il sans bouger.
A le voir figer dans son expression, Syëhl ne put étouffer complètement un rire. Combien avait-il donc de facettes?
- Je peux savoir ce qui te fait rire, lança-t-il alors en se tournant vers elle, un sourcil levé.
- Toi! Tu ... tu boudes !! lâcha-t-elle dans un éclat de rire.
- Moi! Je... fit-il en se pointant lui même du doigt... Et puis quoi encore!!!
Cette fois ci, Syëhl ne put retenir son fou rire et fut forcée de l'étouffer dans ses mains.
- Oui, toi.. Et... Oh! c'est encore plus désopilant quand tu fais ça... Tu as un air gamin...
Le Dazen ouvrit la bouche pour répartir mais décida de s'abstenir et se renfrogna. Dans un sursaut de fierté, il ramena sa capuche vers l'avant et gagna le bout de la ruelle, en maugréant:
- Un vaisseau nous attend...
Ce bref interlude avait permis à la jeune femme de retrouver quelques forces, aussi réussit-elle à se relever. Quel drôle de personne!! Elle sentait très nettement qu'il n'aurait jamais admis ce qu'elle venait de lui dire. Son geste de rabattre sa capuche puis de fuir lui révélait assez qu'elle avait touché juste, et qu'il le savait. Aussi le rejoignit-elle en masquant mal l'hilarité qui la tenait toujours. Depuis combien de temps n'avait-elle pas ri ainsi ? Etrangement, elle en prenait conscience et lui était presque reconnaissante de ce moment de détente fort peu prévu. D'elle-même, sans lui redemander son avis, elle reprit la position qu'il lui avait imposée précédemment et se colla contre lui pour reformer le couple aux yeux des passants.
Aussitôt le Sith se raidit et tourna la tête vers elle pour lui lancer une réplique sarcastique. Mais une nouvelle fois... il s'abstint, voyant l'éclat infantil de son expression... Chose qu'il n'avait encore jamais entraperçut jusqu'à présent. Il la revit alors en train de rire, quelques minutes auparavant... une image inédite pour lui... Peu habitué à tant de spontanéité et de gaieté de sa part, il n'avait pas réagi sur le coup, mais il venait de s'en rendre compte. Des mots résonnèrent alors dans son esprit. Un gamin... Elle lui avait trouvé un air gamin. Ces pensées lui firent froncer les sourcils. Et puis quoi encore.... Que ne fallait-il pas entendre... Sans y réfléchir plus longtemps, il posa sa main libre sur son bras et continua de jouer le jeu silencieusement.

Enfin ils parvinrent à une plate-forme qui semblait complètement vide. Relevant un peu la tête, Syëhl, ne vit... rien. Un embarcadère vide. Se retournant vers Krohn elle ne put s'empêcher de railler celui-ci :
- Et maintenant???
- Que d'impatience, plaisanta-t-il en la lâchant.
Le Dazen s'avança vers l'espace et tendit le bras avant d'appuyer sur un bouton de commande, se situant sur sa protection.
Aussitôt, un impressionnant vaisseau d'un noir intense fit son apparition.
Syëhl recula de quelques pas sous l'effet de la surprise. Ce vaisseau était tout sauf banal... S'approchant, elle passa sa main sur le fuselage puis avec un sourire demanda :
- Chez toi... Où est-ce... Krohn?
- Je n'ai jamais su le nom de cette planète... à croire qu'elle n'en a pas... dit-il, en actionnant l'ouverture de la passerelle.
D'un pas pressé il grimpa et fit signe à l'humaine de le suivre.
Avec une légère hésitation, elle enjamba la passerelle et pénétra dans le vaisseau, dont elle sentit la porte se refermer avec une sensation caractéristique d'étouffement en elle. « Je ne peux plus reculer maintenant ». Pour éviter de montrer ce qui traversait son esprit, elle se rapprocha de l'avant et de la verrière.
Sans perdre de temps, il déposa ses affaires dans la cabine puis s'installa au poste de pilotage. Avec des gestes précis, le guerrier actionna plusieurs commandes et enclencha le décollage. Doucement, avec une élégance certaine, le bâtiment décolla et prit de l'altitude.
Il indiqua alors le siège de copilote à la jeune femme en lui signifiant qu'il valait mieux qu'elle s'attache?Ce qu'elle fit sans broncher, observant tout autour d'elle avec un malaise visible. Enfin, l'engin quitta l'atmosphère de la planète et il programma le saut en hyperespace.
- Ne t'en fais pas, murmura-t-il à l'intention de la jeune femme.
Les étoiles se transformèrent en traits, tous deux furent plaqués contre leur siège et enfin ils atteignirent la vitesse lumière. Syëhl ne dit rien mais jeta un regard presque courroucé à Krohn. Une fois l'hyperespace passé, elle sentit la pression se relâcher un peu dans la cabine. Qu'était-elle en train de faire? Partir ainsi avec lui était tout sauf un acte réfléchi... et pourtant... Un instant, elle se souvint de l'impression ressentie lorsque celui-ci avait éliminé les hommes. De la griserie, devant cette puissance... Quelque chose qu'elle ne pouvait définir mais qui la poussait à vouloir en savoir plus...
Le Sith se leva, s'étira et après avoir jeter sa cape sur le siège lui annonça:
- Je vais me reposer... le pilote automatique nous mènera à bon port. Tu peux en faire autant dans la deuxième cabine.
Sans un mot de plus il referma doucement la porte après un dernier coup d'?il vers l'humaine. Là, il ôta son armure et la positionna sur son support, dans le placard avec ses deux sabres. Se laissant retomber sur le matelas, il se déshabilla et se glissa sous les draps. Depuis plus de cinq jours il n'avait pas pu profiter d'un bon lit...

Restée seule, Syëhl se leva avec l'intention de profiter de ce temps de répit pour visiter un peu le vaisseau. Il n'avait pas prononcé d'interdit là dessus et elle ne supportait pas l'idée de dormir.
Avait-elle bien fait de suivre ce guerrier de l'ombre ? Trop de questions la taraudaient pour pouvoir fermer l'?il. Pendant une bonne heure, elle parcourut ainsi le vaisseau, se familiarisant avec tout ce qui en composait l'habitat.

Au bout d'un long moment, après s'être tourné dans tous les sens possibles et imaginables, le Sith trouva le sommeil. Beaucoup d'interrogations hantaient encore son esprit au sujet de Syëhl, mais cela ne l'empêcherait pas de dormir.

La jeune femme, quand à elle, avait fini par échouer dans l'autre cabine. Allongée sur le lit, elle était bien décidée à rester éveillée. De toute façon, comment aurait-elle pu dormir, seule dans un vaisseau avec cet inconnu qu'elle ne connaissait pas quelques jours avant? Qu'il était loin le temps où elle se laissait aller à un sommeil total, rassurée par la présence silencieuse de son mentor!! Lui seul avait su trouver en elle la faille pour comprendre son âme passionnée et pourtant si défiante. Ses paupières se fermèrent un instant, puis se rouvrirent. La comprendre... Aujourd'hui elle se contentait de survivre. Survivre jusqu'à? ce néant qu'il lui avait légué comme promesse. Ces gestes qu'elle devrait faire un jour. Lui seul... et il était mort... tué... par EUX. Petit à petit, Syëhl glissa à une somnolence agitée, entrecoupée de scènes chaotiques où Gaïlon refaisait surface, et où elle était à ses cotés. Bercée par le ronronnement des moteurs, elle n'eut bientôt plus conscience d'où elle se trouvait et s'endormit d'un sommeil troublé.
Quelques heures plus tard, après une douche qu'il avait pleinement savourée, Krohn sortit de sa chambre et constata le silence qui habitait le vaisseau. Doucement, il tapa à la porte de l'autre cabine et n'obtenant pas de réponse, entra. La jeune femme dormait profondément et il vint s'asseoir sur le bord du lit avant de passer sa main sur son visage pour la réveiller en douceur.
S'étirant sans ouvrir les yeux, Syëhl se retourna vers Krohn, les traits détendus. Sa froideur, le masque de dureté qui d'habitude la caractérisait, disparaissaient dans ce sommeil enfantin. Elle murmura, encore endormie :
- Hum... Il est trop tôt pour un entraînement, Gaïlon...
- Non Syëhl... murmura-t-il, comprenant son erreur.
Sa seule voix suffit à briser le fragile équilibre qui l'avait maintenue un instant dans l'erreur. Sursautant brutalement, elle ouvrit les yeux et se rejeta en arrière avec un visible mouvement de panique, avant de réaliser qui se trouvait en face d'elle.

- Ce n'est que moi! fit-il en levant un sourcil, surpris par autant de panique.
- Vous... enfin, toi... oui, je...
Passant la main dans ses cheveux pour rabattre en arrière certaines mèches rebelles, elle se força à respirer plus calmement avant de reprendre :
- J'ai dû... m'endormir un moment.
- Tu dormais profondément même, la taquina-t-il un sourire moqueur aux lèvres.
Piquée au vif, elle le fusilla du regard. En effet, cela ne lui ressemblait pas. Etait-ce sa blessure, et le sang perdu, qui l'avait fatiguée ainsi? Tournant la tête, elle se frotta les yeux à la dérobée, dernière parcelle, dernier geste enfantin qu'il devina très bien malgré son visage caché. Puis elle se releva avec l'intention nette de lui signifier ainsi qu'elle ne se souciait pas de sa réflexion, et changea de conversation :
- Nous sommes arrivés?
- Oui, se contenta-t-il de répondre sans prêter attention à son attitude.
Il se rendit dans le cockpit et reprit place dans son siège pour préparer l'atterrissage.
Suivant Krohn, elle s'arrêta net et quitta pour un instant son air boudeur : devant elle, par la verrière, se dessinait la planète où vivait le Sith.
La zone qu'ils survolaient n'était que rochers à perte de vue. Pas une maison... pas un signe de vie... un désert idéal pour la solitude... Syëhl frissonna en comprenant qu'elle venait de lier pour un moment leurs deux existences. Aucun vaisseau de commerce ne devait passer par là, et hors des routes balisées, elle ne pourrait quitter la planète qu'avec l'autorisation du Dazen.
PREMIERES MARQUES
Les moteurs s'arrêtèrent et le silence s'installa dans la cabine. Le Sith poussa une manette et la coupée s'abaissa lentement, silencieusement. Puis, sans un mot, il se leva et l'emprunta avant d'inciter la jeune femme à le suivre.
Elle se releva et suivit le Sith. Ce qu'elle avait vu de la planète lui révélait un monde désertique et chaud. Un malaise s'insinua alors en elle. Seule… Seule avec lui, avec cet homme dont elle sentait à la fois si fort l'attrait et la répulsion que deux caractères identiques ou presque, pouvaient ressentir... Tendue, elle se força à diriger son regard fermement sur lui en descendant.
Sans se soucier de son attitude, le Dazen emprunta divers couloirs avant d'arriver à une immense salle qui donnait l'impression de marcher au coeur même de l'espace.
Ayant suivie avec silence le guerrier, Syehl sursauta sous cette impression nouvelle et eut un -premier geste comique de tenter de se raccrocher à quelque chose, mur ou autre, tant l'impression était étrange.
Krohn la fixa tout d'abord surpris puis amusé. Pour toute personne traversant cet endroit pour la première fois, il s’agissait d’une réaction normale.
Elle sentit vite son regard fixé sur elle avec un sourire. Rouge de honte, elle lâcha le mur et se redressa en fusillant du regard celui-ci.
Continuant de rire légèrement, il sortit pour gagner un nouveau corridor donnant sur une multitude de porte. Il ouvrit la troisième et dit:
- Voici ta chambre Syelh, si tu le veux bien.
Rattrapant le Dazen avec un air boudeur, elle jeta un coup d'oeil avec l'envie de répondre "ai-je le choix?" avant de se taire, médusée. La pièce était extrêmement vaste, dénudée de mobilier hormis un lit et le plus rudimentaire des accessoires, mais la majesté qui se dégageait du lieu pénétrait le coeur sans pouvoir en comprendre l'influence.
- Euh... ça ira... finit-elle par articuler pour cacher son trouble.
- Ma chambre se trouve au bout, si tu as besoin de quelque chose... Le mobilier est sommaire mais je n'ai pas pour coutume de recevoir.
- Je n'ai pas eu l'habitude du confort... c'est déjà luxueux ici pour moi...
Entrant dans sa chambre sans en fermer la porte, elle planta là le Sith, sans même vraiment s'en rendre compte, fascinée par les murs sculptés.
- Parfait, tu disposes d'une salle de bain, au fond. Repose toi une petite heure et je repasserai pour le dîner.

Sans un mot de plus, il la laissa et gagna ses propres appartements avant d'en refermer la porte.
Mais elle n'entendit qu'a moitié ce qu'il lui disait. L’ensemble de la pièce donnait l’impression presque religieuse d’une présence… Etait-ce la Force, qui vibrait ainsi, concentrée, pénétrante ? Syehl passa la main sur le grain fin et poli par les ans. Les murs parlaient, avec leur langage muet de pierre. Se retournant à un moment, pour lui poser une question sur la signification de reliefs étranges, elle trouva l'embrasure de la porte déserte et haussa les épaules. Du repos avait-elle cru entendre? Ce n'était pas dans ses habitudes... Autant découvrir par elle même le plus de choses sur le lieu où elle allait vivre.
Rapidement, Krohn ôta sa cape et attrapa des vêtements propres dans le placard du fond. Puis, il gagna la salle d'eau, se déshabilla et entra dans la douche. Fermant les yeux, tandis que l’eau chaude ruisselait doucement dans son dos, détendant petit à petit ses muscles tendus, il se demanda une nouvelle fois pourquoi il faisait tout cela. Pourquoi l'accueillir et céder à une curiosité qui ne s'était jamais emparée de lui de la sorte ? Le Dazen battit un court instant des paupières et son regard resta ensuite figé dans le vide. Perdu dans ses pensées, il laissa le jet continuer de couler pendant de longues minutes avant de revenir à la réalité et de secouer la tête. Agacé, il décida de ne plus y penser pour l'instant et referma les yeux pour profiter du peu de temps qu'il lui restait avant le repas.
Syehl, pendant ce temps-là, était ressortie de ses quartiers et furetait. Suivant un long couloir obscur, elle se retrouva dans une salle aux voûtes très hautes et arquées, d'un style éthéré et austère même, qui la fit frissonner. Mais elle continua sa progression et traversa plusieurs salles sans intérêt visible avant de s'arrêter à une contenant, de grands coffres.
Curieuse, elle s'approcha des vitrines où figuraient sous clefs des volumes ouverts à différentes pages, très anciens visiblement. Elle tenta de les lire mais ne put déchiffrer l'écriture. Un dessin par contre attira particulièrement son attention... la reproduction des tatouages de Krohn!! S'approchant, elle s'absorba dans la contemplation de ceux-ci, sans plus faire attention au monde autour d'elle.

Dès qu'il eut achevé tout ce qu'il avait à faire, le Sith vint frapper à la porte de la jeune femme et attendit quelques secondes. N'obtenant pas de réponse, il l'ouvrit doucement pour constater que la pièce était vide. Elle venait déjà de lui désobéir... Pendant un bref instant, il eut des idées noires... très noires... Si elle commençait déjà à fouiner partout, la cohabitation allait vite tourner au cauchemar... Mais il ne lui en laisserait pas le temps. Le Sith comptait bien définir les limites et de suite! Sentant la colère monter en lui, telle une furie, il traversa le couloir à la recherche de Syelh et se concentra pour détecter sa présence.
Après quelques minutes, il débarqua dans la pièce où elle se trouvait et son visage s'obscurcit. Personne ne possédait le droit d'y entrer à part lui et il tenta de contenir la fureur qui l'envahissait.
Complètement absorbée par les inscriptions et schémas, la jeune femme ne sentit pas celui-ci s'approcher. Son visage reflétait une curiosité fascinée, presque respectueuse, étrange chez cette enfant de l'ombre rebelle.
Avec force, il posa la main sur son épaule et maugréa les dents serrées:
- Que fais-tu ici...
Sursautant, elle posa un regard où se refléta encore l'attraction qui l'avait captivée si fort, avant de reprendre son air buté et dur, surprise de son geste. Elle se dégagea et répondit un peu surprise, sur la défensive.
- Je cherchais à comprendre l'endroit où je vivais... mais tout se ressemble et je suis tombée ici.
- Je t'avais demandé d'attendre dans ta chambre pour éviter ce genre de chose, mais bien sûr tu n’écoutes rien, continua-t-il d’un ton qui laissait transparaître son extrême contrariété.
Le ton, plus que la colère qu'elle comprenait presque, la firent se rebeller malgré la conscience très nette de sa faute.
- Tu comptes me parquer ? Parce que si c'est le cas, sache que je ne le supporterai pas longtemps !
- Je te demandais juste cordialement de m'attendre pour la visite, est-ce trop !! hurla-t-il
Se crispant sous la tension palpable, Syehl fusilla du regard Krohn avant de se mettre d'instinct en position de combat à mains nues.
- Ne me crie pas dessus, je ne suis pas à ta solde ! Tu m'as proposé de me reposer, pas dit explicitement que je ne pouvais bouger!!
- Et moi je te demande de respecter ma vie privée, rien de plus. Et arrête, je ne vais pas te martyriser... sinon je t'aurais laissé aux mains de tes poursuivants, lâcha-t-il en secouant la tête et en levant les yeux au ciel.

Fixant Krohn, elle resta un instant immobile. En elle luttait son instinct rebelle et la conscience de la violation qu'elle venait de faire. Subitement, elle baissa les bras et sans abaisser les yeux, murmura avec un visible effort:
- J'aurais dû... le comprendre.
Rougissant sous l'effort, elle ajouta :
- J'ai fait une erreur, pardon.
- Oublions pour cette fois, murmura-t-il apparemment plus serin. Il y a des endroits sur cette base que je ne suis pas prêt à partager avec qui que ce soit et cette salle en fait partie avec d'autres. Je comptais te les signifier pendant la visite, ce que nous allons faire de suite afin qu'il n'y ait plus de malentendu de la sorte... continua-t-il en se détournant vers la porte, sans la regarder, pour ne pas lui laisser voir, la légère expression de souffrance qui venait de traverser son visage un bref instant.
Mue par un geste intuitif, elle s'élança et attrapa le bras de Krohn, après avoir perçu la tristesse qu'il avait voulu cacher. Mais une fois proche de lui, réalisant qu'elle venait de l'arrêter sans pouvoir fournir d'explication, elle lâcha son bras en détournant la tête, embarrassée.
- Qu... quoi... demanda-t-il à voix basse.
La tête toujours détournée, elle murmura :
- Non… rien... j'ai...oublié
Il la fixa quelques secondes, silencieusement et demanda en passant la main sous son menton:
- Pourquoi ne finis-tu jamais tes phrases... Je... Je ne te jugerai pas quoi que tu dises...
Syehl plongea ses yeux ans ceux de Krohn sans réfléchir. Décidément, qu'il pouvait être changeant ! Une fois de plus elle subissait cette influence, cette attraction qui caractérisait cet homme. En hésitant, mais sans pouvoir quitter des yeux ceux du Sith, elle termina :
- J'ai cru voir... de la tristesse… j'ai... je n'aurai pas dû.
Le Sith ouvrit la bouche pour répondre mais ne su pas quoi lui dire. Pour la première fois, il détourna le regard, gêné.
Constatant son silence, elle prit l'initiative de s'avancer en ajoutant avec un air détaché :
- Bien... et cette visite?
- Euh ... oui... allons-y, marmonna-t-il en secouant la tête pour reprendre ses esprits.

Tous deux sortirent et il la guida sans se retourner pendant plus de cinq bonnes minutes. Sa réaction... cette sensibilité qu'elle venait de manifester, si peu de temps certes, avait suffit à le désarmer, sans savoir pourquoi. Cette sensation lui déplaisait et il devait s'efforcer de ne plus rien laisser transparaître de tel dorénavant.
Syehl suivit Krohn en silence tandis qu'il lui montrait et expliquait les différentes pièces où elle passerait le plus clair de son temps. Mais d'autres pensées tourbillonnaient en elle. Pourquoi avoir voulu l'arrêter tout à l'heure ? Elle ne le savait même pas elle même. Elle avait eu subitement envie qu'il ne garde pas ce visage ...
La jeune femme réprima un mouvement d’épaule. Eh quoi ? Etait-ce le lieu qui lui tournait la tête et la rendait soudain si facilement impressionnable ? La compassion était un sentiment, et elle avait banni ceux-ci. Elle s’était peu à peu efforcée d’extirper tout ce qui pouvait l’atteindre, pour ne laisser trôner en maître que la haine, sa seule compagne, qu’elle quitterait comme elle quitterait la vie, une fois sa mission terminée… Alors pourquoi cette réaction face à son expression d’un instant ? Le doute sur la véritable nature de ce mouvement spontané l’effleura : était ce vraiment de la compassion ?
Mais elle relégua bientôt cet examen intérieur à plus tard. Tout était si grand ici qu'elle se trouva reprise par cette fascination presque enfantine sans même se rendre compte de la lueur admirative qui perçait dans ses yeux
Le Dazen s'arrêta devant une porte et lui indiqua :
- Cette pièce fait partie de celles où je te demande de ne pas pénétrer.
Penchant la tête, elle esquissa un acquiescement. Tant d'interdits... Elle n'était pas sûre de pouvoir vivre dans une demeure où tout semblait n'être que règles... sans le regarder, son visage au fur et à mesure de la visite, se ferma. Elle ressentait comme souvent dans les lieux clos le besoin d'air et de liberté. Ici... tout était majestueux mais rien ne la soulageait. Sans analyser rien de tous ces sentiments confus, elle sentit monter en elle une sensation d'étouffement.

Ils continuèrent ainsi la visite pendant une petite heure où il lui montra la bibliothèque immense qu'elle pouvait consulter quand bon lui semblait, la salle de repas et bien d'autre lieux plus fascinants les uns que les autres. Enfin, arrivant devant un couloir clôturé par une immense porte sombre et crasseuse, le Dazen prit un air sérieux, comme Syelh ne lui en avait jamais vu et dit:
- Cette partie de la base est complètement inhabitée, non alimentée en énergie et personne n'y va, pas même moi.
- Même... euh... tu ne connais pas entièrement l'endroit où tu vis ? Qu'y a-t-il derrière ?
- Si... justement. Je ne veux pas te paraître impératif mais je t'interdis d'y mettre les pieds.

Le visage de Syehl s'assombrit un peu mais elle acquiesça. Il avait le droit d'avoir ses secrets, c'était vrai. Mais elle n'avait aucunement l'habitude de laisser son destin à d'autres et vivre dans un endroit qu'elle ne maîtrisait, ne la réjouissait pas le moins du monde.
- C'est entendu.
- Bien. En fin il y a une porte, que tu as du remarquer dans le hangar. C'est mon atelier... privé lui aussi. Si je m'y trouve tu n'as qu'à frapper c'est tout. Cela ne te fais que quatre portes sur des milliers de mètres carré. Pas trop d'interdits vois-tu... ajouta-t-il en la fixant.

Sursautant, elle comprit qu'il lisait en elle depuis tout a l'heure. Elle ne put s'empêcher de lui jeter un regard noir en répliquant sèchement :
- J'apprécierai que mes pensées au moins restent aussi secrètes que tes... portes.
- Je ne les ai pas lu, tu les disperses et ça je n'y peux rien, rétorqua le Sith en fronçant les sourcils. Maîtrise les mieux et il n'y aura plus de problèmes.

Cette réponse ne lui convint pas du tout…Maîtriser ses pensées. Comme s'il ne savait pas pertinemment qu'elle ne maîtrisait pas le savoir Jedi... encore moins Sith. Elle se retourna pour lui répondre mais s'arrêta dans son élan en cachant une grimace. Sa blessure trop longtemps oubliée dans le feu de l'action se rappelait à son souvenir avec violence.
- Viens, la salle de soin n'est pas loin. J'y ai là bas des remèdes encore plus efficaces.
Sans attendre sa réponse, Krohn se mit en route d'un pas pressé. Beaucoup de questions se bousculaient dans son esprit mais le moment était mal venu pour tenter d'y répondre. Et pourquoi chercher des réponses ? se demanda-t-il alors, agacé. Pourquoi s'inquiétait-il de la sorte de ce qu'elle pouvait cacher, montrer, être ? Repoussant toutes ses interrogations au fin fond de lui-même, il se renfrogna imperceptiblement et continua son chemin.

Syehl esquissa un geste d'énervement sans pouvoir faire autre chose que de le suivre. La plaie avait été fort malmenée lors de la dernière attaque et elle ne pouvait rester ainsi, mais détestait montrer ses faiblesses. Elle suivit donc le Dazen en silence jusqu'à la dite salle, furieuse contre elle-même.
Une fois à l'intérieur, il lui fit signe de s'allonger et lui demanda de relever le haut de sa combinaison pour pouvoir examiner la blessure. Pendant ce temps, le guerrier s'appliqua à choisir le matériel nécessaire dans ses placards immenses.
Syehl s'exécuta du mieux qu'elle put avec une envie évidente de le rabrouer, bien qu'il veuille la soigner. Cela dit, elle se contint et mit à l'air libre sa blessure, qui montrait encore toutes les traces d'une plaie dangereuse.
Il revint vers elle et, l'examinant, fit une grimace de mécontentement.
- Il va falloir que tu prennes un peu de repos si tu veux guérir, précisa le Sith en insérant une capsule dans le pistolet injecteur qu'il tenait.
Soupirant, elle le regard, sérieuse, sans animosité, consciente des efforts qu'il faisait pour l'aider.
- Si tu crois que j'ai choisi… dernièrement...
- Je sais, mais maintenant, le choix est là... répondit-il en plaçant le bout du pistolet près de la plaie.
Jetant un coup d'oeil à l’injecteur, elle recula un peu.
- C'est… obligé, ça ?
- C'est un anti-douleur local mélangé à une solution qui va aider les tissus musculaires à cicatriser plus vite, expliqua le Dazen avec la plus grande patience.
Serrant les poings, elle baissa la tête, reprise de souvenirs confus et d'une vague d'horreur indicible qu'elle ne parvint pas à cacher.
Très vite, il lui injecta le produit mais ayant constaté son malaise, s'assit sur le bord de la table d'examen avant de prendre son visage entre ses mains pour la forcer à le regarder.
- Je ne sais pas ce que tu as subi, mais tu dois oublier... avancer... Crois moi, murmura-t-il doucement.

Envahie de nouveau par cette souffrance latente et ces souvenirs qui la torturaient, elle repoussa Krohn avec quelque violence, dégageant son visage qu'elle détourna pour masquer son regard et se remit debout en murmurant.
- Non, tu ne sais pas... et je t'interdis d'avoir PITIE !!! hurla-t-elle au comble de la rage.
Puis sans réfléchir, elle se mit à courir en renfilant sa tunique sans même attendre sa réponse. De nouveau tout cela la faisait souffrir. De nouveau, ce qu'elle croyait avoir surmonté la paralysait. Il faudrait qu'elle s'endurcisse encore. Détruire ce qui lui restait de sentiment pour devenir comme cette pierre dont étaient faits ces murs.
Courant, elle alla s'enfermer dans sa chambre en se maudissant elle-même, et tout, autour d'elle.
Cette vague intense de sentiments confus et violents venait d'atteindre le Sith au plus profond de lui même. Restant le regard perdu dans le vide quelques instants pour tenter d'analyser tout cela, il resta là, assis sans bouger.
Puis revenant à la réalité, il comprit qu'elle souffrait bien plus qu'elle ne l'admettait, qu'elle se révélait encore plus fragile que ce qu'il supposait. Qu'avait donc bien pu subir une femme si jeune pour réagir de la sorte... pour éprouver cette peur qu'elle n'acceptait pas. Mieux valait laisser certaines portes fermées... mais apparemment, elle n'était pas encore assez forte pour le faire.
Calmement, Krohn se releva, rangea la pièce puis se dirigea vers les quartier de l’humaine. Il frappa à la porte et précisa:
- Ce n'est pas de la pitié Syelh...

Derrière celle-ci, close, la jeune femme ne bougea pas d'un millimètre. Pas de la pitié ? Quand elle-même se sentait si honteuse d'être incapable de surmonter ça ? Elle n'avait que faire des sentiments. Tout ce qui comptait maintenant était de devenir ce qui lui permettrait d'accomplir sa tâche. Puis plus rien... puis enfin le néant. Alors pourquoi tout son être se révoltait-il ? Pourquoi une voix en elle continuait-elle a lui dire qu'elle se trompait ? Quoi qui le motive, elle rejetait tout en bloc, pitié, compassion, ... elle voulait tuer tout ça en elle, elle le voulait. Il le fallait.
Bien malgré lui, le Dazen sentit de nouveau le tumulte qui habitait la jeune femme. Pourquoi donc refusait-elle son aide et pourquoi lui, désirait-il la lui apporter alors que jamais auparavant il ne s'était intéressé à qui que ce soit... Agacé il s'éloigna vers sa chambre et lâcha:
- Après tout, fais ce que tu veux... si tu n'es pas capable de voir quand quelqu'un te veut du bien... Je ne vois vraiment pas pourquoi je fais tout ça...

Un instant, elle eut envie d'ouvrir la porte, de lui courir après. Mais, déjà sur pieds, quelque chose la retint. Elle serra les poings. Elle n'avait jamais eu besoin de personne. Et encore moins de ce Sith prétentieux qui croyait la connaître. Elle repoussa sans l'analyser, la pointe de tristesse qui s'était fait sentir en entendant ses pas décroître, les mains collées sur le battant de la porte. Quelques secondes encore, elle resta ainsi, derrière celle-ci. Puis quand le silence fut revenu, elle entrouvrit l’accès et resta indécise sur le seuil. Puis avec un mouvement énergique de tête, la jeune femme se détourna de la direction qu'avait emprunté le guerrier et arpenta les couloirs silencieusement jusqu'à une pièce qu'il lui avait montrée comme vacante de toute occupation ou d’interdits.
Relevant la tête, elle réalisa que ses pas l'avaient conduit directement vers ce lieu un de ceux où, lors de la visite elle avait senti une ambiance différente. Son regard se posa sur les murs exempts d'arabesques et sur les armes entreposées sans vitrines. Des sabres de métal, des épées... toutes sortes d'armes blanches, nobles... S'approchant, elle tira d'un fourreau une lame fine et éclatante, distinguée d'une certaine courbe en son bout et ouvragée de manière délicate. Sans regarder l'ouvrage en lui même, elle fit deux trois mouvements pour en tester la maniabilité, puis partie sur son élan, enchaîna de plus en plus rapidement, des mouvements précis et net d'arts martiaux
Peu à peu, elle oublia ce pourquoi elle s'était dirigée ici. L'affinité avec l'arme était parfaite et seul le sifflement de la lame retentit un long moment dans l'espace de la pièce. La jeune femme ferma les yeux et évolua dans les lieux en faisant se succéder des gestes d'une fluidité parfaite, précis et concis, esquissés comme contre un ennemi invisible. La douleur de sa plaie, qu'elle négligeait, la galvanisait maintenant d'une hargne qui transparaissait dans sa gestuelle par une précision et une rapidité accrue.

Agacé mais quelque peu fatigué, Krohn ôta sa tunique, ses bottes et se laissa retomber sur son lit en fermant les yeux. Il tenta quelques instants de trouver une position confortable et d'oublier toutes les questions qui le hantaient puis, rageur, attrapa son oreiller pour y enfouir son nez. Qu’il était bon de sentir l’odeur des draps soigneusement lavés de sa demeure. Tout simplement… qu’il lui semblait agréable d’être enfin revenu ici, où il pouvait dormir paisiblement, sans retenue, où personne ne le dérangerait, ou presque. Il releva légèrement la tête à cette idée, fronçant les sourcils, avant de la secouer et de serrer plus fort encore le coussin. Il s’apprêtait à passer une nuit paisible et même elle ne l’en empêcherait pas. Après tout, peu lui importait ce qu’elle faisait. De plus il avait pris la précaution de bien verrouiller tous les accès interdits… alors pourquoi s’inquiéter inutilement… A chaque fois qu'il mettait les pieds sur Coruscant, il revenait énervé, suspicieux, limite paranoïaque et cette fois-ci... avec quelqu'un... Qu'il détestait cette planète... Le Dazen espéra ne plus devoir y retourner avant un très long moment. Ne pense plus à rien, se dit-il alors. Tu auras tout le temps plus tard… Bien plus tard. Ces paroles résonnèrent encore quelques instants dans son esprit puis s’estompèrent petit à petit pour se taire définitivement. Le sommeil venait enfin d’avoir raison de lui et le Sith s’était assoupi.

Syehl de son coté finit par chuter à genoux au sol, appuyée sur l'épée, la respiration courte. Comme toujours, elle s'était donnée de manière à ne ressentir ni douleur ni fatigue mais en retrouvait le contre coup après. Quelques minutes lui furent nécessaires pour retrouver un rythme respiratoire normal. L’humaine se mit à regarder l'épée pendant ce temps. Le travail en était superbe mais bien plus que les artifices, elle admirait sa parfaite découpe qui en faisait une arme avec laquelle elle sentait une véritable... complicité. Puis son esprit se reporta sur ce que lui avait dit Krohn. Pourquoi donc avoir réagi ainsi ? Quelque peu calmée maintenant, elle analysait plus froidement la situation et comprenait qu'elle n'aurait pas dû le repousser. Pour un Sith, il faisait déjà preuve avec elle d'une véritable patience, chose étrange. Et elle... Elle avait accepté de le suivre... pourquoi, elle n'en savait trop rien. Là ou ailleurs... Syehl retourna l'arme dans ses mains tout en repensant au regard du Dazen lorsqu'il lui avait parlé tout à l'heure... distant certes, mais sérieux... le mépris avait disparu... pourquoi s'intéressait-il à elle ? Et elle ? ...
Syehl se releva et rabattit ses cheveux en arrière. Puis elle quitta la pièce et se mit à la recherche de celui-ci. Mieux valait s'expliquer et ne pas rester sur cela. Elle arpenta de nouveaux les couloirs et vint tout naturellement à la porte de sa chambre, certaine sans savoir pourquoi, qu'elle le trouverait là. Mais au moment de frapper, elle réalisa qu'elle tenait toujours le sabre dans sa main droite. L’accès n'était pas fermé... Elle l'entrouvrit et le vit allongé sur son lit, le visage a moitié caché sous un oreiller.
Avançant à pas de loup elle arriva près de lui sans l'avoir réveillé et pointa contre son dos, la pointe de la lame avec un sourire aux lèvres.
Le sommeil du Dazen semblait extrêmement agité. Sa respiration saccadée s'interrompit subitement et il tourna la tête vers la jeune femme. Son visage contracté laissait lire la douleur, la tristesse et subitement il murmura:
- Non... non...
Pas du tout préparée à un tel accueil, Syehl ouvrit des yeux immenses. Quel était cette facette de lui qu'elle découvrait là ? Même lui, même un Sith gardait encore en lui assez de sentiments pour ressentir une telle tristesse ? Quelque chose se serra en elle et inconsciemment, elle appuya à peine plus sur la peau du guerrier, de la pointe de l'épée. Son visage qu'elle ne cherchait pas à cacher sous un masque, le croyant profondément endormi, reflétait une peine et un air presque doux qui contrastait avec ce qu'elle arborait ordinairement et surtout, formait un paradoxe étonnant avec la menace immédiate du fer dans le dos du Dazen.
UN RAPPROCHEMENT INATTENDU
Sentant subitement le contact froid dans son dos, Krohn sursauta et se réveilla. Surpris il fixa la jeune femme.
La surprise était totalement partagée car Syehl, complètement a cent lieu de penser qu'il se réveillerait maintenant, était restée dans la même position, bras tendu et lame vers lui, les yeux grands ouverts d'étonnement. Mais sur son visage expressif, la peine ressentie sans vouloir l'avouer était restée assez longtemps pour pouvoir être entrevue.
Sans réaliser à quel point sa position pouvait être interprétée comme une menace pour la vie du Dazen, Syehl demeura saisie devant son regard sans penser à baisser l'arme.
Lisant sa surprise mélangée à sa peine, le Sith ne comprit pas son geste. Sans bouger il murmura :
- Pourquoi?

Le regard de Syehl alla de la lame au Sith, plusieurs fois , avant qu'elle revienne de sa surprise et capte. Dans un sursaut elle baissa l'arme en même temps que le visage, confuse. Evidemment, pour lui, cette intrusion et ce geste signifiait une tentative d'assassinat... Qu'elle idée lui avait traversé la tête, à le voir abandonné ainsi, de venir le taquiner? Elle comprenait qu'elle avait dû le surprendre. Mais pourquoi cette question? Si elle avait forcé sur ses appuis, elle aurait pu le blesser gravement avant qu'il ne puisse réagir, puisqu'il n'avait pas de suite prit les devants? Pourquoi tenter de la comprendre au lieu de répliquer? Elle s'attendait tellement à cette réaction qu'elle s'était déjà préparée à sauter hors de sa portée... Alors rester ainsi sans défense....
- Oh non, ce n'est pas ce que tu crois!! Je... voulais te surprendre... c'est réussi... quoique dans une autre forme. Je ne voulais pas...

Aussitôt, il se redressa et la fixa sans comprendre dans un premier temps avant de capter ses pensées confuses et de percevoir que tout ceci n'était... qu'un jeu... rien de plus qu'un jeu.
- Alors même respecter la vie privée des gens c'est trop te demander... murmura-t-il d'une voix où perçait sa profonde déception.

Le ton atteint directement la jeune femme qui releva la tête pour laisser entrevoir cette fois bien trop ses émotions. Lâchant l'épée avec un geste énergique de rejet, elle l'entendit teinter à terre comme elle murmurait
- Je ne... je voulais juste te parler.. je n'aurai pas dû...
A peine ces quelques mots prononcés de manière confuse, la jeune femme détourna ses pas et rejoignit la porte. Idiote, il a parfaitement raison! Tu aurais réagi pareil. Il a le droit d'être déçu...
Que lui importait de toute façon qu'il le soit ? Pourquoi ce pincement ?
- Que voulais-tu me dire? demanda le Dazen pour la retenir, une expression indéfinissable marquant son visage..

S'arretant la main sur la porte, elle expliqua sans se retourner:
- Que tu n'avais peut être pas tort tout à l'heure... que j'ai agi comme une idiote... ce que je viens de refaire...
Reste... s'il te plaît, demanda-t-il alors d'une voix posée.

De plus en plus surprise, Syehl se retourna pour le dévisager. Combien de facettes avait-il? Et depuis quand avait-il ces inflexions de voix presque douces, profondes? Sous le regard émeraude du Dazen, celle-ci se troubla et pour se donner une contenance, elle se rapprocha pour ressaisir l'épée tombée au sol tout en murmurant :
- Je la remettrai en place...
- Que désirais-tu me dire d'autre ? poursuivit-il en se levant avant de se pencher en même temps qu'elle et de poser sa main sur la sienne.
Ce contact la fit tressaillir et Syehl releva la tête pour retrouver face à lui, très près de lui, ce visage aux yeux captivants. Dans un geste instinctif, elle retira sa main de sous la sienne, pommeau dans celle-ci et resta muette, immobile, un peu perdue.
Venant placer ses mains sur ses joues, sans la quitter du regard, Krohn la fit se redresser et sans savoir pourquoi, se rapprocha encore d'elle et vint souffler à son oreille :
- Qu'y a-t-il au fond de toi Syelh... pourquoi autant de souffrance et d'insécurité...

Tétanisée, la jeune femme ne bougea pas. Elle aurait voulu le repousser, lui et ses questions. Mais son corps refusait de bouger. Ce n'était pas de la peur. Non. Mais il ouvrait en elle la porte à des questionnements qu'elle-même repoussait d'habitude et qu'elle voyait se révéler à elle dans toute leur nécessité aujourd'hui... Elle réalisait d'un coup pleinement qu'accepter de suivre cet homme ne serait pas et plus jamais un acte anodin, qu'il bouleversait ses certitudes d'un regard, d'un murmure. Ce qu'il y avait au fond d'elle? Des années de colère, de haine, dans une petite planète reculée, au fond d'une forêt où elle avait grandie en enfant sauvage. Tout le désespoir de la perte d'un être cher et la révolte de son coeur passionné contre la seule épaule qu'elle eut acceptée, et qui venait à lui manquer... et aussi... tant de choses qu'elle n'analysait pas. Cette voix qui parfois lui demandait où elle était ELLE dans tout ca... et si cela aurait été différent s'il n'était pas mort...
Fermant les yeux, elle murmura en réponse, la gorge nouée :
- La souffrance, je m'y suis faite... elle a toujours fait partie de ma vie...
Laissant sa tête se pencher et reposer contre la sienne, il continua:
- Avec la volonté, il y a des portes que l'on peut fermer, car il vaut mieux que certaines d'entre elles le soient. Accepte et renonce à ta souffrance, à ton passé tourmenté et construit un avenir que tu choisiras.
- Je ne sais comment y parvenir...
- Je l'ai fais... avec de la patience je peux te montrer...
Revoyant le visage de Krohn lors de son rêve, Syehl rouvrit les yeux pour le dévisager. Jusqu'à où pouvait on repousser ce genre d'épreuve, si même lui n'y était parvenu totalement? Mais peu lui importait d'oublier totalement puisque après sa mission accomplie, depuis longtemps, elle avait décidé de... Serrant les poings, elle le fixa avec sérieux avant de répondre d'un simple hochement de tête. Son regard se durcit légèrement.
- Montre moi, lui demanda-t-il alors en lui rendant son regard.

Syehl se contracta légèrement. Il n'avait pas retiré ses mains de son visage et son front était toujours contre le sien.
- Comment ? murmura-t-elle dans un souffle.
Pense et je verrai, murmura-t-il en fermant les yeux. Juste ce que tu penseras, rien de plus...

Penser... C'est à dire se forcer à revoir ce qu'elle tentait de repousser depuis des mois... Prenant une large respiration, elle referma les yeux et laissa son esprit vagabonder, puis se focaliser sur des images d'abord saccadées, puis de plus en plus précises et enchaînées. Un laboratoire éblouissant. Le fer de menottes à ses poignets, la peur, latente, intense pourtant... la haine... puis d'autres salles, un fauteuil, une sensation de piqûres répétée tant de fois, le produit qui s'infiltre en elle, la paralyse, embrume son esprit... les visions, l'horreur des différentes attaques impossible à parer, la sensation d'étouffement, ... Emportée dans ces souvenirs qu'elle ne maîtrisait pas, Syehl serra fortement les poings pendant que se manifestaient à elle, toujours plus vivant, ce passé atroce. Le cercle de fer, la sensation de brûlure à la tempe, puis la défragmentation de l'espace, et par dessus tout, par dessus les tortures, ce froid englobant tout, ce froid qui restait la dernière sensation présente. Et d'un coup, ce noir, cette vie qui s'échappe, ce passage bref dans un néant plus profond : l'arrêt du coeur, lors d'une des séances, et l'électricité qui parcourt son corps pour le relancer. Dans un gémissement, Syehl s'écroula d'un coup à terre, vaincue par la force de ces images et sensations.

Le regard perdu dans le vide, les muscles du corps contractés, le Sith retomba en arrière, sur le matelas, comme paralysé par une douleur qui n'était pas sienne. De la souffrance, il s'attendait à en percevoir mais pas d'une telle intensité, pas tant de violence, de torture dans la vie d'une si jeune femme. Maintenant il comprenait sa méfiance, sa fragilité, sa rébellion incessante et ses peurs lorsqu'il la soignait. Mais qui étaient ces hommes qui lui avaient imposé ces... tortures psychiques? Et cette vie courte qui s'arrêta l'espace d'un instant pour resurgir violemment... Toutes ces expériences... ces tortures le ramenèrent inévitablement aux siennes. Celles endurées pendant 22 ans, avec impuissance... Rejetant ses souvenirs, refermant la porte de son propre esprit, il secoua la tête et fixa la jeune femme gisant à terre.
Les yeux de celle-ci étaient fermés sur un teint très pale. Elle semblait inconsciente et pourtant son visage reflétait une bataille, une douleur importante qui semblait aller crescendo. Syehl se retourna d'un coup à terre, tremblant fortement. Des mots lui échappèrent, des noms inconnus, puis une plainte, un cri plutôt, une supplication pour sa vie, qui ne paraissait pas émaner d'elle. Le corps de celle-ci se cabra violemment comme si en elle son esprit combattait une intrusion, et elle commença à se débattre, en proie à ce qu'elle voyait dans son inconscience.
D’elle se dégageait une aura agressive qui ne cessait d’augmenter en intensité. D’un bond, malgré le choc qu’il venait de ressentir, le Sith se releva et vint s’accroupir à côté d’elle tandis qu’elle convulsait.
- Syelh, Syelh ! cria-t-il en la prenant dans ses bras pour la calmer.
Que lui arrivait-il donc ? Le Dazen passa la main sur son visage et entrevit malgré lui de sombres flashs, des cris, des douleurs intenses qui n’étaient pas ceux de la jeune femme. Sa respiration s’accéléra alors et après un immense effort, Krohn parvint enfin à ressortir de son esprit. D’où pouvaient provenir ses visions d’horreurs, de meurtre? Pas de son passé mais peut être de… Comment cet homme avait-il pu partager ce genre de chose avec… quelqu’un de si jeune ? Elle ne pouvait qu’être affectée pour le reste de ses jours ! Les conséquences pouvaient même devenir irréversibles ! Ne réfléchis plus, se dit-il alors. Il ne devait pas la laisser dans cet état, il fallait agir, la sortir de cet état. Elle se débattait toujours violemment mais le guerrier l’attrapa et l’allongea sur le lit. Une idée lui vint alors. Il fallait la ramener vers le présent pour fermer la porte du passé et vite !
Après une brève hésitation, le Sith mis ses mains chaudes sur les joues de l’humaine, se pencha et l’embrassa longuement, liant par ce contact son être au sien pour un court instant.
Ce contact provoqua comme une décharge en Syehl. L'aura qui l'entourait sembla se déchaîner d'un coup, hostile au Sith, hostile au monde extérieur. Son corps se contracta brusquement comme le guerrier unissait par ce baiser son esprit au sien, en une courte bataille ou celui de Syehl, ou ces entités se débattant en elle, rejetait l'intrusion.
Sentant cette résistance qui la tenait prisonnière, Krohn accentua l’intensité de son étreinte et de son baiser. Il fallait à tout prix la ramener vers lui et leur faire obstacle !
L'aura autours d'elle se fit presque tangible, palpable. Contre lui, contre ce lien... puis au fond de ce chaos, une "voix", une lueur naquit, une chaleur différente, tenue, affaiblie mais vivante, au milieu de ces entités de glace. Le corps de la jeune femme se détendit comme soudain celle-ci se rapprochait, repoussait dans l'ombre les autres en s'orientant vers l'aura du Dazen. Syehl rabattit doucement, inconsciemment, une de ses mains sur l'épaule du Sith, serra un peu les doigts sur elle... puis ouvrit les yeux brusquement... et comprit. Assez pour le gifler de toutes ses forces en le repoussant de l'autre bras.
Krohn se recula, puis, d’un air ironique, lança en se frottant la joue :
Hé bien au moins je sais que tu es revenue…Je l’attendais impatiemment celle là !
Syehl tenta de réunir ses esprits sans d'abord y parvenir
Revenue... d'où? Et... qu'est ce qui t'a pris? Qu'est ce que...
Un bref vertige la reprit et elle porta la main à sa tête, voilant quelques instants son regard où se mélangeait la surprise extrême et la rage, mêlée d'une certaine confusion.
La fixant d’un air malicieux, il murmura :
Ce n’était pas par plaisir… mais je ne dis pas que ce baiser m’a déplu…

Il reprit alors un air sérieux et continua sans lui laisser le temps de répondre.
Tu sombrais dans une crise profonde où tu criais la douleurs de victimes qui n’étaient pas les tiennes…
La réplique cinglante qu'elle allait lui lancer en réponse à sa malicieuse répartie resta au fond de sa gorge. Ramenant ses deux mains sur son visage elle le cacha aux yeux du Sith quelques instants. Elle aurait dû s'en douter... Et pourtant ces derniers temps ces... ombres l'avaient laissée tranquille. Jusqu'où était-elle allée, ... et jusqu'où avait il comprit. Etrangement, la rage qu'elle ressentait toujours à l'idée qu'on vit cette faiblesse n'arrivait pas à s'imposer à elle cette fois. Elle se souvient des mains chaudes de Gaïlon lors de ses crises, de ses mots rassurants, du son de cette voix qu'elle avait suivi tant de fois pour s'en sortir. Puis une autre impression prit le pas, celle de lèvres sur les siennes... Une sensation douce, agréable, enivrante... A travers ses doigts délicatement posés sur ses yeux, deux grosses larmes perlèrent puis roulèrent vers ses joues. A cet instant précis, l'enfant de l'ombre redevint pour quelques secondes la jeune femme fragile derrière la carapace, au coeur passionné qu'elle n'arrivait pas a étouffer.

- Je comprends mieux maintenant… fit-il en venant essuyer ces larmes du bout des doigts. Tu as supporté bien plus que n’importe quelle personne de ton âge voir même… bien plus que n’importe qui dans une vie…Mais il faut te libérer de ces chaînes qui te rattachent à ce passé douloureux pour construire un avenir tel que tu le désires…Syelh…

La jeune femme reposa son regard sur lui sans l'empêcher d'essuyer ses larmes. De tant de douceur, elle n'avait pas l'habitude. Instinctivement, lui revenait d'autres traits, d'autres paroles,... oui. Lui seul, jusque là, l'avait été... le chagrin de sa perte fit revenir les larmes au bord de ses yeux. Tant de choses avaient changé. Un autre était en face d'elle, un autre qui lui rappelait simplement le souvenir de son mentor. Mais lui ne reviendrait plus. Lui ne serait plus jamais là... pour elle. Syehl ramena l'une de ses mains sur ses lèvres sans se rendre compte que Krohn l'observait. Cette impression de douceur qui lui restait l'intriguait. Elle en vint même à s'en vouloir de l'avoir giflé... Il avait tout tenté pour la ramener ... et si il ne l'avait pas fait, aurait-elle enfin cédé définitivement la place à ces autres ? Son regard s'abaissa vers le torse nu du Dazen et elle rougit sans trop savoir pourquoi.
Suivant furtivement son regard, Krohn sentit monter en lui quelque chose et se crispa en se raclant la gorge…
- Heu… je… bafouilla-t-il avant de retenir subitement sa respiration.

Comprenant sa subite gêne en réalisant qu'elle-même avait fixé de manière ambiguë le torse de Krohn, elle détourna brusquement la tête et murmura pour détourner la conversation :
- Pas trop... mal à la joue ?
- Un peu, répondit-il alors en prenant un air espiègle qu’elle ne lui connaissait pas…
Etonnée par ce brusque revirement, elle rentra dans son jeu en continuant avec une pointe d'humour :
- Quel résistance pour un Sith … battu à plat de couture par une... gifle…
- Mais quelle gifle… peut être que… fit-il en pointant alors l’endroit de l’index .
- Oh...
Le regard de Syehl se fit plus câlin et quelque peu gamin... Elle se redressa légèrement sur les coudes dans une mimique pour l'embrasser sur la joue et... lui rabattit à la place, au dernier moment, l'un des oreillers sur le visage avec un rire perlé et frais qu'il ne lui connaissait pas non plus.
- Tricheuse, fit-il en se laissant retomber sur le ventre pour se protéger… Un massage au moins alors…
Se redressant complètement, elle resta le bras en l'air, le coussin dans la main, stoppée dans son élan pour l'assaillir de nouveau. Puis un sourire se dessina sur ses lèvres tandis qu'elle rabattait le coussin sur lui plus doucement :
- N’y compte pas.
Mais au lieu de cela, le Dazen attrapa doucement son poignet et l’attira vers lui tandis qu’il se mettait sur le côté en murmurant à son oreille :
- Reste avec moi… juste pour être là… rien de plus je te le jure. Je… je ne… veux pas être seul…s’il te plaît.
Syehl se retrouva sans pouvoir avoir le temps de comprendre allongée de nouveau. Un frisson la parcourut tandis qu'il lui murmurait à l'oreille. Rester avec lui cette nuit ? Mais... pourtant elle s'entendit répondre en biaisant malgré la grande envie de le repousser qu'elle croyait ressentir:
- C'est pas comme ça que tu auras ton... massage...
- Tant pis pour moi…Ta présence m’importe plus… continua le Sith, déposant sans s’en rendre compte son souffle chaud dans le cou de la jeune femme. Dors bien Syelh.
Ayant ajouté ces quelques mots, Krohn ordonna l’extinction de la lumière.

Celle-ci resta interdite. Quel culot !! Et son avis ? Elle posa sa main sur le matelas pour se redresser et partir, mais une grande fatigue l'envahissait peu à peu et elle resta là un moment, avec la vague conscience de la douceur des draps, de la chaleur ambiante, apaisante.. ... Après tout il ne semblait pas vouloir faire plus... juste sa présence ? Pourquoi ? Lui arrivait-il de ressentir la solitude lui aussi ?
Sans mot dire, elle s'allongea plus confortablement tout en veillant à mettre entre eux le plus de distance possible... puis elle murmura , troublée :
- Bonne nuit... Krohn...

- Tu n’as rien à craindre de tes visions pour cette nuit Syelh… pensa le guerrier de l’ombre. Je suis là pour les empêcher.
Mais pourquoi faisait-il cela ? Pourquoi se préoccuper d’elle de la sorte…A cette question… il n‘avait pas de réponse. Krohn ferma les yeux et ne tarda pas à s’endormir. Inconsciemment, il se rapprocha, vint passer son bras droit autour de la taille de la jeune femme et posa sa tête contre la sienne. Sa respiration, plus bruyante que la normale, laissait nettement entrevoir son assoupissement.
Dans le demi sommeil qui l'envahissait, Syehl eut conscience du geste de Krohn. Se tournant à moitié, elle s'apprêtait à le repousser brutalement quand sa tête heurta tout doucement la sienne. Elle resta figée en sentant son souffle rapide mais plus serein... Endormi... Juste endormi... ce visage qui pouvait refléter tant d'émotions différentes... Syehl le sentit soudain passer son bras autour de sa taille et rougit plus fort.
Elle eut envie de le repousser mais comment le faire sans risquer de le réveiller ? Troublée, elle tenta d'écarter son bras avec d'infinies précautions... mais la chaleur du corps de Krohn associée à la fatigue eurent bientôt raison du peu de conscience qu'il lui restait... Dans un demi sommeil elle eut encore le temps de penser avec étonnement qu'il était musclé, puis de rougir de cette pensée. ...
Quelques instant plus tard, la chambre retrouvait son silence marqué seulement de deux respirations douces.
SOMBRES VISIONS
Au petit matin, alors que nulle lumière ne perçait au travers de la chambre, une respiration saccadée brisa le lourd silence qui y régnait. Les paupières du Dazen ne cessaient de se crisper et ses yeux de bouger sous elles, trahissant l’agitation inconsciente qui habitait son - esprit, de si bonne heure. Son visage se contracta un bref instant et il relâcha son souffle brusquement en se tournant un peu plus vers la personne qui lui tenait compagnie. Mais ce sursis ne dura que quelques secondes et de nouveaux flashs violents attaquèrent son esprit, à tel point que ses doigts se crispèrent sur elle. Subitement, le Sith fut pris de sursauts et se raccrocha violemment à elle, comme pour fuir ce qui semblait se passer dans ses songes.
Se réveillant en sursaut, Syehl sentit déferler en elle une vague de souvenirs désordonnés, qui l'assaillirent, sans possibilité de barrières, surprise à son réveil ainsi. Un gémissement lui échappa. Les doigts de Krohn se serraient autour de son bras comme un étau, et elle ne pouvait se dégager physiquement, paralysée par ces visions d'une rare violence et d'une souffrance égale à celle vue chez Gaïlon.
Un instant, elle suffoqua sous l'avalanche de sensations. Son visage lors de son dernier sommeil lui revint en mémoire... Cette même souffrance, elle la sentait, décuplée ici... Faisait-il souvent ces rêves ? Le choc était si rude qu'elle en oubliait son premier étonnement de le sentir près d'elle.
Très vite, les visions se fixèrent, se précisèrent et au lieu de cris, de sentiments, de douleurs, la jeune femme entrevit des images tout droit venues de ses souvenirs.
Il faisait sombre, froid. Il se trouvait dans un endroit crasseux, prisonnier de…Le Dazen se recroquevilla sur lui-même mais semblait bien différent de celui qui faisait ce cauchemar. Un esprit jeune, inexpérimenté, qui ressentait de la peur, de la souffrance et qui grelottait en ces sombres lieux. Il toussa un bref instant et se tourna sur lui-même, réveillant d’intenses douleurs, baignant nu dans son propre sang. Il respirait avec difficultés. Il l’avait battu encore et toujours pour le briser mais malgré tout, son esprit de rébellion demeurait intact. Il ne plierait pas. Une nouvelle quinte de toux lui arracha un petit râle qu’il tenta de dissimuler mais la confusion montait en lui, accompagnée d’une incertitude elle aussi croissante. Puis tout redevint noir. Soudain, une intense lumière rouge brilla dans le noir, et une sensation de brûlure des plus atroces s’empara de lui. Dans son sommeil, le Dazen poussa le cri de douleur qu’il avait retenu ce jour là. Puis il sentit ce fouet qui lacérait sa chair et ces sentiments se mélangèrent avec d’autres. La lame de ce couteau qui meurtrissait son visage avec une violence sans égale et cette voix légèrement nasillarde qui résonnait, le rabrouant, le rabaissant continuellement.
Se contractant sous la violence des visions, Syehl commença à appeler d'une voix faible puis affermie :
- Krohn !! KROHN !
Ses deux mains maintenant posées sur son torse, elle tenta de le repousser en faisant abstraction de celles-ci, pour garder son sang froid, mais la confusion du Dazen était communicative et elle sentit que s'il continuait, elle perdrait pied.
Toujours de façon agitée, le Sith la lâcha, attrapa l’oreiller juste à côté de lui avant de se mettre à palabrer dans une langue inconnue à l’humaine. Puis sa voix devint menaçante tandis que ses rêves s’obscurcissaient. Il sentait maintenant son cou entre ses doigts et il serrait plus fort, encore plus fort. Il allait se venger, lui faire payer toutes ces tortures, ces mensonges, il voulait plus que tout lui ôter la vie, empli d’une folie meurtrière qui grandissait depuis longtemps et qui désirait en cet instant s’exprimer.
Sentant l'impression d'agressivité atteindre un paroxysme, Syehl comprit que le Sith était en train de perdre le contrôle, sous la violence du cauchemar. La situation se retournait. Syehl saisissait clairement que c’était pour l’avoir aidée elle à sortir de ses souvenirs qu’il subissait ce contre coup. Les siens avaient ranimés ceux étouffés de Krohn. Ce sith, si puissant qu’il était, se retrouvait assailli par ce qu’elle avait réveillé en lui, par écho ! Son bras lui faisait mal, un cercle rouge le barrant, et elle tremblait encore de l'assaut si rapide, mais elle ne réfléchit qu'une demie seconde avant de se redresser. C’était sa “ faute ”. Mais tout allait si vite…Les pupilles agrandie par ce qu'elle voyait, elle sentit un instant quelque chose en elle tressaillir à cette aura obscure qui grandissait, de l'attirance... L'envie qu'il tue cet homme dont elle ressentait la haine qu'il lui transmettait...
L'impression seule d'étouffement la ramena à la réalité... Etait-ce son désir de voir cet homme ressentir encore plus de souffrance, qu'il lui transmettait maintenant, en plus de sa haine? Son regard se reposa sur le visage du Dazen, défiguré par la rage, si différent de celui rassurant... Et dire qu'elle ne l'avait pas repoussé hier soir... mais il semblait si inoffensif... presque candide à cet instant là... Elle s'était surprise à penser qu'il aurait dû être ainsi plus souvent... puis le sommeil l'avait prit... une sensation plus prononcée de hargne la rappela à plus urgent. Sans plus hésiter, elle le secoua par les épaules pour le réveiller en l'appelant.
Enfin, il sentit ses os craquer sous la pression et se délecta de cette victoire tant attendue. Mais une voix rompit soudainement cette bulle de folie dans laquelle il s’était enfermé. Elle l’appelait, venait le chercher. Pour aller où, il ne le savait pas et bien malgré lui, il la suivit. Krohn ouvrit les yeux et l’esprit encore égaré fixa la jeune femme, le corps entier tremblant comme un enfant en état de choc, ne sachant pas où il se trouvait. Sans un mot, le visage affichant une légère panique, inconsciemment, il laissa retomber sa tête au creux de son épaule.
Les yeux de la jeune femme, à présent violet sombre, se durcirent légèrement sous l’apprêté du souvenir qui s'imposait à elle. Combien de fois avait-elle connu cette scène ? Combien de fois son père adoptif avait-il fini dans ses bras, paniqué ? Avec des gestes d'une grande maturité pour son âge, elle posa sa main sur la tête de Krohn et se mit à murmurer d'une infinie douceur, une complainte sans paroles de sa planète d'adoption, Adarlon. Elle savait par expérience calmer la douleur de son mentor... et aujourd'hui ces gestes presque oubliés sous le masque d'indifférence taillé par ces deux ans d'exil, ressortaient, inchangés, doux, calmes, sûrs d'eux.
Le Dazen tressaillit encore quelques minutes puis commença à s’apaiser en l’entendant, en sentant cette vague douce de Force qui venait contrebalancer la démence qui tendait enfin à le quitter. Fermant de nouveau les yeux, toujours sans s’en rendre compte, il l’écouta jusqu’à la fin, avant de retomber sur le côté droit, calmé.
Les dernières notes résonnèrent avec une extrême légèreté tandis que Syehl observait le Sith. Ses traits s'étaient détendus. Et elle ne sentait plus en elle cette oppression obscure qui l'avait assaillie. Fermant les yeux à son tour un bref instant, elle frissonna. Cette avalanche de sentiments brutaux en lui, en elle aussi... Elle le savait depuis le premier jour. C'était un Sith... il était capable de tout, comme Gaïlon avant lui, comme ceux de son... coté. Mais pour Gaïlon, leur lien l'avait peu a peu habituée à ces sautes d'humeur. Elle était fille de l'ombre, elle ne craignait pas la douleur... mais elle n'avait jamais jusque la réfléchit à ce qui avait pu amener Krohn à choisir ce camp, tout comme son père adoptif. Ces visions la projetaient dans une dimension plus humaine de ce choix... Comme il avait souffert !! Pouvait-on se retrouver après cela ? Elle rouvrit les yeux, le sang re-circulant dans son bras apportant des picotements assez désagréables.
Ouvrant les yeux, il se retrouva nez à nez avec le matelas et se remit sur le dos. Puis, les souvenirs affluant, se rendant vaguement compte de ce qui venait de se passer, Krohn murmura d’un ton peu assuré :
- Qu’est-ce… qu’est-ce que j’ai fait…
Instinctivement, elle s'écarta de lui avant d'ajouter en frottant son bras endolori :
- Un ... cauchemar...
Aussitôt, il se redressa, les yeux agrandis d’effroi et la fixa, comprenant parfaitement les risques qu’elle venait d’encourir.
- Et… t’ai-je fait du … mal ?
- Non, s'empressa-t-elle de répondre en ôtant ses mains de son bras, pour ne pas lui rappeler éventuellement qu'il l'avait serrée un peu fort. J'ai juste... vu...

Baissant la tête, elle ne termina pas sa phrase. Malgré elle, son bras gardait la marque de l'étau de fer qu'étaient devenues ses mains un instant, la manche relevée. S'inquiétait il vraiment pour elle?
- Alors pourquoi te frottes-tu le bras ainsi… qu’as-tu vu ? fit-il encore en secouant la tête, les yeux de nouveau perdus dans le vide.
Avec un air gêné, elle hésita un peu. Mais lui cacher n'arrangerait pas les choses.
- Tout... tout ce que tu as vu toi, je crois... les... souffrances que tu as enduré... l'homme... ta haine... les... sentiments qui t'animaient lorsque tu as...

Elle n'acheva pas sa phrase mais mima le geste de serrer ses doigts entre eux.
Il resta là, devant elle, bouche bée, ne sachant s’il devait se mettre en colère où avoir honte. Mais après tout, il l’avait bien cherché en la retenant ici, avec lui. Il connaissait parfaitement le risque encouru et ne pouvait donc s’en prendre qu’à lui-même.
- Je… je… tenta de dire le guerrier avant de se relever précipitamment.

Tellement précipitamment, qu’il se prit les pieds dans les draps et chuta sur le sol froid de tout son long. Plus embarrassé que jamais, il se redressa une nouvelle fois et se dirigea vers la porte du fond en bafouillant qui allait prendre une douche. Enfin, il referma la porte derrière lui et se laissa glisser le long de celle-ci.
REFLEXIONS
Jambes repliées sous elle, assise sur les draps défaits, Syehl resta un moment immobile. La chute comique du Dazen n'avait même pas amené un sourire à ses lèvres. Elle ne le regarda pas, les yeux au sol. Il referma sur lui la porte sans qu'elle tente rien pour le retenir.
Posant un pied à terre, elle se releva doucement tandis que ses cheveux glissaient avec souplesse le long de ses hanches. Pieds nus, elle se rapprocha de l’accès qu'il avait refermé sur lui et posa délicatement ses deux mains à plats contre le battant, puis son front. Le froid du métal la fit frissonner légèrement. Plus un bruit ne se faisait entendre de l'autre coté. Que faisait-il ? S'était-il juste soustrait à ses regards ? La faible lueur de l’éclairage contrastait avec la sombre silhouette pensive qui se tenait debout, frêle. Dans un soupir imperceptible, les yeux ouverts, sans regarder quoique ce soit, elle se tourna et se laissa glisser à terre, dos contre cette même porte où, sans le savoir, il s'appuyait aussi, de l'autre coté.

Pourquoi ne se reconnaissait-elle plus ? Il y a encore quelques jours, elle n’aurait pas pu concevoir de se retrouver ici, seule avec lui… Et cette nuit… Syëhl rougit légèrement. Pourquoi ne l’avait-elle pas simplement repoussé quand il avait passé son bras autour d’elle dans son sommeil ? Qu’y avait-il en lui pour la troubler autant ? Pour la changer… Les yeux de la jeune femme s’agrandirent un peu tandis que défilaient dans son esprit les derniers mois, ceux d’avant New Coruscant, d’avant lui… Elle s’était forgée une carapace au fond de laquelle elle s’appliquait à brouiller les pistes, à étouffer toute trace d’humanité. Elle n’avait qu’un but, tuer enfin ces traîtres, ceux qui avaient ravagé le semblant de stabilité de sa vie avec Gaïlon. Libre, audacieuse, insoumise. L’éclat de rire qu’elle n’avait pu retenir devant la bouille boudeuse de Krohn l’autre soir dans la ruelle lui revint en mémoire comme un courant d’air frais. Indépendante, oui. Mais terriblement seule. Il avait ainsi été capable de retrouver et de faire ressortir en elle celle qu’elle croyait avoir tué en acceptant le sabre de son mentor comme héritage. Elle ne savait même plus qu’on pouvait rire… Mais cette démonstration de force l’autre soir sous la pluie ? Son visage déformé par la rage, cette aura obscure lors de son rêve, tellement plus forte qu’avant, au point qu’elle avait eu un instant l’impression d’être aspirée. Ses moments de colère, contre elle, son expression méprisante sur la jeune femme, passèrent dans son esprit. Un Sith !! C’était un sith !! Que pouvait-elle attendre de lui ? Rien, elle le savait bien… Sa conduite était déjà des plus surprenantes. Inconsciemment, elle serra autours d’elle même plus étroitement ses bras. Si elle avait accepté de demeurer temporairement ici, c’était pour apprendre de sa force. Rien d’autre. Rien. C’en était assez ! Dès qu’il sortirait, elle reprendrait avec lui le masque qu’elle n’aurait jamais dû accepter de quitter. Il en savait déjà trop et cette situation l’exaspérait au plus haut point... Alors pourquoi ce qui lui revenait de lui, c’était ce regard profond, envoûtant ? En elle les images changeaient, l’inflexion de la voix prenait des teintes plus chaudes… Qu’il savait être enjôleur, que ses gestes pouvaient receler de douceur… Assise contre la porte, les yeux toujours fixés sur la lampe qui diffusait une lueur tamisée dans cette chambre austère, Syëhl comprit qu’en acceptant d’apprendre de lui, elle avait mis en marche une force qu’elle même ne pourrait peut-être pas diriger, malgré son caractère rebelle.


Mais que lui prenait-il ces derniers temps ? Que se passait-il ? Qu’était-il donc advenu de l’homme sans pitié ni sentiment qu’il était habituellement? L’homme qui avait refoulé loin derrière lui son passé pour tenter d’avancer ? Il ne le savait pas, ne le savait plus. En ces quelques instants, sans savoir pourquoi, il se sentait perdu. Complètement perdu, désorienté… différent. Non ! Non ! Il refusait cette situation, cette faiblesse qui ne devait pas être sienne ! Il aurait dû la tuer dès le départ, sans se poser de question, sans chercher à savoir… à savoir ce qu’elle renfermait… à ce qui l’attirait… Mais qu’est-ce qui l’attirait en elle exactement…Elle était attirante physiquement… certes et éprouver les désirs naturels d’un homme pouvait sembler normal… Il ne s’en était jamais privé. Non… ce n’était pas cela. Cela allait bien au-delà d’une simple envie de possession… Elle l’intriguait comme personne ne l’avait jamais fait avant… Il voulait la découvrir, voir ce qui se trouvait au fond d’elle et l’aider… Aider quelqu’un… cette idée lui parut alors si saugrenue…En agissant ainsi, il l’avait laissé envahir sa vie, sa demeure… Tout ! Même voir ses souvenirs ! Inconcevable ! se morigéna-t-il intérieurement en se tapant la tête contre la porte. Je ne suis qu’un pauvre idiot… Tue la. Tue la tant qu’il est encore temps, tant que vous êtes ici… personne ne le saura, personne ne te le reprochera, lui souffla cruellement une voix au fond de lui. Mais moi je me le reprocherai, pensa-t-il alors avec effroi… Se reprocher à lui-même de tuer quelqu’un ! Jamais… jamais avant… Il agissait toujours sans la moindre pitié, sans le moindre regret… Pourquoi commencer maintenant ? A cause d’elle ? Une nouvelle fois, il se posa la question : que lui prenait-il ? Et une nouvelle fois… il se rendit compte qu’il ne le savait pas, que son esprit tournait en rond, curieux d’en savoir plus sur elle sans parvenir à traduire le pourquoi de ce subit intérêt, sans pouvoir déterminer ce qui le poussait à céder à une curiosité jamais éprouvée jusque là.

Syehl avait sursauté en entendant Krohn taper contre le battant de l'autre coté, brutalement tirée de ses songes. Que pouvait il bien faire la dedans depuis tout ce temps ? Certainement pas prendre une douche, comme il l'avait dit, l'eau n'avait pas coulé... Se redressant elle fit face à la porte avec une expression indéfinissable.

Ça suffit ! pensa-t-il alors. Tue la, maintenant ! Tu ne peux pas continuer sur cette voie ! Il n’y a qu’une seule solution. Fais le… Ces dernières phrases résonnèrent dans son esprit et il se releva d’un bond, mû sans savoir pourquoi par de sombres intentions. Il attrapa la serviette et ses doigts se resserrèrent sur le tissu avec hargne. Son instinct lui dicta de dissimuler ses sentiments et ses desseins. Aussi se composa-t-il un masque impassible et ouvrit-il la porte d’un coup.
Surprise, Syehl resta un instant à le dévisager. Elle avait reposé ses mains sur la porte et sa brusque sortie venait de la révéler bien plus humaine qu'elle ne l'aurait voulu. Aussi malgré ses efforts, parut-elle déstabilisée, ramenant gauchement ses mains derrière son dos, et murmurant pour meubler :
- Tout va bien? J'ai cru entendre taper... j'ai... je venais voir si tu n'avais besoin de rien...
Pris lui aussi au dépourvu, ses yeux se fixèrent sur son visage, sur cette expression et il resta silencieux. Pourquoi… Pourquoi voulait-il la tuer ? Le voulait-il vraiment... Le doute s’installa de nouveau en lui et il cacha sa main tremblante derrière son dos. Pas maintenant… pas encore… Il ne pouvait pas… Agacé contre lui-même, il détourna le regard et murmura :
- Euh… non, ça va… merci.
Malgré sa propre gêne, Syehl remarqua nettement celle du Dazen , non moins ostensible. Ses yeux allèrent de la serviette qu'il tenait toujours crispée et dont un pan dépassait du dos, à son visage.
- Tu es sur?
Il se contenta de hocher la tête, puis après un court silence, ajouta :
- En vrai… la nuit n’a pas été très reposante. Encore moins le réveil…
Cette réflexion amena un vague sourire sur les lèvres de la jeune femme. Il n'avait pas tort... Elle aussi éprouvait le besoin de repos, d'autant plus fort que sa blessure était loin d'être guérie... Mais une autre sensation se révéla à elle d'un coup : elle se rendit compte qu'elle mourrait de faim ! Elle aurait aussi voulu prendre une douche, pouvoir changer de vêtements...
- J’ai… j’ai entendu… moi aussi j’ai faim, dit-il alors, voyant ici l’occasion rêvée de changer de sujet.

Il ajouta un petit signe de côté vers la porte afin de l’inviter à déjeuner.
La jeune femme réprima difficilement un mouvement d'humeur vis à vis de cette facilité avec laquelle il lisait ses pensées, mais préféra ne pas l'énerver plus pour l'instant. Aussi hocha-t-elle la tête pour acquiescer et le suivit-elle en silence.