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Un jour exceptionnel
Il était en train de réparer la vieille centrale de communication quand il avait appris la nouvelle. Et depuis, il ne pouvait plus tenir en place : il dansait d'un pied sur l'autre, euphorique, en poussant des cris de joie. Ces dernières années de labeur trouvaient enfin leur récompense.
Exac Libur était de permanence ce soir-là. Et comme cela arrivait souvent, son collègue de quart tardait à le rejoindre dans leur planque de la zone industrielle désaffectée de Coruscant. Il avait dû être contraint de faire un détour pour éviter de se faire prendre par une patrouille impériale. Ou annuler sa visite pour ne pas mettre en péril sa couverture. Surtout que leur réseau semblait être devenu une préoccupation principale des forces de sécurité de Coruscant depuis l'explosion d'une armurerie quelques semaines auparavant. Alors, il avait commencé le travail tout seul : les écouteurs sur les oreilles, il tentait de se caler sur les émissions des Services des Renseignements dont leur spécialiste avait craqué les codes. Mais rapidement surchargée par le flux d'informations, leur vétuste installation d'écoute avait grillé.
Serveur dans l'un des restaurants les plus côtés de la capitale, Libur était plus spécialisé dans le steak de Baleinodon que dans la maintenance et l'opération de remise en état dura un certain temps. Alors qu'il touchait au but, la station se mis à siffler et clignoter. Craignant de la voir exploser, il fit trois pas en arrière, détourna le visage et se prépara à se plonger à plat ventre. Comme rien ne vint, il se risqua à jeter un coup d'oeil et comprit qu'il s'agissait non pas d'un signal d'autodestruction, mais de réception d'un message. En l'ouvrant, il reconnut le cryptage du Haut Commandement de l'Alliance. En trois ans, c'était le première fois qu'il en voyait un et cela lui parut suspect. Cela pouvait tout aussi bien être une tentative du contre-espionnage impérial pour infiltrer leur système.
Après une longue hésitation, il se résolut à l'ouvrir. Et n'en crut pas ses oreilles. En orbite autour d'Endor, la flotte rebelle était victorieuse et l'Etoile Noire avait été détruite avec à son bord l'Empereur Palpatine. Tout du moins, c'était ce que prétendait ce document. Suspicieux, Exac remonta l'historique de la dépêche pour en estimer la provenance originelle : les relais employés pour parvenir jusqu'à Coruscant étaient effectivement ceux qu'empruntaient habituellement les transmissions rebelles. Si ce n'était pas une preuve en soi, cela ne l'infirmait pas non plus. Après une longue et fastidieuse recherche à travers les différents circuits de l'Alliance, le jeune homme arriva à l'identifiant premier, celui de l'Alliance, le vaisseau de commandement de l'Amiral Ackbar. Cela ne pouvait signifier qu'une chose : le message était authentique.
Libur s'était souvent imaginé ce qu'il ressentirait lorsque la guerre serait finie. Jusque là, il avait vu cela comme la fierté d'un travail bien fait et une joie ineffable. Mais à cet instant précis, ce fut surtout l'incrédulité qui prédomina chez lui. La nouvelle était tellement énorme, qu'il ne put se résoudre à y croire totalement. Il tourna en rond, se demandant comment cela était possible, comment cela avait bien pu arriver d'un coup. Mais son esprit se fit peu à peu à l'idée et la phrase « l'Empereur est mort » sonna de mieux en mieux à son oreille. Il se surprit à rire bêtement et à sauter partout.
Puis, peu à peu, il commença à redevenir lucide, à envisager un après. Il ne pouvait garder cela pour lui. Il fallait qu'il partage la nouvelle avec quelqu'un. Il se brancha sur le canal Holonet pour voir si des festivités étaient prévues. Mais il ne trouva rien ne sortant de l'ordinaire dans la programmation : la propagande impériale, encore et toujours. Le jeune Rebelle se dit que le message n'avait peut-être pas franchi le brouillage et qu'il était certainement le seul sur tout Coruscant à savoir la nouvelle. Il se remit à sa console et donna rendez-vous à tous ses quelques contacts, pour qu'eux-mêmes fassent suivre l'invitation. Dans le doute, il préférait qu'un autre personne vérifie la validité de l'enregistrement pour ne pas colporter une ineptie.
Il fallut beaucoup de temps avant que les membres du groupe n'arrivent jusqu'à l'abri secret. Comme dans de nombreux réseaux, chacun ne connaissait qu'un nombre limité de ses partenaires pour éviter de mettre en péril toute la filière si l'un était pris, mais cela ralentissait également considérablement la vitesse de circulation d'une information. Exac vit donc certains pour la première fois et s'étonna d'ailleurs qu'ils puissent être autant. Mais en ce jour de fête, personne ne saurait être de trop.
Il diffusa ensuite le message devant l'assemblée ainsi réunie. Et sitôt le film terminé, les cris de joie fusèrent de tous les coins de la salle. Certains vinrent lui donner une tape sur l'épaule, d'autres qu'il avait rencontrés pour la première fois quelques minutes auparavant lui tombèrent dans les bras. Il vit les plus gros durs du groupe pleurer comme des bébés et les plus taciturnes se montrer les plus démonstratifs. Tout le monde embrassa tout le monde, dans une grande liesse collective comme la galaxie n'en avait pas connu depuis des années. Même les rancunes ancestrales semblaient s'effacer devant l'événement.
Le chef de réseau se dirigea dans un coin du local et derrière un conteneur, sortit d'une caisse une dizaine de bouteilles de vin d'Alderaan, sa planète d'origine et un véritable trésor qu'il avait gardé pour cet événement particulier. Chacun trouva de quoi s'asseoir et on distribua des verres, pour trinquer à la liberté retrouvée. Sur tous les visages, rires et sourires étaient de mise. Puis vint la séquence nostalgie, où les uns après les autres, ces gens qui avaient oeuvré ensemble à la délivrance de la galaxie mais sans se connaître y allèrent de leur petite histoire : pourquoi ils avaient choisi de s'engager auprès de l'Alliance, comment s'était déroulée leur première mission. Comme bien d'autres agents rebelles, un événement tragique avait fait basculer sa vie et l'avait résolu à rejoindre la Rébellion. Dans le cas d'Exac, l'élément déclencheur avait été la mort de son frère à bord de l'Etoile Noire. Il avait alors été décidé par le sacrifice inutile de son aîné.
Le groupe porta alors un toast en hommage à tous les morts, ces héros anonymes qui avaient payé cher la réalisation de ce rêve, puis revint à l'avenir plus joyeux qui s'offrait à lui. Un Corellien sortit une bouteille de whisky, un Bothan des morceaux de nerf séché, un Bith empoigna son instrument et joua un air de Jizz. On poussa les caisses et les couples a priori les plus improbables se déhanchèrent sur la piste de danse improvisée. Les Rebelles étaient tout autant enivrés par l'alcool que par la victoire, lorsque l'un d'entre eux se leva et déclara qu'ils ne pouvaient garder cette nouvelle pour eux, que les milliards d'habitants de Coruscant devaient aussi participer à la fête.
En plein coeur de l'Empire, les différents messages envoyés par l'Alliance avaient été interceptés et la pression de la censure était un argument suffisant pour museler les médias. Mais pour des experts en mode de transmissions, détourner pour quelques minutes le réseau Holonet n'était pas insurmontable. Le commando se mit donc en mouvement vers le centre de communications principal de la planète. Depuis plusieurs mois, le groupe avait réussi à infiltrer l'un des siens sur ce site stratégique en vue d'une opération coup de poing. Ancien officier de liaison intra-flotte sur le Devastator, il n'eut aucune difficulté à dériver le système et à y implanter un logiciel pirate pour envoyer le message d'Ackbar sur le réseau galactique.
Développé sous l'Ancienne République où la notion de liberté d'expression avait encore court, l'Holonet demeurait assez perfectible malgré les efforts impériaux pour le verrouiller : ainsi, l'importante économique et militaire des informations transitant par ce biais interdisait tout mécanisme d'arrêt d'urgence en cas de piratage, car cela aurait paralysé le gel de toutes les activités galactiques. Les Impériaux assistèrent donc impuissants à la diffusion à grande échelle des propos du plus connu des amiraux de la flotte rebelle.
Dans les minutes qui suivirent la transmission, il ne se passa rien. Puis, petit à petit, les gens se regroupèrent à proximité de l'ancien bâtiment du Sénat Galactique et les différentes espèces se tombèrent dans les bras. Partout, des slogans anti-impériaux retentirent. Dans la foule, on ne savait plus si on devait rire ou pleurer. On se donna des tapes dans le dos avec indifféremment mains, nageoires, queues ou lekkus. La méfiance du voisin et la peur de la délation s'évanouirent comme par enchantement et à ce moment la liesse collective prenait le pas sur tout esprit de vengeance.
Sans même attendre l'effet de l'annonce de la mort de Palpatine sur les habitants de Coruscant, une deuxième escouade avait estimé qu'une fête sans effet pyrotechnique n'en était pas vraiment une. Ils décidèrent donc de s'attaquer à l'une des annexes du Ministère de la Propagande où était stocké le matériel traditionnellement utilisé pour les diverses festivités impériales comme les célébrations de l'avènement de l'Empire libérateur de la corruption.
Comme l'attention des Impériaux s'était reportée ailleurs, le groupe parvint aisément à pénétrer les lieux et à neutraliser les gardiens, entendu qu'il était hors de question de verser inutilement le sang en pareil jour de fête. Puis, ils montèrent au sommet du bâtiment pour tirer les feux d'artifice depuis la plate-forme supérieure, juste au-dessus de millions de citoyens ressemblés plus bas pour célébrer collectivement l'événement.
Exac, qui de sa vie n'avait jamais connu que l'Empire, avait hâte de connaître les transformations sociales que l'avenir allait lui réserver. Assis au bord de la piste d'atterrissage, les pieds dans le vide, il s'extasia devant le spectacle de ce qu'il estima être la liberté.