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Chapitre 1 : L'enfer d'un honnête Mandalorien
Malgré la fine fente qui ouvrait son casque, Itvan n'eut guère de mal à se repérer sur l'holocarte qui rayonnait sur la console de pilotage. Il se plaisait même à penser qu'il s'agissait d'un pouvoir spécial et héréditaire, dont il ne disposait que par le sang qui courait ses veines, un sang de Mandalorien, donc forcément à part. Des points lumineux clignotaient et grossissaient, s'enfuyaient dans l'espace tridimensionnel clarteux. Le Mandalorien surveillait surtout le glissement des points rouges et mauves. Et le point doré, tout proche d'une énorme sphère, une imposante gazeuse. « Itvan, quand c'est qu'on arrive ? susurra par dessus son épaule la voix endormie d'une Twi'lek.
- J'ai envie de faire du mal, Itvan, tu m'entends ? J'ai vraiment envie de faire du mal à quelqu'un. Et je sais que tu en as envie aussi parce que dans ton petit crâne de Mandalorien, il n'y a que ça qui se cache. » L'humain avait aussi un don spécial, selon Itvan, et il s'agissait de réussir à faire bouillir son sang pourtant froid la plupart du temps, à transformer en lave furieuse le lac figé qu'étaient ses veines. Et Itvan, pour s'éviter de l'éviscérer, se surprenait souvent à imaginer, avec une précision qui l'étonnait lui-même, le potentiel d'élasticité de ses entrailles. Qui a dit que les Mandaloriens n'avaient pas d'imagination ? De fait, si cela ne restait qu'en songe, c'était qu'il figurait une clause sur le contrat du chasseur de primes qui l'empêchait de se saisir avec fureur de la bonne femme pour frapper l'humain avec. Il devait garder son équipe intacte. C'était à la fois un vrai défi, puisqu'il les jugeait tous deux aussi dangereux pour lui que pour eux-mêmes et un honneur, puisque cela signifiait qu'il était à la tête de l'escouade. Cette notion faisait pétiller ses yeux derrière l'étroite visière de son casque et donna même à sa réponse une légère onctuosité. « Fermez vos gueules. » Il n'avait même pas besoin de se retourner pour savoir que la Twi'lek devait avoir un air aviné, rendu creux par ce qu'elle s'était injecté, les bras ballants le long de sa silhouette. Il n'avait pas besoin de se retourner non plus pour imaginer le regard de l'humain, plein de lubricité et de convoitise, qui devait compter des yeux les pores de la peau couvrait l'intérieur des cuisses de la jeune demoiselle sans oser la toucher. Il l'avait vu trancher des doigts au moindre effleurement dans une taverne de Nar Shadda. L'humain avait l'air idiot, de prime abord et Itvan n'avait aucun doute quant à l'hypothèse que ce fût le cas, mais il avait au moins la faculté de s'adapter et cela, les Mandaloriens l'aimaient bien. Ils la respectaient, même. Perdu dans ses pensées, Itvan hocha la tête avec solennité. Oui, ça, les Mandaloriens le respectent.
Il avait reçu le contrat alors qu'il se trouvait encore dans le système hutt. En plein boulot, qui plus est, ce qui n'arrangeait d'ordinaire par singulièrement son humeur. Un droïde de protocole qui lui avait fait parvenir un hologramme où il lui expliquait ce qu'il devait faire pour gagner un nombre de crédits qui réussit à arracher aux lèvres dénuées de musculature adaptée un sourire au Mandalorien. Il tua la proie qu'il pourchassait et fit ce qu'il faisait à chaque fois qu'il ne voulait pas de la prime. Il l'envoyait chez ses proches, organisations ou familles. En plusieurs colis. La Twi'lek, Lyma Nekto, avait été trouvée sur la lune hutt, selon les vœux de l'employeur. Dans un espèce de bouge infâme où elle était « danseuse », ce qui signifiait, d'après ce qu'avait déduit Itvan pour l'avoir vu procéder, qu'elle se contentait de bouger de façon convulsive jusqu'à ce que le client lui demande d'arrêter. La promesse d'un certain nombre de crédits, des trémolos dans la voix et un effort des reins la convainquirent de se joindre à lui. Pour l'humain, Itvan n'osait réellement se l'avouer, mais il n'aimait pas vraiment se souvenir des circonstances qui avaient conduites à leur rencontre. Tout bon chasseur de primes se doit d'avoir les nerfs bien accrochés, soyons clairs, et aussi une méfiance sans borne envers son prochain et, de façon plus générale, envers toutes formes de vie capable de compter efficacement des crédits. Et un Mandalorien sait qu'un bon chasseur de primes doit apprendre à se méfier de tout ce qui approche de près, de loin et de toutes les façons défiant l'espace-temps de la Force. Donc le Mandalorien n'essayait pas de comprendre de quoi il avait été le témoin. Et parfois, lorsqu'enfin la conscience le quittait totalement et qu'il s'endormait, il lui arrivait de rêver d'un homme qui était mort et avait cessé de l'être…

« Mais pourquoi faites-vous cela ?! » La question s'acheva dans un bruissement de voix, comme si le Duros qui avait hurlé cela s'était vu plonger par une lame de fond sous les flots. En fait, il se noyait simplement dans son propre sang et Itvan devait se l'avouer, il s'en trouvait plutôt fort aise. Il détestait quand les gens se mettaient à poser des questions avec des angles philosophiques aussi vastes. Ce fut Aviram qui répondit, par ailleurs : « J'avais très envie de faire du mal à quelqu'un, expliqua-t-il d'une voix où vibrait un puissant contentement, un timbre qui ressemblait fortement à celui qu'employait Lyma lorsqu'elle « s'imbibait de cosmos ». La réponse ne parut pas satisfaire le Duros, qui essaya à nouveau de se relever avec des gestes frénétiques nés de la panique. Il s'était lancé dans une série de démarches que le Mandalorien qualifiait d'inutiles depuis que la Twi'lek lui avait coupé les talons et que lui-même avait éventré son compagnon. Itvan s'était même à nouveau posé la question de savoir si les gens étaient dégoûtés par la vue d'un système de digestion ou simplement par le sang. Le Duros avait vomi. Itvan lui avait expliqué succinctement les quelques différences entre les différents systèmes digestifs des races présentes. Et quelques astuces pour pouvoir les étudier tout en maintenant leur principal propriétaire en vie. Mais l'époque voulait qu'il n'existait plus qu'une poignée d'amateurs qui fut encore réellement intéressée par ce genre de procédés. « Pourquoi ne le tue-t-on pas ? Il est même pas beau, il le mériterait, nan ? s'écria Lyma.
- On devrait pas le torturer, d'abord, pour qu'il parle ? marmonna Aviram, qui avait le visage très proche de celui du Duros, au point qu'Itvan se demanda s'il allait vraiment le lécher. Parce qu'Itvan était convaincu de l'avoir vu faire un truc du genre, quand ils avaient dû tuer un videur récalcitrant sur l'Anneau.
- Pourquoi ? implora le principal concerné, dont les nerfs avaient été lentement érodés par un échange plutôt angoissant sur son devenir entre Lyma et Aviram. Itvan n'en pouvait plus et le casque restitua un soupir mécanique. « Non. » Les deux larrons se turent, attentifs. « Il a posé une question et il faut y répondre. » Les deux larrons se regardèrent. « J'en ai assez que l'on me considère comme une incarnation du mal alors qu'après tout je ne suis que le fruit d'une politique libérale consistant à conforter les biens-lotis dans leurs fortunes et à dénigrer non seulement les gagne-petits mais aussi les caractéristiques culturelles des différents peuples qui les composent comme si réellement il existait un « citoyen du système solaire ». Non, monsieur, nous sommes à une époque où les dilemmes de bien et de mal ne se posent plus puisqu'ils sont sublimés par la loi de la nécessité, une pratique qui implique que la moralité n'ait de point dans la réflexion sur le besoin vital alors - il comprit qu'on ne l'écoutait plus -. Contentez-vous de nous dire le nom du lieu où vous envoyez la commande du Jedi Baruch Avigail ou mes deux amis vous feront connaître les pires tortures pendant que je disserte encore un peu. » Itvan se piqua tout de même d'une inquiétude. Il espéra que c'étaient bien les promesses de torture qui avaient convaincu le Duros.

Chapitre 2 : Trafic encombré
Le Last Glory amorça une courbe douce, décrivant un arc de cercle au-dessus du capharnaüm qui emplissait alors l'horizon sous lui. Tout autour du vaisseau en plein protocole d'approche, des nuées entières de carlingues rayonnantes sous un soleil lointain, comme autant d'insectes agglutinés autour de la ruche, qui allaient et venaient en tout sens, se faufilaient entre de plus gros cargos avec une dextérité surnaturelle et finalement dépeignaient un tableau grouillant d'une densité confinant à la folie. C'était l'Halo Tibérien, un spatioport qui accueillait tellement de vaisseaux que ses autorités compétentes avaient fini par engendrer un champ électromagnétique, une sphère qui s'étendait dans l'espace, entourant son noyau et permettant à quiconque la pénétrait de bénéficier d'air et de gravité. Ce qu'Itvan n'aimait pas, c'était l'absence de bâtiment. En outre, l'Halo était une espèce de ville suspendue dans le vide, où les vaisseaux étaient garés à perte de vue, acceptant parfois qu'on pose sur leur tôle des passerelles permettant aux visiteurs de se déplacer. Ce n'était que des astronefs et cela ne plaisait pas à Itvan. Pas de vraie infrastructure, juste un immonde n'importe quoi, un enchevêtrement chaotique de métal et de gens, dans tous les sens, qui défiait même la gravité mise en place par la Bulle. D'origine, Itvan n'appréciait pas exactement les grandes structures urbaines, mais celle-là, elle le faisait frissonner d'une envie de vomir tenace. Lyma regardait par le hublot avec des yeux pleins de petites étoiles. Son minois adolescent s'était transformé en incarnation de l'émerveillement depuis que les premiers reflets iridescents de la Bulle avaient été en vue et qu'Itvan l'avait annoncé en visu. Pour Lyma, qui avait vécu toute sa courte existence dans Nar Shadda, c'était une espèce d'accomplissement dans l'absolu de la logique d'urbanisme à outrance. Même si elle ne l'avait pas exactement formulé en ces termes, elle sentait qu'il s'agissait là de la puissance de la cité mêlée à l'espace. Ou comment la République a pu transformer l'espace infini en espace habitable. Ses notions spatiales étaient rendues floues par cette création qui tenait, dans sa tête, plus du conte que de la réalité scientifique et cela la mettait dans un état d'excitation bassement puérile que les deux autres membres de l'équipage accueillaient avec une pointe de suspicion. Aviram, lui, observait le Halo avec une espèce d'appréciation esthétique. C'était la mise en scène qui le fascinait, un intérêt finalement proche de celui qu'entretenait Lyma, sauf qu'il s'échevelait en plusieurs branches, s'intégrait dans un processus de réflexion sur les limites acceptables de l'expansion de l'homme dans un univers donné et surtout la probabilité que l'être humain, ouvrant de nouveaux espaces, s'impose à lui-même de nouvelles formes de souffrance en forçant son évolution en tant que créature spatiale. Bref, Aviram regardait le spectacle de la Bulle comme d'autres, en un autre temps, dans une autre lointaine galaxie, tentaient de comprendre les représentations infernales de Jérôme Bosch. Et ce qu'il voyait le faisait sourire comme rares sont les gens qui sourient ainsi sans couvrir au fond d'eux quelques obscurs désirs dont l'assouvissement entraînera des conséquences plutôt désagréables pour un tiers innocent.
Itvan fit virer doucement l'astronef, qui se retourna calmement et zigzagua entre les différentes petites navettes qui amenaient les équipages mouillés dans la Bulle vers le noyau pour les différentes autorisations. Le Last Glory remonta alors un immense cargo, nez vers ce qui se trouvait, dans la gravité recomposée de la Bulle, être le bas, comme un gros poisson pendu par la queue à un crochet. Aviram, qui s'était glissé dans la cabine de pilotage et s'était assis à la place du copilote, regarda les informations qui s'élevaient en colonne de lumière dans la fosse tridimensionnelle, puis murmura distraitement : « On fait comment pour avoir le droit de rester dans le coin sans avoir l'aval des autorités ?
- On a le droit à l'aval, répondit d'un ton égal Itvan. La chasse à la prime est tolérée dans plusieurs ports francs au même titre que les affaires louches tant qu'elles n'entraînent pas de réaction violente. Si c'est le cas, les plaisantés sont aussitôt virés.
- Et comment les autorités font pour les garder loin du Halo ?
- Ils ne font pas. Les vaisseaux en stationnement s'en occupent pour préserver la Bulle. Un spatioport ouvert et migrant, en plein dans une brèche de la législation républicaine, c'est une aubaine pour pas mal de monde, surtout ceux qui n'osent pas s'aventurer dans les étoiles hutt. Alors les gens font attention à ce que rien ne viennent entraver la bonne marche du Halo. » Aviram opina, se saisit d'un petit cube de projection holographique qu'il s'amusa à jeter en l'air comme si le sujet lui était complètement indifférent. Sauf qu'Itvan savait bien qu'il ne posait jamais de question si le sujet ne l'intéressait pas. « T'en connais du pays, pas vrai, Itvan ? On se pose où ?
- Je m'occupe des demandes d'accès. Tu t'occupes de Lyma » répondit le Mandalorien, qui avait une idée très précise de ce qu'il lui restait à faire, alors que le vaisseau, dans une atmosphère normale, aurait pu être considéré comme prenant de l'altitude. Aviram hocha la tête et quitta sans se bousculer le cockpit. Le Mandalorien attendit quand même qu'il fut parti pour se retourner, s'interrogeant sur les motivations de l'humain pâlot. Il serait d'ailleurs peut-être bienvenu qu'il l'emmène voir un des guérisseurs qui siégeait de façon permanente dans le Halo. Et lui pourrait aller boire un jus exotique dans un des comptoirs nomades qui se déplaçaient dans la Bulle. L'idée le fit sourire.
Lyma n'avait pas quitté le verre cerclé de métal boulonné et dévorait du regard chaque centimètre de vision avec un appétit vorace. Elle n'avait même pas senti la présence d'Aviram qui se glissait dans son dos et venait presque poser son visage sur son épaule. Cela dit, il n'avait pas senti sa lame se positionner quelque part tout près de son bas-ventre et préparer une incision rapide dont il aurait gardé le souvenir. « Itvan pose l'appareil, on arrive bientôt. Ca fait beaucoup de clients, dehors, nan ?
- De clients à quoi ? » marmonna Lyma, sans détacher ne fut-ce qu'un instant son regard des fuselages courbés qui habitaient la totalité du hublot. Aviram, qui avait enfin remarqué la lame absorbant tout éclat de lumière, à proximité de son entrejambe, s'était mis à côté d'elle, dos au dossier contre lequel reposait le ventre de la Twi'lek et observait d'un œil fasciné les lekkus de cette dernière, tendant la main vers le plus proche de lui, pour l'effleurer. La lame tressauta mais ne s'appliqua pas à émasculer l'homme. « Si on peut même pas plaisanter. Tu sais que je te taquine, hein, Lyma ? Tu sais bien que je t'apprécie. » Ses doigts manipulèrent doucement le lekku pris au piège, alors qu'il l'approchait de son visage pour le détailler. La Twi'lek tourna vers lui expression entre interrogation et suspicion avant de procéder à un bref changement de position, venant sur ses genoux, face à lui. « Tu sais, mon petit Aviram, j'ai toujours senti pour toi quelque chose… niché au plus profond de moi, quelque chose qui vibrait à chaque fois que je te voyais et maintenant, je peux enfin te le dire… - Les mains d'Aviram s'étaient fixées sur ses hanches, alors que l'humain affichait un sourire vainqueur… il s'agit de… » Il n'eut pas le temps de voir le coup partir. Une douleur sourde éclata simplement dans son arcade sourcilière, alors que sa tête partait en arrière, suite à la rencontre violente mais pas exactement tel qu'il l'aurait espéré du visage de Lyma. Et cette dernière d'éclater d'un rire tonitruant en scandant « gros naze » très fort, bondissant de sa place pour courir tout raconter à Itvan. Aviram se jura intérieurement de lui faire payer le prix fort, quand son arcade aurait cessé de « martopiler » le reste de son crâne.

Au « sommet » du Halo, il y avait un étrange vaisseau. Sa surface était plane, simplement parcourue d'un bloc de béton à l'ancienne, fait dans le mortier d'une race primitive, acheté dans la Bordure Extérieure. Entourant d'un champ protecteur, ce mur avait traversé la galaxie pour être vendu à Galud'ban Tordga, un Sullustéen visionnaire, entrepreneur immobilier dans un système où l'espace était infini, mais finalement réduit à ce que les gens étaient prêts - ou pas - à acheter. Devant quelques problèmes de vente, Galud'ban avait dû évoluer dans ses activités. Ne désirant pas se mettre à la botte d'un Hutt sur Nar Shadda, il faisait partie de ceux qui incarnaient le rêve tibérien : parti de rien pour finalement gagner des millions de crédits grâce aux possibilités promises par le Halo. A présent, Galud'ban était à la tête d'un empire financier dont l'immobilier n'était plus qu'une infime part des bénéfices, mais la nature dualiste de la conquête des espaces inconnus voulait qu'on ne pouvait jamais se fier totalement à la légalité. Et maintenant que Galud'ban avait le temps, il pouvait se livrer à cette folle entreprise qu'il avait un jour imaginée : graver dans un long, très long, mur la totalité du Il'yen'da, un poème épique très important dans la littérature sullustéenne. C'était sa façon bien à lui de laisser une marque dans le temps. A l'aide de son fusil blaster de forage, il creusait donc la robuste pierre, formait lentement mais sûrement des lettres et les multipliait en mot sur la surface grise et rugueuse.
Le Last Glory s'était arrêté non loin de là, dans l'hémisphère nord de la Bulle et son équipage avait franchi les derniers kilomètres les séparant du navire de Galud'ban dans un vieux speeder loué à un Rodien qui s'était frotté les mains d'une manière plutôt pernicieuse. Itvan n'avait pas beaucoup parlé jusqu'à ce qu'ils soient en vue d'un essaim de droïdes armés jusqu'à l'équivalent mécanique des dents survolant un vaisseau coiffé d'une étrange muraille. Les droïdes s'étaient d'abord interposés, quémandant de leur voix reconstituée les raisons qui poussaient une bande de joyeux drilles à venir déranger M. Tordga. Itvan s'était simplement présenté et les droïdes avaient finalement jugé plus sûr de s'éparpiller pour laisser le speeder s'affréter à la barge d'atterrissage du vaisseau. L'équipage du Last Glory était descendu sans trop de fioriture et avait suivi le droïde de protocole jusqu'à la silhouette trapue en bleu de travail, équipé d'un blaster disproportionné qui rayonnait d'une lumière aveuglante en s'enfonçant dans la pierre. Le droïde avait émis sur une fréquence inaudible et la silhouette s'était retournée, repoussant sur son front d'épaisses lunettes tout en posant sur une unité R2 trafiquée le fusil à forage. « Monsieur Tordga, murmura Itvan.
- Monsieur Lutgard.
- Je vois que votre œuvre avance, monsieur - Itvan marqua une pause et son casque à visière en « T » s'était levé vers les symboles qui couraient sur le mur avant de revenir au petit Sullustéen. Magnifique, vous en êtes à l'un de mes passages préférés. Le guerrier qui, dans l'honneur, force sa propre défaite, car envers et contre tous, il se doit de se battre jusqu'à la mort.
- Votre connaissance des littératures exo m'étonnera toujours, monsieur Lutgard, mais je suppose que vous n'êtes pas venu m'interroger sur mon hypothèse personnelle concernant le retour à la conception de l'originel dans la lutte à mort entre le héros et la sorcière ?
- Je viens vous demander une information.
- Monsieur Itvan, répondit d'un ton plein de compassion Galud'ban, faveur contre faveur. Je ne puis vous laisser en contracter une nouvelle envers moi tant que vous ne vous serez pas acquitté de la précédente. Vous savez que je serai tout disposé à vous répondre, vous êtes quelqu'un dont j'apprécie la compagnie, mais aussi un chasseur de primes dont je risque d'avoir besoin. Alors s'il vous plaît, très cher, je vais vous demander un service en remboursement et quand vous aurez achevé votre mission, vous reviendrez me voir. »
Itvan l'écouta attentivement. Ainsi que Lyma et Aviram.
Chapitre 3 : Contretemps
La surface polie des énormes paquebots spatiaux émettaient des lumières couleur néon, d'immenses publicités qui illuminaient la nuit éternelle au-delà de la Bulle. C'était à Aviram qu'avait échu le droit de naviguer le speeder sur le chemin de retour au Last Glory. Lorsqu'il leva la tête, il rencontra les différentes pubs et fut surpris. La zone qu'avait choisie pour aborder Itvan était des plus sordides et les formes évoquées par les néons dépassaient de loin l'étape du suggestif. En fait, Aviram s'étonna que l'on puisse reproduire avec une telle précision des corps féminins alors qu'il ne s'agissait là que d'épais tubes de lumière crasse. Lyma boudait en silence, avec cette expression d'éperdue tristesse qui obligeait toute personne de la gente masculine de lui demander les causes d'un tel désarroi. Cela ne manqua pas, quoiqu'Aviram masqua son intérêt sous une couche épaisse de mépris. « Qu'est-ce que t'as encore ?
- Pourquoi on doit aider ce moche, hein ? Itvan, pourquoi on lui a pas arraché les yeux comme à tous ceux qui nous donnent des ordres d'habitude ? » Ce fut Aviram qui répondit, avec un sourire bien écrasant dans la voix : « Parce qu'Itvan a donné sa parole et que sa parole est d'or, même pour un chasseur de primes. Alors il va faire exactement ce que lui a demandé ce cinglé de Tordga. » Lyma le fusilla du regard puis se tourna vers le Mandalorien avec des yeux de biche : « On a pas besoin de lui... on pourrait trouver le Jedi sans lui, nan ?
- Ce n'est pas une question de Jedi, poursuivit Aviram. C'est une question d'honneur. Il a promis. Et puis, on a besoin de Galud'ban, parce que sans lui, on ne saura jamais où est le Jedi. Aucun vaisseau ne peut transiter discrètement par la Bulle sans être connu de Galud'ban. Alors j'imagine que si on se lançait dans la recherche sans lui, ce serait comme chercher une aiguille dans un système solaire rempli de foin. » Lyma détestait se sentir vaincue. Dans ces cas-là, elle se renfrognait comme une enfant et tentait d'arracher à Itvan du réconfort, ce qu'Itvan présentement ne lui donna pas, perdu dans ses pensées, sous le casque impénétrable de son armure mandalorienne. « Les chasseurs de primes se bâtissent des réputations sur leur point fort. La mienne dit de moi que je suis quelqu'un d'honorable qui respecte toujours ses marchés. Ca n'a rien à voir avec le fait d'être Mandalorien. C'est le fait d'être un homme intègre dans une époque qui ne l'est plus. Alors nous allons chasser comme on nous l'a demandé et... - Itvan marqua soudainement une pause... Aviram, ne t'arrête pas au Last Glory, continue, ne le regarde pas, descends en direction du gros bâtiment, tout droit et contourne-le sans augmenter la vitesse, exécution. » Avant même de poser une question Aviram suivit avec une scrupuleuse attention les ordres donnés. Même Lyma, qui d'ordinaire aurait bondi comme un diable sorti de sa boîte, pouvait sentir la tension qui habitait alors les deux hommes, tant qu'elle disposa sur son minois une expression d'intense tristesse, à peu près la même que l'instant d'avant. Itvan croisa les bras, ce qui d'ordinaire voulait dire qu'il laissait ses mains tout près de ses holsters, en d'autres termes, que quelque chose n'allait pas. « Qu'est-ce qu'il se passe ? marmonna du bout des lèvres Aviram, alors que Lyma venait, avec beaucoup de tendresse simulée, entourer ses épaules dans une douce étreinte, pour suivre la discussion. « Quelqu'un est monté à bord du Last Glory » répondit-il et avant qu'Aviram ne réponde, il poursuivit, d'un ton froid, déclenchant dans son esprit différents scénarios : « Cela fait suffisamment longtemps que je pilote ce rafiot, je sais ce que je dis. On fait comme si de rien n'était. Aviram, tu me laisses le pilotage et tu prends mon fusil. Lyma, chope un de mes blasters et couche-toi. Je vais vous sortir de là. » Ils avaient l'air tous trois d'un petit trio de visiteurs et auraient très bien pu conserver l'illusion si seulement le Last Glory ne s'était pas soudainement volatilisé en une myriade de petits morceaux enflammés qui percutèrent dans un brouhaha puissant les coques des différents navires alentour, le tout dans un grondement terrible et une puissante onde de choc qui chavira la plupart des petits vaisseaux et secouant tous les habitants jusqu'au dernier de l'hémisphère nord. Le noir se fit abruptement, seulement percé des étoiles filantes, les shrapnels incandescents qui avaient jailli de l'explosion dans un sifflement continu. L'astronef avait été engloutie dans les flammes et tout ce qui le constituait se dispersait à présent à haute vitesse, enflammé, et rompait à leur tour les panses dilatées des astronefs qui grinçaient sous l'impulsion dans une suite d'explosions sans fin qui poussèrent les uns contre les autres les pesants cargos dans un grincement de mauvais présage.
Arivam cria quelque chose qui se perdit dans le vacarme alors que le Mandalorien l'attrapait et l'envoyait bouler sur la banquette arrière, sautant derrière le volant et faisant plonger dans le même mouvement le speeder tout en hurlant que tout le monde s'accroche. D'épais morceaux de tôle fondaient de toute part en une pluie de métal enflammé. Au-dessus d'eux, Lyma vit soudainement un speeder de la même compagnie qu'eux être fauché par ce qui devait être un moteur vectoriel. Un tremblement parcourut la surface irisée de la Bulle alors que l'écho de l'explosion se déployait dans l'Halo. Et le speeder prit une direction oblique, due à la gravité, fonçant droit sur eux, faisant gémir Arivam qui n'avait remarqué que trop tardivement la boule de feu. Itvan fit une brutale embardée et s'enfonçant dans un étroit tunnel, en fait le rassemblement de plusieurs navettes qui se noya de dards ignés alors qu'un débris venait d'en frapper l'embouchure. Tandis qu'Itvan maintenait un cap apocalyptique, le ciel de la Bulle s'emplit de sirènes, les reflets orangés rayonnant sur les coques des centaines d'astronefs dont les néons s'étaient obscurcis, détruits ou éteints. Il ne cessait de pousser en avant le speeder, à présent que les énormes cargos, sous le souffle déployé par les explosions, se repoussaient les uns les autres comme de cyclopéens icebergs perdus dans le vide. Le speeder vrilla soudainement, remontant une colonne entre plusieurs croiseurs tout en esquivant les immenses rayons des différents systèmes à propulsions avant de se glisser sous l'un d'eux.
Le speeder s'arrêta prudemment sous l'aile-miroir d'un croiseur de luxe et pour la première fois depuis l'explosion du Last Glory desserra ses poings. Aviram ne disait rien, le fusil désintégrateur calé contre son ventre, le souffle court, comme s'il s'attendait encore à ce que quelque chose éclate et brûle. Lyma, dont les lekkus s'étaient fébrilement repliés autour de son corps, avait les yeux exorbités et contemplait les lumières éclatantes entre les reflets métalliques des navires qui subissaient encore les conséquences de l'attentat sur le Last Glory. « Quelqu'un nous en veut, émit la voix tremblante d'Arivam.
- Quelqu'un de résigné, approuva Lyma.
- Quelqu'un de doué, remarqua Itvan.
- On fait quoi maintenant ? » reprit l'humain, qui tentait enfin de se redresser, à présent que ses muscles avaient accepté une trêve et se débandaient. « J'y réfléchis » répliqua Itvan, que le casque laissait plus que jamais impénétrable. « Je dis qu'on devrait tuer ce Galud'ban, ça doit être lui » grogna Lyma. Itvan se retourna vers elle et se récria d'une voix mécanique : « Pour la dernière fois, Galud'ban n'a rien à voir là-dedans et... merde. » Le speeder fit volte-face et bondit avec toute la violence qui pouvait ronfler dans son moteur entre les traits lasers, à l'encontre des assaillants, deux barges effilées et pétries de sombres silhouettes tous blasters dehors. Arivam, qui s'était redressé, retomba à la renverse et vit défiler la carlingue noire du vaisseau adverse, alors que leur speeder coulait en une chute rapide dans les méandres du Halo. « Tirez ! » hurla Itvan, alors que les deux à l'arrière, sortant d'un bref état d'ahurissement, ouvraient le feu avec hargne. Les tirs lasers s'échangèrent alors, dans le ballet complexe des engins, lancés à haute vitesse dans un dédale multicolore et encombré, n'en répondant qu'à l'adresse des pilotes qui oeuvraient dans la panique. « Les moches? Ils trichent ! cria Lyma.
- Ils ont un foutu champ de force, on peut pas les toucher, renchérit Arivam.
- Mais faites quelque chose, bon sang ! » Les tirs se rapprochaient, la coque du speeder se constellait de traces sombres et de la fumée émergeait de ses entrailles, alors que le Mandalorien faisait des pieds et des mains pour s'immiscer telle une souris dans les espaces les plus étroits laissés par les navires en attente. « On arrivera à rien... ils utilisent la Force, grogna d'une voix blanche Arivam. Itvan ! Pète le bras de Lyma. » S'il n'eut été un Mandalorien, Itvan aurait sans doute adressé à son compère un regard désemparé, mais la situation n'était pas indiquée pour qu'il puisse se le permettre. « Itvan, ne pose pas de question et brise-lui son foutu bras, ou on va tous crever, fais-moi confiance ! » Le regard de Lyma, embué d'incompréhension, allait de l'un à l'autre, ne saisissant pas les tenants et aboutissants de la situation et le Mandalorien savait qu'il devait faire confiance à ce type qu'il avait vu... bordel, il avait vu Arivam alors qu'il... Il se saisit du bras de Lyma et la Twi'lek, conformément à ce qu'il s'attendait, se mit à se débattre. Il était simplement plus fort qu'elle et ne pouvait guère se permettre plus de quelques instants à ne pas regarder où il allait. Un crack retentit, ainsi qu'un hurlement, et Arivam fut pris d'un tremblement, le bras tendu, doigts écartés, vers les barges qui les poursuivaient. Sans résultat. Il se tourna vers Lyma et la vit pleurer, égrainant un chapelet d'insultes à leur encontre. « Lyma... je t'ai fait brisé le bras alors... bordel, éclate-moi le mien. Allez, magne-toi. » Elle redressa la tête vers lui, lui dardant des regards noirs jusqu'à ce qu'elle le voit tendre le bras, poignet posé sur le rebord du speeder, coude vers le ciel. « Magne-toi ! » hurla-t-il. Elle n'eut pas à se faire prier, abattant la lourde crosse du fusil mandalorien sur l'os. Nouveau crack, qui arracha un cri de douleur au concerné. Mais quand il tendit la main vers les assaillants, un flash les aveugla tous. Lyma retomba en arrière, le fusil lui échappant, se perdant dans le vide. Le speeder fit une ultime embardée et vint percuter de plein fouet une navette-marchande, tournoyant sur lui-même pour s'écraser dans une des larges bennes à ordure antigravitiques qui sillonnaient le Halo d'astronef en astronef. Avant de perdre conscience, Itvan n'eut qu'une dernière pensée, celle, pavée de certitudes, d'avoir vu dans l'étroit rétroviseur du speeder des éclairs frapper leurs poursuivants.
Chapitre 4 : Un peu de calme avant la tempête
Quand Itvan reprit enfin connaissance, il était allongé sur une plaque qui embaumait quelques-unes des plus puissantes odeurs de matière fécale qui lui eut été donné de sentir jusqu'à présent et ce, malgré les différents filtres qui composaient l'odorama de son casque. Il en eut même un bref haut-le-cœur et se rabroua instantanément, comme si ce n'était pas suffisamment mandalorien. Se mettant assis, il fit un rapide bilan de l'état de son armure et se rendit compte qu'a priori, la boue infecte avait plutôt bien amortie sa chute. Il se rendit compte aussi qu'Aviram était allongé non loin de là, sur ce qui devait être un antique matelas taché de noir et de rouge un peu trop sombre. Il avait les yeux ouverts, ce qui n'augurait rien de bon. « Eh, Avi, tout va bien ? marmonna-t-il en s'approchant, accroupi.
- J'ai mal, Itvan, bafouilla ce dernier. Atrocement mal.
- C'est ça qui te fait sourire ?
- Non. Enfin, si, je t'avoue que cela en fait partie. Tu sais quoi, Itvan ? J'aime avoir mal.
- Je sais, Avi. Je peux voir ton bras ? » Aviram le lui tendit, cet étrange sourire extatique toujours calé à ses lèvres bleutées. Itvan tâta brièvement. « Cassé. Une dizaine d'heures dans une bonne cuve à bacta.
- Pas le temps, Itvan, grinça entre ses dents Arivam. Ecoute, ces types qui nous ont pourchassés, je sais qui c'est. Ce sont des Sith, Itvan, des Sith plutôt énervés et quelque chose me dit qu'ils en ont après moi. Tu le sais, ça aussi, pas vrai ? » Le Mandalorien hésita brièvement avant de répondre : « Je sais, oui.
- Je vais faire cavalier seul un moment, le temps de savoir ce qui se trame, d'accord ? Sinon, ils ne nous lâcheront pas. Toi, tu t'occupes du contrat et d'inhumer Lyma…
- Elle n'est pas morte.
- Eh ben achève-la !
- Bon, débrouille-toi, Avi, on se donnera rendez-vous… sur la corvette de Galud'ban, dans deux jours. Si tu n'es pas là, je te considère comme mort.
- Pareil. » Le Mandalorien aida l'humain à se relever, puis le soutint jusqu'à une arche. « La benne est automatisée. Elle fait un cycle complet avant que des gars de la maintenance n'y montent. Elle s'arrête à chaque vaisseau, tu pourras y descendre tranquillement ? Arivam hocha la tête -. Oh, et dans deux jours, tu m'expliqueras ce qui s'est réellement passé à bord du speeder ou je te tue… Arivam hocha derechef la tête... C'est bien. »
La benne s'arrima dans un bruit de soufflerie dépressurisée à l'arrière d'un croiseur. Les servo-moteurs travaillèrent alors à venir scinder les larges canaux dégoulinant d'une substance brunâtre et peu ragoûtante à leur alter ego. Un bruit mouillé succéda alors aux différents cliquetis, tandis que les canaux vibraient d'un débit élevé. Arivam profita de l'exercice pour, le bras balançant à son côté, sauter, en prenant appui sur la matière spongieuse des larges tubes, sur la plate-forme d'entretien du croiseur. La benne s'en détacha à peine cinq minutes après s'y être agrippé et dans la fosse centrale, où s'engluait présentement un speeder en mauvais état, un flot d'immondices vint bientôt présenter ses remous énervés. Itvan soupira et commença à patauger dans cette boue, incarnant un état mal défini entre le solide et l'irrémédiablement sirupeux-sale. Le corps de la Twi'lek reposait encore sur la banquette arrière, couvert de ce qui avait été un confortable siège. Il la dégagea de là et tira rapidement sa personne jusqu'à l'échelle avant que le niveau ne soit trop monté. Il n'eut aucun mal à la déposer sur la terre « ferme ». Il se saisit de son comlink. « Bonjour, murmura-t-il.
- Itvan ? Je te croyais mort.
- Les Mandaloriens ont la peau dure.
- Même les dar'manda ?
- Tu joues avec mes nerfs, siffla le Mandalorien.
- Excuse-moi, Itvan. Qu'est-ce que je peux pour toi ?
- J'ai une blessée pour toi. »

Itvan avait trouvé une cuve au noir pour un médecin à qui la République avait retiré le droit de pratiquer et qui s'était, comme de nombreux praticiens de l'ombre, installé dans ce havre qu'était pour les marginaux le Halo. Le Rodien était un ami, à présent, et les amis, dans le milieu, ça ne se refusait rien. Après un examen préliminaire, il avait directement mis la jeune Twi'lek dans la fameuse cuve. A présent, il n'y avait plus un bruit dans la salle étroite. Le doc rodien s'en était retourné à son lit et avait laissé le soin au droïde médical de faire les quelques points nécessaires sur le cuir d'Itvan. Le Mandalorien avait demandé à veiller la Twi'lek et, malgré les apparences, pas un instant le Rodien n'avait songé qu'il était demeuré devant la cuve pour apprécier la plastique de la jeune exo. C'était mal connaître Itvan Lutgard. Il la couvait d'un regard invisible, assis, très droit contre une des voûtes du cabinet. Ses pensées s'enlaçaient calmement, un exercice mental, proche de la méditation, qui lui faisait frôler l'état de somnolence sans jamais s'y abandonner. De fait, il lui était de toute façon impossible de lire dans les rêves de Lyma.
Lyma, dans son rêve, voyait, comme souvent, des allées obscures. Dans le cœur de Nar Shadda. En fait, elle voyait Nar Shadda. La lune qui ne dormait jamais, avec ses bâtiments qui s'élevaient à l'infini et descendaient à l'infini, parcourue d'une faune étrange et bigarrée que Lyma se plaisait à observer. Mais pas comme un simple badaud, non, comme un chat qui guette sa proie, silencieuse et tapie dans l'ombre. C'étaient les gens moches, tout simplement. Les gens communs, qui s'agglutinaient dans les rues de la cité comme des fourmis, sans aucun sens à leur triste existence de pantins. Elle, elle n'était pas un pantin, elle était une poupée. Radicalement différent. Et quand elle en avait assez de regarder les fourmis-êtres vivants de Nar Shadda batifoler sans raison, alors elle voyait la lune soudainement s'ouvrir dans une profusion de sang, comme si elle avait été vivante et que des mains immenses la brisaient soudainement, l'éventraient. Lyma exultait puis chutait et entendait des centaines de milliers de hurlements de gens qui chutaient tout comme elle. Sauf qu'elle, elle ne mourrait pas. Cela dit, les autres non plus ne mourraient pas, ils tombaient dans le vide. En fait, elle, elle atterrissait tout en douceur sur le sommet d'un bâtiment qu'elle connaissait bien. C'était le toit du palais d'Obrik le Hutt. Et elle connaissait bien Obrik, elle avait été danseuse pour lui. Sauf qu'au lieu d'avoir ce métal froid sous elle, il y avait du verre, c'était entièrement fait de verre. Mais attention, pas du plastacier transparent, non. Ses pieds nus sur la surface polie reconnaissaient bien du verre, même si son unique contact avec cette matière avait été un morceau projeté par une explosion qui s'était fiché dans sa joue. Alors, elle pouvait observer tous ces petits gens, à nouveau. C'étaient les seuls à ne pas être tombés, elle pouvait les regarder. Ils étaient tout petits et elle, si grande. C'est parce qu'elle avait son petit secret. Elle pouvait les saisir, en chantonnant et les écraser, tout doucement, entre son pouce et son index. C'était assez dégoûtant mais plutôt amusant. Cela faisait splortch, un bruit assez inattendu. Dans son rêve, une voix l'appelle, elle est puissante et emplie entièrement l'espace entre elle et le verre, entre elle et les étoiles. Elle savait que cette voix l'attendait au bout, tout au bout, et qu'elle ne pouvait en voir le possesseur, perdu dans le noir. Le noir. Lorsqu'elle se retournait, elle voyait cette immense mur d'obscurité qui s'élevait à des kilomètres en l'air et par en bas. C'était sa vie, qu'elle avait quittée. De l'autre côté, il y avait la lumière, mais elle s'en était écartée. Elle était égarée, elle aimait ce sentiment grisant de perte. Elle la confondait souvent avec la tension sexuelle, d'ailleurs. Et puis il y avait cette voix, de toute manière, cette présence, puissante, qui la faisait frémir de toute sa personne, lui lançait des frissons le long de son échine et lui arrachait même quelques glapissements. Ce n'était pas seulement ce timbre profond, guttural qui la faisait résonner. C'était l'écho d'une ineffable puissance. Mais comme à chaque fois, le sol se fendait alors qu'enfin elle entrevoyait un trône d'ébène au cœur de l'espace. Et elle finissait par échoir dans la nuit infinie. Elle se réveillait, se grattait la tempe, se replaçait bien sur sa paillasse et se rendormait. Sauf qu'elle ne pouvait pas réellement, dans la cuve.
Dans un autre coin du Halo, sa silhouette serrée dans une cape de mauvaise qualité qu'il avait eue avec l'étrange matière plastique couvrant son coude mort, coiffé d'un boîtier qui bipait régulièrement et qui l'assurait en temps réel de l'évolution de la réparation de l'ossature, Arivam tentait de trouver le sommeil. Et c'était douloureux, mais Arivam était convaincu que la douleur était bénéfique. Il ne se souvenait plus exactement pourquoi et ses idées à ce sujet étaient confuses. Mais elle reviendrait. Son esprit se concentrait davantage sur le présent, pour l'instant. Finalement, le plus dur avait de tuer l'Ithorien. Le menacer pour qu'il lui refourgue le bioreconstructeur avait été bien plus simple, au demeurant. Ces crétins de gros escargots avec leur voix aqueuse étaient si pacifistes que ça en frôlait la lâcheté. Une fois le gros exo mort et son cadavre traînait dans l'arrière-boutique, Arivam avait pu s'allonger sur la banquette où d'ordinaire le patron devait se reposer. Le marché dans la Bulle prenait rarement fin, comme dans de nombreuses cités qui étaient continuellement plongées dans l'obscurité. Arivam n'aimait pas dormir, mais comme il n'avait rien de mieux à faire en attendant que son bras soit de nouveau opérationnel, il avait choisi de se laisser aller au sommeil. Et dans ses rêves, Arivam entendait un murmure lointain, comme le ronflement d'une étoile. Il sentait sous ses doigts une espèce de poudre diffuse, et il savait que c'était de la poussière d'os. En fait, du sable, mais cela lui était égal. Un désert s'étendait par-dessus son épaule, il était lointain, rougeoyant, comme du sang séché. Et face à lui s'élevait une imposante acropole, une ziggourat haute et implacable, qui le surplombait du fond de ses plusieurs millénaires. Quand il lui arrivait de rêver, Aviram s'abandonnait totalement à la sensation de la pierre ancienne qu'il caressait de la paume de sa main et dont il sentait les aspérités, les gravures millénaires représentant des scènes dantesques. Et puis il s'enfonçait dans la fraîcheur d'une arche cyclopéenne et avançait alors dans le noir, comme un chat. Il connaissait par cœur l'architecture monumental, il n'avait pas besoin de lumière. De toute façon, s'il en avait eu, il aurait fermé les yeux. Il se sentait bien plus intime dans le noir et l'instant aurait été gâché si cette intimité n'avait pas été là. Il y avait presque quelque chose de sensuel à évoluer, à glisser, dans le ventre de ce bâtiment légendaire. Cette pensée arracha un sourire dément que nul ne put voir sur les lèvres d'Aviram alors qu'il entrait enfin dans une salle plus grande, au terme d'étroits boyaux côtoyant avec de profonds abysses. Il y avait une sépulture. Avec un gisant présentant un homme en armure de cortos, une lame effilée, un ouvrage surnaturel, barrant sa poitrine, la pointe reposant sur ses genoux. D'une pression, Aviram poussait le couvercle, sa respiration presque haletante, et pouvait admirer ce qui s'y trouvait. Une moitié de visage, gravée dans un marbre extraterrestre. Parfois, c'était le bon visage. Parfois, c'était le mauvais. Arivam lâcha soudainement la pierre dans un frisson de peur et tout s'évanouit avec lui.
Contrairement à ce qu'Itvan semblait croire, il arrivait toutefois que les Mandaloriens dorment. Cela arrivait certes très rarement, à fréquence d'une fois par jour, approximativement, et Itvan préférait croire qu'une baisse de tension en était la cause, absolument pas de la fatigue. Quand cela arrivait, Itvan rêvait. Et il rêvait souvent de la même chose, jusqu'à preuve du contraire. Dans son rêve, il voyait une planète plutôt humide, couverte d'un épais manteau de forêt. Les arbres s'élevaient haut, si haut pour un enfant de son âge et s'arquaient doucement avant la cime et se croisaient en des entrelacs qui assombrissaient son ciel. Et il était là, petit, à se croire sur Dxun, avec les autres, à s'imaginer qu'il était Mandalore, qu'il était le parangon des Six Lois, qu'il était l'avenir et l'unique salut du peuple mandalorien. Et puis, lui et les enfants entendaient le grondement significatif du retour des Basiliks. L'adulte qui les accompagnait les poussait alors vers les silhouettes immenses et arachnéennes dont les pattes franchissaient avec une aisance désinvolte les arbres pourtant déjà très hauts. Et, alors que les créatures de métal s'immobilisaient, Itvan, l'enfant, posait encore des questions, écoutait les récits qu'on pouvait lui faire sur tout ce qui concernait le peuple des mando'ade d'avant. Il adorait entendre expliquer la confection de ces Basiliks de classe transport de troupe, comment l'on avait transformé ces engins de morts, capable d'embarquer de nombreux guerriers et peut-être autant d'artillerie lourde il y avait encore quelques années - l'enfant qu'il était imaginait des centaines de milliers de soldats, même s'il n'était pas bien sûr de savoir comment ils pouvaient tenir dans si peu d'espace -, en des engins de vie qui accueillaient les membres de son Clan pour traverser la galaxie. L'enfant qu'était Itvan était fasciné par son fuselage effilé, ses pointes acérées qui s'évasaient comme une chevelure et cet aspect généralement animal qui émanait du vaisseau. Itvan adorait les regarder, comme un troupeau d'immenses mastodontes, et il essayait de se les imaginer par le passé, mené par le Mandalore d'alors à l'assaut de la République. Il voyait cela comme d'immenses champs de batailles, de dantesques armées qui s'affrontaient dans des colonnes de feu et de fer. Il n'arrêtait pas de demander qu'on lui conte encore et encore les histoires du passé, même alors qu'ils arrivaient. A l'intérieur des immenses Basiliks. C'était rustique, on avait planté des tentes un peu partout dans la large soute qui composait le ventre de la chose. Les gens vivaient là, dans le respect des anciennes traditions. Itvan vivait là. Il y avait ses parents. Ses cousins. Ses oncles et tantes. Et il y avait son grand-père, qui avait vécu la guerre et chez qui il allait se précipiter à chaque fois que son imagination ne le satisfaisait plus assez. Et ce jour-là. Il avait ouvert la tente. Et il avait vu. Des litres de sang. Qui en avaient jailli. En flots abruptes. Et tous. Qui le pointaient du doigt. Parce que c'était sa faute. Sa faute.
Itvan se redressa soudainement, surpris d'avoir céder si facilement au sommeil, se maudissant de l'avoir fait. Il s'avisa de l'heure qui passait et se coula jusque dans la chambre du doc, une des pièces annexes, tout au bout d'un couloir de l'astronef, pour lui confier la Twi'lek le temps qu'il puisse chasser. Itvan était relativement content, par ailleurs, de pouvoir se lancer enfin dans une traque seul. Cela lui rappelait le bon vieux temps. Il déploya la passerelle d'embarquement et la descendit, accédant au jeu de sentiers pendus dans le vide qui constituait l'unique moyen de traverser la Bulle à pied. Et il s'élança, dans l'allégresse.
A peine eut-il quitté la navette que le doc appela un Bothan de sa connaissance à qui il vendit le contenu, fort esthétique, par ailleurs, de sa cuve, puis décolla pour des cieux plus cléments, ayant empoché une bonne prime.
Chapitre 5 : Pas assez mort
L'activité revenait doucement, à tâtons, comme si elle craignait un nouvel attentat. Au-dessus de sa tête, Aviram vit les croiseurs se mettre en branle, prêts à quitter la Bulle. La plupart avait la panse crevée de fumée de mauvais augure. Et les petits speeders des autorités tibériennes tentaient de juguler tout ce regain de départ, avec une coordination qui commençait à frôler la démence. L'homme fit une grimace, réajustant la capuche de sa cape grisâtre et s'accroupit de nouveau le long de sa passerelle, son regard passé par dessus, droit sur les barges fumantes de leurs assaillants de la veille. Une intuition lui avait ordonné de revenir là. Une intuition et un détail qui semblait avoir échappé à tout le monde. Enfin, à Itvan, au moins. Aviram soupira en songeant au Mandalorien, quelque part dans les enchevêtrements d'astronefs, lancé à la poursuite d'un imbécile de Sullustréen. Il aurait préféré être avec lui plutôt qu'ici, à attendre, campé dans l'ombre. En fait, il aurait même préféré apprendre la corde à sauter à Lyma plutôt qu'être ici. Tout valait mieux que ce qu'il s'apprêtait à faire. Il se demanda s'il avait prévenu le Mandalorien de son vertige, mais songea aussi qu'il était un peu tard pour s'en rendre compte. Et puis le spectacle plus bas commençait à valoir le temps qu'il avait patienté là.
Aux yeux de n'importe qui, ce n'était que deux navettes de récupérateurs, avec des droïdes antigravitiques et des servo-bras comme des pinces d'un crabe d'acier qui commençaient à ouvrir et arracher les morceaux intéressants des deux plateformes volantes écrasées. A ce titre, Aviram fut plutôt fier de son succès, ne pouvant empêcher un sourire un peu trop large pour ses lèvres gercées. Pour lui, c'étaient surtout des complices venus cacher des preuves. Se reprenant dans une petite toux, il continua d'observer la coupe rapide des deux récupérateurs. Et lui se doutait du pourquoi de leur empressement. S'il voyait juste dans ses déductions, ils étaient plus là pour effacer les traces du passage de quelqu'un que pour revendre en pièces des composantes. Aviram prit une inspiration. Le seul moyen de s'en assurer était de les suivre. Le seul moyen de les suivre était de bondir sur la toiture métallique d'une des navettes. Bon sang qu'il détestait ça.
Allez, tu sais ce qu'il adviendra si tu ne le fais pas. Tu es un lâche ?
Jusqu'à preuve du contraire, oui.
Oui bon, certes, mais un lâche survivant.
Et cela introduit quoi de différent ?
Eh bien, le fait qu'une nécessité s'imposant à toi dans le cadre de ta propre survie, tu puisses y réagir en conséquence malgré qu'elle fut désagréable.
C'est nouveau, ça ?
Je viens de le trouver, j'espère que ce n'est pas trop ?
Non non, parfait, vraiment. Mais ça suffit pas.
Alors on va la faire courte : si tu ne saute pas, tu ne pourras jamais te venger parce que tu ne retrouveras jamais la rage et la haine nécessaires pour le faire. C'est pour ça que, bougre de con, tu vas sauter et récupérer ce qui t'appartient !
Ah ben là, je suis convaincu. On saute ?
On saute.

Aviram ferma les yeux, tendit ses bras en avant, serra les dents très fort, banda ses muscles, souffla et glissa de plusieurs mètres, jusqu'à ce que la rencontre avec une surface crasseuse - à haute vélocité - lui confirme la réussite de son entreprise, qui dépassa de loin la douleur d'une réception laissant encore à désirer. Une enseigne néon crevait la toiture et présentait un langage exo qu'Aviram ne reconnut, mais dont il se saisit pour éviter une chute plus vertigineuse encore. Il s'y cramponna comme si sa vie en dépendait - et c'était vraisemblablement le cas - surtout quand la navette se mit en branle. Il n'osait même pas ouvrir un oeil, la sensation du vent frais qui glissait sur sa peau alors que la navette accélérait dans le dédale de l'espace étroit d'entre les croiseurs était suffisant pour lui rappeler avec une constante intensité qu'il avait peur. Et même si quelque chose, au fond de lui, savait que la peur n'était pas irrémédiablement mauvaise, il ne pouvait s'empêcher de ne pas approuver, du moins pas quand c'était lui qui l'éprouvait.
Lentement, il perçut une décélération et se permit même d'ouvrir un oeil pour contempler ce qui venait. Un croiseur de commerce de Tatooine. Que c'était gros. Il sourit, à présent convaincu de ce qu'il avait deviné. Il capta du regard une passerelle qui devrait lui être accessible l'espace d'un instant, le temps que la navette l'eût franchi et se redressa pour se parer à la réceptionner. Elle s'enfonça dans son ventre, ce qui lui fit souffler toute l'air de ses poumons, mais lui permit au moins de se hisser sur un sol qui ne se déplaçait pas.
La passerelle d'amarrage du croiseur était si large qu'Aviram distingua, alors qu'il s'en approchait, de larges étales où était présenté tout un tas de brocaille, de bijoux aux pierres ambrées et de pièces mécaniques. Un vrai paradis pour les mécanos. Aviram s'avisa que les deux navettes avaient disparu dans le ventre du croiseur et se glissa parmi la petite troupe de badauds qui s'était massée là pour découvrir les beautés de la planète des sables. L'accès à l'astronef était gardé par des Gamoréens. Derrière eux s'étendaient une large pièce, sans doute le hangar principal du croiseur. En espérant qu'ils n'étaient pas totalement fermés au dialogue, Aviram remonta la langue de métal jusqu'à eux, interpellant l'un d'eux en s'exclamant : « Je viens voir ton boss. Et il aura très envie de me voir. Alors à moins que tu ne préfères mourir, tu ferais mieux de m'amener à lui. »
Avant que la masse de muscles ne se pique de l'envie d'écraser le petit visage arrogant, une voix stridente vibra depuis l'autre côté du vaste hangard. « Seigneur Benek ! » s'enthousiasma-t-elle. Le personnage était élancé, avec un visage émacié que le bleu pâle achevait de rendre plus étroit encore, au point que ses pommettes en apparaissaient comme imposantes. Un front court et deux excroissances bulbeuses d'où naissaient ses lekkus, enroulés autour de son cou. Il portait une robe marron, avec une mante dégarnie par dessus.
- Viso, répondit d'un ton prudent le principal concerné. Le Twi'lek courut vers lui, faisant quelques gestes à la garde gamorréenne qui entourait Aviram. Ce dernier ne la comprit d'ailleurs qu'un peu trop tardivement, alors qu'une des masses de muscles fermait sa retraite et que le premier, qui semblait avoir espéré de toute son âme cet instant, l'attrapait à la gorge. « Imbécile, siffla Viso Golba, vous allez nous faire tuer avec vos folies ! N'auriez-vous pu mourir promptement ?
- Dis... lui de... me... lâcher, s'asphyxia Aviram. On m'a... pas... pas suivi.
- Sûr ?
- Sûr. » Nouveau mouvement de la main, déception dans le regard hargneux du Gamorréen et les pieds d'Aviram touchaient à nouveau terre. « Quel accueil, maugréa-t-il.
- Désolé. Prudence, prudence. Je vous croyais mort , Seigneur Benek » lui confia le Twi'lek. « Une habitude un peu trop partagée, répliqua Aviram. Je viens ici pour voir le Hutt. Amène-moi à lui, tu veux ?
- Avec plaisir, Seigneur Benek, Son Excellence Obrik sera si content de vous voir ! »
L'antre du Hutt était une parfaite reconstitution de ce qu'il avait dû quitter en partant de Tatooine. Plongée dans une pénombre enfumée, des silhouettes langoureuses qui se déhanchaient sous les modulations phoniques émises par les instruments d'une troupe de Biths. Les voûtes croisées étaient basses, le sol était couvert de tapis au couleur sombre, entre vert et bordeaux et des tas de coussins entreposés un peu partout sur les différents niveaux faisaient office de sièges. Et tout au fond, sur une large couche, suffisamment vaste pour l'accueillir tout entier, trônait, en maître incontesté Obrik le Hutt. Aviram eut l'un des rares sourires sincères qu'on pût lui reconnaître, venant prendre place face à l'énorme limace. « Benek, grogna dans sa langue rocailleuse et gutturale le Hutt, je te croyais mort.
- C'est de plus en plus courant dans le cercle très fermé de mes anciens amis, répondit du tac au tac l'humain, à qui l'on venait proposer un narguilé.
- Ravi de voir que ce n'est pas le cas. Ton bras va mieux ?
- Je suis venu régler des comptes, embraya Aviram.
- Je suppose que tu sais que les plateformes volantes m'appartenaient. Tu ne viens tout de même pas pour te venger de moi ?
- Evidemment que non, Obrik, nous n'y trouverions aucun intérêt, ni toi, ni moi. Je viens pour savoir pourquoi tu as équipé des Sith pour qu'ils fassent sauter le Last Glory et nous prennent en chasse.
- Les Sith n'ont pas fait exploser le vaisseau du Mandalorien. » Aviram, à force de discussions, par le passé, avec le Hutt, avait appris le fonctionnement du vieux parrain de la pègre, capricieux et joueur. « Donc tu sais qui l'a fait sauter.
- Bien entendu, gloussa le Hutt. Ce sont mes associés qui l'ont fait exploser. Simple concours de circonstance.
- Et qui sont-ils ?
- Tu me connais, Benek, c'est le genre de choses que je ne dévoile pas, même à un vieil ami. Je ne mélange pas professionnel et personnel. Ils ont payé pour que je taise leurs noms et leurs noms seront tus. » Aviram sourit. Encore une demi-vérité. « Mais pas les Sith, affirma-t-il.
- En effet.
- Dark Rutvak ?
- Lui-même. Visiblement, lui aussi a la peau dure. » Le front d'Aviram se plissa d'une certaine inquiétude alors qu'il réfléchissait à grand pas. « Je suppose que s'il a lancé si soudainement ses pions, c'est qu'ils sont pressés par le temps.
- Les Sith ne parlent pas de leur plan aux Hutt. Les Sith se contentent de donner des ordres et de tuer. Et Dark Rutvak plus que tous, à mon avis. Mais après les guerres civiles qu'ils ont fait éclater contre les Jedi, je doute qu'ils aient réellement pignon sur rue. A leur place, j'aurais fait pareil. Frapper une unique fois, un grand coup et me replier en effaçant toutes traces de mon passage.
- Pas faux. Mais il ne savait pas que nous étions encore en bons termes. Au fait, pourquoi ne pas m'avoir prévenu plus tôt qu'il était à mes trousses ?
- Je ne le pouvais pas. Mais à présent, je le peux. » Aviram réfléchit, puis hocha la tête : « Il était à bord de ton vaisseau jusqu'à ce que ses hommes meurent dans l'explosion de leurs barges de guerre. Il ne te faisait pas confiance. Et il est parti dès que ça a commencé à sentir le roussi. Mais il doit se trouver quelque part dans la Bulle. - Il plissa les yeux - Et tu sais où.
- Simple assurance. Il ne me fait pas confiance, je ne lui fais pas confiance. J'ai graissé quelques pattes pour être averti de l'entrée d'un vaisseau dont la facture représentait une marque de la Bordure. Et ça n'a pas loupé.
- Comment se fait-il que tu sois venu jusqu'ici ? Tu aurais pu déléguer Viso.
- Mes associés voulaient aussi que je vienne jusqu'ici. Ils voulaient que je sois là pour organiser une rencontre avec un chasseur de primes. Eux aussi sont du genre à effacer leurs traces.
- Tu en as dit trop. Je t'ai bien compris. Je n'ai qu'une dernière question, Obrik. Où est-il ?
- Le chasseur de primes ? railla l'épaisse larve.
- Tu sais de qui je parle.
- Ne crois pas que je veuille t'offenser, Benek, mais si je refuse de te le dire, c'est parce que je pense que tu n'es tout simplement pas de taille à l'affronter, tu comprends ?
- Je ne compte pas l'affronter mais tout simplement lui reprendre quelques petites choses.
- Cela change tout. Viso te donnera un holoprojecteur contenant le plan de son astronef et les différentes sorties. Aviram, en échange, je ne veux qu'une chose.
- Parle.
- Viso te remettra aussi un petit colis. Tu n'auras qu'à l'inclure à la séquence de l'astronavigateur de Dark Rutvak. Tout Sith qu'il soit, je refuse que l'on me donne des ordres. » Le Hutt était pugnace, malin comme un singe et arrivait toujours à ses fins, quelque soit la méthode à employer. Aviram savait que d'une certaine façon, il s'était fait mener jusqu'à lui et qu'à présent, s'il servait des intérêts, c'étaient ceux du Hutt. Mais ses intérêts et les siens se rejoignaient suffisamment pour qu'il fasse l'impasse sur ce point. Il s'inclina et prit congé sans rien ajouter, se dirigeant vers l'arche où patientait le Twi'lek. Obrik grogna simplement : « Au fait, Benek.
- Oui ?
- Je te trouve plus calme.
- La mort, ça vous change un homme. »
Chapitre 6 : Tout en douceur
Derrière la visière, Itvan fermait les yeux et se laissait pénétrer de la tension qui agitait la Bulle. Une nouvelle navette avait explosé il y avait à peine une demi-heure et les autorités tibériennes ne savaient plus où donner de la tête, désemparées devant les départs précipités qui secouaient tous les croiseurs en un éprouvant ballet marin. La bonne nouvelle que cela apportait était que si le Jedi qu'ils étaient venus chercher ici tentait de s'enfuir, il serait bloqué par l'afflux encombré.
Se laissant couler d'une passerelle à une autre, dans la toile complexe parcourue du néon des publicités omniprésentes, le Mandalorien suivit sa route silencieuse jusqu'à l'étroit astronef de plaisance qu'il avait repéré. La dernière demeure connue de Salz'amon Pol, un Sullustéen qui aurait mieux dû se présenter à Galud'ban quand il avait encore l'occasion de le faire sans encourir son mécontentement. C'était toujours la même histoire. Excès de confiance, fuite soudaine, colère et il entrait en scène, poli, courtois et implacable. Et souriant, mais ça, personne ne le savait jamais, évidemment.
L'astronef de Salz'amon était un long objet, de forme oblong, avec des ailerons fuselés qui en parcouraient le bout le plus évasé. Le coin opposé s'interrompait brutalement en une baie vitrée bulbeuse qui devait contenir de quoi baigner toute un Clan dans une seule baignoire. Le sas était griffé d'une marque corellienne et Itvan soupira tout en tirant de son gantelet un câble dont la fiche était adaptée à la fente pratiquée dans un boîtier tout à côté. Quelques touches furent pressées sur l'étroit clavier apparu sur son poignet et un petit « bip » satisfait lui fit hocher le casque. Le sas glissa dans un bruit de dépressurisation parfaitement feint et Itvan put tâter du bout de sa botte une moquette orangée qui couvrait l'intérieur. Le mobilier était tendance, sans doute une création de Ryloth, avec des formes évasives, toutes en courbes fuyantes et vertes. La fosse à holos avait l'air d'être une vraie prouesse technologique mais le Mandalorien ne s'y arrêta pas. De toute façon, où mettre une fosse holo quand son unique vaisseau à exploser ? Il marcha jusqu'à l'avant de l'appareil, évitant un mini-bar dont la moitié des alcools lui était inconnue.
La chambre présentait exactement ce qu'il s'attendait à voir. L'armoire murale, ancrée dans le mur, avait été vidée frénétiquement. Des vêtements traînaient par terre. Des vêtements de haute couture. L'homme qui était parti non seulement ne comptait pas revenir, mais savait se priver de richesse apparente pour se fondre dans la masse. Cela ne devait pas être la première fois qu'il filait, mais le problème était qu'il devait connaître la Bulle bien mieux qu'Itvan et avait de l'avance. Il était simplement à espérer que la foule qui tentait elle aussi de quitter le port l'en empêcherait suffisamment longtemps.
Le Mandalorien s'intéressa à l'ordinateur personnel de sa proie, sans plus d'intérêt. Après avoir pianoté quelques instants, découvert des photos dont la pudeur lui interdisait de s'y attacher plus longtemps et quelques pense-bêtes, il dût se rendre compte de l'évidence : on avait effacé toutes les données sensibles de cet appareil. Mauvais signe. Itvan pianota un instant sa courte console personnelle et une voix synthétique annonça le lancement d'un scan. Le chasseur de primes avait déjà servi, en garde du corps, sur un croiseur de ce genre. Il devait y avoir une cache secrète. Il profita que le scan s'achève pour fouiller un peu dans les armoires, sans conviction. Un nouveau « bip » et la voix énonça doucement la position d'une boîte verrouillée sous le lit. Songeant que le Sullustéen ne s'en servirait sans doute plus, Itvan le retourna sans ménagement et découvrir une trappe exiguë qu'il souleva. Quelques papiers, des notes prises à la va-vite, des transcriptions et des suites de chiffres qu'Itvan glissa dans une de ses nombreuses poches et une petite boîte constituée d'un écrin mousseux mais vide. Elle avait accueilli une arme, d'un genre qu'Itvan connaissait. Un pistolet à fléchettes, avec un embout évasé. Neurotoxine et psychotrope, lancés à haute vélocité, qui se déployaient tout aussi vite dans le cerveau et selon le type de fléchette, tuaient net, endormaient ou envoyaient dans des astres lointains la victime. Une fabrication wessalienne. Il connaissait exactement le genre de personne à vendre ces petits bijoux. C'était bien ce que le chasseur pensait : sa proie savait qu'elle ne pouvait fuir sans que Galud'ban l'apprenne. Elle avait donc confié sa fuite à une personne qui lui permettrait de sortir sans que le Sullustéen ne le découvre. Elle avait sauté d'une gueule de loup à l'autre.
La voix synthétique soupira que le scan avait révélé une forte concentration de cristaux bindus sous le noyau d'énergie de l'appareil. Le regard d'Itvan se leva directement vers le sas de sortie encore ouvert et le Mandalorien bondit, tous ses muscles bandés, vers l'ouverture, jaillissant sur la passerelle. Projeté plutôt, par le souffle d'une explosion. Se redressant, il put voir les derniers débris enflammés chuter dans le vide sans fin du Halo et, tout en reprenant son chemin, commençait à se demander, un peu tremblant, si la fatalité n'avait pas décidé pour lui que chaque astronef sur lequel il poserait un pied devait finir en petits copeaux.

Le Nebulo était un immense astronef de forme ovoïde, dont le sommet était coiffé de bulbes herbeux et épars, des jardins suspendus où le propriétaire, Gardo Garell, vivait et logeait ses invités. Il se vantait d'avoir là l'équivalent des cités de Kashyyyk et nul n'avait osé réellement remettre en doute sa parole. Le Nebulo accueillait aussi, dans ses étages inférieurs, un club huppé, un élégant lupanar, un rendez-vous pour contrebandiers et voleurs en tout genre où l'argent changeait de mains fréquemment, ainsi qu'un restaurent très coté qui servait des plats si rares que certains faisaient même le trajet d'autres systèmes solaires pour y venir dîner - du moins selon la brochure. Au-dessus, s'échelonnaient sur plusieurs des carrés plus privés, réservés aux VIP, offrant aux clients des spectacles plutôt alléchants. Certains murmuraient qu'outre les habituelles danses de belles Twi'leks, on pouvait aussi s'adonner à des vices plus obscurs.
- Hé ! on voit pas souvent des Mandalos dans l'coin, vous d'vez v'nir de loin. Et si vous v'nez d'loin vous d'vez avoir soif. J'vous mets quoi, mon p'tit m'sieur, marmonna le serveur, un type louche avec un sourire large, plein de dents trop blanches.
- Je suppose que vous ne servez pas de thé ? demanda, sans conviction, Itvan, ce qui fit sourire - enfin, un peu plus qu'il ne souriait déjà - un Devoranien dont Itvan avait remarqué la très belle vibrolame ornant sa cuisse. « De ? fit le serveur.
- Mettez-moi une spécialité maison, alors » soupira-t-il. Il était accoudé à un comptoir de vive lumière bleue qui rayonnait dans les verres épais constellant la langue fluo s'étendant dans la pénombre rougeoyante. Il regarda son verre sans y toucher, casque oblige, et observa simplement la clientèle éclectique, rassemblée en petits groupes qui ne prenaient même pas la peine de murmurer l'illégalité de leurs transactions. De nombreux exos, quelques humains qui lorgnaient leurs voisins de regards torves, Itvan était comme un poisson dans l'eau. Haine larvée, cruauté victorieuse et violence avant tout, le Mandalorien reprochait juste à cette foule bigarrée une légère carence en retenue et en culture.
Par ailleurs, il avait un travail qui l'empêchait de goûter à la bonne compagnie. Il n'y avait pas une centaine d'endroits où Salz'amon avait pu trouver refuge. Le club de Garell était une plate-forme qui faisait directement concurrence à Galud'ban. Itvan avait songé à un plan pour atteindre le quartier des hôtes. Ce qui signifiait forcer l'attention d'une dizaine de gardes armés jusqu'aux dents, d'une demi-douzaine de tourelles défensives et de plusieurs droïdes de guerre. Un peu culotté. Mais il n'avait guère le temps pour faire davantage que quelques grandes lignes et une bonne dose de chance. Itvan sourit, pressa un bouton de son gantelet et compta jusqu'à dix avant d'enfiler un coup de poing sec au Devoranien, de lui piquer sa lame et de sauter par-dessus le comptoir.

Agal, cuisinier de son état, était en train de préparer - de composer, plutôt - un sauté de chien d'Impala, revenu aux oignons de Dantooine, avec du foie poêlé de Manaan, servi sur un coulis de champignons de Ryloth. Une véritable œuvre d'art culinaire. Un met d'une rare élégance qu'il était ravi de pouvoir concevoir pour le nouvel invité de Garell, le Sullustéen, quand soudainement, des cris éclatèrent dans la grande salle. Il darda un regard noir à un de ses aides, comme s'il le tenait personnellement pour responsable de ces distractions mal à-propos. Le principal concerné se ramassa sur lui-même avant de filer, craintif, jusqu'à la porte menant au comptoir. Qui s'ouvrit à la volée et l'assomma sur le coup, laissant entrer un homme au faciès affolé qui hurlait à la bombe. Agal savait que cela devait arriver. Un rival aigri et jaloux avait décidé de le faire tuer. N'écoutant que son courage, il appela ses aides autour de lui et sonna la retraite, se repliant vers le fond de la salle pour embarquer dans l'un des speeders qui y était attelé, mais pas sans s'être saisi de son sauté.
Une fois tout le monde sorti, Itvan retira sa cape et remit son casque. Le petit droïde fumigène avait parfaitement porté ses fruits. Il allait se lancer dans la suite de son plan quand les gargouillis d'un jeune homme au nez empâté de sang le retinrent. « Un peu d'aide ? demanda-t-il.
- Euh... - un rapide trait de pistolaser vint mettre fin à ses hésitation -.
- A votre service » murmura le Mandalorien en se dirigeant vers le fond de la pièce. « Malheur » murmura-t-il en constatant que le monte-charge ne pourrait accueillir sa personne et l'armure qui la couvrait. « Bon, maintenant qu'on est là » songea-t-il. Plusieurs coups de feu grillèrent le couvercle de la boîte et encore quelques-uns la détachèrent des câbles et la laissèrent s'effondrer. Le chasseur de primes la sortit puis se glissa dans l'étroit conduit vertical, bras dressés au-dessus de sa tête. D'un mouvement de poignet, il tira un grappin qui alla se loger dans la structure boisée une demi-douzaine d'étages au-dessus.
Alors qu'Itvan était lentement remonté, une secousse rabroua le bâtiment et le fit grincer entre ses dents. « Quelqu'un attaque le navire » songea le Mandalorien et l'espace d'un instant, il douta que ce fut juste pour les secrets hôteliers que cachaient le Nebulo.
Lorsqu'il arriva au dernier étage et ouvrit la porte menant de l'étroite salle du personnel aux réseaux herbeux du quartier des hôtes, l'air était empli d'échanges de tirs lasers et Itvan n'eut plus d'hésitations. Si Garell était attaqué, c'était bien qu'on cherchait à s'emparer de sa proie. Il débarqua sur une plate-forme couverte d'une herbe moussue qui courait en larges coursives entre les bras épais des immenses arbres importés. Des flammes s'étendaient à présent dans les branches, alors que, à la lueur irisée du bouclier séparant l'atmosphère oxygénée du quartier de l'espace se moiraient l'éclat de traits lumineux. Itvan s'élança sans réfléchir. Des droïdes de guerre ripostaient à l'assaut de droïdes équivalents dans la fureur et les corps constellant à présent la verdure, alors que les survivants se repliaient vers une terrasse. S'avisant que le chemin direct s'avèrerait plutôt risquer, le Mandalorien leva le casque vers les branchages et haussa un sourcil derrière sa visière. Il tira de nouveau son grappin vers la surface immaculée d'une demeure perchée dans les feuillages et noua l'autre extrémité du filin à l'écorce épaisse. Puis il s'élança dans une glissade suspendu au-dessus d'une verrière où l'on pouvait admirer les premiers étages par un système de puits direct. Il heurta le blanc cassé avec violence et se laissa choir sur une corniche herbeuse qu'il suivit jusqu'à une fenêtre ronde.
L'intérieur était particulièrement soigné, tout de blanc et de vert, avec des arabesques qui enluminaient les meubles et les sas en feuille qui s'ouvraient de si belle manière. Itvan était admiratif. Il ne mit que peu de temps avant de tomber enfin sur le Sullustéen, prostré dans une chambre avec piscine comme le Mandalorien n'aurait jamais cru en voir. Un petit bout d'exo, noyé dans une cape bleutée, gargouillant des prières à plusieurs panthéons successifs. « Vous venez me tuer, gémit-il quand il vit enfin le guerrier mandalorien.
- Je viens vous sauver. Votre futur beau-père m'envoie.
- Galud'ban ! Moi qui voulais le laisser en-dehors de tout ça ! Je suis foutu, je vais crever !
- On en reparlera. Vous avez un speeder ?
- Dans la baie d'accueil mais les droïdes l'ont prise et…
- Restez ici, je reviens.
- Non, attendez, l'arrêta Salz'amon. Il y a le speeder privé de Galdo mais si on le lui prend… il va nous tuer.
- Vraiment ? » lâcha sèchement Itvan, qui empoignait déjà l'exo et le traînait sans ménagement jusqu'à la chambre déserte de Garell, sautant dans le speeder alors que Salz'amon ouvrait la baie. « Vous allez pouvoir m'expliquer qui a envoyé ces droïdes pour vous tuer.
- Si je vous le disais, vous ne me croiriez pas.
- Dites toujours, je ferai un effort.
- La République. »
Chapitre 7 : Survivance
Un visage grimaçant, les lekkus qui pendent de chaque côté d'un sourire sardonique. Et derrière, dans le ciel sans nuages, trois soleils qui trônent fièrement, comme des yeux railleurs. Un souffle rauque, des formes noires devant les yeux. Un geste.
La nuit. Eternelle. Des lumières vives comme des coups de poignard lumineux dans la trame enténébrée. Des visages pâles sur fond noir. Des regards enfiévrés échangés dans un tourbillon de bruits acérés. Pas de ciel. Juste le plafond. Du poison dans ses veines. Et le plafond s'étend à l'infini.
Elle revint à elle dans un frisson. Un oeil qui s'ouvre. Puis un autre. Non, ce n'est pas Nar Shadda. Ni Tatooine. Ces enfers-là sont loin. Ca y ressemble, tous ces lieux-là se ressemblent, de toutes façons. Elle a les joues mouillées et quand elle se redresse, mollement, elle passe ses poings fermés dessus pour les essuyer. Elle a presque senti sur son visage les fumées violacées des souks hutt sur la planète des sables. Elle a presque senti sur sa peau le froid glacial des vents fantomatiques des rues de la lune hutt. Toujours les Hutt !
Sa vision était floue, elle redevint précise. Une lumière tamisée émanait d'un globe voilé d'un abat-jour. Il y avait une fenêtre ronde et étroite pratiquée dans le mur courbe derrière elle. Sous ses doigts, elle sentait des tissus veloutés, elle était allongée sur un tas de coussins. Il y avait de lourdes tentures sur les deux murs droits qui se faisaient face. Lyma mit un bon moment pour recomposer correctement les formes géométriques dans son esprit. Des corps nus dans des positions d'une rare souplesse.
Ses membres n'étaient plus entravés. Elle constata même qu'elle était vêtue, elle n'était pas sûre de l'avoir été quand on l'avait bouclée ici. Ses souvenirs d'alors étaient plutôt brouillons. Il y avait eu Aviram et elle lui brisait le bras pour se venger. Puis le flash. Il y avait eu Itvan, assis devant la cuve, qu'elle voyait à travers les voiles aqueux. Puis le Mandalorien disparaissait. Et le noir. On avait dû la droguer à travers les flux nourriciers.
La robe qu'on lui avait fait passer était même plus courte que celle qu'elle portait sur le Last Glory, remarque-t-elle, avec une pointe de nostalgie. Et puis elle pense à ses deux compagnons. Sa tête était encore lourde. Elle éveilla des formes dans sa tête. Où qu'ils soient, quelque soit leur détresse, ils allaient bien. Et ils vaincraient. Elle sentit un battement, comme un coeur aux dimensions dantesques battre entre ses tempes. Elle était en manque. Ses dents grinçaient, seule son acuité auditive n'en demeurait pas changée.
De l'autre côté du sas, elle entendit des voix. Elle ferma fort les yeux et se concentra dessus, essayant d'éloigner tous les échos qui lui parvenaient en même dans un maelström de confusion. « Je te jure, elle est canon, j'en avais jamais vu de comme ça ! lança le premier, un garde, sans doute.
- J'sais, j'étais là quand le Commandant Lal'kan Fey l'a ramenée, répondit le second.
- Je ne sais pas où il l'a dégottée, mais je suis sûr que sa promotion va passer, tu peux en être sûr ! Elle a un tatouage derrière l'épaule, t'as r'marqué ? Je me demande si c'est pas une marque hutt. T'imagine, une marque des Hutt, ça veut dire qu'elle a dû en apprendre sur...
- Arrête de délirer, Darnufl, c'est la gonzesse du patron, interdiction d'y toucher. Et pis si t'étais un peu moins demeuré, t'aurais remarqué que ça n'a rien à voir avec une marque hutt, crétin.
- Ah ouais, c'est quoi alors ? demanda, incrédule, le dénommé Darnulf
- C'est... » La voix s'interrompit, alors que, rouvrant les yeux après un mouvement de déglutination, Lyma dardait un regard blanc par dessus son épaule. « Commandant Fey, firent de concert les voix.
- Repos. Notre hôte est réveillée ! fit une voix, mielleuse et cultivée.
- Nous ne... » L'homme ne l'écoutait déjà plus. L'évocation d'une négation dans la phrase priva de tout son intérêt son interlocuteur et il pénétra l'élégante prison dorée. Un Bothan, avec un uniforme d'officier, mais elle n'aurait su dire exactement d'où. Elle en avait vu beaucoup, des uniformes, mais finalement, les gens qui étaient dedans étaient tous les mêmes, à se demander pourquoi ils luttaient entre eux puisque leur préoccupations étaient si proches. Toutefois, celui-là, elle le classa dans la catégorie des « Beaux ». Son sourire était fier, ses yeux confiants, son maintien altier.
Il s'approcha d'elle, s'accroupit, la prit sous le menton et observa tranquillement son visage, comme l'on vérifie l'état d'un investissement. Ce qui, dans la pensée du Bothan, devait être le cas. Elle, elle ne le regardait pas. Elle écoutait tous les sons, et son esprit en captait d'autres, les assemblait. Et cela donnait presque des formes dans l'espace confiné d'elle-même. Et dans ces formes, il y avait d'autres formes qui elles se mouvaient. Dans un sens. Ou dans l'autre. « Voyons ce que tu vaux consciente » marmonna le Bothan avec un sourire abrupt. Ce genre qu'elle connaissait bien. Les petites formes s'agitèrent, mais s'interrompirent, tout comme le mouvement vers son ceinturon du Bothan. « Commandant, son Excellence Chii Banto Nami désire vous voir. Il achève son repas dans la salle du Dôme, annonça un jeune homme, lui aussi en costume de guerre, qui coula un regard discret mais désapprobateur dans la pièce.
- Bien. Prenez-la avec moi, nous allons l'emmener voir son Excellence. Après tout, c'est son présent. » Le Bothan se releva et quitta l'endroit et se furent les deux voix, qui à présent gagnaient un visage chacun, qui entrèrent et se saisirent avec une infinie prudence de la jeune Twi'lek. Leurs regards, étrangement, n'osaient la contempler à présent qu'ils le pouvaient et ils se contentèrent de l'emmener dans les couloirs richement décorés d'arabesques d'or et de platine, développées sur des voûtes au tracé organique et rehaussées de tentures pareilles à celles qu'elle avait vues dans sa chambre.
Un dernier sas s'ouvrit, devant le Bothan dont elle avait compris qu'il était surtout commandant, et dévoila une immense pièce. Un dôme de verre semblait avoir été retenu et emprisonné entre de longs tentacules dorés dont avait émergé toute une végétation, sculpté avec minutie, tout d'or. Sous le sommet du dôme cristallin était dressée une immense table où trônaient suffisamment de plats pour nourrir une légion entière plus quelques aides de camp. Et derrière cette table se tenait un énorme Chagrian, si gros que Lyma songea qu'il aurait pu rivaliser avec un Hutt. Il portait de ces robes qu'elle avait déjà vues lors d'une projection holographique, avec ces manches bouffantes et ces cols rigides. « Diable, Commandant Fey, comment vont nos affaires ? babilla-t-il avec une nonchalance toute-puissante.
- Les affaires avancent bien. Il y a eu un léger...
- Oh mais, l'interrompit Chii. Commandant, qu'avez-vous amené là ?
- Un présent pour vous, Excellence, souffla, très fier, Lal'kan. Un bijou du Halo.
- Diable qu'elle est belle. Faites-la venir à moi, Commandant, faites. » Le Bothan poussa doucement Lyma en avant. Sa tête dodelinait d'images puissantes à présent, très lourdes. Et elle avança, pour remplir son rôle. C'était devenu un automatisme chez elle. Elle aurait pu le faire en dormant. Elle s'arrêta à quelques centimètres de son Excellence. Le Chagrian passa un doigt épais sur sa joue, puis sur son cou, entre ses seins jusqu'au ventre. « Elle est parfaite. Retirez-vous, Commandant, que j'apprécie dans l'intimité mon dessert. » Le Bothan s'inclina avec ce même sourire plein de rigidité et de suffisance, puis sortit. « Je voudrais que tu danses pour moi, d'abord » souffla l'obèse Chiagran. Et Lyma dansa.
Son corps, affiné par de longs exercices, assoupli par tout autant d'attention, se louvoyait avec une précision et une habilité presque surnaturelle. Elle glissait, se déhanchait, se mouvait avec une grâce hypnotique, qui attacha le regard de Nami sur ses formes délicates, à peine suggérées par la robe qu'elle portait à présent.
Le regard de Nami. Elle savait ce qu'il signifiait lui aussi. L'automatisme était en place, elle pouvait fermer les yeux et attendre. Ce n'était pas le premier Beau-Moche. Mais dans sa tête, il y avait les visages d'Itvan et d'Aviram. Quelque chose était en marche, elle le sentait dans l'enfilement géométrique qui grossissait et battait dans sa tête.
Pas d'automatisme. Elle lui sourit. Et le monde tourna doucement, alors que son regard se voila à nouveau, mais de noir à présent, de mauve tourmenté et de teintes rougeâtres. Elle vint doucement bondir sur ses genoux, embrasser ses lèvres épaisses et regarder dans son regard, fixer ses prunelles aux siennes, où se dessinaient des expressions alléchantes. Les bruits qu'elle entendait vrombir de sa volonté. Les formes s'unirent. Le rouge grinçait et hurlait dans son coeur. Elle observa Chii qui levait ses grosses mains pour commencer à la dénuder.
Et elle lui brisa l'esprit. Comme l'on écrase un insecte, entre le pouce et l'index. Les yeux balourds du Chagrian s'entrouvrirent de stupeur et roulèrent dans leur orbites. Du sang perla de ses paupières et de ses oreilles. Lyma bondit avec aisance avant que le corps ne s'affale sur elle dans un grand bruit. Le sas s'ouvrit soudainement. « Excellence, tout va? - Bon sang, la traînée ! » Le garde leva son fusil-laser et ouvrit le feu. Une fraction de seconde trop tard. Lyma avait roulé par dessus la table, saisissant un couteau au passage. Son esprit et son bras ne faisaient qu'un. La courte lame s'enfonça dans le front du soldat comme s'il avait été attiré par la chair au-dessus de ses yeux. Le second garde entrait, mais là aussi, il était déjà trop tard pour lui. Elle avait saisi la vibro-dague à la ceinture de l'homme tout en le faisant volter sur son axe pour s'en couvrir et, dans la même ronde agile, envoya son pied dans la mâchoire de celui qui entrait. Elle fit crac et il fut emporté au sol par la brutalité du coup. Elle lui trancha sans sourciller la gorge. Des cris éclatèrent dans le couloir. A une salve près, personne n'en aurait rien su. Elle fonça vers la baie vitrée. Dans sa tête, les formes, l'espace, se vrillèrent soudainement. Et le verre du dôme éclata.
Les soldats qui arrivèrent derrière elle virent une jeune fille faire un bond puissant jusqu'à la terrasse d'un croiseur à une dizaine de mètres d'eux et disparaître, sans savoir qu'elle se dirigeait vers le croiseur de Galud'ban. « On est dans une sacré merde » marmonna un garde. « Vous ne faites pas si bien dire » reprit derrière lui Lal'kan.
« Préparez la fosse holo, je dois envoyer dès à présent un message. Et trouvez-moi cette garce. »
Chapitre 8 : De vieux démons
Le speeder décrivait une spirale douce vers les sommets du Halo, évitant soigneusement le centre et se mêlant plutôt à la suractivité de la bordure de la Bulle. « J'avoue, Monsieur Salz'amon, j'ai beaucoup de mal à vous croire, marmonnait Itvan, qui regardait tout autour de lui s'il ne voyait pas de nouvelles barges pleine d'êtres assoiffés de sang à leur bord.
- Vous voyez pas le problème dans son ensemble, expliqua Salz'amon, dont la voix s'était piquée d'une soudaine vivacité. La République, en moins d'un siècle, a subi une guerre totale avec les Sith et les Mandaloriens, puis avec les Mandaloriens et enfin entre les Jedi et les Sith. Ca fait quatre guerres qui l'ont menée aux bords de la destruction à chaque fois. Ajoutez à ça que n'importe qui vous dira qu'elle est corrompue jusqu'à l'os, où se trouve encore l'intérêt d'en faire partie ? Mais tentez de la quitter et ses armées se massent déjà à vos portes.
« Faut s'y faire, la République a perdu son blason d'honorabilité tel qu'il était sa force première auparavant. Et l'Ordre Jedi... bah, il est a priori dans la même situation. Après une guerre « civile » avec les Sith et la disparition de la quasi-totalité des Maîtres Jedi - entre ceux qui sont morts et ceux qui sont partis à la suite de Revan - il n'y a presque plus personne pour poursuivre les anciennes traditions. Et sans parler de la crédibilité mise à mal par la guerre. Ils sont tous au fond. Et vous savez comment ils comptent en sortir - enfin, pour la République, du moins - ?
« Maintenant, tenez, prenez le Halo tibérien. Vous avez vu combien d'argent transite ici ? Et les entrées et sorties ? On est dans l'un des lieux où l'argent se brasse le plus de l'espace connu, sans compter évidemment les cités-lunes hutt, puisqu'ici on parle d'un lieu entièrement neutre où chaque personne qui y entre est acteur de la vie « politique ». Enfin, apolitique, justement.
- Un vrai petit paradis, en somme, commenta Itvan. Vous êtes en train de me dire que la République a fait cela pour détruire le Halo ?
- Non, mieux, pour pouvoir le placer sous tutorat républicain. Et l'argent qui est fait ici, une partie viendra dans sa poche, gonflant les capitaux apportés en matière de sécurité et d'infrastructures. J'ai fait des calculs à ce sujet qui montrent qui si...
- Bon, on est d'accord, mais je ne vois pas comment ils pourraient s'y prendre.
- Ils s'y prennent déjà. Avec l'aide des Hutt qui sont tout aussi intéressés qu'eux. La campagne d'attentats lancée contre le Halo fait partie d'un plan pour décrédibiliser la sécurité au sein de la Bulle. Lorsque les gens en auront marre, la République viendra avec une armada pour régler la situation.
- Les Mandaloriens n'auraient pas fait mieux, remarqua innocemment Itvan. Les Hutt... ça tombe sous le sens, un port-franc comme le Halo leur faisait de l'ombre. Avec un tutorat républicain, les affaires devraient changer, en mal, pour le Halo. Donc, si j'ai bien compris : les Hutt et la République partagent des capitaux pour tenter une opération clandestine sur le Halo, ils engagent des mercenaires, se construisent une petite armée de droïdes. Mais il y a toujours un détail que je ne comprends pas. Sans vouloir vous offensez, pourquoi la République mettrait autant en oeuvre pour vous tuer juste vous ?
- Oh, c'est simple, il avait besoin d'un intermédiaire.
- On ne lance pas une offensive risquant de mettre en péril toute une mission juste pour un détail, fit Itvan.
- Je leur ai trouvé un chasseur de primes capable de faire du grabuge facilement. Sauf que je n'avais pas confiance, ça sentait le gros coup, vous voyez. Alors j'ai intercepté leurs transmissions et je les ai décryptées.
- Qui était le chasseur de primes ? » demanda Itvan, qui voulait mettre un nom sur son rival, celui qui avait pris l'habitude de faire exploser les vaisseaux sur lesquels il mettait les pieds.
- Khal Mandrag. Vous connaissez ? » Itvan répondit par un « non » un peu lointain, se contentant de piloter, mais le Sullustéen remarqua une certaine rigidité dans son maintien. « Eh dites, ça va ? hasarda-t-il finalement.
- Vous n'auriez jamais dû doubler votre patron.
- Je ne le doublais pas, j'assurais mes arrières ! se récria Salz'amon. Je suis tombé sur du lourd. Un Sénateur. - Le sullustéen capta le mouvement de tête du Mandalorien et l'interpréta correctement - La totalité de la République n'est pas impliquée ici. Si le Sénateur réussit son coup, le Halo passe, sous son initiative, entre les mains de la République. Je vous disais que l'argent pourrait bien redresser la barre, l'homme derrière tout ça voudrait bien jouer les sauveurs.
- Alors, qui est-ce ? demanda Itvan.
- Qui ?
- Jouez pas l'imbécile ! Le Sénateur !
- Oh... c'est... » Un éclair orangé perça alors l'avant du speeder. En l'occurrence, le moteur de l'appareil, qui se mit à tousser soudainement. Itvan tira vers lui les commandes, sans qu'elles ne répondent et balaya d'un regard les options pour se poser, le tout couvert par les hurlements de Salz'amon. Comme un volatile touché en vol, le speeder piqua brusquement du nez alors que le chasseur se débattait pour le redresser.
L'appareil acheva sa course sur la coque dorée et large au point de pouvoir accueillir toute une légion. Le Mandalorien releva la tête, couvant la surface aveuglante et s'enquit de la santé du Sullustéen inconscient. « Deux chutes en deux jours, la fatalité s'abat sur moi de façon plutôt pugnace, je trouve, marmonna-t-il.
- Et sans doute la dernière » répliqua une voix tout aussi modifiée que la sienne, émergeant d'un casque à la visière noire, en « T ». Le chasseur de primes qui le surplombait portait la même armure que lui à quelques exceptions près. Celle qu'il avait l'occasion de détailler était écarlate, marquée de longues projections de sang en rouge sombre, presque brun. Une dernière différence entre l'armure du chasseur et celle d'Itvan : entre les gants du Mandalorien qui lui faisait face se trouvait un fusil à lunettes, ce qui poussa Itva à lever les mains tout en descendant du speeder. « Khal Mandrag. Vous méritez votre prime. Vous m'avez bien eu.
- Ce n'est pas pour la prime que je vous traquais. C'est pour toi, Itvan Lutgard. Aucune prime sur ta tête, mais restaurer l'honneur du clan n'a pas de prix.
- Son honneur avait été restauré le jour de mon départ.
- A mes yeux, il ne le sera pleinement qu'à ta mort. » Il y avait un signal. Rien de précis, cela pouvait un léger tremblement dans le coude, un bref soubresaut du genou, ou même simplement de l'instinct, mais Itvan sut quand il pouvait frapper d'un coup de pied le canon du fusil sans être fauché d'un trait. Le fusil glissa sur le sol poli à plusieurs mètres. « Tu as toujours été bon guerrier. Mais je compte bien te tuer.
- Le contraire m'eût déçu ! hurla Itvan qui attrapait déjà, par la garde, la lame jetée à la va-vite sur la banquette arrière. Il put la dégainer suffisamment vite pour dévier une frappe d'estoc, repoussant le trait de vibro-acier vers son épaule gauche sans qu'elle ne fût atteinte. Il étendit alors son bras en un soudain arc grisâtre, la lame allant frapper de taille, sans pour autant toucher l'adversaire, mais le forçant à bondir hors de portée.
La passe suivante s'effectua tout aussi vite. Son agresseur larva sa lame contre son avant-bras et tenta, dans une volte, de venir porter un coup vers le flanc d'Itvan, qui aurait fendu son plastron jusqu'à son épaule droite. Il vint alors croiser le vibro-fer, testant la force du Mandalorien. « J'ai pris plaisir à détruire ton vaisseau, lui souffla Khal Mandrag. « Last Glory » ! Quelle fadaise ! Il a été difficile de te retrouver, Itvan. Quand j'ai entendu parler d'un « Lutgard », je n'aurais jamais pu me douter que c'était toi. Et puis j'ai entendu parler d'un « Itvan le Mandalorien » et j'ai suivi ta piste.
- Et tu as quitté le Clan, alors ? fit-il, pernicieux.
- On m'a demandé de te tuer, répondit l'agresseur. Itvan eut un mouvement de recul, qui donna lieu à un nouveau coup, savamment préparé. La vibro-lame de son adversaire fendit l'air pour tenter de se loger à la base de son cou, mais le chasseur se laissa soudainement aller avec le coup, sans le parer, esquivant souplement en laissant tout son être comme emporté par la force cinétique de l'épée. Il saisit son adversaire au poignet, lâchant sa propre vibro-lame pour attraper celle de son opposant. D'un mouvement bref et rapide du pied, souligné d'une torsion du bassin, il envoya bouler le Mandalorien tempétueux ainsi que sa lame, à plusieurs mètres. « De l'art echani, grimaça ce dernier.
- Je suis un Sans-honneur, cela ne m'a semblé plus ignominieux » avoua Itvan, dont la voix laissa percer une brève satisfaction. Il s'avança, pointant sa lame sur Mandrag. « Tuez-moi ! lui hurla Khal.
- Non » répondit-il simplement. Il y eut un silence entre eux et finalement, Khal le brisa : « Pourquoi a-t-il que tu partes ? Tu aurais pu rester ! Tu aurais pu avouer et ils t'auraient pardonné ! Tu aurais pu les mener !
- Ce n'est pas le Clan. Ce n'est pas l'honneur ni les Six Lois. C'est une question d'être humain. Si tu n'as pas compris cela, tu ne peux pas comprendre pourquoi j'ai voulu fuir.
- Tu l'as quitté parce que tu avais brisé une des Six Lois, mais tu es honorable, ils l'auraient vu !
- Il aurait vu un guerrier. Ils auraient oublié l'homme malade que je suis, murmura Itvan.
- Nous sommes des guerriers, Itvan, nous sommes les meilleurs guerriers, tu ne peux pas renier à ce point ton sang !
- Je suis un homme, Khal. Je commets des erreurs. Je suis faillible. Même Mandalore est faillible !
- Ne te cache pas derrière tes erreurs, éructa Khal. Ne revendique pas la faiblesse pour tromper de tes fautes. Tu es lâche. Tu tentes d'occulter ton déshonneur derrière la défaillance !
- Mais je ne suis pas qu'un guerrier. J'ai appris qu'il y aura toujours, derrière mon armure, un être humain. Je l'ai appris et je le respecterai. Tu parles d'honneur ? Ce n'est pas un acte ponctuel qui vient moucheter une vie de guerrier. C'est toute la vie. ? Il marqua une courte pause. ? Il n'y avait pas d'honneur à servir un Clan qui aurait préféré voir en moi l'armure plutôt que l'homme qu'ils méprisaient. Un jour, tu comprendras pourquoi je me suis exilé.
- Un jour, je reviendrai, Lutgard, et je te tuerai. Et je ramènerai ton armure au Clan. » Un sifflement de fission se fit alors entendre et le Jetpack de Mandrag l'emporta dans les airs, où il disparut, voilé aux regards d'Itvan par les croiseurs en mouvement. Il prit une lourde inspiration. Ses épaules étaient tombantes. Il rengaine la lame sans un mot, puis écarta d'un geste tout ce qui venait de se passer. La mission d'abord. Aviram et Lyma d'abord. Il releva le Sullustéen et remarqua qu'il était revenu à lui depuis un moment. « Vous connaissiez ce Kahl Mandrag, pas vrai ? lui lança Salz'amon.
- Oui.
- Tout va bien ?
- Oui.
- C'était quoi, ce truc qui lui a permis de s'envoler ?
- Je ne sais pas. »
Et ils se remirent en route vers le croiseur de Galud'ban.
Chapitre 9 : Ce qui m'appartient
Aviram leva son verre et en but une bonne rasade, le regard perdu vers le mur de lumière vive et aveuglante que formaient les panneaux qui se disputaient l'espace restant, alors même que la plupart des croiseurs tentaient de fuir le Halo. « Vous dites que vous v'nez d'où ? demandait le serveur d'un étroit snack flottant dans le vide circulaire de la Bulle.
- De si loin que tu ne me croirais pas, répliquait Aviram, le regard toujours perché sur une forme précise parmi les vomissures de couleurs néon.
- Dites toujours.
- De l'au-delà, fit Aviram en ramenant son regard d'un bleu pâle sur le serveur, qui fit une brève grimace. Elle fit sourire Aviram qui précisa : « Ca explique sans doute pourquoi mon bioréparateur n'a pas marché.
- Je voudrais pas vous contredire, m'sieur, mais c'est du polymère ithorien, avec un diffuseur à bacta. J'veux dire, ce genre de biogarrot, ça fonctionne à la perfection,
- Je n'aurais pas dû faire confiance à un Ithorien mourant, répondit Aviram. Une vie passée à être sympa avec l'univers entier, ça doit laisser des envies d'homicide sur son lit de mort, si tu vois ce que je veux dire.
- Vous m'aviez pas dit qu'il était mourant, votre homme !
- Pourquoi, ça aurait changé la donne pour de bon ? » Aviram baissa son regard vers son bras droit. Le bioréparateur avait fini son office - ses petites lumières rouges avaient tourné à l'orange, puis au vert, puis s'étaient éteintes - mais, dès qu'il l'avait effleuré pour le retirer, une douleur sourde avait foudroyé l'articulation et lui avait arraché un sifflement convulsif. Non, rien à faire, son bras était toujours aussi inutilisable qu'auparavant. Il pouvait vaguement le bouger, au prix de quelques grognements. Mais ce n'était pas réellement suffisant pour être efficace. « J'en ai besoin, de ce bras, murmura-t-il pour lui-même.
- Et vous comptez faire quoi, au juste ? demanda le serveur.
- Une visite. » Devant lui s'élevait un bâtiment à la coque noire et filiforme, presque effilée, telle une lame ténébreuse prête à pourfendre le coeur de son adversaire. La salle de commande semblait se dédoubler en deux triangles aux coins arrondis qui formaient la tête du croiseur. Cela n'inspirait pas exactement une forme de confiance à Aviram qui ne cessait de parcourir les lignes épurées du vaisseau en se mordillant ses lèvres gercées. « Au type de ce vaisseau-là ? c'est un malade, m'sieur, j'vous conseille pas d'y aller. Je l'ai vu sortir qu'une fois et il m'a collé une de ces frousses. Pour vous dire, j'ai cru que c'était un Sith !
- Grand dieu, hasarda Aviram, avant de consulter l'heure. Oh. Je dois vous fausser compagnie, très cher.
- Pas de problème » marmonna sans plus de conviction l'homme de l'autre côté du comptoir. Et Aviram disparut le long de la coursive qui s'étendait, par-dessus le vide, le long d'un bâtiment rectangulaire et discret, en songeant qu'il n'avait même pas payé sa commande.
Le long de la surface immaculée de l'astronef, il y eut un petit déclic et une gueule ronde s'ouvrit. Un tuyau d'un bon mètre de diamètre en glissa et à sa rencontre un tuyau d'égale mesure s'allongea depuis la barge d'entretien tibérienne qui s'était calée juste en dessous. Toutes les douze heures - environ - la barge venait vérifier les niveaux des différents compresseurs d'atmosphère, des moteurs à particules, le calibrage des distributeurs à protéines et des dispensateurs hygiéniques. Aviram bondit sur la plate-forme et vint directement à la rencontre d'un épais Gran en bleu de travail, qui dirigeait une équipe de petits droïdes qui s'agglutinèrent autour de la base de leur tuyau. « Oh, c'est vous. Le Boss Obrik m'avait prévenu que vous viendriez, fit-il quand il vit Aviram.
- C'est très sympathique à lui. Son holoprojecteur m'a prévenu de quand vous seriez là.
- Bon, on se met au boulot ? ? Il n'attendit pas vraiment qu'Aviram hoche la tête pour poursuivre. Le gros tube-là, normalement, il sert à faire le point. On reçoit les informations émises par l'astronavigateur et ensuite, on envoie ce qui manque par là. Le Boss nous a aidés dans la confection de notre petite combine - c'pour ça que je vous file un coup d'main -, en gros, on a mis au point une plate-forme pouvant accueillir un seul homme et qui peut être projeté à l'intérieur comme s'il s'agissait d'un nouveau flux pour remettre à niveau leurs réserves.
- Tout ce que j'ai à faire, donc ?...
- Vous glisser là-dedans ! Le Gran poussa quelques droïdes qui émirent un sifflement de mécontentement, tapota sur une petite console et ouvrit un panneau dans le flanc du tuyau... Vous tenir accroupi, serrer les poignées là et là et attendre que ça se passe. Ne lâchez pas les poignets tant que la plate-forme ne s'est pas arrêtée. Ensuite, vous n'aurez qu'à pousser le panneau et utiliser ceci - il lui tendit un fin outil complètement automatisé - pour pouvoir sortir du système. Faites gaffe, si vous lâchez les poignées ou que vous vous prenez d'un coup de claustrophobie voire même que vous défonciez la paroi du conduit, vous serez sur leur terrain, on pourra pas vous v'nir en aide. Si un truc comme ça se passe, on dégage, nous. »
L'homme hocha simplement la tête et s'enfonça dans l'étroite ouverture. Il se demanda pourquoi le Gran avait tant de fois précisé qu'il se devait d'être accroupi, puisque de toute façon, il était impossible de tenir debout. La plate-forme grinça puis commença à s'élever. Il n'y avait pas de lumière, juste le noir et le mouvement. Aviram ferma les yeux - bien qu'il ne fût pas sûr de l'avoir réellement fait, pour ce que ça changeait - et attendit que le mouvement prenne fin. Et ce fut le cas. Plus rapidement qu'il ne l'eût cru. Il fit coulisser la plaque vers le haut, sentant ses paumes glisser dans les liquides bizarres qui couvraient l'intérieur du tuyau et commença à articuler le bras de l'outil contre la paroi. Cette dernière ne résista pas longtemps et finit par se détacher. Le servo-bras de l'outil retint le morceau suffisamment large pour faire passer un homme et, précautionneusement, Aviram s'y glissa.
Il sortit bien vite de l'obscure salle des machines où il débarqua. L'intérieur du vaisseau semblait tout fait de chrome et d'ivoire. Des arches en os blanc entouraient les sas, le sol claquait à chaque pas, si brillant qu'on croyait pouvoir s'y mirer. Du reste, l'ameublement était plutôt absent et Aviram, à pas de loup, commença à évoluer dans ces couloirs, prêtant l'oreille aux déplacements dont l'écho se répandait. L'holocarte se projetait devant lui et il en suivait du regard les lignes de lumière, prenant soin d'avancer doucement. Il devait tenter de gagner le pont supérieur pour rejoindre la chambre de Dark Rutvak, mais n'était pas sûr de son passage.
Comme toujours, prudent avant tout, il préféra passer par la soute, qui se trouvait de l'autre côté du hangar où s'ouvrait le passerelle de débarquement. L'accès au hangar s'établissait par un petit dédale réservé aux techniciens alloués à la charge des vaisseaux en hébergement. Inoccupé, Aviram put traverser sans obstacle les couloirs avant d'arriver à la salle de sécurité, bercée dans la lumière de plusieurs écrans montrant des droïdes et des hommes occupés à leurs taches. Il prit bonne note des emplois du temps, histoire d'éviter de tomber sur un ingénieur au moment le plus inopportun.
Pénétrant le hangar même, il se glissa derrière une immense machine qui devait servir à affréter la navette trônant paresseusement au centre. La pièce formait un « L » de grande envergure, dont la navette occupait le coin. Il était entré par le côté le plus large et put observer à loisir un accès vers ce qui devait être une espèce de salle d'entraînement. « Je n'aime pas ça du tout » grommela-t-il, tout en profitant du ballet des droïdes pour courir jusqu'à l'ouverture qui lui était opposée, évitant la salle où semblaient s'affronter des silhouettes lointaines.
La soute se trouvait dans un coin des plus enténébrés, ce qui déplut à Aviram, qui s'accroupit pour poursuivre son avancée dans les couloirs étroits. L'un d'eux semblait remonter vers l'endroit où se trouvait normalement la salle d'entraînement. Interloqué, Aviram le suivit, percevant quelque chose.
Lorsque le sas s'ouvrit, Aviram comprit ce qu'il avait ressenti. Une salle de torture. Du moins, des geôles avec, sans aucun doute, une salle de torture. Elles étaient présentement toutes vides et ouvertes, les rayons paralysants au repos. Il put traverser ce corridor bordé de cellules sans le moindre problème et fit coulisser, au bout, le sas. La pièce était d'un rouge sanguin, fulminant, constituée en grande partie de pénombre où l'on devinait seulement, par instant, le reflet sadique d'une lame torsadé. Au centre un fauteuil tout harnaché, de cuir rougi de sang, une atèle pour coincer la nuque, des menottes à champ de force pour retenir son prisonnier. Aviram s'approcha. Le sang. La souffrance. Il tendit son bras valide vers ce liquide qui gouttait encore des accoudoirs. Quelqu'un avait été torturé peu de temps avant sa visite. Il le toucha. Il releva devant son visage son index et son majeur couvert de vermeil et goûta. Puis lécha ses doigts. Il ferma les yeux et récupéra les gouttes qui glissaient du cuir encore mouillé, sentant un léger picotement.
Son bras fonctionnait à nouveau. Il fit quelques mouvements, se fit craquer l'épaule, s'étira, mais rien à faire, plus aucune douleur ne foudroyait son membre. Il laissa alors tomber son regard sur le sang et fronça les sourcils. Avant qu'il n'eût pu formuler la pensée, une voix mécanique le fit sursauter. « Affirmation sadique : De mon avis, vous allez bientôt partager le sort que vous semblez tant convoiter.
- Il faudrait m'avoir vivant, fit Aviram en se retournant vers son interlocuteur.
- Exclamation sincère : Seigneur Benek ! Qui aurait cru que vous étiez encore en vie !
- HK 50, toi comme les autres, vous avez tous tendance à m'enterrer ou à me déterrer trop vite. Tu es toujours tortionnaire à ce que je vois... j'aurais dû m'en douter.
- Interrogation angoissée : Dites-moi, Seigneur, que vous êtes revenu pour reprendre ce qui vous revient ? Je ne saurais supporter plus longtemps les misères que l'on m'inflige en votre absence. Voyez ce qu'il a fait de moi : non un tortionnaire, mais un greffier ! Je prends note des râles d'agonie des victimes plutôt que de les torturer moi-même. Quelle humiliation !
- Tu m'en vois navré, HK 50, mais malheureusement, je ne peux pas te venir en aide maintenant. Je suis venu chercher ce qui m'appartient.
- Soupire blasé : De toute façon, le Seigneur Rutvak n'est même pas présent. Il s'est retiré pour affaire, marmonna, presque amèrement, HK 50. Exclamation étonnée : Mais je vois que vous préparez votre vengeance. Cette information me permettra sans doute d'affronter encore mon destin à bord de ce navire.
- HK, est-ce que tu l'as conservé ? demanda Aviram, sur un ton de confidence.
- Bien sûr, Seigneur Benek, je l'ai toujours gardé sur moi, pour avoir le plaisir de vous le remettre moi-même à votre retour. Et le plaisir de voir à nouveau la souffrance comme aux temps jadis. » Et le droïde assassin ouvrit un étroit compartiment dans son châssis et en tendit à Aviram le contenu. Ce dernier eut un frisson en effleurant les contours de l'objet. « Le premier pas... tout ce qui m'appartient sera de nouveau à moi » murmura-t-il d'un ton extatique, dominé par l'enivrante puissance de l'objet.
Soudainement, il eut l'impression de sentir sur son visage le vent aride d'une planète déserte, les pluies diluviennes, chargés d'odeurs humides et forestières, les vibrations faisant frémir jusqu'à la trame même de la réalité d'une galaxie tenue au creux de sa main. Et puis il vit, aux bords de ses perceptions, des silhouettes s'élever, par centaines, se dresser comme aux limites d'un précipice de flammes, des flammes noires, celles de l'oubli, du doute.
Il sursauta et dut se fermer à ce déferlement pour glisser l'objet dans un pli de sa cape. « Merci, HK 50. J'ai une dernière mission pour toi? »

HK 50 lui avait indiqué comment s'évader du vaisseau sans être vu. Il regrettait presque de ne pas avoir pu rencontrer Dark Rutvak mais il doutait quant à ses chances d'en sortir vivant. Non, c'était bien mieux ainsi. Avant de reprendre le chemin ascensionnel jusqu'au croiseur de Galud'ban, il reprit ce simple tube qu'il avait récupéré auprès du droïde assassin et le contempla encore, se concentrant sur l'instant et sur les formes parfois asymétriques qui reposaient au creux de ses mains afin de ne pas succomber à son appel. Et finalement, il l'activa.
Son sabre-laser émit alors une incandescente lame d'un jaune aveuglant.
Chapitre 10 : Traque
La lunette était bien fixée. La cellule d'énergie était toujours là. Toutes les attaches de son armure étaient bien serrées. Son masque respiratoire semblait suffisamment calé sur son visage. Bib Baldra avait beau vérifié, tout son équipement avait l'air opérationnel. Mais cela ne l'empêchait pas de se relancer dans une longue vérification, sous l'oeil navré de son compagnon. Quand il était plus jeune, devenir mercenaire, ça avait été une espèce d'échappatoire imaginaire. En fait, ça aurait dû rester dans son imagination, mais il ne l'avait compris qu'un peu trop tard et à présent, il était plaqué contre une coque, à côté d'un type en train de poser des explosifs sur un sas clos. « C'est bon, ça devrait suffire, prépare-toi, lui fit-il d'une voix neutre, grésillant par comlink.
- Est-ce que... est-ce qu'on est sûrs que c'est là dedans ? » hasarda Baldra. Son compagnon leva un regard qui, bien qu'à moitié voilé par une visière, respirait largement l'incompréhension saupoudré d'un brin de mépris.
- Non, on est pas sûrs que ce soit là-dedans, aussi, on va passer à l'explosif la totalité des croiseurs qui se sont pas encore tirés du Halo, tu vois ? Facile, nan ? Maintenant, tu te postes à côté de cette porte, tu attends que ça pète et tu me couvres, au lieu de dire des conneries. » Bib parut touché qu'on puisse remettre à ce point en doute ses capacités mais se prépara comme on le lui avait ordonné.
La charge explosa et l'assourdit même un bref instant, alors que son collègue entrait en hurlant. Les oreilles de Bib sifflaient encore quand il entra. Il entendait des détonations lointaines mais tout était perdu dans l'océan vibrant d'un larsen qui lui fendait l'ouïe. Et Bib trébucha, se retrouvant nez au sol. Il gémit d'une douleur sourde jusqu'à ce qu'il remarque que, sous ses pieds, s'étendait le corps de son partenaire. Le Twi'lek n'arrivait pas à voir sa blessure, mais le regard vide derrière les vitres teintées ne laissaient que peu de place pour le doute. Il tenta de se redresser et vit que ses mains étaient rouges, tout comme son armure. Il avait baigné dans le sang.
Pris d'un instant de panique, il frappa son plastron comme s'il avait pu en retirer le liquide sirupeux et vermeil qui y collait. « Entrée nord... Bib Baldra... J'ai un mort ici ! P'tain, vous êtes où tous ! hurla-t-il dans son comlink. Faut qu'on se replie !
- Mohdri à Bib. Ferme ta gueule un peu. Entrée nord en place, on entre.
- Ok Mohdri, le toit est ouvert, on vous couvre.
- Equipe Delta, direction la salle de sécurité. Confirmation ?
- Confirmé. » On ne l'écoutait déjà plus. Bib songea à ce qu'il pouvait maintenant faire pour réussir sa mission. A eux, on ne leur avait assigné qu'une mission de couverture d'un accès. « Euh... dites, je fais quoi moi ? hasarda-t-il.
- Merde Bib, ne monopolise pas les communications ! Démerde-toi ! » s'entendit-il éructer en réponse. Le Twi'lek fit une moue puérile puis se remit un peu en ordre. Il ne voyait que des énormes containers empilés les uns sur les autres jusqu'au plafond et les bruits fuyants de bottes sur le sol de métal froid. Il s'engouffra dans une fine brèche, précautionneusement. Il n'avait rien vu. Rien entendu. Et le type devant lui, raide mort. Mais c'était quoi ce qu'ils cherchaient tous au juste ? Le commandant n'avait même pas expliqué ce qu'ils étaient censés capturer. Bib avait entr'aperçu une silhouette bondir par la baie vitrée. De façon pas naturelle. Et il y avait le cadavre de son Excellence. Aucune trace extérieur, juste du sang dans ses orbites révulsés. Et personne n'en avait rien dit.
Bib se plaqua contre la tôle en entendant claquer des tirs de blaster et un assourdissant grincement, suivi d'un capharnaüm. « Kaldok ? Tranek ?
- Suis opé, chef. C'était quoi ?
- Où est Tranek ?
- Sous les décombres. Merde, un container s'est ouvert. Vous pouvez passer ?
- Impossible. Dégage la voie.
- Euh, chef, c'était Tranek, l'expert en démolition... »
L'escouade de l'entrée est était séparée. Bib se faufila jusqu'à un pan d'ombre où il demeura figé, écoutant les communications avec un regard, sa fibre sournoise vibrant en décelant quelque chose qui n'allait pas. Un nouveau bruit assourdissant, un container qui s'ouvrait. Les escouades se retrouvaient séparées les unes des autres...
Bib n'était pas un stratège-né, il n'avait pas vraiment brigué cette place qui l'aurait obligé à s'exposer devant les gens. Toutefois, il avait une petite idée de ce qui se passait. Et dans son esprit magouilleur de Twi'lek opportuniste, une idée vint éclore. Les unités en poste dans la cabine de sécurité tenaient le périmètre, visiblement. Donc la bête qu'il traquait ne s'y frotterait pas encore. Pour l'instant, elle pratiquait une stratégie simple de prédateur. Séparer les proies. Bib ne savait pas comment elle faisait, mais c'était un fait. Alors Bib se dit qu'il fallait en profiter. Après tout, ses collègues étaient autant que lui des hyènes, alors...
Il s'avisa des possibilités d'escalade d'une colonne de containers et, suivant toujours attentivement ce qui se disait sur le réseau comlink, il la gravit et s'y terra, plongeant son regard dans la lunette de son fusil blaster et sonda les corridors entre les énormes boîtes métalliques. « Bib à Dolvani, prends à droite et retrouve-moi au croisant Sud, on se replie tous les deux vers la salle de sécu'
- Reçu Bib, j'arrive » répondit ce dernier. « Ouais, arrive » songea le Twi'lek en souriant. Il n'entendait plus les deux unités postées en sécu', mais après tout, hormis ce dernier échange, tout était silencieux et ce n'était pas plus mal. Il perçut l'écho des pas lourds de Dolvani remontant un couloir. Et il vit la silhouette qui s'ébrouait. Il ne l'avait pas remarquée jusqu'à présent, une ombre parmi les ombres qui se découpaient dans la lumière placide des quelques néons noirs. Et puis cette dernière s'était d'un coup tendue comme un chat, prêt à bondir. Le Twi'lek sourit. Il n'était peut-être pas un tueur-né non plus, mais il ajusta sa cible correctement sa cible et tira. La cible tomba et fut parcourue de mouvements convulsifs, comme toutes personnes touchées par un rayon paralysant.
Fier de lui, il se redressa et, adressant un message victorieux à ses comparses, sauta de container en container jusqu'à atteindre sa cible. En bas, Dolvani lui aussi était bouche-bée devant la réussite. « Bon sang, marmonna Bib en se penchant sur sa proie. Une p'tite Twi'lek. Une bombe en plus. Les gars, on peut pas la garder pour nous ?
- Et nan, mon vieux, je crois qu'elle est déjà propriété de quelqu'un » lança une voix derrière lui. Bib se retourna en tirant, mais un flash lumineux l'empêcha d'y comprendre quoi que ce soit. Il sut toutefois qu'un de ses tirs venait de lui atterrir quelque part dans le flanc, lui lançant un trait de douleur incroyable alors que ses membres se tendaient sous le choc.
Le nouveau venu parut satisfait de son petit effet. Il enjamba l'homme et marcha droit vers la Twi'lek dont le corps s'arquait de moins en moins, l'effet paralytique du rayon s'estompant. Il s'accroupit et la prit doucement dans ses bras. « Avi'am ! fit-elle, alors que sa langue s'affolait encore légèrement dans sa bouche.
- Jolie robe, commenta-t-il.
- ...As te ...aire ...outre, lui répliqua Lyma.
- Je m'absente à peine et déjà, tu t'retrouves dans de sales draps. Qu'est-ce que tu ferais sans moi, hein ?
- Tu m...as ?et'ou'é ...omment ? marmonna-t-elle maladroitement.
- Chacun nos petits secrets. Je tais les tiens, tu tais les miens, ça te va ? » Lyma hocha la tête. « Puis-je à présent, murmura-t-il d'un ton de confidence, disposer de ce qui m'a toujours tant plu chez toi ? » Il glissa alors sa main sur le ventre dénudé de la Twi'lek qui l'observa sans mot dire, comme si elle cherchait à déchiffrer naïvement l'expression d'intense sourire de son compagnon. Ce dernier laissait sa main descendre toujours plus jusqu'à sa taille et... il se saisit de son couteau, avant de bondir sur ses jambes, se glissant jusqu'au mercenaire dont qui commençait à retrouver sa mobilité. « Il est temps, très cher, d'hurler, expliqua-t-il au Twi'lek qui ne pouvait détacher son regard de la lame noire.
- Aviram ! l'interrompit Lyma. Y'en a d'autres ! Des moches... ils se sont réfugiés dans la salle toute noire.
- Je sais, je m'en suis déjà occupé, fit-il, plaquant sa main sur la bouche du mercenaire en songeant à la surprise qu'eurent les autres à affronter un sabre-laser.
- Eh ! Aviram !
- Quoi encore ? demanda-t-il alors qu'il cherchait un bon angle d'attaque pour sa lame dans le cou de sa victime.
- T'as un truc de changer ? T'as l'air plus sympa qu'avant ! T'as couché ? » Le principal concerné murmura quelque chose qui ressemblait à une malédiction d'ordre vénérienne s'étendant sur plusieurs générations et plongea le couteau dans la chair tendre.
Chapitre 11 : Nouveau Départ
Les holocartes scintillaient rapidement, se déplaçant dans les airs tout en tournant, dans un ballet complexe. Ce n'était pas que des restitutions en tridi, mais aussi des images réelles où se mêlaient des fantômes de données de multiples déplacements non encore effectués, de possibilités d'action et d'emplacements des objectifs. Tout comme des ennemis. Des chiffres en colonne formaient un parterre pour ces sphères phosphorescentes et des jauges et informations annexes flottaient légèrement en marge.
L'opération se passait bien. Itvan l'avait préparée avec peu de ressources et peu de temps, mais son expérience avait comblé les manques. Il n'aimait pas particulièrement diriger, parce que dans son milieu on ne dirigeait jamais des soldats. Que des mercenaires. Et souvent, ils n'avait pas la discipline nécessaire pour être commandés.
En fait, il avait accepté de diriger l'opération uniquement parce qu'il ne lui restait plus que ça. Aviram n'était pas revenu et il avait perdu Lyma. Il n'avait pas su prendre soin de son Clan. Enfin, il ne devait pas penser ainsi, mais, cela lui faisait bizarre, une petite boule dans le ventre et il préféra s'intéresser aux évolutions de sa mission que ce qu'il lui était arrivé récemment. « Nous venons de pénétrer la salle de restauration personnelle du Sénateur.
- Sécurisez et faites-moi un rapport, ordonna le Mandalorien.
- Il y a un cadavre. C'est le Sénateur » annonça la voix. Itvan ferma les yeux derrière son casque. Décidément, tout allait de mal en pis. Il ne voyait plus comme cela pourrait être pire.
Galud'ban entra et Itvan comprit qu'en réalité, il ne suffisait que de souhaiter que tout aille mal pour que cela devienne effectivement le cas. « Vos hommes ont pénétré le navire du Sénateur et l'ont sécurisé. Ils viennent de trouver son cadavre.
- Je sais, fit le parrain sullustéen avec un sourire. Une unité de cryogénisation vient de partir pour extraire le corps. » Le casque d'Itvan ne put reproduire l'expression martialement surprise du Mandalorien qui scrutait son patron en attendant une explication concise sur le comment d'un tel savoir. Le Sullustéen, dont les yeux immenses reflétaient une certaine malice, ménagea son chasseur de primes et finit par lui avouer : « Eh bien, Monsieur Lutgard, en réalité, des informateurs me l'ont dit. Il semblerait que vous les connaissiez. » Il tendit la main vers le sas qui s'était refermé derrière lui et ce dernier laissa entrer deux silhouettes qu'en effet Itvan connaissait. Il bondit de son fauteuil de commandement en un éclair et sa visière en T alla de l'un à l'autre. Il ne bougea pas, en réalité. Un petit regard à Galud'ban, qui semblait attendre de lui des effusions de joie, mais il demeura droit comme un « i ». Après tout, il était un guerrier et un guerrier ne se met pas à trembler d'émotions. Et puis, si effusion il doit inévitablement y avoir, elles se font en privé, en dehors de gens extérieurs au clan.
« Itvan ! cria Lyma, qui se précipita alors sur lui pour l'enserrer.
- Alors comme ça, on oublie les membres de l'équipage ? marmonna Aviram, qui affichait un sourire parfaitement conscient du dilemme occupant le Mandalorien.
- Que vous est-il arrivé ? demanda finalement ce dernier.
- Très simplement. J'ai découvert que les Hutt travaillaient en sous-main avec une organisation que j'ai supposé être la République. Le Hutt a aussi filé un coup de main aux Sith, mais... je me suis occupé de ça. Normalement, on a le champ libre pour un moment.
- Les Hutt, c'était donc vrai... fit Itvan. Salz'amon m'a parlé de la République, il m'a dit qu'un Sénateur en avait après lui. On a dû courir un peu pour échapper à ses malveillances.
- Et moi, ajouta Lyma. J'ai tué Chii Banto Nami. C'était qu'un sale moche.
- Tu as... Quoi ?! » s'étrangla le Mandalorien. Il se retourna alors vers Galud'ban. « C'est elle qui a tué Chii Banto Nami, le Sénateur ?
- En tout cas, vous avez confirmé qu'il était mort, non ? répondit le Sullustéen en se balançant d'avant en arrière, tout sourire. Alors je suppose que oui, elle a tué le Sénateur. Et la République, du moins ceux au courant que le corps d'un Sénateur se trouve dans le Halo Tibérien, vont vouloir à tout prix le récupérer. Je compte le faire sortir sous peu. Mais j'aurais besoin de quelqu'un pour le protéger le temps de le diriger ailleurs. Il me semble que vous n'avez plus de vaisseau ? Que diriez-vous d'un petit voyage vers Sullust ? »
Itvan observa Aviram, qui haussa les épaules. « Maintenant qu'on est à la bourre, hein?». Puis Lyma. « On va encore tuer ? » et finalement, hocha positivement la tête.
- J'étais sûr que vous seriez l'homme de la situation, Monsieur Lutgard, dit Galud'ban. De plus, votre équipe semble des plus compétentes. Je vous donnerai une bonne prime et glisserai un mot pour vous auprès d'un de mes amis, afin que vous ayez un prix sur un vaisseau, ça ne remplacera pas le Last Glory, mais cela y contribuera sans doute.
- Et pour la prime que vous nous devez déjà ? demanda Aviram.
- C'est vrai. Monsieur Lutgard, vous vouliez des informations, je vous écoute.
- Eh bien, Monsieur Tordga, nous aimerions savoir où est passé le Jedi Baruch Avigail, qui devait transiter par le Halo Tibérien avant de repartir pour une destination inconnue et que nous aimerions connaître. » Galud'ban hocha la tête et se dirigea vers son droïde de protocole à qui il confia une série de chiffres qui fit dire à la machine que son accès aux dossiers confidentiels était déverrouillé. Après une brève discussion avec le droïde, Galud'ban revint à eux. « J'ai ce que vous demandiez, fit-il. Le Jedi se dirige vers Dantooine. Toutefois, je dois vous dire qu'une autre navette affrétée par lui est parti pour Télos.
- Télos ! reprit soudainement Aviram, le fond de l'oiil pâle s'éclaira d'une lueur soudaine.
- Merci beaucoup, Monsieur Tordga, murmura le Mandalorien en regardant son compagnon derrière sa visière. Ils prirent alors tous le chemin du toit du navire.
La baie d'atterrissage était, comme toujours, encombrée de petits droïdes armés qui voletaient tout autour de la vaste muraille de Galud'ban, couverte des paroles épiques du magnifique poème de son peuple. Le Sullustéen se tenait encore sur la berge, faisant des signes au trio debout dans le airspeeder qui n'allait pas tarder à partir. « Il vous emmènera vers le croiseur que j'ai affrété. Il y a des mercenaires à bord, je les ai mis sous vos ordres, Monsieur Lutgard, j'espère que cela ne vous dérange pas.
- Nullement, Monsieur Tordga, répondit-il. Puis-je vous demander où vous en êtes, dans votre gravure ?
- Bien sûr, Monsieur Lutgard. J'en suis au moment où le héros déchu, tombé au plus profond des abysses, se redresse en entendant les voix de ses alliés du passé, qui se mêlent à ses alliés du présent pour le rappeler à la surface et le voir faire face à son destin.
- Le « Nouveau Départ ». Un magnifique passage.
- Assurément. »
La barge s'ébranla et emporta doucement les trois compères vers les niveaux inférieurs.

Le Dawn était un savant mélange de yacht de plaisance et de croiseur de commerce. Effilé, il semblait être fait d'avantage pour fendre les vents terrestres, avec un fuselage aérodynamique et immaculé, seulement perturbé par les boursouflures que formaient les différents ponts arrières, qui s'organisaient en bulbes émergeant à l'arrière du croiseur.
Les mercenaires à bord était au nombre d'une demi-douzaine et semblaient suffisamment entraînés et ordonnés, même si Itvan songea déjà à mettre en pratique leur faculté pour en être sûr. Cela ne lui ferait pas de mal non plus de faire de l'exercice. Il prit avec une certaine aisance le commandement de ces hommes et ces derniers, dont la plupart n'avait jamais servi avec un guerrier Mandalorien mais en connaissait les prouesses, n'en furent que satisfaits.
Les couchettes étaient bien plus agréables que sur le Last Glory. Il y avait même des chambres, en fait, qu'Aviram et Lyma s'étaient empressés de prendre. Itvan pensait qu'il serait bon de dormir avec ses subalternes. Il prenait toujours très au sérieux qu'on le mette à la tête d'équipe.
On avait chargé le caisson cryogénique où était inséré le Sénateur. Peu après le décollage, et avant d'entrée en hyperespace, Aviram avait surpris Lyma en train d'observer le corps prisonnier de la glace. Elle avait simplement craché dessus. Dès qu'elle avait disparu, il s'était approché lui aussi et s'était contenté de le regarder en se caressant une barbe qui ne poussait jamais. « Tu le connais ? demanda une voix derrière lui.
- Non, évidemment, répondit-il.
- Et pourtant, tu m'as dit que les Sith te pourchassaient toi. Et tu as dit que tu me donnerais des explications.
- Sinon, tu me tuerais, je me souviens.
- Alors ? questionna Itvan, qui s'avançait dans la lumière.
- Tu sais, Itvan, je n'ai pas toujours été un type bien.
- Je me demande si tu le seras un jour, remarqua le Mandalorien.
- Je sais ce que nous poursuivons. Ce n'est pas le Jedi. C'est une sépulture. Elle doit être enfouie sous Télos, j'en suis presque sûr. Et il faudra faire vite, parce que je sais que Baruch Avigail veut la faire déplacer. Je crois qu'il veut la rapatrier vers le Temple de l'Ordre.
- Et à qui appartient cette sépulture, Aviram ?
- A un ancien Sith » répondit ce dernier.
Puis il quitta la soute, laissant le Mandalorien seul avec le corps. Et le Mandalorien ôta doucement son casque. Il ne le faisait jamais, à part quand cela lui était irrémédiablement utile. Et il chanta doucement, un air mélancolique, lointain et vaporeux. Le Nouveau Départ.

Palingénésie

Fin
Epilogue
« Seigneur Rutvak, le Dawn a quitté la Bulle. »
Serré dans une cape noire comme la nuit, se tenant au milieu d'un cercle fait de hautes dents d'une créature qu'il avait personnellement chassée sur l'un de ces mondes qu'il avait explorés, Dark Rutvak avait les yeux clos et laissant sa colère faire onduler le flot de la Force qui le traversait. Il sentait sa fureur juste sous sa peau, la faire s'iriser alors que ses muscles se bandaient. « Je sais, mumura-t-il d'une voix gutturale.
- Avant sa mort, le Commandant Lal'Kan Fey a envoyé un message aux Sénateurs, doit-on leur répondre ?
- Dites-leurs simplement que, comme tout être incompétent dans un plan à plus grande échelle, Chii Banto Nami est mort de sa propre suffisance. Les étapes suivantes n'en sont pas altérées. Toutefois, si l'un des Sénateurs désire se désister du complot, il le peut toujours. - Il marqua une pause. - Il le payera tout simplement. » L'aide Sith hocha la tête et retranscrit dans un message crypté les propos de son maître. Un nouveau point illumina sa console. Un message de l'astronavigateur. « Seigneur, le droïde de navigation vous demande si vous voulez lancer le protocole de poursuite.
- Patientez encore, attendez que le Dawn ait effectué son saut et sautez derrière lui. Conservez une distance de trente klicks entre lui et nous et occultez le service de communication dès que nous serons sortis d'hyperespace. Je ne veux pas que Benek se sache suivi.
- Est-ce pour cela que vous l'avez laissé filé avec son sabre-laser ? » demanda l'aide. Dark Rutvak fut suffisamment surpris d'une telle question pour remettre à plus tard la mort de son aide. Après tout, il appréciait de faire la démonstration de son propre génie. « L'Ordre Sith maîtrise de nombreuses formes de manipulation, expliqua-t-il. Abattre des cartes inutiles pour laisser son adversaire vous sous-estimer en est une. A présent que Benek croit nous avoir bernés, il sera moins méfiant. Et lui aussi, il chutera sous sa propre suffisance.
- Machiavélique, Seigneur. Machiavélique » murmura, songeur, l'aide avant d'ajouter, surpris : « Seigneur, des appareils armés approchent en protocole hostile vers nous. Ils semblent parés à faire feu ! »
Rutvak se redressa de sa position de méditation et lança un regard enténébré vers la console. Leur croiseur quittait tout juste la Bulle. Malheureusement, il émettait un code transpondeur étrangement ressemblant à celui d'un voyou dont la tête avait été mise à prix. Et pas à n'importe lequel. Du genre avec plein de zéros.
Il ne faut jamais tenter d'intimider un Hutt.