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Chapitre 1 : Noir et Blanc
Il y avait le noir tout autour, et même dans ses oreilles. Le noir, dans les oreilles, c'est le silence, mais le silence suffoquant, celui qui sous-entend que vous êtes mort, sans vous en être rendu compte. A priori, c'était cela. Il ne pouvait même plus bouger, il se sentait écrasé et son armure avait dû être défoncée. Rien à faire, il était mort. Certes, le fait qu'il arrive à évoquer son propre décès était perturbant, mais on ne sait exactement ce qu'il se passe quand on meurt qu'une fois qu'on meurt, donc finalement, il ne savait pas réellement si c'était possible ou pas. De toute façon, à ce rythme, il aurait le temps d'y penser. Ou de ne pas y penser, justement. Finalement, il n'y avait rien de plus chiant, songea-t-il.
Ce fut l'instant que choisit une armure blanche pour soulever la pierre plate qui le couvrait. Et ses yeux virent à nouveau. Il avait eu raison, son armure était défoncée, et son casque aussi. Sa visière avait explosé sous le choc et il n'était pas impossible qu'elle lui ait éraflé l'arcade, puisque la moitié de sa vue était couverte d'une pellicule rouge. « Monsieur, tout va bien ? demanda avec une espèce d'anxiété contenue le stormtrooper.
- Pour ne rien vous cacher, soldat, il m'est arrivé de me porter mieux que ça. Vous avez un chiffre des pertes ?
- Non Monsieur, l'officier qui supervise l'extraction de l'unité pourra vous en dire plus, il est à votre campement. »
« Super », songea Jancem, qui commençait déjà à se mettre en marche. « On va encore se faire gentiment taper sur les doigts que ça m'étonnerait pas. » Le stormtrooper l'arrêta courtoisement, posant une main sur son bras sans trop pousser. « Monsieur, une unité médicale vient vous chercher, ne bougez pas, vous pourriez être plus sérieusement blessé qu'il n'y paraît.
- Une ?... ah nan, merde, rangez-moi vos conneries médicinales, voulez-vous ? Je ne passerai pas un seul de vos foutus examens tant que j'aurais pas un bilan des pertes !
- Puis-je, en ce cas, vous escorter, Monsieur, afin de pouvoir remettre votre corps rendu inerte par une hémorragie interne aux autorités compétentes ? » Jancem le regarda longuement, mais impossible de dire si le stormtrooper avait fait du sarcasme ou s'il avait dit cela dans la plus parfaite innocence. Il hocha la tête et l'armure blanche le suivit donc, le long du sentier de terre qui longea la ruine pierreuse qui l'avait enseveli. Un joli décor, pour sûr, qui aurait pu croire qu'il y avait une base impériale cachée sous ce tas de cailloux appartenant au passé ? Visiblement, au moins une personne de trop. Une seule personne, se répéta mentalement Jancem, et j'ai failli y passer. J'ai été entraîné toute ma foutue vie pour l'affronter et le jour de la confrontation, je me fais enterrer vif. Les autres vont se foutre de moi?

Le stormtrooper devait maîtriser aussi l'euphémisme, se rendit compte Jancem, puisque le campement qu'il avait abandonné avec son unité était un trou dans le sol couvert d'un petit muret de pierre et de feuilles dans lequel ils s'étaient sustentés avant de se lancer à l'assaut. A présent, plusieurs véhicules de l'Armée Impériale, au flanc béant, ouvert pour laisser accessible des batteries de console que consultaient des légions d'opérateurs en uniforme grisâtre, s'échelonnaient les uns à côtés des autres, en rayons correctement proportionnés. Tout ça pour eux ? Jancem en doutait franchement. Le chef de tout ça, il le reconnut bien vite, le commandant Salyazar, un homme sec, élancé, qui marmonnait toujours quelque chose de peu amène à votre encontre. Il observait une holocarte alors qu'un ingénieur lui donnait des précisions sur ce qu'il s'y passait. « Commandant, annonça Jancem, en se mettant au garde-à-vous.
- Soldat, quoique vous en disiez encore, vous me passerez une visite entre les mains des médics que j'envoie sinon vous resterez bouclé dans votre garnison à vous tourner les pouces jusqu'à la fin de votre vie, compris ?
- Monsieur » répondit Jancem en jetant un rapide regard au stormtrooper qui l'accompagnait, convaincu que ce dernier faisait exprès de regarder ailleurs. « Quel est le bilan des pertes, Monsieur ? demanda-t-il.
- Eh bien, CI-1347, d'après ce que nous avons pu relever ? et vous me corrigerez si je me trompe ? vous avez pénétré le site avec votre escouade au complet à environ 23h57, heure locale. Pour l'heure précise ensuite, nous avons quelque doute, par contre, nous savons que CI-1486 a été violemment projeté contre un mur du couloir intérieur et que sa colonne a été brisé sur l'instant. CI- 6834 a succombé à ses propres tirs de blaster et CI-1259 a été coupé en deux à l'aide d'un sabre-laser. Le combat reprend à l'extérieur de l'enceinte, nous avons trouvé le corps décapité de CI-7342, celui de CI-1585 et celui de CI-5120. Vous avez été enseveli avec CI-0054, qui en est mort. CI-1347, vous êtes l'unique survivant de votre unité. »
Jancem s'assit alors. Il n'avait pas demandé la permission et sut que c'était mal mais il ne pouvait demeurer debout. Il n'y avait eu qu'un seul Jedi. Un unique Jedi. Comment avaient-ils pu échouer autant ?
Il pensa en deux temps. Le premier fut l'horreur d'un échec aussi total. Sept pertes, les données volées et le Jedi envolé. Une défaite sur toute la ligne. Ils avaient très largement trahi la confiance qu'on avait placé en eux et cela horrifia Jancem.
Et puis il y avait le fait que son escouade avait disparu. Ils étaient huit en arrivant, ce qui constituait deux unités commandos. Et il n'était plus qu'un. Deux unités sous ses ordres et il ne pourrait ramener aucun de ses hommes à la maison. Quelque chose en lui, plus que de la tristesse, résonna fortement. Ses hommes avaient placé de la confiance en lui et l'avaient honoré en l'acceptant à leur tête. Il n'avait pas su s'en montrer digne. « Je suppose que je suis mis en? retraite anticipée, marmonna-t-il.
- Ne dites pas n'importe quoi, Sergent quatre-sept. Nous avons entamé une enquête. Les premiers éléments laissent soupçonner que la Jedi avait un informateur qui lui a expliqué les méthodes d'approche en combat des commandos conçus pour leur destruction. »
Jancem le regarda. Il venait de capter deux informations capitales. On avait trahi l'unité. Et ensuite. C'était une femme. Non que c'eût changé grand-chose, mais de savoir qu'il s'était pris une raclée par une femme lui laissait un sale goût dans la bouche et une certaine ? et profonde ? brûlure dans son amour-propre de grand guerrier. « Ces éléments préliminaires ont déjà été présenté dans une première réunion du tribunal martial et il a été décidé que vous ne méritiez pas d'être? reconfiguré. Toutefois, sur ordre de l'Empereur, l'unité Ordo est dissoute. ? le commandant marqua une pause ? Sergent, vous serez réaffecté ultérieurement. »
Jancem regarda ses bottes en se demandant combien de temps il avait été inconscient, alors que le commandant retournait à son holocarte, ordonnant au stormtrooper de l'emmener à la navette. Une unité médicale l'y attendait. Jancem serra les dents. L'unité Ordo dissoute, ça voulait sans doute dire que s'il avait été excusé dans l'affaire, il n'en demeurait pas moins qu'ils ? les huiles ? le considéraient comme incompétent et s'étaient mises à travailler sur une nouvelle génération de clones capable de tuer efficacement les derniers Jedi. Et il soupira, laissant même le stormtrooper le mener aux médics, deux droïdes qui patientaient dans l'ombre d'une navette militaire. L'armure blanche le laissa là et il la salua, avant de s'assoir. Les droïdes s'approchèrent et entamèrent la première série d'examens, scanner et analyse sanguine. Jancem les observa avec précision. « Monsieur, demanda l'un des droïdes, je ne voudrais pas me montrer indiscret, mais j'ai relevé une anomalie dans votre génome.
- Mais non, voyons, fit Jancem, levant le regard pour s'assurer que personne ne le regardait.
- Si si, Monsieur, une altération génétique des plus étrange.
- Allons bon, répondit-il, se penchant sur le droïde tout en farfouillant dans ses poches, pour faire sauter la plaque pectorale.
- Monsieur, ce n'est pas très? » Il n'acheva pas sa réplique, sa voix s'éteignant. L'autre droïde continuait tranquillement de faire ses radios. Jancem profita pour accéder à la mémoire holographique et effacer les données concernant sa soi-disant anomalie, annulant dans le programme cette partie de l'analyse médicale. Quand le droïde ralluma les deux orbes qui lui servaient d'yeux, il fit d'une voix enjouée : « Vous êtes en parfaite santé. Quelques contusions superficielles qui ont été traité au bacta. Vous êtes sur pied, soldat. »

Il grimpa ensuite dans la navette de retour. Une si grande navette, rien que pour lui. Le pilote le salua d'un mouvement de tête, alors qu'il s'asseyait dans un fauteuil en soupirant, regardant le plafond sans rien dire. Le vaisseau s'ébranla et décolla pour gagner de l'altitude. Ils rejoignaient sans doute le Destroyer Hidden Wrath. Jancem essaya de fermer les yeux. Il goûta pour la première fois à l'incertitude de son avenir. En tant que soldat clone, il ne s'était pas demandé souvent ce qu'il ferait le jour suivant, ou la semaine suivante. Voire l'heure suivante. A présent, unique survivant d'une unité disparue, il se demandait ce qu'il allait faire. C'était plus existentiel que de se demander simplement s'il allait un jour être renvoyé sur le terrain. Il ne s'interrogeait pas sur sa future affectation, mais sur sa place dans l'univers.
Et cela le faisait davantage trembler qu'autre chose. Heureusement, il fut tiré de ses pensées par la voix du pilote. « Monsieur, une communication pour vous, je vous l'envoie sur le bloc holo de la salle de repos. » Jancem se redressa dans son fauteuil et regarda le pied en question. Bientôt, apparut en fil de lumière la silhouette du commandant. « Nos investigations avancent vite ? trop vite, se dit Jancem ? et nous sommes en mesure de savoir où se trouve la Jedi. Elle doit être sur Varrel'don, une planète forestière. Les plans qu'elle a volés étaient en rapport avec un projet impérial d'avant-poste dans l'hémisphère sud. Finalement, le projet a été abandonné au profit d'une citadelle pour la garnison de Varylon.
- Qu'est-ce qu'elle peut bien y chercher, Monsieur ? demanda Jancem sans trop d'espoir.
- Je ne sais pas. Pas encore. Sergent quatre-sept, voici votre nouvelle affectation. Je vous envoie aux Renseignements de la garnison de Varylon. Vous devez retrouver la Jedi. D'après ce que l'on sait, elle a sans doute rejoint une cellule de la Rébellion qui opère dans les forêts de Varrel'don. Récupérez-moi ces plans. Terminé.
- Oui Monsieur. Terminé. »
Jancem se laissa glisser à nouveau dans son fauteuil. La vengeance. Il n'était pas exactement programmé pour ça, mais il pouvait la comprendre. Et s'il pouvait la comprendre, il pouvait parfaitement l'appliquer. Ordo. Il ne faudrait pas qu'il les oublie.
« Dites, pilote, Jancem Ordo, ça va, comme nom ? »
Chapitre 2 : La Gloire de Certains
« Nan parce que tu vois, beauté, pour l'instant, c'vrai que s'encroûter sur c'te sac à bois, ce n'est pas encore la gloire. Mais ça va pas tarder, j'te l'dis. Avec le poste que j'ai là, une p'tite promotion et je me r'trouve à la tête de mon propre croiseur ! »
Kiliane n'en croyait pas ses oreilles. Si cela n'avait pas été pour le boulot, elle aurait brûlé ces bandes en riant plutôt méchamment. Mais non, il y avait des heures et des heures de surveillance, à écouter cet idiot débiter un flot de bêtises qui ne tarissait jamais, d'une voix empâtée par l'alcool. Kiliane commençait à croire qu'il ne travaillait jamais. Et pourtant, c'était bien son travail qui l'intéressait, jusqu'à preuve du contraire. Elle se tourna vers Dwight et lui demanda combien de temps exactement il restait sur la bande. Dwight haussa, d'un air désolé, les épaules, replongeant dans l'observation du mur d'écrans vidéo devant lui.
- La surveillance ne sert à rien, tout ce que l'on sait de lui, c'est qu'il a un ego énorme, une forte propension à boire des litres d'alcool et à accepter à peu près tout les pots-de-vin qui traîne à Valyron. Je me demande même comment l'Empire a pu donner un rôle d'importance à cet homme.
- Parce que Varrel'don dispose d'une garnison de seconde zone avec des officiers de seconde zone, confia Dwight en stoppant le défilement des images.
- C'est impossible, Dwight. Non, on doit louper un truc, donne-moi la liste des officiers, ce n'est pas possible. »
Kiliane soupira et se retourna vers les écrans de Dwight. « Tiens, demanda-t-elle, c'est qui ce mec ?
- Je sais pas, un nouveau, sans doute, il a l'air d'avoir un uniforme de gradé, non ?
- Ca bouge enfin, tu crois ? »
Dwight répéta son mouvement précédent, le regard tourné vers les images. Si au moins Kiliane savait ce qu'elle devait chercher, mais elle fouillait à l'aveuglette. Dans l'espace confiné où ils avaient élu domicile, ils étaient totalement coupés du monde. Leur seul lien était le lieutenant de brigade Gorvick Halner. C'était son visage qu'affichaient les écrans, sa voix qu'émettaient les haut-parleurs. Mais quoi ? Que représentait clairement le lieutenant Halner pour la Rébellion, ça, Kiliane ne savait pas.
Le problème des guerres, surtout des guerres clandestines, en fait, était que bien souvent, les bras agissaient sans savoir les motivations de la tête. Si bien que cela pouvait décourager quiconque de faire quoique ce soit. Après tout, pourquoi risquer sa vie si on ne sait pas ce que l'on risque ? C'était à peu près le discours que s'était tenu Kiliane lors de son trajet dans la soute de cette maudite navette marchande qu'on avait affrêté pour elle. Parce qu'elle avait servi sur Kashyyyk, on l'envoyait dans la section renseignement de la troupe rebelle cachée sur Varrel'don, une autre de ces immenses planètes forestières. Kiliane désespérait de retrouver un poste dans une planète un peu plus civilisée. Pourquoi pas Nar Shadda ? Elle avait déjà tant de contacts là-bas ? Pourquoi l'encroûter sur ce morceau de bois ?
Elle se souvint de son arrivée, quand elle posa les pieds sur l'embarcadère. Elle s'était glissée hors du vaisseau discrètement, puis avait montré à l'agent de quai de faux papiers, parfaitement falsifiés, plus quelques crédits. L'agent pensa sans doute qu'elle n'était qu'une contrebandière de plus et ne prit pas la peine de vérifier dans son databloc. Il recompta plutôt les crédits, alors qu'elle avait pu s'éloigner à grands pas vers l'extérieur.
En fait, le véritable choc fut quand elle comprit que le spatioport avait été creusé dans l'écorce épaisse d'un de ces impressionnants arbres qui couvraient une partie de l'hémisphère nord de Varrel'don. Des arbres gros comme un building, ça ne se voyait pas tout les jours.
Elle ne put s'empêcher de se piquer d'une pointe de honte en songeant qu'elle avait pensé aux habitants de la planète comme à des arriérés. Et plus encore quand elle avait eu devant elle le réseau complexe des airspeeders sillonnant entre les passerelles de cordes et de câblage. Elle avait accepté de dire que oui, Valyron, le centre névralgique de l'activité extra-atmosphérique, était d'une certaine sophistication.
Heureusement qu'il demeurait encore l'odeur boisée dans ce lieu exigüe qu'elle avait choisi pour s'installer avec Dwight. Ce dernier lui passa une petite sphère qu'elle ouvrit. Il en sortit une série de chiffres et de mots, avec un portrait en tridi, le tout en trait jaune et lumineux. Elle passa les différents dossiers des officiers, qui passèrent et virevoltèrent au-dessus de sa tête. « Tout ces types-là sont bien meilleurs qu'Halner ! Alors quoi ? Pourquoi est-il là ?
- C'est ce que la Jedi veut qu'on découvre, fit Dwight. Bon, je prends ma pause, je reviens plus tard, tu veux quelque chose ?
- Non, c'est bon, merci, Dwight. ? Une pause. ? Attends, si tu passe au QG, essaye quand même d'en apprendre plus sur le nouveau, tu veux ? »
Elle le regarda hocher la tête puis s'extirper de sa place exigüe et ramper jusqu'à la porte épaisse qui menait au dehors. Il s'y tint, le temps d'enfiler le harnais de sécurité et d'y fixer les lanières, serrant bien dans les boucles de plastique. Il vérifia la poulie du servo-moteur et, avec des gestes lents et peu assurés, il se laissa enfin pendre dans le vide, tenant à pleine main la commande du moteur. Il pressa le bouton de descente et une petite vibration se fit ressentir dans tout le poste, alors que Dwight disparaissait.
Elle avait rencontré Dwight dès le premier soir. C'était son contact. Le rendez-vous avait été fixé dans un théâtre. Pour s'y rendre, elle avait longé une corniche toute de bois, qui laissait voir, à travers l'espace exigüe entre deux planches le vide verdâtre qui s'étirait sous elle. Sur le trajet, elle avait pu apprécier le mélange de technologie et de boiserie qui composait la cité. Puis Kiliane était arrivée sur une large plate-forme, bouillonant de monde et elle avait levé les yeux. Le théâtre se dressait, tout fait d'écorce, dans les entrelacs de branches titanesques d'un arbre ancien. C'était un bâtiment splendide, avec un portail immense, qui aurait pu accueillir un croiseur sans que ce dernier n'en touche l'arche, avec des colonnades immenses enchâssées dans sa façade, soutenant des statues tourmentées de dryades aux bras levés en l'air, comme scandant le public à entrer. Il y avait une telle osmose entre l'architecture et la nature que Kiliane eût l'impression en le voyant que le théâtre avait poussé avec l'arbre. Elle avait babillé un instant, comme si elle n'arrivait pas à en croire ses yeux, puis s'était mêlée à la foule pour rejoindre ce petit homme rabougri, avec un nez proéminant, d'épaisses montures trônant dessus et des cheveux roux en bataille. Dwight. Il l'avait approché dans la salle de réception, avant la représentation et lui avait donné la réservation à son nom dans un hôtel de Valyron et une homéo-clé, d'une consigne du spatioport. Puis il lui avait souhaité un bon spectacle et avait disparu dans la foule.
Elle avait haussé les épaules et songé qu'un peu de repos devant un bon opéra ne lui ferait pas de mal. Avec du recul, elle se rendit compte que ça avait été un des meilleurs moments de sa vie. Enfin?
Elle avait pris place dans la salle, dans un de ces balcons à répulseurs qui flottent au-dessus du public, et le rideau s'était levé sur trois bonnes heures d'un opéra exo intrigant tant par la forme que par le fond. Elle avait tenté de suivre les chants des personnages ainsi que les circonvolutions du décor, qui s'enflaient et se retournaient sur lui-même dans des brumes bleutées, alors qu'un des personnages exprimait à son acolyte que « l'espace est temps ». Quand tout s'était fini, un peu étourdie, elle était demeurée dans son siège, jusqu'à ce que tout le monde ait quitté la salle. Il n'était resté qu'un homme. En sortant de sa transe, elle lui avait adressé un sourire et était sortie. Elle l'avait retrouvé dehors. Il lui avait dit qu'il appréciait les gens qui ne quittaient pas la salle dès que le rideau tombait. Qui attendaient encore un instant, que l'ambiance envoûtante retombe enfin, que l'opéra les libère de cette torpeur contemplative. Elle avait juste acquiescé.
Après coup, elle avait eu un peu de remord. Il faut avouer qu'il avait fait le premier pas. Après tout, elle n'était pas réellement fautive, mais il ne lui en restait pas moins un brin de culpabilité. Elle était une professionnelle, ce genre d'attitude n'était pas vraiment de mise en mission. Elle avait, à sa décharge, fait un service plutôt long sur Kashyyyk où la compagnie masculine humaine était plutôt maigre, au-delà des autres membres de la cellule. Pas de collègue. Ca, au moins, elle s'y tenait.
C'était un artiste de Coruscant, il s'appelait Grey Kelnan et elle l'avait trouvé plutôt sympathique, physiquement. Et ça avait été réciproque, à n'en pas douter. Ils s'étaient rendus dans la chambre d'hôtel de Kelnan qui, par coïncidence, était dans le même hôtel que le sien. Elle aurait bien voulu demeurer un peu avec lui, le lendemain matin, mais il l'avait prévenu la veille. Il devait partir tôt pour Coruscant. Il avait ajouté que c'était cela qui était beau dans leur relation, l'éphémère. Un truc que les mecs disent quand ils ne veulent pas s'engager. Elle avait fait semblant de le croire parce que cela l'arrangeait de même. Elle n'en avait pas envie non plus.
Elle avait regagné sa chambre, s'était allongée un peu, puis avait pris une douche et enfin, elle s'était rendue à la consigne dont elle avait la clef, où se trouvait un comlink qui lui avait donné quelques indications nébuleuses pour son rendez-vous avec la cellule. Elle avait appris sa nouvelle affectation, n'avait pas rencontré la Jedi dont on disait qu'elle était la véritable tête pensante du groupe.
Et depuis, elle patientait dans sa petite sphère perdue dans les branches, à attendre qu'Halner se décide à faire quelque chose d'intéressant. « Bon sang, Gorvick, bouge-toi, fais quelque chose » marmonna-t-elle, écoutant pensivement les paroles qu'il échangeait avec la greluche de service.
Fermant progressivement les yeux, Kiliane s'endormit dans son fauteuil et elle n'entendit pas Dwight rentrer avec ses informations. Comprenant la fatigue qu'elle avait accumulée, il se fit silencieux et se replongea dans ses vidéos.
Chapitre 3 : La Gloire des Autres
« Nan parce que tu vois, beauté, pour l'instant, c'vrai que s'encroûter sur c'te sac à bois, ce n'est pas encore la gloire. Mais ça va pas tarder, j'te l'dis. Avec le poste que j'ai là, une p'tite promotion et je me r'trouve à la tête de mon propre croiseur ! »
Jancem jeta un regard mortifié au lieutenant Halner, avant de replonger dans son verre, où flottait un étrange breuvage qu'il n'avait aucune envie de goûter. Il n'était même pas sûr que leur service à tous avait pris fin. Et de plus, il n'avait jamais bu d'alcool et répugnait à commencer. Halner, par contre, ça n'avait pas l'air de le déranger. Sur la plate-forme d'atterrissage il sentait déjà très fortement l'embourbement à la liqueur locale.
Et puis, Jancem ne voulait rien avoir à faire avec quiconque tant qu'il ne se serait pas habitué à servir l'Empire sans son armure blanche. Le commandant Salyazar avait été clair. Pour une mission de renseignement, il ne devait pas avoir son armure. Au lieu de cela, il avait l'uniforme gris des officiers de l'Empire. C'était normalement une sacrée promotion pour un clone. En fait, non, c'était une horrible torture que de ne pouvoir s'isoler tout seul au creux de ses remparts blancs. Il avait l'impression d'être vulnérable et il détestait ça plus que tout.
Et ce n'était pas tout. Il n'était pas CI-1347. Il était Jancem Ordo. Le commandant avait voulu qu'il se présente avec son nom. Pas son numéro. « Pour la mission d'infiltration, lui avait-il expliqué. On ne sait pas s'il y a des taupes au sein de la garnison mais une chose est claire, s'il y en a une, ce n'est pas un clone qui la démasquera. Les autres ne se confieront jamais à vous si vous vous présentez comme étant l'énième modèle. Trouvez-vous un nom et utilisez-le. » Il avait ajouté « bienvenue parmi les uniques » et l'avait laissé préparé son paquetage. Jancem n'aimait pas du tout cette situation. D'abord, il n'avait pas approuvé d'être obligé de donner son nom ? secret ! ? à tous ces officiers stupides. Et puis, il trouvait cela terriblement effrayant d'être unique. Le sujet avait battu et rebattu les plaines vierges de ses pensées durant le voyage en hyperespace. Il n'était plus membre de l'élite d'un groupe composé d'un millier d'individus dont le lien commun était l'apparence. Il n'avait plus de frères et plus de famille. Il était unique.
Pour ne rien arranger, la garnison de Varrel'don était la plus incroyable réunion d'empotés qui lui avait été donné de voir. Et ces gens se vautraient avec suffisance dans l'argent. Lorsqu'il était arrivé, Halner s'était présenté et lui avait expliqué que le commandant Fenbreck ne pouvait être là en raison d'une réunion d'importance. En réalité, Fenbreck, comme à peu près tout le monde, entretenait une plate-forme clandestine quelque part dans l'immense forêt et supervisait un débarquement. Jancem n'avait pas tardé à l'apprendre, Halner étant réellement idiot et bavard. Halner lui avait proposé de visiter leur logement de fonction, ce qui avait tout d'abord surpris Jancem qui l'avait finalement suivi, étonné de n'être point logé dans une caserne.
Le logement de fonction en question était un palais suspendu, une espèce de pyramide de bois et de feuilles inversée, pointe vers le bas, parcourue de colonnes en stalactites gravés de visages et de corps, et de jardins flottant sur des moteurs à répulsion. Halner avait eu l'air satisfait de l'expression estomaqué de Jancem, sans réellement se douter qu'il était atterré par l'ineffable inutilité de ce lieu. Et que dire de la chambre ? Jancem, qui calculait encore en commando, tenta d'évaluer combien d'unités il aurait pu caser rien que dans le salon aménagé et s'interrompit quand ce chiffre devint trop élevé. Pour continuer dans l'horreur, il avait demandé à Halner quel genre de service proposait l'endroit et s'était vu répondre « de quoi combler n'importe quel bon soldat ». Jancem s'était demandé à qui faisait référence le « bon ».
Renvoyant Halner ? un peu brusquement, mais c'était en parti pour éviter de lui écraser la tête ?, il s'installa dans le salon, respirant calmement, avant de prendre une douche et de manger un peu dans le frigo diablement fourni. Il en éprouva une telle honte ? une fois fini l'opulent sandwich qu'il s'était confectionné ? qu'il fit quand même une série d'exercice physique pour contrebalancer.
Enfin, il alla chercher, dans son paquetage, son casque de stormtrooper et l'enfila. Certes, il ne devait pas le porter pour l'aspect « social » de sa mission, mais l'armure avait été légèrement améliorée pour le genre de mission qu'il effectuait. Il n'avait pas eu le temps d'essayer tout les gadgets de la combinaison, un peu déçu que les ingénieurs impériaux n'en aient pas profité pour mettre autre chose que du blanc, mais savait que le casque, outre un matériel d'écoute et de surveillance vidéo dernier cri, était équipé d'un détecteur de ces même dispositifs. Il passa donc sa chambre au peigne fin.
S'il y avait une taupe dans la garnison, elle pouvait être de deux sortes, dans la tête de Jancem. Soit, un traître, un vendu, et ça ne manquait pas, à Valyron. Toutefois, Jancem ne les imaginait pas passer à l'ennemi pour de l'argent. Aussi cupides soient-ils tous, ce serait faire une croix sur beaucoup trop de privilège. Ou alors, l'idiot qui se fait manipuler. Et étant donné le niveau général, il était loin d'écarter cette possibilité.

Halner vint le chercher une heure après, et Jancem se demanda si son teint n'était pas plus rouge qu'auparavant. Il lui proposa par ailleurs, pour éviter tout risque, de prendre le volant de l'airspeeder sur le chemin les menant au quartier général.
Le bâtiment était tel qu'il l'imaginait. Court, trapu, négligé. Jancem inspira bruyamment, sans qu'Halner ne le découvre. Ce dernier parlait encore de sa famille, ses deux filles, dont il avait une image tridi qu'il menaçait sans cesse de montrer à quiconque lui adressait la parole. Le clone fut heureux de pouvoir rentrer dans un vrai bâtiment militaire. Il devait participer à son premier briefing sur Varrel'don.
La salle où se passait le briefing était un large amphithéâtre dont la voûte était soutenue de lierre et de lichen herbeux. Jancem avait eu du mal à s'en défaire, jusqu'à ce que les lumières s'éteignent. « Messieurs, je voulais tout d'abord commencer par le résultat de l'enquête sur le décès de deux scouts. ? L'holocarte indiqua une position nord-nord est de la cité de Varylon. ? Leurs cadavres ont été retrouvés il y a deux jours sur la colline dans la région d'Utahan. Après examens des corps et des épaves de leur moto speeders, il en a été déduit qu'il s'agissait d'une erreur humaine. Comme vous le voyez ? la carte zooma entre deux pans de colline et présenta un point rouge qui se déplaçait et un point vert. Le point rouge explosa soudainement. ? ils ne se trouvaient pas à leur poste. Nous avons trouvé des cadavres de Graneshs et en avons déduit qu'ils? - le lieutenant qui présentait marqua une pause, légèrement déprimé ? chassaient. »
Jancem eut du mal à contenir un écarquillement des yeux. Des gradés contrebandiers et des troupes braconnières, c'était une blague ? Il n'aurait pas hésité, pour sa part. Un avertissement et une punition. « Les familles, continua le lieutenant, de ce fait, ne seront pas indemnisées pour ces décès. »
Il y eut un silence gêné. Le lieutenant le ménagea un peu trop longuement, avant de reprendre : « L'avant-poste Bravo ? l'holocarte vint indiquer une chaîne de montagnes sur une position plein ouest ? est à présent opérationnel. Deux unités y ont été envoyées pour entamer une première évaluation du périmètre d'action des recherches. » Quelques hochements de tête satisfaits, Jancem ne posa pas de question, connaissant la suite du topo.
- Pour aider à la capture des rebelles et superviser les communications entre Bravo et le QG, le lieutenant Jancem Ordo nous a été envoyé. Il supervisera les opérations sur le terrain et orchestrera les échanges avec Bravo. Avez-vous quelque chose à ajouter, Lieutenant ?
- Non, Monsieur, répondit Ordo, qui surveillait en réalité les réactions des compatriotes. Et ce n'était pas ce à quoi il s'était attendu. Il les aurait cru plus énervé de savoir qu'on envoyait quelqu'un pour s'occuper de faire leur travail, mais finalement, ils acceptaient la nouvelle avec une telle sobriété que Jancem se demanda s'ils saisissaient réellement la portée de ce qui se passait. Visiblement non.

C'était après la réunion qu'Halner avait proposé de venir avec lui dans ce qu'il nommait « un troquet ». Un bar, avait traduit Jancem une fois sur place. C'était le meilleur endroit pour commencer à se mêler aux troupes, s'était-il dit.
A présent, il regardait les officiers boire et discourir de façon absurde sur leur carrières futures. « Vous n'avez pas l'air de goûter les méthodes varrel'donniennes, Ordo, murmura une voix à côté de lui.
- Ce doit être le climat » répondit Jancem, qui identifia l'officier. Glehn Dolv. Un grand personnage, avec un visage taillé à la serpe, carré et martial, une bouche large mais continuellement plissée comme s'il hésitait à dire l'entière vérité à chaque fois qu'il l'ouvrait.
- J'espère que l'avant-poste Bravo vous préservera de l'inaptitude des officiers de Valyron.
- J'espère plutôt, rectifia Jancem, que la distance ne m'empêchera pas de faire d'eux de vrais soldats.
- Vous militez pour une cause perdue, je pense.
- Pourquoi restez-vous ici, alors ? trancha Ordo.
- Touché, Ordo. J'aime cette planète. Cela me désolerait de la voir sombrer aux mains de la Rébellion parce qu'une bande d'incompétents dirige les troupes.
- Et le Gouverneur, il ne fait rien pour changer tout ça ?
- Le Gouverneur? soupira Dolv. Ce n'est pas le pire bougre d'ici, mais en vérité, il a des moyens limités. L'armée est son meilleur soutien, les autochtones ont été durs à mater dans ces forêts et si jamais ils se soulevaient? c'est un peuple plutôt rustre, avec une tradition ancestrale dans laquelle il est difficile d'impliquer l'Empire. » Jancem hocha la tête. « Nous avons bien tenté une guerre culturelle, poursuivit Dolv, en nous attaquant à la légitimité de leurs leaders les plus radicaux, mais rien à faire, ils sont farouches et défendent l'identité traditionnelle avec bec et ongles.
- Et vous pensez qu'ils cachent des rebelles ?
- C'est évident. Si ce n'était pas le cas, nous les aurions déjà trouvés, mais nous sommes assis sur une poudrière et nous ne pouvons pas demander de renfort étant donné la réputation dont jouie la garnison ici. »
Jancem soupira en son for intérieur. « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, fit-il.
- Pardon ?
- La nuit porte conseil. Je vais en profiter. » fut sa seule réponse. Sans attendre, Jancem sortit de ce « troquet » et commença à sillonner les coursives feuillues de la cité de Valyron, des plans s'échelonnant dans son esprit.
Chapitre 4 : Jeu dangereux
« Tout va bien, Monsieur Kelnan ? »
- Contentez-vous de piloter et de me dire où sont les toilettes, grogna ce dernier.
- Monsieur, nous sommes dans une navette militaire, il n'y a pas de? »
Grey Kelnan n'était pas fait pour les voyages. Il n'était pas pilote dans l'âme et encore moins passager endurci. Il courut jusqu'à la passerelle de débarquement, affolé, puis jusqu'au hangar. Il revint enfin s'assoir avec un sourire apaisé. Il détestait l'effet éprouvé en sortant d'hyperespace. En fait, il était a priori le seul à éprouver cet effet, mais il en était toujours saisi avec une violence. Il n'arrivait pas à comprendre qu'on puisse apprécier de piloter d'étoiles en étoiles. Gêné sans doute par les accès de nausée de son passager, le pilote intervint, sur un ton de conversation. « Dites-moi, Monsieur Kelnan, que faites-vous exactement ?
- Je suis compositeur, murmura Grey en se massant le ventre, les sourcils froncés.
- Vous composez quoi ? Des poèmes ? Des chansons ?
- Un peu de deux. Je compose de l'opéra.
- Ah, ma belle-s?ur adore ça. J'en ai un peu écouté avec elle, un truc sullustéen, je crois. ? Devant le silence de Kelnan, le pilote embraya directement : - Vous écrivez quoi, vous, en ce moment ?
- L'histoire du Léviathan, une créature monstrueuse qui viendra dévorer la vie elle-même jusque dans les tréfonds de l'existence pour ne laisser qu'un abîme noir, un néant gourmand qui sonnera la fin de toutes choses.
- Aaah !? s'exclama avec un intérêt relativement bien feint le pilote. Il n'ajouta rien, décidant qu'il ne comprenait désespérément rien à l'art. « C'est un peu comme la dichotomie entre bien et mal ? »
Grey lorgna par le hublot. Sous lui s'étendaient présentement les sillons lumineux tracés par la cité qui ne dort jamais, la ville qui, couvrant toute une planète, s'arrogeait le droit de toucher aux nuages. Grey adorait observer les subtiles nuances de violet et de bleu, ces reflets de l'espace qui s'étiolaient dans la lumière toujours vive qui embrouillait les rues élevées dans les cieux de Coruscant. « Coruscant en approche » annonça le pilote, qui lança alors le protocole d'atterrissage, scandant à la radio les coordonnées de leur navette. Kelnan eut un soupire de quiétude, s'étirant avec le premier sourire courbant ses lèvres depuis le début du voyage. « C'est la première fois que vous allez sur Coruscant ? Demanda le pilote.
- Non, j'aime les fins de voyage » expliqua Kelnan en plissant les yeux. « Au fait, ajouta-t-il, pensez à vider les scaphandres?

Il ne passa pas prendre sa réservation à l'hôtel où il logeait. Pas encore. Il préféra aller directement à l'exposition où on devait l'attendre. Il n'avait pu s'empêcher d'aller faire un petit tour aux toilettes du spatioport, afin de se jeter un peu d'eau au visage. Son teint avait toujours été pâle, mais là, il atteignait des pointes dans le reflux sanguin. Puis il avait loué un speeder et avait traversé la cité, s'immisçant dans le mouvement passionné des vaisseaux qui parcouraient l'espace entre les tours. Il gagna une infrastructure étrange, toute de cristal plus ou moins opaque, sinueuse, avec des courbes fuyantes qui se repliaient sur elle-même. Une technique d'architecture complexe soutenait l'ensemble, dont l'intérêt était hautement mathématique. La baie d'atterrissage était une circonvolution fugitive où Kelnan s'arrêta pour descendre. Ses pas sur la surface vitrifiée se saisirent d'échos lointains, et bientôt entrèrent en résonnance avec d'autres pas. L'exposition avait lieu dans les retours cambrés des murs. Des invités se pressaient pour apercevoir les derniers chefs-d'?uvre et la luminosité, trempée dans le verre mural, les dessinaient comme de distraites silhouettes sur des fonds immaculés. Le regard de Grey parcourut des projections tridi, dont une l'intéressa plus que les autres. Il s'agissait d'une simple rue de lumière crue où se taillaient des ombres géométriques. « Une ?uvre du fils Sekleth, la famille de riches négociants coruscantéens, dit une voix indubitablement féminine en rodien. Le directeur de la galerie m'a dit que c'était basé sur un travail de Pokvidr, le peintre zabrak fou. Elle est sensée être très politisée. Si l'on y regarde à deux fois, on peut imaginer que cette dichromie représente le combat entre l'Empire et la Résistance et que les silhouettes, c'est nous, pauvres hères prises dans une époque qui nous dépassent, sans pouvoir choisir entre le bien ou le mal. Interprétation plutôt provocatrice. Et un peu surestimé, surtout que l'auteur n'a que 8 ans.
- Content de te voir, Zurik, dit Kelnan.
- Enchantée comme toujours, Kelnan. Suis-moi, que je te montre les différentes pièces. » Kelnan lui proposa son bras et la dame l'accepta, y glissant le sien pour l'emmener sans hésitation dans les couloirs torturés de la galerie. Elle portait une magnifique robe d'un bleu foncé, tirant sur le mauve, dont les lumières tamisées reflétaient des rayons argentés. Ses grands yeux d'un jaune sombre sautaient d'une personne à l'autre, d'un tableau à l'autre, sans discontinuer, comme si elle s'attendait constamment à une surprise des plus mauvaises. « Le thème est la dichromie, en fait. Je ne sais pas si elle restera longtemps à l'affiche, cette expo, parce que franchement, elle est très subversive. Le directeur a fait un pari risqué, surtout en ce moment où l'Empire fait ses lettres, expliqua-t-elle.
- Il y a des chances qu'il se fasse arrêter ?
- Oh, je ne sais pas. Il a peut-être encore des contacts qui le couvriront. Je dis juste qu'ils peuvent aussi interdire tout simplement l'expo et fermer la galerie. Je trouve ça dégoûtant qu'il ose prendre des risques pareils alors que nous avons tant besoin de ce lieu. » Grey adressa un regard lointain à son interlocutrice, puis acquiesça sans rien ajouter. « Alors, et toi, tu écris en ce moment ? demanda Zurik.
- Quand j'en ai le temps. Je voudrais préparer une tragédie. J'aime le souffle tragique, cet élan du fatum qui emporte les personnages et les arrache aux êtres aimés pour les précipiter dans le destin. Je pense écrire une pièce prenant pour trait des Jedi.
- Ce n'est plus très populaire.
- J'ai déjà un sujet, une histoire dont j'ai entendu parler et qui remonte à 4000 ans avant notre ère.
- Ca ne se vendra pas, Grey. Trop loin, trop? de Force. Les gens ont appris à abhorrer les Jedi quand l'Empire le leur a dit.
- Je te trouve très partisane, ce soir.
- Je suis apolitique, très cher. Je fais de l'art. Et des affaires, évidemment. Tiens, voilà ce que je voulais te montrer. » Elle lui indiqua un tableau en bidi, une technique ancestrale qui n'était plus très usitée. Les ombres étaient taillées à la serpe sur un fond orangé, donnant un visage baigné de crépuscule, avec une mâchoire carrée, des pommettes saillantes et un nez aquilin. « C'est mon rendez-vous ? demanda Grey.
- Oui. La commande est pour ce soir, ajouta-t-elle.
- Oh, mais il y a une représentation que je ne voulais pas manquer.
- On sacrifie tant à l'art, soupira la rodienne, qu'on en oublie parfois de le sacrifier à son tour. » Kelnan médita patiemment cette remarque, songeant à la possibilité qu'elle ait eu du sens, puis lui dit, en lui tendant un databloc : « Avant de partir, j'ai quelque chose à te demander. Pourrais-tu suivre à la lettre les instructions là-dessus ?
- Tu payeras un extra ? ? Kelnan lui faisait un « oui » de la tête, elle survola les données ? Je n'ai jamais vu quelque chose de si bizarre. Tu prépares une petite surprise ?
- Sacrifice pour sacrifice, je préfère que les autres y passent plutôt que moi. »

Il passa directement après à son hôtel. Ce dernier était un anneau d'un à deux kilomètres de diamètre, tournant autour d'un axe titanesque. La façade extérieur était toute de verre, une immense surface réfléchissante qui répondait à Coruscant son propre horizon. L'intérieur de l'anneau s'échelonnait en une centaine de larges balcons qui se bousculaient autour des corridors vitrifiés menant à l'axe central dont l'on pouvait voir les terrasses, en jardin suspendu.
Le speeder de Kelnan prit place dans la baie prévue à cet effet et un jeune twi'lek en livrée très chic lui proposa même d'aller garer son engin dans le parking prévu pour la clientèle. Ce que Grey accepta non sans un sourire de suffisance, montant les marches immaculées jusqu'au hall d'accueil. Après un court trajet en ascenseur, il put gagner sa chambre. Le sas s'ouvrit avec dolence et il se glissa à l'intérieur, jetant son manteau quelque part sur un fauteuil. Il leva la main vers l'interrupteur et s'arrêta. « J'aime votre style, murmura Grey sans allumer.
- Merci, Monsieur Kelnan. Nous aimons aménager nos rencontres, répondit une voix dans l'obscurité.
- Sans être indiscret, puis-je savoir comment vous m'avez trouvé ?
- Nous avons mis beaucoup en ?uvre pour cela. Nous ne lésinons pas sur les moyens, dans ces cas-là. J'ai une question à vous soumettre de même, Monsieur Kelnan. Qu'êtes-vous venu faire sur Coruscant ? » Grey, avant de répondre, ménagea, quant à lui, une petite pause, pour s'assoir sur lit à répulseurs qui flottait à quelques centimètres de la moquette velue. « On m'a envoyé rassurer les vôtres, dit-il d'une voix claire.
- Je suis étonné. Je ne croyais pas que c'était votre fort, les excuses.
- Il n'est pas question d'excuse, Monsieur, mais de solutions.
- Et que proposez-vous ? » Son interlocuteur changea légèrement de position. Grey suivait les fluctuations dans le noir, son regard plongé dans l'écran de ténèbres. « Nous allons simplement nous débarrasser des menus problèmes qui pourraient vous embarrasser, expliqua-t-il. Et par extension, nous embarrasser. L'Empire ne remontera jamais jusqu'à vous.
- C'est peut-être déjà le cas et vous le savez. Si l'Empire a un doute, ils n'utiliseront pas les canaux habituels pour nous abattre et vous le savez. L'Empereur est trop rusé pour ça et ses hommes trop sadiques. S'ils savent, il est déjà trop tard pour nous disculper, nous devons effacer toutes preuves.
- Nous les effacerons. J'ai les moyens de le faire.
- Vous nous aviez dit que vous aviez les moyens d'accomplir ce pour quoi nous avons payé si cher.
- Tout n'est pas perdu » insista Kelnan. La pénombre était bien heureuse, elle cachait à la perfection son sourire de chat. « Vous savez aussi bien que moi que sur la liste de ces preuves, vous et les vôtres figurés en tête. » Kelnan avait du mal à maîtriser son cynisme. Son entraînement lui permit de rester coi, alors que son hôte se levait sans un mot de plus et quittait la pièce, le délaissant sur ces dernières menaces.
Grey n'eût pas à beaucoup étudier la situation pour se douter du piège. Sa chambre était bien exposée, une belle vue sur Coruscant, certes, mais l'hôtel se mouvait perpétuellement en un cycle interminable, ce qui excluait qu'un sniper put l'atteindre. S'il n'avait pas été si grinçant durant la conversation, il se serait presque soupçonné de l'avoir fait exprès pour savoir d'où viendrait le danger et non pour la vue.
Dès que le sas se fut refermé sur son interlocuteur, il se laissa glisser derrière le lit à répulseurs. Ce dernier marmonna doucement, se balançant alors que les répulseurs travaillaient à compenser la soudaine perte de poids. Grey le tira avec lui jusqu'à l'autre côté de la pièce. Le sas n'était pas resté clos très longtemps et déjà deux grenades tombaient sur le sol carrelé. Repoussant le lit vers l'entrée, Kelnan attrapa sa mante et s'en couvrit la tête en bondissant dans la pièce adjacente. Un flash illumina la chambre, et ses oreilles sifflèrent soudainement.
Des hommes entraient en bousculant le lit qui flottait paresseusement. Grey saisit le blaster dans une poche de son manteau et fit feu dans la fenêtre qui vola en éclat. Ils devaient se préparer au dehors et Kelnan profita de l'accalmie pour casser les derniers morceaux de verres qui tenaient encore à l'encadrement de plastacier. Avec aisance, il posa un pied sur l'étroit parapet et feignit la maladresse, voyant une tête sortir de la fenêtre de sa chambre. « Il s'échappe par la salle de bain ! » entendit-il hurler, tout en tirer sur l'importun. Et il lâcha prise. Il songea un instant que Zurik aurait pu le vendre. Le trahir. Ou même ne pas accéder du tout à sa requête.
Il chuta pourtant dans un speeder qu'on avait garé à quelques mètres sous sa salle de bain. Il jeta aussitôt par-dessus bord sa veste, qu'il avait sciemment lesté auparavant pour reproduire une certaine densité. Dans une embardée rapide, il gara son speeder plus bas, à l'abri des regards indiscrets sous la courbe bombée de la façade. Là, il était à l'abri des regards des occupants de son ancienne chambre. Par contre, sa pelisse, d'un rouge couturé d'argent, serait visible encore un moment pour les mercenaires curieux qui passeraient la tête par la fenêtre.
Et Grey savait qu'ils le feraient. Ils ne se contenteraient sans doute pas de ça, mais Grey savait aussi qu'ils n'iraient pas chercher un cadavre dans les étages complexes de Coruscant. Non, ils iraient plutôt dire au patron que la cible était morte. Kelnan se permit de s'allonger un instant en savourant ce moment.
Passer pour mort était vraiment sa spécialité.
Chapitre 5 : Main Basse
On n'en vient jamais à la piraterie par désir. C'est un hasard, un coup du destin. La piraterie vous prend, vous épuise et vous libère, mort et harassé. A moins de savoir se retirer en haut de l'affiche.
Sur Coruscant, la pluie tombait sur une partie de la planète, couvrant d'un manteau gris les étendues immenses de bâtiments qui crevaient les cieux. Le Théâtre Impérial était une structure sphérique, une couronne posée sur un puissant immeuble aux formes effilées. Des cerceaux, par un procédé de poussée électromagnétique, tournaient en de longues et hypnotiques ondulations tout autour. Le théâtre réunissait ce que Coruscant comptait d'huiles importantes pour des spectacles comme on ne pouvait en voir nulle part ailleurs dans la galaxie.
Kaj Sowpar faisait parti de ses plus fidèles habitués. Cette image de gentleman qui se rendait à l'opéra le galvanisait dans sa reconversion. La piraterie n'était bien moins à la mode, maintenant que les impériaux avaient bouclé l'espace connu. Enfin, il aurait pu aller traîner ses guêtres du côté des lunes hutt, mais devenir corsaire avait été autrement plus rentable. Il avait dirigé sa flotte avec un mandat de l'Empire, tout en l'étoffant de plusieurs navires et à présent, il avait son propre réseau parfaitement légal, qui rapportait de l'argent tout en se couvrant de l'aval impérial ? tant qu'il tiraillerait les positions rebelles qu'il rencontrerait. Et puis, ça lui permettait de rencontrer la haute et cela, il appréciait. Il avait remarqué, au court de ses longues promenades aux côtés des dames d'En-Haut, qu'elles étaient bien plus belles que celles qui circulaient dans les comptoirs bordés de bouges infâmes où il avait accosté, dans le temps.
Sowpar venait tout juste de quitter le Théâtre. Encore une grande représentation. Il réajusta son habit mais ne mit pas sa capuche, malgré les gouttes qui s'écrasait sur sa coiffure. La pluie avait cette faculté qu'elle agaçait plus que tout autre chose les têtes de Coruscant et Kaj, qui demeura sur le trottoir, le visage tendu vers le ciel pleurant, sourit en les regardant gagner leurs airspeeders l'échine courbée, pour amoindrir sans doute la surface blessée par l'eau. Ils semblaient prendre les jours pluvieux comme des insultes non seulement contre leurs tenues parfaitement soignées mais aussi envers leur technologie qui avait asservi la nature. Kaj y voyait un rappel de cette force qui avait construit l'univers et le reprendrait un jour.
Il prit la direction de son prendre engin, se glissa aux commandes. Il détestait délaisser le pilotage à un simple droïde ? après tout, on ne passe pas plusieurs années de sa vie comme commandant d'un navire pour abandonner ce genre d'habitude. Parmi les huiles, il n'en connaisait pas beaucoup qui pilotait leur appareil. Si, peut-être Bail Organa, mais cela faisait longtemps qu'il avait quitté le Sénat. Alors qu'il y réfléchissait, son airspeeder, dont la capote était rabattue, s'éleva dans un mouvement courbé, sifflant, pour aller rejoindre le trafic bondé qui formait une toile changeante autour des flèches constellant Coruscant.
Son appartement coiffait un bâtiment. Il l'avait acheté si cher qu'il ne se souvenait plus que du nombre de zéros en surbillance sur le projecteur holographique que lui avait montré le promoteur. Mais qu'importe, tant qu'il y aurait de la guerre, il y aurait de l'argent. Cela revenait à dire, tant qu'il y aurait des êtres pensants dans la galaxie. Ce n'était pas pour lui déplaire.
Le sas d'entrée, au-delà de la baie d'atterrissage, était couvert d'une plante rampante, un lichen alien qu'il avait fait importer et qui, par simple impulsion électrique, changeait de couleur, donnant une décoration murale des plus sophistiquées. Le sas s'ouvrit en un mouvement circulaire alors qu'il entrait. De larges baies vitrées donnaient une vie imprenable sur le tapis de lumière de la ville-planète. Il appréciait la pénombre, à cette altitude. Le ciel, visible au-dessus de lui par une voûte s'ouvrant en dôme de verre, lui rappelait ses longues années à bourlinguer dans l'espace. Lorsque l'on est pirate une fois, on l'est toute sa vie. Il s'interrompit en contemplant les étoiles, poussant un léger soupir. Il n'aperçut qu'au dernier moment l'intrus, alors que ce dernier jouait quelques notes du piano, un ancien instrument de musique qu'il avait acheté pour la décoration, d'un noir mât et brillant, derrière lequel il était assis. « Bonsoir, Commandant Sowpar, la représentation fut-elle à votre goût ? dit-il, d'une voix très douce, alors qu'une mélodie diaphane commençait à s'élever.
- Parfaite, marmonna Kaj, qui décida d'entrer dans son jeu pour gagner du temps, ne dégainant pas son pistolet blaster passé à sa ceinture.
- L'Empire a beaucoup donné pour conserver des spectacles magnifiques. Je regrette de ne pouvoir moi-même m'y rendre plus souvent. J'aime tant écouter.
- Il y a plus à voir qu'à écouter, à vrai dire, fit Kaj, qui essayait de discerner son interlocuteur. La voix était claire, on eût dit une voix de femme, ou d'adolescent. Il voulait ardemment allumer la lumière mais avait peur que cela ne fasse éclater les hostilités.
- Je ne suis pas ici pour parler de cela, mais je rencontre si peu d'amateur que je me permets de vous en entretenir. Qu'est-ce qui fut joué, ce soir ?
- Une pièce d'Olmott Barown.
- Le « Navire Désolé » ?
- Oui, celui-là même, confirma Kaj, dont le souvenir n'était plus très clair alors même que la représentation était toute récente d'une heure ou deux toute au plus. Mais il avait surtout observé une demoiselle d'un balcon face au sien.
- Elle est très belle. Son action se situe durant la Grande Guerre de l'Hyperespace, le saviez-vous ? Il a romancé l'entrée dans notre espace des Forces Sith. Une ?uvre particulièrement intéressante, bien qu'elle ait été en partie réécrite à des fins propagandistes par l'administration impériale.
- Bon, que voulez-vous, à la fin ? » lança Kaj, qui craquait, glissant subrepticement une main à sa ceinture. Pour toute réponse, il vit une lame rouge crever l'obscurité. « Bon sang, j'aurais dû m'en douter. » Il dégaina et fit feu sans trop regarder, plongeant derrière son canapé sans attendre. Il eût raison, son tir vint percuter le cuir du meuble dans un sifflement qui lui fit mal au porte-feuille. Son seul moyen de s'en sortir était cette console sur sa table basse. « Qu'est-ce qui vous prend ? N'ai-je pas été votre meilleur soutien ? hurla-t-il, pour temporiser.
- Mes maîtres ne semblent pas voir cela de la même manière, dirai-je.
- C'est? pour l'acolyte Darryn ? C'est pour ça qu'ils veulent me tuer ? Ils pensent qu'on pourra remonter jusqu'à vous par moi ?
- On ne peut rien vous cacher, Commandant Sowpar.
- J'aimerai tellement, pourtant ! » Il s'était levé pour faire face au Sith, le regardant tout en conservant un sang froid exemplaire et, soudainement, fit feu sur le magnifique lustre de cristal correllien avec un grincement de dents pénible. Ce dernier ondula et chuta sur son agresseur, lui laissant le temps de bondir sur sa table basse et d'activer les droïdes de guerre. Des alcôves s'ouvrirent, laissant rouler les boules de métal alors que le Sith, d'une pression de sa volonté, repoussait le lustre vers la baie vitrée. « Main levée » murmura-t-il et sur ses traits diaphanes, Kaj eut presque l'impression de lire un sourire.
Il sauta dans son ascenseur tout en entendant le bruit rassurant d'un mur de lumière incandescente jaillissant sur le Sith et appuya sur le bouton pour descendre et se mettre à l'abri.
La silhouette du Sith sembla soudainement s'arracher à la gravité, s'élevant souplement jusqu'au jeu de poutres métalliques soutenant le dôme de verre qui se constellait d'impacts bouillonnant de blaster. D'un coup de sabre-laser, il se fit une sortie et s'y engouffra sans attendre, la Force l'environnant le faisant presque voler sous les vents violents qui soufflaient entre les tours. Une fois à l'abri, il murmura, avec un sourire « main basse ». Il pressa un bouton.
L'ascenseur de Kaj s'ébranla soudainement. Il comprit alors qu'il était tombé dans un piège.
Le rez-de-chaussée s'emplit alors de flammes. Tout le bâtiment trembla sous l'explosion.