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Première rencontre
Jhalia étouffa un gémissement. L’élancement douloureux de son mollet engourdi annonçait la crampe. Tout doucement, elle entreprit de détendre sa jambe droite sans pour autant faire s’écrouler autour d’elle le bric-à-brac poussiéreux que contenait le petit cagibi où elle s’était enfermée. Voilà bien vingt minutes qu’elle observait par la minuscule fente de la porte mal jointe, les va-et-vient du groupe de quatre hommes à l’aspect plus que louche qui avaient investi la vieille bâtisse abandonnée. Deux d’entre eux s’étaient postés à la porte pour surveiller, les autres semblaient attendre. Tous étaient enveloppés de longues capes de voyages sombres, et l’on ne voyait pas même leur visage, dans les capuches. Des ombres… Pour des voleurs, ils étaient plutôt peu pressés… Voleuse, elle l’était aussi. Plus par nécessité que par plaisir. Mais quand on a plus le moindre crédit et qu’on a le don d’ouvrir les serrures, ou de faire bouger des objets, le choix est vite fait. Seulement, le hasard avait voulu qu’elle aussi ait jeté aujourd’hui son dévolu sur cette maisonnée à l’écart de la circulation des jours de marché du village. Un hasard qu’elle trouvait bien compromettant maintenant.
Avec mille précautions, elle déplia de nouveau sa jambe, la douleur estompée. Les choses évoluaient enfin. Un autre groupe venait d’entrer, portant une énorme caisse de métal cabossée, que trois membres posèrent au sol avec un soupir de soulagement visible. Puis l’un d’entre eux, le chef sûrement, s’avança vers l’un des quatre hommes encapuchonnés :
- Voilà la marchandise... les richesses de la planète pillée... vous avez l'argent?
Planète pillée ?! Emportée par sa nature curieuse, la toute jeune femme sourit malicieusement au petit rongeur inoffensif qui depuis quelques instants parcourait son épaule, posant un doigt sur ses lèvres comme pour lui signifier de se taire, puis se pencha un peu plus pour mieux distinguer la scène, oubliant presque le danger de sa présence au milieux de ce rendez-vous de malfrats. Concentrée sur les paroles échangées entre les deux groupes, elle ne vit pas, dans l’ombre de la grande pièce, l’une des silhouettes silencieuses froncer les sourcils, tourner infimement la tête vers le cagibi, avec un sourire. Le sombre personnage venait de sentir cette présence palpitante nichée dans le réduit, cette menace trop minime pour empêcher ses plans, mais trop inattendue pour ne pas intriguer. Deux des hommes premièrement arrivés ouvrirent sans un mot de grandes mallettes pleines de crédits, sous les regards de convoitise de l’autre groupe, et le chef, badinant de la bonne affaire, poursuivit avec un rire :
- Je me demande ce que vous voulez faire d'anciens artefacts sans valeur... mais bon cela vous regarde... l'argent me ferait oublier tous mes péchés !
Joignant la parole au geste, celui-ci empoigna l’une des deux mallettes pour l’emporter et tira à lui. Mais contrairement à la loi de la gravité commune, celle-ci resta sur la table… avec la main, tandis qu’un hurlement de douleur se faisait entendre. Jhalia sursauta sans pouvoir retenir un petit cri, les yeux agrandis d’horreur. L’une des ombres avait dégainé une vibrolame et tranché net le poignet du chef opposé, avant de s’élancer sur le reste du petit groupe de contrebandiers effarés. Au milieu de la poussière remuée par son geste trop vif lui chatouillant dangereusement le nez, elle entrevit en quelques secondes le massacre des trois comparses restants des mains expertes et implacables de ces silhouettes meurtrières, l’effarement des yeux s’opacifiant et des corps s’écroulant sans vie, sans pouvoir détacher ses yeux, dans une fascination morbide, avec la conscience floue de ne pas pouvoir retenir plus longtemps l’éternuement menaçant… Mais se faire repérer, signifiait… Jhalia inspira deux trois fois, serrant les poings désespérément. L’air trop saturé en particules s’immisça encore plus dans ses poumons… Prise de vertiges, elle éternua une première fois violemment, et dans son recul, heurta de l’épaule les caisses empilées derrière, qui tombèrent avec fracas par dessus elle, ouvrant brusquement la porte sur la pièce principale.

Red posa sur la scène un coup d’œil amusé, tandis qu’abasourdis, ses hommes tournaient la tête vers l’intruse. Un silence pesant régna soudain, au milieu du chamboulement. Dans la poussière ambiante, un rongeur s’enfuit avec un petit cri strident de protestation, et peu à peu, l’apparition se précisa. Assise par terre par le choc, muette de stupéfaction, une toute jeune femme relevait la tête dans un second éternuement presque comique, ses fines mains ramenées devant son visage, sortant avec peine d’un vieux pull déguenillé, bien trop large. En un coup d’œil, le Jedi Noir vit le frisson à fleur de peau sur l’épaule dénudée dans la débandade du pull, les cheveux auburn sous la poussière qui les recouvraient, et la pureté du visage qu’éclairaient deux grands yeux bruns pailletés d’or étrangement fascinants. Puis tout s’éteignit sous les paupières vite rabattues de la jeune femme, et Red surprit avec un étonnement toujours grandissant pour cette « enfant » les pensées chaotiques de celle-ci, qui tentait mentalement de se persuader qu’elle cauchemardait. Un sourire naquit sur ses lèvres. Dommage pour elle, ce n’était pas un rêve… Elle n’était pas bien dangereuse, il est vrai. Mais elle restait un témoin gênant que le calculateur qu’il était ne pouvait se permettre de laisser en vie. Il fit signe à ses hommes, qui tournèrent leurs armes vers la jeune femme.
Visiblement, celle-ci non plus ne semblait pas avoir réussi à se convaincre de l’évanescence de la scène, peut-être en se rappelant qu’elle n’avait jamais eu envie d’éternuer dans ses rêves, puisqu’avec la vivacité surprenante d’un chat sauvage, elle se dégagea souplement soudain des caisses et bondit vers la fenêtre la plus proche pour fuir. S’en suivit une courte mêlée. Le premier des hommes de Red, surpris, la manqua de peu, l’autre réussit à lui saisir la cheville, mais Jhalia, avec l’énergie du désespoir, arracha un morceau de bois de la fenêtre vermoulue qu’elle avait atteinte, et le rabattit dans sa chute vers le visage de l’homme qui la tenait. Celui-ci poussa un hurlement et recula en la lâchant pour plaquer ses mains sur son visage, l’un des yeux déchiqueté d’échardes de bois. Le souffle court, de ses mains aux attaches fines, Jhalia tenta d’ouvrir la dite fenêtre, mais elle n’eut que le temps de constater que les gonds étaient coincés avant de voir l’autre ombre s’approcher, menaçante, une vibrolame à la main. La jeune femme se retourna pour lui faire face. C’est fini… pensa-t-elle. Elle recula, consciente que cela ne retarderait son arrêt de mort que de quelque secondes, mais soutenant du regard le rire mauvais de l’autre, dans une volonté farouche de ne pas plier sous la menace. Ses yeux expressifs tombèrent sur l’unique meuble de la pièce encore debout, la table centrale sur laquelle s’était fait l’échange, dont le pied en métal ouvragé et très lourd soutenait le large plateau de bois et les mallettes. Alors comme une petite voix, une idée naquit en elle, et pour la première fois depuis son apparition, un sourire mutin éclaira son visage. Red, toujours immobile pour ne pas être aperçu, haussa un sourcil en distinguant l’air félin qui se dégageait de la jeune femme à cet instant. Il lui sembla voir face à l’homme une panthère acculée, sortant les griffes, sous l’apparence fragile de la jeune personne. L’assaillant, qui constata en même temps ce changement d’attitude, commit l’erreur de ne pas le prendre au sérieux et l’attribua à la folie due à la peur. Et pourtant… non, il y avait bien plus que cela… cette jeune femme ressentait de la peur, cela, Red en était certain, mais l’intérêt grandissait chez lui avec la fulgurance d’une révélation. Les regards qu’elle jetait autour d’elle se démarquaient par une grande précision. Elle ne laissait pas la panique l’envahir. Mieux, il paraissait que son esprit était aiguillonné de cela. Au moment où il la vit sourire, il eut l’intuition flamboyante de la nature de ce qui l’intriguait en elle. La table soudain s’ébranla, se souleva derrière l’homme, et vient s’abattre avec violence au coin de la nuque de celui-ci, qui tomba au sol sans même comprendre ce qui lui ôtait la vie par l’énorme choc.
Au même instant où le corps touchait le sol, Jhalia vacilla, et la table s’écrasa à terre, brisant les dalles sous son poids et l’élan. Un instant, le Jedi Noir fut tenté de se dévoiler à son regard, mais quelque chose d’indéfini le retint. Cette espèce de furie l’avait surpris par une agilité sans pareille, rapide, et la souplesse de ses mouvements retenait déjà son regard. Mais autre chose l’étonna. Dans le tourbillon de sentiments qui envahissait la pièce, il ne sentit pas l’horreur qu’il s’apprêtait à découvrir en elle à la suite de ce geste désespéré. La nausée qu’il sentait était due à la fatigue. Cette enfant maniait la Force, sans le savoir même sûrement, et ce qu’elle venait de faire, vu le poids et sa propre fragilité, dévoilait à ses yeux avertis d’une puissance latente plus qu’impressionnante, bien que non maîtrisée. Elle devenait du même coup intéressante. Lorsque son serviteur, l’œil déchiqueté, se redressa et pointa son blaster sur elle en murmurant une injure, il sentit comme un léger regret qui le troubla lui-même. Aussi fut-il soulagé lorsqu’il vit le tir la frôler sans la blesser. Le chef des contrebandiers, poussé par le remords au moment de mourir, mit ses dernières forces à attraper le bras armé de l’assaillant, en enjoignant à la jeune femme de fuir, ce qu’elle fit sans attendre. Jhalia brisa d’un coup de pied les carreaux et les jointures vermoulues, les deux bras devant le visage, et sauta pour atterrir, heureusement au rez-de-chaussée, en se rétablissant souplement d’un coup de rein, avant de se mettre à courir. Lorsque le soldat, enfin débarrassé du gêneur, voulut la poursuivre, ce fut Red lui-même qui l’arrêta d’un ordre, avant de murmurer :
- C’est inutile… il est trop tard…
L’autre le regarda avec étonnement. Pour des hommes exercés dans la Force, il eut été tout à fait possible de rattraper la jeune femme, même si cette petite peste faisait montre d’une agilité hors norme. Sans même prendre la peine d’expliquer son ordre, Red suivit en silence des yeux la silhouette féminine qui s’éloignait jusqu'à ce qu’elle disparaisse à un tournant. Une jeune créature décidément pleine de ressources… Cours, cours petite gazelle... tu as mérité ta survie ce soir... mais je te retrouverai, songea-t-il. Un sourire naquit de nouveau sur ses lèvres, cette fois-ci d’une ironie fine envers lui-même. Plus facile à dire qu’à faire. Il ne savait rien d’elle, ni son nom ni le lieu où elle habitait. Avisant parmi les débris de vitre un fin bandeau de voile qui retenait les cheveux de la jeune femme, il le ramassa et le porta à ses lèvres d’un air songeur. Se lancer à la recherche de cette petite furie allait nécessiter des moyens. Cela, Red ne s’en souciait que peu, il disposait d’hommes de main en grand nombre, et la planète n’était pas de taille à l’effrayer. Mais une autre pensée assombrit son front. « Il » voudrait voir la perle qui avait réussi à attirer l’intérêt de son apprenti… et cela… serrant le poing sur le tissu inconsciemment, Red réalisa qu’étrangement, il ne voulait cela à aucun prix. Et pourtant… pourquoi vouloir garder secrète l’existence de cette « prise », pour la première fois ?
Son homme de main le ramena à la réalité en lui signalant l’approche des autorités locales alertées par les coups de blasters et les cris. Posant son regard sur le champ de bataille, il fit un instant une grimace de mépris, en songeant que son maître ne serait pas content du peu de discrétion dont lui et ses hommes avaient fait preuve à cause de ce « contretemps », et voudrait des explications. Encore des ennuis en perspective…
- Oui…
Se retournant, il attrapa l’homme à la gorge et le souleva de terre en continuant :
- Oui, je vais partir… mais toi tu vas rester… pour ton échec !
Sous le regard effaré de l’homme étouffant, il murmura plus pour lui-même :
- Et puis… elle te reconnaitrait et cela, je ne le veux pas… mais tu m’as bien servi.
Le Jedi Noir enfonça lentement grâce à la Force les échardes plantées dans l’œil de sa victime, se délectant des cris de douleur. Une idée germait dans son esprit au fur et à mesure que sa pensée se penchait sur les événements trop rapides. Oui, maintenant il savait ce qu’il désirait faire d’elle. Mais ça n’irait pas sans quelques précautions, car le manipulateur qu’il était sentait en elle un caractère entier, frémissant qu’il serait intéressant de dompter. Après… qui sait ? Si elle se soumettait, peut-être serait-il rafraîchissant d’en faire une aide, de la mettre au rang de ses hommes de main… Red repoussa dans son inconscient la sensation vague de se mentir à soi-même. Il avait besoin de quelque chose de neuf pour se distraire de cette besogne laborieuse et ennuyeuse que lui avait donné son maître, comme mission. Elle l’amuserait, puis quand le jouet serait cassé, il s’en chercherait un autre.
Le corps de l’homme cessa de s’agiter. Les échardes avaient atteint le cerveau. Red le laissa retomber sans vie à terre tandis que, tournant les talons, il quittait les lieux avant que les autorités n'arrivent, laissant les artefacts et l'argent mais tenant toujours contre son visage le bandeau. Prometteuse... vraiment prometteuse…
Manipulation première
Heureusement que ce caillou est si paumé... « Il » a finalement été bien inspiré de m'envoyer ici....
La planète, située hors de toutes voies principales de commerce, ne comportait en effet que quelques milliers d'âmes au total, faune et flore comprise... Et l’intérêt que portaient les mondes du noyau à cet asile oublié de la Bordure Extérieure était proportionnel au profit retiré, c’est à dire avoisinant le zéro absolu. Mais la raison pour laquelle son maître l’avait envoyé ici était autre, Red le savait bien. Un groupe d’étudiants en archéologie avait par un hasard extraordinaire localisé toute une salle remplie d’artefacts anciens, dont ils n’avaient heureusement pas mesuré l’importance. Son maître si. Red avait été envoyé pour s’en occuper. Mais l’ordre express était de n’intervenir qu’une fois l’extraction terminée, et les derniers mois avaient été une longue attente, dans l’ombre de ces fouilles, à veiller… Red avait rongé son frein sur cette planète d’un ennui sans borne, rageant contre la pluie qui freinait les étudiants, contre les éboulements qui retardaient parfois de plusieurs semaines l’accès au reste de la salle, bouillant d’actions plus rapides, mais mettant tout de même habilement ce temps « mort » à profit pour se constituer un réseaux d’information et quelques contacts qui pourraient toujours lui être utile. Et voilà que maintenant, devant les yeux de cette petite sauvage, il se demandait s’il n’avait pas, lui, trouvé les raisons plus profondes de la Force à le maintenir là aussi longtemps.
Restait à ne pas laisser passer cette opportunité. Le nombre de villes étant aussi très limité, la jeune femme ne pouvait pas être très éloignée de l'endroit où Red l'avait croisée. Quelques crédits et des paroles rassurantes sur le « bien » qu’il voulait à la jeune femme et à sa famille avaient convaincu un marchand de « dénoncer » à son insu l'habitat précaire des pauvres parents malades, confirmant ainsi son hypothèse... Mais personne n’en sut rien : bizarrement, le marchand n'était plus le lendemain en mesure de se souvenir de Red, un poignard lui ayant ôté tout espoir de réflexion. Sur le comptoir, quelques pierres remplaçaient les crédits que celui-ci avait cru recevoir. Décidément les « sans-Force » sont bien crédules...

Un plan avait ensuite germé dans la tête du Jedi Noir. Bien sûr les pauvres parents malades ne pouvaient pas se déplacer.... C'était donc la jeune voleuse qui les nourrissait en volant ou achetant grâce aux vols de quoi survivre. Il suffirait donc d’attendre qu’elle s’éloigne… ce qui ne fut pas long. En fin de matinée, la jeune femme sortit de la masure, aussitôt discrètement suivie à la trace par quelques hommes du Jedi Noir. Red ne pensait pas qu'ils puissent l'attraper. Son travail sur cette planète reculée ne nécessitait pas la contribution d'hommes d'élite, et il fallait bien avouer que si elle était bien ce qu'il sentait, ils ne pourraient la retenir longtemps, mais c'était tout ce qu'escomptait le jedi sombre.

Devant la porte de la bâtisse, Red n'hésita pas à frapper et à ouvrir la porte, deux de ses hommes derrière lui :
- Jhalia ? Dit alors la mère se redressant un peu pour voir l'ombre en contre jour sur la porte. Tu reviens bien tôt...
Le Jedi Noir se retint de sourire, s’excusant platement de cette entrée peu conventionnelle. Il venait d’apprendre le nom de sa cible. Le père arrivant à ce moment-là se demanda si ce n'était pas encore une personne que leur fille aurait volé. Ils savaient tous deux qu’étant à leur chevet presque toute la journée, elle ne pouvait tirer leur subsistance de moyens tout à fait orthodoxes, mais la douceur avec laquelle elle les faisait taire lorsqu’ils tentaient de la dissuader les faisaient fermer les yeux. N’avaient-ils pas après le droit de vivre au moins dans la dignité, comme tout le monde, même si pour cela ils devaient reprendre le strict minimum au surplus des riches ? Mais Red dissipa le malentendu, se présentant comme un agent artistique intéressé par Jhalia. Jhalia… Le nom sonnait à ses oreilles comme du velours.
- J'ai .... repéré votre fille pendant que je recherchais de nouveaux talents, elle pourrait devenir la nouvelle Wynssa Starflare.
-Quoi ? Vous êtes sérieux ? …
La mère esquissa une grimace de réprobation.
Cela voudrait dire qu'elle devrait partir... dirent les parents incrédules. Vous pouvez oublier cela, jamais nous n'abandonnerions notre fille aux mains d'un inconnu pour une gloire hypothétique.
Au dela des mots, Red cerna une toute autre inquiétude, qui ne tarda pas à se préciser :
- Et qui nous dit que vous n'êtes pas un proxénète ?
Le Jedi sombre tendit alors son faux CV aux deux parents,
- Cela vous prouvera mes dires et... si c'est ma tête qui vous effraye, je suis désolé mais je préfère garder ma capuche, je faisais dans les animaux exotiques avant et un nexu m'a malheureusement défiguré.

Le Jedi sombre s’étonna lui-même de cette excuse qui lui était venue sur l’instant. Tandis que les parents prenaient le temps de déchiffrer le cv, Red s’abandonna à tenter de comprendre les sentiments partagés qui l’assaillaient. Avoir pu sans sourciller donner cette excuse pour son visage, lui qui, d’habitude, tenait ce sujet pour tabou, le rendait perplexe. La colère latente envers l’auteur de ces marques, qui bouillonnait toujours au fond de lui, se trouvait presque étouffée un court instant par la découverte de ce qu’il était capable de rabattre de ses propres prétentions pour la capturer. Tout cela l’amusait énormément. Pour un guerrier entraîné à ne pas discuter, faire dans la négociation pour tenter d’obtenir la jeune femme avait un parfum d’inédit qui ajoutait à l’intérêt qu’il lui portait… D’autant plus qu’il savait l’issue irrémédiablement penchée en sa faveur.
Après avoir étudié le CV les deux parents, plus détendus, réfléchirent, mais ce fut Yliane, la mère de Jhalia, qui rompit le silence pesant qui s'installait...
- Comme tout parents nous rêvons d'une vie meilleure pour notre Jhalia... Mais n'y a-t-il pas moyen qu'elle soit formée ici même ?
- Hélas, je crains que non, cela limiterait toute perspective de célébrité. Ce monde est trop..... reculé... sans offense bien sûr.
Un court instant de flottement retint la réponse au bord des lèvres des parents, qui se regardèrent avant de refuser de nouveau l’offre :
- Alors la réponse est non. Merci de la visite mais Jhalia reste avec nous.
Tentons le gain…
Un des hommes de Red s'avança alors sur un signe de la main du jedi sombre, ouvrant et tenant devant le père une mallette remplie de crédits.
- Même si cela vous permettrait de vous soigner et d’évoluer longtemps et dans l'opulence pour le reste de votre vie ? »
Devant le visage horrifié du père, Red comprit son erreur tactique : les parents de la jeune fille n'étaient pas cupides... Ils préféraient être pauvres en famille que riches mais séparés.
- Vous voulez nous ACHETER Jhalia!! Mais pour qui nous prenez-vous? Reprenez votre argent et repartez d'où vous venez !!
Le père jeta alors la mallette d'argent à la tête de Red, loupant ce dernier et ses réflexes améliorés par la Force, en hurlant « Jhalia n'est pas un objet à vendre ! »

Un éclair de colère illumina le regard du Jedi Noir. La patience dont il avait fait preuve arrivait à son terme. Puisque ceux-ci ne voulaient pas de sa déjà trop large complaisance, il réglerait l’affaire selon ses propres méthodes. Peut-être aurait-il même dû commencer par là, au lieu de céder à un vague sentiment de galanterie envers sa future proie. Faisant léviter la mallette, qui resta dans les airs sous les yeux ébahis des deux parents, il ordonna à ses hommes de s'occuper des deux occupants butés.
- Vous auriez du accepter la première solution, pour votre bien....
je ne comprendrai jamais ceux qui font passer la famille avant tout...
Red recula dans les ombres pendant que ses hommes s'avancaient dans la maison, armes aux poings.

Jhalia sentait son malaise s'accentuer. Se frottant les mains, elle venait d'assommer celui qui la suivait après l’avoir habilement entraîné dans une ruelle peu fréquentée pour éviter les regards indiscrets. Beaucoup des gens qui savaient les difficultés de leur famille se montraient compréhensifs quant à ses activités, mais s’ils venaient à la découvrir plus habile qu’une simple petite voleuse à l’étalage, la délation ne tarderait pas à l’empêcher de subvenir aux besoins de plus en plus pressants de ses parents affaiblis. Mieux valait se faire discrète. Jhalia poussa du pied l’homme évanoui, avec une moue de réflexion. Qui étaient ces hommes ? Jusque-là , la milice se contentait de faire des rafles, en pleine rue ou dans les maisons insalubres, et ne poussait pas le « jeu » jusqu'à filer ses victimes. Quel but poursuivait-elle ? Pourquoi déployer tant de moyens pour une simple chapardeuse sans grande ambition ? Etait-ce une manœuvre pour l’isoler ? Jhalia redressa la tête. Se pouvait-il que… Poussée par la Force, ou par elle ce qu'elle qualifiait d'instinct, Jhalia retournait rapidement dans la rue principale, quand deux hommes armés la prirent en chasse, accentuant ses soupçons. Rapidement, son regard se porta vers le bout de la rue. Un bref éclair apparaissait juste à ce moment-là, derrière des maisons, synonyme implacable d'un premier coup de feu tiré. Jhalia se mit à courir vers chez elle, son cœur battant la chamade. Slalomant entre les étalages du marché, la jeune femme donna dans sa course un coup de pieds dans un tréteaux de stand, et entendit le mélange coloré des jurons et du bruit de l’étalage s’écroulant. Sans se retourner, elle perçut le court répit que les deux hommes la poursuivant lui fournirent, se débattent au milieu des fruits et des bâtons brandis par les marchants mécontents… La jeune femme accélérant arriva à portée de voix de sa maison....

- Nous ne sommes pas des animaux, vous n'avez aucun droit sur nous.
- A voir votre regard, vous en êtes, espèce de non-humains, répondit à la mère une voix grave, suivie bientôt d'un coup de blaster... Le cri de Jhalia domina le bruit du coup de feu. Haletante de sa course, elle vit, horrifiée, le trou qui remplaçait l'un des yeux de sa mère. Ceux de la jeune femme parcoururent en un éclair le reste de la scène : son père, crachant du sang et un genou à terre, la jambe trouée par un tir ; deux hommes, l'un, le blaster fumant encore, en train de viser le cadavre de la mère, et l'autre, le canon posé sur la tempe du vieil homme… La folie enveloppa soudain l’esprit choqué de la jeune femme. Il lui sembla qu’un voile de sang s’était abattu sur sa vision. D'un bond , elle se jeta sur l’homme le plus proche et porta comme elle put ses mains au cou de l'assassin de cette mère à la santé fragile, mais si aimante, et qui gisait sur son lit inanimée à jamais...et serra. Aveuglée de haine, Jhalia ne pensait plus. Elle agissait, elle ôtait dans sa rage la vie de l'homme qu'elle étranglait, lui enfonçant ses ongles dans la gorge, sans saisir la portée de ses actes, sans voir non plus ce qui se passait derrière elle, et l’autre homme, d'abord dépassé par cette furie soudaine, pointer vers elle son blaster, avant de se rétracter, retenu par un ordre mental. Pourtant, quelque chose l’arrache à sa première action de haine irréfléchie : la main retenue de l’homme change de direction , le doigt appuie sur la gachette.... Le père de jhalia soudain s'écroule sans autre bruit que le coup de tonnerre qui lui ôte la vie au moment même où les yeux du premier assassin se voilent.

La furie de la jeune femme se stoppa comme elle avait commencée sous les yeux de Red, D’un geste tâtonnant, Jhalia ramassa dans ses bras le cadavre de son père, et le serra contre elle, secouée de larmes. Sur ses joues, le sang de ses parents se délayait, lavé par les larmes qui ne tarrissaient plus. Tout près de là, le Jedi Noir esquissa un sourire satisfait. Tu souffres, petite sauvageonne, mais je te ferai oublier cela… D’une pensée, il avait occulté sa présence dans l’esprit de la jeune femme, pour pouvoir, des ombres, l’observer tout à son aise. Cette nouvelle façade de la jeune sauvage l’intriguait, et lui faisait présager de son devenir. Du potentiel à l'état brut.... mais il faut qu'elle canalise cela encore.... Il reposa son regard sur la jeune femme, qui avait redressé la tête et fixait à présent avec des yeux assassins le responsable du tir. Celui-ci, sûr de lui, pointait de nouveau son blaster vers la tête de la jeune femme en ricanant.
Ne t'inquiète pas, tu va rejoindre tes chats de parents.
Ca je ne le permettrai pas.
Les yeux de Jhalia s’agrandirent au fur et à mesure que le doigt de l'homme s'approchait de la gâchette… Bien sûr, les hommes de Red n’étaient pas au courant des plans qu’il gardait pour Jhalia... sinon la scène n'aurait pas pu etre naturelle...Un bourdonnement jaillit de l’ombre. La main de l'homme, toujours tendue vers Jhalia, devint lâche, le blaster tourna sur le doigt de l'homme. Ce dernier murmura vaguement un « pourquoi? » avant que la lame rouge qui le traversait se rétracte... et que le corps tombant révèle la silhouette encapuchonnée du Jedi Noir à Jhalia.
Le silence reprit un instant ses droits. La jeune femme, tremblant violemment de haine, avait saisi le blaster du premier homme tombé, et le levait maladroitement vers Red, les dents serrées.
- Je ne suis pas ton ennemi.
La phrase de Red se perdit dans le vide. Jhalia, ivre de rage, le considérant, avec raison, comme un des assassins, appuya sur la détente en fermant les yeux. Le coup partit, mais ricocha sur la droite de Red. Il lui sembla alors que l’arme lui était arrachée des mains. Elle rouvrit les yeux et la vit s’envoler dans les airs pour atterrir dans les mains du Jedi sombre.
Il a le même don que moi !
S'approchant alors de Jhalia, celui-ci parla d’une voix empreinte de Force, d’une douceur qui contrastait fortement avec les paroles.
- Ne t'inquiète pas.... tu va pouvoir étancher ta rage avec moi.... deux hommes arrivent ici pour finir le travail.... je peux t'aider à les éliminer... laisse moi t'aider à te venger....
Jhalia releva la tête vers la porte comme les deux hommes du marché entraient dans la masure.
Parfaite synchronisation, pensa Red dans un demi sourire.
Jhalia se redressa à demi. Les rayons du jour finissant vinrent frapper son visage, ranimant dans ses prunelles les paillettes d’or qui brillèrent d’un éclat dangereux, au milieu des traces de sang. Ces hommes aussi… étaient en partie responsable du meurtre de ses parents. Ils violaient par leur présence même les mânes de ces corps qu’elle aurait voulu arracher au néant. Serrant les poings, elle articula comme avec difficulté :
- Co... Comment?
Souriant, Red tendit la main, empêchant les deux hommes de repartir, un mur invisible leur bloquant la sortie. Tout se déroulait à merveille. Il « sentait » sa haine comme une flamme dévorante qui ne demandait qu’à trouver un chemin pour s’exprimer.
- Tu es ta meilleure arme... ta volonté peut les punir, sans devoir les toucher...
Jhalia regarda un instant le bras de Red se lever et, avec mimétisme, tendit lentement le sien, les pupilles dilatées, fixées étrangement immobiles sur les deux hommes. Elle les haïssait d'une telle force qu'elle aurait voulu les voir mourir … de cette chaleur qui lui déchirait les entrailles... si fort... encore plus fort... une douleur intolérable pour les faire hurler... les voir se tordre de douleur. Et elle savait comment faire ! Toute une science instinctive puisée du fond de sa colère lui murmurait dans un langage qu’elle ne comprenait pas, mais qui imprimait en elle la sensation évanescente d’une nécessité, celle de libérer sa rage… a moins que ce ne soit lui qui… ? Son souffle s’accéléra peu à peu, tandis que, renversant juste assez la tête en arrière pour regarder avec des paupières à demie baissées l'un des hommes devenir cramoisi, Jhalia s’abandonnait au vertige qui obscurcissait ses pensées. L’homme hurla, cherchant vainement a extirper de lui cette fournaise qui le submergeait, puis tomba à genoux. Red, silencieux, couvait du regard sa nouvelle protégée, un sentiment de malaise dont il ne définissait pas l’origine mélangé à son admiration. Elle « utilisait » sa rage pour accélérer les molécules, faisant bouillir le sang et la chair de son serviteur, de manière instinctive et brouillonne, certes, mais avec une remarquable violence. Rien en elle n’était canalisé, et ce potentiel sans frein, gaspillé comme dans une gerbe nourrie de souffrance, laissait apercevoir le joyaux à l’état brut qu’il avait peu à peu l’envie de dégrossir, de ciseler, avec la curiosité de voir jusqu’Où elle pourrait aller, sous son égide. Son regard se fit moins dur, descendit le long des formes entraperçues de la jeune femme dressée. Elle, sans sentir ce regard lourd de possession, si douce d'apparence, se mit à rire fébrilement des cris de l'homme devant un Red aux anges.
Je ne me suis donc pas trompé.
Puis tout s’arrêta. Le buste de l’homme pencha, puis toucha le sol, calciné, pendant que l'autre, paniqué, cognait vainement contre le mur invisible qui l'empêchait de fuir, implorant, ne comprenant pas pourquoi son maître la poussait à les tuer... eux qui n’avaient fait qu'obéir à ses ordres...
Les membres raidis par l’épuisement, Jhalia dirigea son regard assassin sur le pauvre hère. Oui, lui aussi t’a privé de ta famille… Red posa ses mains sur les épaules de Jhalia :
- Puise en ma puissance, consume ta vengeance.
Celle-ci ferma un instant les yeux, sous la déferlante qu’elle sentit soudain éclater en elle. Une source qui lui semblait illimitée, une nappe noire l'envahit pour souffler sur sa raison vacillante l’horreur des meurtres de ses parents. Son besoin d'être toujours plus puissante, de se venger, par la mort, les cris, la souffrance, abaissa toutes les barrières que pouvait encore dresser son esprit. Elle accueillit l’ombre qu’il glissait en elle. Rouvrant les yeux et serrant lentement la main qu'elle avait laissée ouverte, elle pénétra de ses yeux de félin haineux l'esprit de l'homme, et, grisée par la source de pouvoir, se laissa aller à déchirer dans son imagination l'homme qu'elle tenait sous son regard. Ce dernier sentit ses membres commencer à s'écarter, ses os craquer… une terreur folle s’empara de lui, lorsqu’il comprit que rien ne pourrait dévier la mort qui l’assaillait. Son maître voulait. Et il allait mourir pour son plaisir. Il hurla alors sous la douleur. Une lueur de plaisir vint éclairer les yeux flous de la jeune femme…puis elle sembla en être lassée, et, criant toute sa haine dans une dernière volonté de mort, rompit littéralement les cordes vocales de l'homme... avant de l'éparpiller au sens propre dans la pièce façon puzzle…

Un coup de rein surprit le Jedi Noir dans son contentement. Jhalia s’écarta de lui, épuisée, mais avec la déchirure sourde d’un besoin toujours renouvelé de vengeance à consommer. Lui aussi, devait mourir, lui présent et témoin de cette scène, responsable de la mort de ses parents, peut-être… Elle ne savait pas, elle s'en moquait . Elle ne voulait que la Mort de tout et tous. Son bras, frémissant, se tendit vers lui comme elle l’avait tendu vers ses deux autres victimes. Red ne put retenir un léger sourire. Oui, petite fille.. tu as goûté au Côté Obscur, à la vengeance, et te voilà devenue son esclave, l’instrument de sa soif toujours insatiable de destruction… mais ce n’est pas le destin que j’entrevois pour toi…J’ai plié la vengeance à ma volonté, J’entends que tu apprennes à faire de même.
Jhalia tremblait. Sa volonté tendue vers lui voulait le voir étouffer sous ses « bons » conseils... mais rien n'y faisait, il restait là, debout et intact, et pire... souriant, fier de ce qu'elle avait fait... de ce massacre...
- Très... bien... tu es... très puissante...
Et très jolie... meurtrière, sauvage et séduisante.... décidément.. cette fille me plaît
Je comprend que la Force m'ait appelé pour te rencontrer. Mais...
Balayant l'air de la main, Red fit sans peine s'écarter par la Force le bras de Jhalia, qui épuisée, ne put résister et le regarda, hébétée, avant de sentir ses pieds quitter le sol et sa gorge se serrer.
- Je te prierai de te calmer... Je pourrais te tuer comme j'aurais pu le faire dès le début... vois ce qui est... Je ne suis pas ton ennemi. Eux, tu les as tous tués.
Se mettant à marcher tranquillement vers elle, tenant toujours sa proie dans les airs par la Force.
- Je peux te proposer un marché... te permettre de vivre et de tuer d'autres assassins du même type....
Jhalia cessa doucement de se débattre et Red la laissa alors reprendre sa respiration, la déposant délicatement au sol, libérée de l'étreinte télékinétique... puis s'accroupissant à coté d'elle, il attendit qu'elle-même parle.
- Qui êtes vous ?
- Je suis quelqu'un qui ne veux que ton bien, je m'appelle Red Hengarn.
Hengarn… personne dans le coin ne s’appelait comme ca…Les paupières de plus en plus lourdes et l'esprit embrumé, Jhalia vacilla un peu en répétant le prénom "red" comme avec étonnement. Son corps non habitué à puiser ainsi dans la Force demandant du repos, elle luttait contre l'anéantissement qui l'envahissait. Un instant encore, elle chercha a savoir à qui pouvait bien appartenir la voix douce qui lui murmurait :
- Repose-toi.... Il ne peut rien t'arriver avant que tu aies récupéré... Je suis là.
Elle tenta de dire non, de ne pas l'écouter, son instinct la mettant en garde contre un tel homme... et... contre cette ombre qui laissait encore en elle un voile sur ce qu'il lui avait fait faire... Elle murmura en le repoussant :
- N...Ne m'approchez... pas !
Mais ses dernières défenses se brisèrent sous le poids qui l'accablait, et elle se pencha, en lâchant la pierre qu'elle avait saisit. Ployant soudain le buste en arrière, cédant à l'évanouissement, et laissant deviner par les attaches souples de ses poignets et sa poitrine tendant le tissus un corps agile et tout en finesse, elle perdit connaissance. Red sourit et saisit Jhalia, avant de quitter la maison, laissant les autorités locales découvrir le carnage sans explication plus tard. Mes plans marchent comme prévus. Avec un rire ironique, il se surprit à devenir plus délicat dans un lieu où 6 cadavres, dont un bouilli et un éparse, se trouvaient.
déménagement ... et ménagement
Le silence le plus total régnait dans la partie « résidentielle » de la base, où dormait d’habitude Red. Debout devant la porte des quartiers privés du Jedi Noir, un garde en faction s’inclina, à la vue de son maître, et attendit, un genou à terre, regard baissé. Red le congédia d’un mot bref, sans même prendre des nouvelles de ce qu’avait pu être la journée. Le sang coagulé au poignet de l’homme, ainsi que l’éraflure au mur le renseignaient déjà suffisamment. Au reste, le « petit personnel » n’avait aucunement besoin de discerner en lui plus de curiosité que nécessaire. Il y avait déjà assez de commérages dans ses rangs sur sa brusque toquade. Le bruit se répandait que le maître abritait dans ses propres appartements une jeune fleur sauvage du pays, qu’il gardait jalousement de la concupiscence de tous. La rumeur qu’il discernait, faute de preuve, s’amplifiait des plus invraisemblables suppositions, en faisait une prise stratégique, une princesse qu’il prenait plaisir à bafouer, avant de l’immoler… Un léger rire lui échappa. Red jouait avec le feu pour la première fois et le savait. Peu lui importait que ses gens fabulent sur l’origine de Jhalia. A supposer qu’ils finissent par cerner la vérité, ils oublieraient bien assez tôt son appartenance. Non, autre chose le préoccupait, et donnait en même temps à cette aventure un piment qu’il ne négligeait pas : si cette affaire prenait trop d’ampleur, et que son propre maître venait à visiter ses troupes... il la trouverait. Sans en analyser la raison, le Jedi Noir savait qu’il ne le tolérerait pas…

Red tapa le code sur la console d’accès, laissa la porte coulisser doucement, entra dans la pièce recouverte de pénombre… L’air siffla. Comme si éviter des objets volants non identifiés faisait partie de son quotidien, il se pencha pour laisser passer la chaise jetée à toute volée contre lui, puis l’arrêta par télékinésie d’un geste de la main avant qu’elle ne se fracasse contre le mur le plus proche, et la reposa délicatement au sol.
- Je vois que je ne me suis pas trompé sur tes capacités… Ceci dit, je te prierais de prendre soin de mon mobilier Naga Sadow, ajouta-t-il avec une pointe d’humour.

Le Jedi Noir posa les yeux sur l’endroit d’où était partie l’attaque. Immobile, debout au fond de la pièce, Jhalia fixait la silhouette encapuchonnée de ses yeux vifs plus brillants qu'à la normale, où se discernait déjà la férocité d'un prédateur acculé. Deux jours s’étaient écoulés depuis la réussite de la première partie du plan du guerrier. La jeune femme avait été ramenée dans ses propres quartiers, lavée, soignée, habillée. Mais dès qu’elle avait repris connaissance, celle-ci, perdue, s’était instinctivement retranchée derrière une agressivité muette et indéfinie. Le trouble et la haine qui l’avaient envahie comme une onde ardente lors de la vision du meurtre de ses parents brouillaient toujours ses pensées, la rendait à l’instinct fauve qui coulait dans ses veines, et se décelait dans le jeu de ses hanches. Prisonnière, elle avait fait des quartiers du Jedi Noir une forteresse à l’intérieur de laquelle elle se barricadait, repoussant, grâce à son don, toute personne entrant, envoyant valser hommes et mobilier à chaque fois que quelqu’un pénétrait la pièce où on l’avait déposée.
Red, amusé, avait d’abord laissé à sa jeune captive le temps de se lasser, et malgré l’impatience qui le rongeait, ne s’était résolu à venir la voir qu’au bout de quelques jours, pour arriver après les premiers orages et mieux imprimer sa marque sur cet esprit qu’il se faisait un régal de dompter. Mais sa résistance à la fatigue était extrême, et même après plusieurs nuits sans sommeil, la jeune femme faisait encore montre d’une combativité qui augmentait le prix que Red donnait à cette « enfant ». Le Jedi Noir parcourut du regard la pièce et constata en secouant la tête que le plateau repas apporté au grand péril du domestique n’avait même pas été touché. Attirant un légume froid par télékinésie, il se força à l’avaler.
Penser a renvoyer le cuisinier…
- Je t’assure pourtant que ce n’est pas empoisonné…
Un vague mouvement attira son attention.
- Et ne songe pas à m’envoyer ce vase Naad à la tete.
Tout d’abord, la forcer a baisser sa garde.
Reposant son regard sur le vieux pull déguenillé que portait de nouveau Jhalia, il retint un soupir:

- Pourquoi as-tu remis ce vieux chandail ? Pourtant j’ai… appris que ma servante t'avait lavé le sang et la terre séchée … Tu as des vêtements neufs posés tout proche. Pourquoi ne les veux-tu pas?

Devant l’immobilité sauvage de Jhalia, Red sentit un instant son assurance basculer. Elle non plus n’était pas vénale. Elle ne l’aurait de toute façon pas intéressé si elle n’avait été qu’une poupée futile… Le guerrier retint un rire.
Non, c’est moi qui veut la voir parée…

- Jhalia… tu ne dois pas avoir peur de moi…

Le Jedi Noir, qui tentait jusque-là de capter son regard, sourit. Au mot « peur », elle avait redressé fièrement la tête, et le fixait, les pommettes légèrement rosées, les yeux surtout, ces yeux pailletés qui la première fois l’avaient captivé, brillants d’un éclat ravivé. Des murmurent revenaient à l’esprit de celle-ci, dans le chaos de ses pensées tachées de sang… sa silhouette apparue dans un contre jour finissant… la sensation d’une pesanteur sur ses épaules quand elle avait…quand… Avec un gémissement , Jhalia porta les mains à sa tête comme pour en extirper les souvenirs qui s’y bousculaient. Le goût âcre du besoin de vengeance, qu’elle avait ressenti face à l’horreur des cadavres de ses parents mutilés s’imposait de nouveau à elle, martelant à ses tempes, impérieux…
Elle est terrassée de fièvre… le contre coup a été rude… tant mieux, cela n’en brise que plus sa volonté déjà trop forte.

- Pour… pourquoi ?

Il n’était pas difficile de saisir le sens de sa question. Le Jedi Noir marqua une pause, puis fit mine de ne pas être sûr de ce qu’elle lui demandait :
- Pourquoi tes parents ont-ils été tués ?
La jeune femme se contenta de hocher la tête, une lueur de folie dans les yeux.
- Tes parents.... ont été tués parce qu'ils n'étaient pas totalement humains.... Certains êtres ne peuvent supporter ce qui ne leur ressemble pas.
Red sentit avec satisfaction l’incrédulité de Jhalia se teinter d’une rage incommensurable. D’une voix changée par la haine, tandis qu’elle fixait l’homme encapuchonné, elle murmura :
- Parce qu’ils ne leur ressemblaient pas ? C’est pour … ça ? !
Le Jedi Noir acquiesça.
- Oui... beaucoup de personnes ont peur de l'inconnu…

Il jeta un nouveau coup d’œil autours de lui. Les draps du lit n’étaient pas défaits, ni même froissés. Elle n’avait pas non plus utilisé celui-ci pour se reposer ne serait-ce qu’un peu, depuis ces deux jours… Red esquissa un sourire. Non bien sûr… Utiliser quelque chose de ce qu’elle considérait comme une prison aurait été avouer sa faiblesse… Avait-elle seulement dormi quelques heures ? Il fit un pas vers elle, et vit aussitôt plusieurs des objets l’entourant se soulever, tandis que la jeune femme, les dents serrées, continuait de le surveiller de ses yeux étrangement pailletés d’or… elle était exténuée. Il sentait tout son être à la limite de la frontière sensible, uniquement maintenu debout par la volonté. Et cette utilisation gaspillée de Force puisait dans ses réserves sans qu’elle en ait vraiment conscience…
- J'aurais voulu arriver plus tôt... pour empêcher ce drame d'arriver.... ce genre de tueur ne mérite que la mort
De nouveau, il fut coupé sans ménagement dans sa tentative de l’amadouer.
- Où… suis je ?
- En sécurité
- OU ? ? hurla-t-elle soudain, avec une irritation proche de la démence.
Le Jedi Noir fronça les sourcils.
- Toujours sur ta planète ne t'inquiète pas.... dans mes quartiers, que je te cède le temps que tu reprennes des forces.
Jhalia ferma les yeux un instant, frissonnante. Depuis quelques instants, Red, avec le désir d’amadouer enfin cette petite sauvageonne, avait imposé, accentué sa présence dans la Force, révélant sans la partager cette puissance qu’il avait déjà faite couler en elle. Il la devina vibrante, réceptive.
Déjà dépendante du pouvoir... bien…
Il reprit, sûr de son attention, donnant volontairement un ton brisé à sa voix :
- Je sais que je ne devrais pas te retenir ici.... mais après le.... le massacre de tes parents..... la brigade cherchait un coupable...
Accusant le coup, la jeune femme rouvrit brutalement des yeux agrandis d’horreur.
- M... moi?
Red acquiesça, tentant un nouveau pas.
- Oui toi.... tu étais la seule survivante... qui d'autre blâmeraient-ils ?
- Mais JE N'AI PAS… !
- Je le sais.... la coupa-t-il à son tour. Mais personne ne nous aurait cru...
Les objets reprirent leur place tandis qu’elle posait une main sur le meuble le plus proche. Accusée du meurtre de ses parents… elle avait la sensation de chuter à chaque instant plus profondément vers quelque chose d’obscur qui cherchait à l’avaler… cet homme, ce.. Red Hengarn… il l’avait sauvée… et pourtant… son instinct lui chuchotait quelque chose qu’elle avait de plus en plus de mal à entendre…Celui-ci devina le changement qui s’opérait en elle, insidieusement. Il murmura avec un ton plus sombre :
- Ils en auraient même sans doute profiter pour te tuer sur place... éliminer quelqu’un qui n’est pas des leurs, une… étrangère, ne leur pose aucun problème.
Jhalia serra les poings à s'en blanchir les articulations.
- Je ne leur pardonnerai pas.... Je ne...
Elle vacilla, à bout de force. Red se retint d’avancer pour la soutenir.
Nous y sommes…
- C'est normal que tu ne leur pardonnes pas... ils ne méritent que la mort.... Mais pour leur faire payer il faut que tu acceptes mon aide... ou tout du moins que tu acceptes de reprendre des forces.
Le Jedi Noir admira un instant les yeux si expressifs qui semblaient chercher une explication à tout ceci, comme un appel, un mélange de haine, de souffrance et d'une sensualité cachant sa faiblesse.
- Pourquoi... voulez vous.... m'aider ?
- Parce que je hais ce genre de personnes.... et parce que je sais que tu as un fort potentiel... Que tu peux être plus que la petite voleuse que tu es pour l’instant.
Elle inspira profondément. Tout tournait de plus en plus dans un brouillard ouatant les paroles, l’empêchant de réfléchir posément à la situation. Elle fit un effort pour rester visiblement en garde et s'approcha d'elle-même d'un pas, avec un déhanchement qui trahit la souplesse de sa démarche. Son regard alla aux mains de Red.
- L'autre jour... ce que j'ai ressenti... ?

Le guerrier sourit et tendit les mains, paumes ouvertes vers le haut. Courant le long de ses doigts, se focalisant au centre de ses paumes, l’électricité crépitait, maîtrisée par sa volonté.
- Une sorte d'énergie.... que peu d'être peuvent utiliser.
De la curiosité teinta son regard, lui faisant inconsciemment baisser sa garde. Red laissa le phénomène se poursuivre quelques instants puis resserra les poings, dispersant en lui le surplus d’énergie occasionné.
- Ce pouvoir.... je peux t'apprendre à le maîtriser. Il te permettrait de pouvoir te venger sur tous les assassins en puissance tels que ceux de tes parents.
Jhalia resta un moment immobile, puis releva le visage vers celui, toujours enveloppé d’ombre, de son interlocuteur, le coin des lèvres parcouru d'un frémissement infime, l'or du regard soudain traversé d'une lueur de convoitise. Lorsque la question tomba, d’une voix basse, le ton était déjà plus décidé qu’interrogatif.
- Comment ?
Bien.... accepte la volonté du pouvoir... abandonne toi à elle... cela me permettra de t'obtenir... Mais toute chose a un prix… même pour moi.
Tendant la main vers l’un des vases Nadd, il resserra de nouveau le poing dans le vide, brisant l’objet, qui retomba en morceau au sol, au milieu de la poussière de occasionnée.
- Ceci n'est qu'un exemple. Toi-même, tu as vu deux moyens la dernière fois .
Le Jedi Noir reposa le regard sur sa captive et sourit de voir l’envie se mêler a la haine. Cependant le malaise grandissant qu’il sentait s’insinuer en elle commençait a l’inquiéter réellement. Se pouvait-il que sa fierté aille jusqu'à se laisser dépérir au lieu de saisir la « chance » qu’il lui offrait… non, ce serait la perdre trop tôt… lorsqu’il la vit glisser a terre dans un vertige sans même s’en rendre compte, à demi inconsciente, il eut tout juste le temps de franchir l’espace qui les séparait encore pour la recueillir dans ses bras, un genou a terre. La légèreté de ce corps souple abandonné contre lui fit peur.
- Il faut que tu manges…
Le son de cette voix inquiète, si proche d’elle, suffit à lui faire soulever les paupières, qui dévoilèrent de nouveau l’or un peu flou des pupilles. Elle n’avait pas mal. La volupté de ce demi sommeil l’enveloppait comme une caresse. Un sourire de félin, sensuel d’être inconscient, illumina son visage. Le Jedi Noir sentit un frisson l’ébranler. Dans le silence de ces secondes privilégiées, où la jeune femme, au bord de l’évanouissement, s’abandonnait aux bras qui la soutenaient, Red entrevit comme un traînée de feu en lui, la Jhalia aux manières de chatte, à la fois sensuelle et adoratrice qu’elle serait plus tard s‘il arrivait a la retenir, à la façonner. Son regard si profond l’attirait comme une eau sombre où il se retrouvait. Il se pencha un peu, les yeux dans ceux de la jeune femme…
Mais l’eau soudain se troubla , puis prit une acuité effrayée qu’il surprit en sursautant, se redressant vivement. A quoi pensait-il donc, perdu dans les yeux de cette enfant ? Face à lui, Jhalia, d’un coup de rein, s’était dégagée, le vertige passé et le dévisageait, respiration haletante, le visage de nouveau refermé, emprunt d’agressive défense, presque rancunier.
Un découragement résultant de ce brusque « réveil » le saisit un instant, lui faisant baisser la tête pour ne pas qu’elle le voit. Avec lenteur, il se releva.
- Je ne suis pas ton ennemi.... mange, habille toi comme tu le souhaite et repose toi... je repasserai dans quelques temps …
Elle ne répondit rien. La fatigue la reprenait comme une main invisible qui aurait fermé ses yeux sans qu’elle puisse lutter plus avant…
- Allez vous en…
La chaleur de ses mains sur ses épaules…
- Allez vous en !!!!!
Ses paupières s’appesantirent un court moment plus que de raison. Le bruit d’un mécanisme coulissant retentit, puis de la serrure se refermant. Quand elle rouvrit les yeux, il n’était plus là.
Appuyé contre le battant refermé, la tête penchée en arrière, le Jedi Noir ne bougeait plus, perdu dans ses pensées. Il avait l’impression que ses mains brûlaient…
Que m’arrive t’il ?
l'obséquiosité à ses limites.
chapitre 4 ^^ : L'obséquiosité a ses limites.


Que m’arrive t il ?
Cette question l’avait poursuivi de manière indéfinie toute la journée suivante. Lui qui avait toujours été maître de lui, même devant l’arrogance haineuse de celui dont il exécutait les ordres, se sentait vaciller face au regard d’or sombre de sa propre captive. Il avait vaqué à ses occupations, courbé son imagination aux tâches ennuyeuses de la bureaucratie, soumis son corps à l’entraînement physique rigoureux et harassant du combat, tenté d’annihiler son être dans la méditation… rien n’y faisait, son esprit rétif revenait toujours à cette âme palpitante, à cette porte contre laquelle il avait un instant senti le doute le submerger…
A la fin, n’y tenant plus, il s’était de nouveau dirigé vers les quartiers silencieux, laissant son impatience reprendre le dessus. Quel danger pouvait bien receler une créature dont il tenait la vie entre ses mains ? N’avait-il pas tout prévu, tout calculé ? Elle n’avait ni pouvoir ni rien qui puisse être nocif ! Au bout de quelques instants de marche, il relevait la tête, reprenait son assurance. Sa peur vague lui semblait sans fondement. Il se souvenait d’avoir remercié la Force pour l’avoir mise sur son chemin. Il songeait de nouveau à son regard de cruauté face aux assassins de son père, un sourire aux lèvres. Oui.. tout se passait comme IL l’avait imaginé… et comme IL le voudrait. Il suffirait de peu maintenant… Malgré le fait qu'il l'avait déjà poussée une fois dans le Côté Obscur, Red savait qu’elle n'y était pas encore totalement immergée. Certes elle avait tué, mais aiguillée et sous le coup de la colère… il lui manquait encore le sang-froid dont faisait preuve un vrai prédateur, un vrai tueur.... même si elle était prometteuse. Et ce manipulateur goûtait d’avance le plaisir de pervertir peu à peu cette âme, d’en observer l’évolution en fin connaisseur. Tu seras à moi et jamais l'inverse....
Lorsqu’il tapa pour la seconde fois le code de la porte de ses quartiers, ses mains brûlaient de nouveau, sans plus qu’il s’en inquiète.

La chambre était comme d’habitude noyée dans la pénombre. Avec l’instinct de l’animal prisonnier, Jhalia s’était de nouveau assise, tête dans les genoux, dans le coin le plus sombre et reculé de la pièce. Mais sur la table, à l’écart, le plateau repas avait pour une fois été entamé… Bien.... tu as compris que tu peux te nourrir sans crainte ici. Un bon point.
Au bruit du panneau coulissant, la jeune femme se releva avec une souplesse de félin. Red suivit le jeu de ses hanches un instant, l’admirant sans un mot. Quelles pouvaient bien être ses origines ? il n’avait rien pu obtenir sur ce point là de ses recherches. Bien qu’en ayant l’aspect, elle n’était pas totalement humaine. Si ses yeux d’or astral, ces yeux aux lueurs chaudes de fauve ne suffisaient pas à alerter l’œil avisé, son allure, son agilité, ses attitudes, révélaient avec une douceur suave l’instinct de ses ancêtres. Quels mélanges avaient chez elle pu donner cette sensualité débordante dont elle n’avait même pas conscience, et que ce simple déhanchement laissait apparaître, dans les courbes harmonieuses de son corps ?
Un froissement plus proche de tissus ramena Red à la réalité. Jhalia le fixait, méfiante, muette. Il retint un sourire qui aurait pu l’offenser. La belle sauvage n'était pas encore prête à manger au creux de la main du Jedi Noir, comme le témoignait la position agressive qu’elle prenait en le couvant du regard. Et pourtant… Sans le savoir encore, par de simples gestes comme l'utilisation des vêtements plus seyants que lui offrait Red, elle se laissait doucement apprivoiser par lui… Même son attitude, cette défense qu’elle érigeait entre eux, plus adoucie, laissait deviner la possible faille… cette dépendance qu’il avait insinuée en elle, et qui, bien contre sa volonté, annihilait progressivement sa résistance… tout ce déroule bien…alors pourquoi en entrant ressentait-il un malaise plus défini que la dernière fois, l’expression d’un danger qu’il ne cernait pas ?

Prenant un air volontairement débonnaire, et un sourire engageant, Red s’avança un peu, tout en détaillant d'un coup d’œil la tenue bien plus ajustée de Jhalia. L’ensemble n'avait rien à voir avec le vieux chandail qu’elle portait lorsqu’il l’avait ramenée. La jeune femme avait revêtu un ensemble de teinte sombre, dont la sobriété même mettait en valeur sa silhouette. Red remonta son regard le long du buste, sur le haut relativement décolleté laissant joliment apparaître la gorge de Jhalia, les manches transparentes montrant les muscles fins mais souples et félins de la femme…
cela lui va mieux que ses chiffons...... bien mieux...

- Je vois que tu as bon goût.
Red saisit un des verres de cristal ciselé du plateau, et y versa l’ambre sanglant de l’alcool local, puis le porta à ses lèvres.
- Je veux partir...

Un bruit étouffé cristallin rompit le silence que ce murmure n’avait pu totalement surmonter. Aux pieds du Jedi Noir, l’épais tapis aux couleurs chamarrées « buvait » avidement l’éclaboussure sanglante du liquide répandu, entre les éclats irisés des morceaux épars du verre brisé… Un murmure… mais c’était déjà intolérable. Red retint un juron et se pencha, commençant à ramasser les plus gros morceaux, plus pour cacher la colère qui bouillait en lui que par réflexe… Maintenant qu'il avait réussi à l'amener ici, qu’il avait chassé ses doutes absurdes, voilà qu’elle… qu’elle voulait partir. Non ! ! Serrant un morceau de cristal un peu trop fort, il se redressa, le sang coulant de son poing fermé. Il ne pouvait pas, il ne tolérerait pas de la laisser partir ainsi, avant d'avoir pu jouer autant qu'il le désirait. Sans un mot, il regardait le sang perler, sans que la douleur ne le dégrise totalement. Puis il amena celle-ci à ses lèvres… Patience… La douceur et la manipulation pouvaient être plus efficaces que la force…
- Pourquoi ? N'es-tu pas bien traitée ici ?
La jeune femme se contracta davantage.
- Je veux partir.
Elle ne savait pas comment lui faire comprendre, l’exiger. Elle avait pendant des heures cherché la force de le lui dire, dès qu’ « Il » reviendrait la voir. Qu’il ne lui réponde pas directement « oui » ou « non » faisait vaciller son audace. Peu lui importait d’être bien traitée, qu’il l’ait sauvée, qu’il soit… bon … avec elle. Il lui semblait qu’elle étouffait entre ces murs étrangers dont elle était prisonnière, et qu’il aurait fallu à la haine qui la consumait bien plus d’air que ne pouvait en apporter cette fenêtre, dont elle avait ouvert les battants pour constater qu’elle se trouvait bien trop haut pour sauter. Prisonnière. L’enfant des rues qu’elle était ne pouvait le supporter. Où se trouvait-elle finalement ? Où l’avait-il emmenée après son évanouissement ? Et puis lui, cet homme dont elle devinait l’orgueilleux pouvoir, qui était-il… Elle ne connaissait même pas le visage de son _son quoi d'ailleurs ? Son sauveur ? Son ravisseur ?_ même cette… gentillesse qu’il affectait avec elle la gênait, accentuait son malaise. Il était autre… elle le savait, le sentait, revivait son apparition, cette impression écrasante de destruction qu’il avait fait couler dans ses veines… ca ne correspondait pas à l’image qu’il tentait de lui donner.

- Mais pourtant tu es libre.
Jhalia regarda la porte, puis posa de nouveau son regard courroucé sur lui.
- Libre ? C'est faux ... Pourquoi me gardez-vous ici ?
- Pour ta protection. La brigade te cherche partout...
Il vit avec satisfaction Jhalia frémir à cette évocation. Bien. Ce petit chat sauvage craignait donc tout de même la répression. Elle avait sûrement passé trop d’heures à tenter de lui échapper pour désirer sincèrement recommencer, surtout maintenant qu’elle était accusée de meurtre. Il s’avança d’un pas, accentua le charme de sa voix :
- Pourquoi veux tu partir, Jhalia ? N’as-tu pas ici tout ce que tu pourrais souhaiter ? Là-bas, il n’y a que la rue qui t’attend, les moqueries des passants, l’intolérance peureuse et agressive contre les étrangers… Pour aller où ?
Jhaia se troubla.
- Pour... ce n'est pas ma maison ici...
- Pourtant cela pourrait le devenir, répliqua Red, ouvrant les bras pour englober la pièce. Ta maison n'est plus... je t'offre un toit de remplacement.

Jhalia secoua la tête, butée. Toutes ces questions ramenaient à son esprit ce que cet homme l'avait poussée à faire, de la sensation grisante qu'elle avait ressentie alors. Cette impression vibrait encore en elle, en négatif, comme un manque qu’elle ressentait toujours plus fort en sa présence. Et son esprit non encore totalement soumis présentait l’abîme, le danger à rester près de lui, comme si cet homme seul pouvait la faire chavirer d'un instant à l'autre... vers quoi ? Elle ne savait pas… en elle flottait un malaise, un dégoût indéfini d’autant plus menaçant qu’elle n’arrivait pas à en cerner la cause. Envers elle ? Envers lui, qui l'avait poussée à faire ca ? Tout se brouillait en sa présence. Devant lui, une partie de ce qu’elle croyait avoir défini en elle s’évanouissait sous une autre voix, dont elle sentait trop les appâts pour ne pas craindre d’y succomber.

Red sentit cette bataille en elle. Il en suivit sans aucune difficulté le cheminement, dans ces yeux, sur ce visage qui ne savaient mentir… de l’issue de ce combat intérieur dépendait la réussite de son plan. Mais la laisser trop libre était prendre un risque. Il fallait la pousser à choisir, la mettre au pieds du mur. Il activa brusquement le mécanisme de la porte par télékinésie.
- Si tu veux partir, pars.
Un silence pesant suivit cette injonction. Cette simple phrase plus sèche avait claqué comme une gifle. Jhalia, étonnée, méfiante, le regardait, hésitante. Le Jedi Noir ne bougeait plus, ayant libéré le passage, et se contentait de la fixer, seul ses yeux brillants se distinguant dans l’ombre de la capuche.
Il la vit saisir avec incertitude son vieux pull, et s’avancer en le couvant du regard vers la porte. Red serra les poings. Comme il eut été simple de lui IMPOSER sa volonté. Par la Force, en brisant cette âme, en noyant toute lueur dans le néant, toute méfiance sous SA présence, son désir… Mais pour la première fois, le Jedi Noir visait autre chose…En faire une esclave dont il aurait subtilisé toute spontanéité n’avait aucun intérêt pour lui. Il la voulait courbée volontairement… il la voulait…

- Réalises tu que tu fuies la différence qui fait de toi leur victime ? Que tu leur donnes raison ? Tu sais, ma proposition tiens toujours. Si tu veux devenir plus forte et venger tes parents, tu pourras toujours me trouver.
Il s’était retourné vers la porte, qu’elle passait, lorsque sa phrase l’avait arrêtée dans sa fuite, luttant pour ne pas la retenir en la saisissant à bras le corps, quand sa chevelure avait frôlé son épaule. Ne la laisse pas partir... mais s’il la gardait enfermée, elle ne lui ferait jamais confiance… mais si elle part... la retrouverai-je alors ? Ayant détruit son seul point d'attache ?
- Nous sommes semblables, Jhalia... tout deux maltraités par la vie... même si tu possèdes encore la beauté.

Un rire ironique retentit. Dans l’aveuglement égoïste de sa douleur, Jhalia le fixait, un pli de gaieté douloureuse aux lèvres. Quel ressemblance pouvait-il y avoir entre elle et lui, sinon physique, du moins morale, lui dont elle ne connaissait même pas le visage ? Mue par la curiosité qui la première fois déjà là-bas lui avait masqué le danger, Jhalia s’approcha de Red. Il ne dit rien. Son rire avait quelque chose d’ensorcelant, et l’ironie qu’elle affichait lui rendait son arrogance de fauve libre, donnait à son corps cette sensualité intense dont elle n’avait pas conscience, cet ensorcellement des sens face auquel même le Jedi Noir ne pouvait résister. Lorsqu’elle leva les mains pour saisir la capuche, il lui enserra délicatement les poignets, les garda un peu ne pas céder à l’envie de l’attirer à lui, de faire taire par la violence des sens ce sourire de moquerie trop loquace.
- Tu es sûre de vouloir voir cela ?... si c'est ton souhait, je te prierais juste de ne pas prendre peur...
Ne pas prendre peur…peut-être elle…

Pour toute réponse, Jhalia esquissa une moue amusée et saisit le les bords de l’ample capuche. L'appréhension de Red monta au fur et à mesure qu’elle la repoussait. Il noya le temps qui lui semblait infini dans la contemplation des lueurs d’or de ses yeux… Finalement, le tissus retomba en arrière. Sous la lueur blafarde du jour à demi tamisé, le visage couvert de cicatrices du Jedi Noir apparut. Les plus larges barraient le front comme le temps aurait pu le faire de rides profondes. Une autre striait à moitié l’un de ses yeux. Mais il était encore jeune, et cette vitalité jurait avec ces marques infligées avec la visible volonté de défigurer à vie. Le nez non plus n’avait pas été épargné par la folie destructrice : brisé en plusieurs endroits, il rappelait les stigmates que s’imposaient volontairement les Vongs. Seul le menton était à peu près épargné, de plus petites cicatrices montant jusqu'aux oreilles.
Sous la brusque vision à laquelle elle ne s’attendait pas, Jhalia ne put retenir un sursaut, et recula d’un pas. Ce simple geste spontané rompit le charme. Elle aussi… elle, comme les autres ! Intérieurement, un hurlement de rage et de désespoir couvrit tout le reste. La porte coulissa sur eux, les enfermant dans la salle soudainement écrasée de tension.
- Moi qui croyais que tu étais spéciale... ceux qui ont vu mon visage n'ont pas survécu pour en témoigner.
Sans plus aucun ménagement, il la souleva de terre, l’enserrant dans un étau de Force. La colère de s’être trompé, d’avoir cru qu’elle pourrait le comprendre s’irritait encore plus de ces prunelles, de ce regard lumineux un instant détourné d’horreur, et qui, sous la menace, le fixait de nouveau, sans plus trembler, comme un défi.
Franchissant la distance qu’elle avait mis entre eux, il la gifla d’un revers de main.
- Baisse les yeux !
Après un instant d’éclipse, ceux-ci se posèrent de nouveau sur lui, comme Jhalia tournait la tête, la joue brûlante. Red serra les poings. Pourquoi fallait-il qu’ils reviennent, comme un remords ? Il finit par la jeter violemment contre les chaises, qui se renversèrent. Il la vit heurter l’un des barreaux de la tête, s’écrouler au milieu du fatras. Immédiatement, il regretta. Il voulut s’élancer, l’aider à la relever. Mais il ne pouvait pas. Il était Red, il était le maître, il devait la laisser à sa place… Il sentait confusément qu’il était en train de la perdre, que sa démarche tournait à l’horreur, et insensiblement, contre son gré presque, sa voix devenait plus mordante, ses mots plus acérés, alors qu’il aurait voulu tout l’inverse. C’était sa seule barrière, la seule manière pour lui de se défendre, d’être le dominant. De nouveau il s’approcha. il aurait voulu s’excuser, mais au lieu de cela, il sentit cette partie de lui-même qu’il ne dirigeait pas la railler, en repoussant du pieds l’une des chaises, tandis qu’elle tentait de se redresser sur les coudes, une égratignure à la joue.
- Ou est ton assurance goguenarde ? Ceux qui ont peur de l'inconnu réagissent comme tu viens de le faire…
- Je n’ai pas peur de l’inconnu.
La voix se voulait ferme, malgré le léger tremblement des lèvres.
- Pourquoi recules-tu alors ? Serais-tu comme les assassins de tes parents ?
Ces derniers mots fouettèrent psychologiquement Jhalia. Dans un bruit confus de bois, le jeune chaton offensé se jeta sans réfléchir tête la première sur l'homme qui avait osé insinuer cela. Pris de court par cette brusque rébellion, Red encaissa le premier assaut avant de la repousser d’une vague de Force. Il ne put cacher son étonnement, l’espace d’un instant. Tous ceux à qui il avait ainsi révélé son visage _ et sa colère_ s’étaient mis à ramper et à le supplier, terrorisés. Une fois de plus, de la jeune femme à terre ressortait au moment où l’on la croyait vaincue la férocité sauvage de l’instinct offensé. Comme lors de l’assassinat de ses parents, il était surpris de la sentir frémissante, mais sans cette panique qu’il lui supposait. Cette constatation lui fit l’effet d’une douche froide. Sa colère chuta d’un coup sous l’espoir qu’il ne s’était pas trompé, qu’il avait juste présumé du premier mouvement normal de surprise. Mais Jhalia s’était élancée de nouveau. Il l’attrapa par l’un des bras, et cette fois l’attira dans l’élan tout près de lui, avec un petit rire taquin, la dominant de toute sa carrure. Les yeux amusés, le sourire aux lèvres, une indicible impression de soulagement en lui lui rendait le ton de badinerie et le charme de son aura. Jhalia resta interdite, sans même penser à dégager son bras.

- Que compte tu me faire jeune fille ?... à moi qui t'ai sauvé, qui t'ai offert ma force et mon hospitalité ?
Troublée par le regard si différent qu’il posait sur elle, Jhalia sentit sa colère pour lui s’évanouir dans son esprit. Ainsi serrée malgré elle contre le large torse du Jedi Noir, tremblant contre sa volonté de cette chaleur qu’elle sentait l’envahir de nouveau, de cette volupté inconnue qu’il distillait en elle et qui appesantissait ses pensées, ouatait les sons, alanguissait ses gestes, elle avait plus l’air d’une gamine fascinée, que d’une tigresse. Et il en jouait. Il la sentait vibrante contre lui, refusant d’admettre sa dépendance, mais le corps, chaque particule de son être brûlante de goûter de nouveau à cette communion dans la Force. Se concentrant, il étendit sa présence et l'enveloppa comme d’un linceul, sans lui permettre d’y puiser, de cette aura noire, sombre, invincible et écrasante, le jeune oiseau captif qu’il voulait hypnotiser. Il savait son addiction, il savait l’attrait de l’obscurité et le vertige profond et délicieux de s’y laisser couler.
- Tu n'as pas assez de force pour me faire face. Comment comptes-tu affronter le monde extérieur ?
La bouche entrouverte de Jhalia attirait son regard. Dans la pénombre, il en discernait le léger tremblement, la couleur d’ambre vermeille… Visiblement perdue, la jeune femme ne bougeait plus du tout... Dans cet enjeu de l’hypnotisme qui n’avait duré qu’une fraction de seconde, il entrevit l’étendue de ce qu’il pourrait lui apprendre. D’une main douce, il caressa la joue de Jhalia, transmettant par ce simple contact la puissance dont il disposait et l'appel que ce pouvoir exerce sur la jeune femme.
Tellement naïve, tellement malléable.. c'est moi qui mène le jeu.
- Tu as besoin et envie de ma puissance, énonça le Jedi Noir telle une vérité absolue et une sentence, tu ne peux t'en passer...
Il la sentit céder, se laisser chuter mentalement, entourée, encerclée par la présence du Jedi Noir qui répondait au besoin de son être, prisonnière de lui et de la part sombre qu'elle portait en elle. A peine une lueur dans ses yeux, un simple murmure dans un souffle montra encore la très faible résistance que cherchait à créer sa conscience vacillante.
- Ta... puissance ?
- La puissance d'être vraiment libre, celle de ne plus être chassée, de ne plus voler.... avec cette puissance ce sont eux qui t'offriront ce que tu désires.
La jeune femme éteignit l’or de son regard sous ses paupières closes, frémissantes. Ces mots... elle savait qui les prononçait... Mais ils trouvaient un étrange écho en elle, s'inscrivant en lettres de feu dans tout son être, étouffant dans une enivrante vague toute sensation extérieur... A cet instant précis, le maître obscur la comprit totalement sous sa coupe, ne pouvant plus échapper à son influence. Jubilant intérieurement, il sourit à l’ombre de la chambre.
- Je ne veux plus être chassée.... je veux chasser.
Dans les yeux de nouveau ouverts de Jhalia, la lueur brillante de cruauté le surprit agréablement.
La Force m'as permis de trouver mon âme soeur... mais je ne peux me permettre de la garder dans cet état, il faut qu'elle épouse sa part sombre....

Diminuant sa prise sur l'esprit de Jhalia, il l'amena lui-même à une semi liberté de conscience.
- Le mérites-tu seulement ? Pour l'instant je t'ai gracieusement offert le gîte et le couvert en plus d'une protection.... et tu veux partir ? Si tu me suis, tu pourras chasser... et goûter pour toujours à cette communion.
La griser, et lui retirer cette sensation...Créer le manque m'ouvre une porte sur ta possession, Jhalia.
Red sentit de nouveau l’incompréhension physique de sa captive : avec une sorte de jouissance sadique ultime, il étouffa de nouveau son aura au moment où elle s’y habituait. Associer son départ à ce manque la lui attacherait… il l’entendit murmurer, vacillante :
- Je... Je ne sais plus...
Le Jedi Noir l’enserra doucement.
- Tu as besoin de moi... tu ne sais juste pas encore à quel point !
Il approcha son visage des lèvres entrouvertes de la jeune femme pure, sentant son souffle contre sa peau… La phrase résonna étrangement en Jhalia. Cette brûlure qu’elle connaissait bien la saisit de nouveau, l'engourdissant sans qu'elle s'en rende compte. Elle ferma les yeux, savourant la brutalité grisante de cette sensation.
- Abandonne-toi à la puissance que je te promets et je ferai de toi une chasseuse.
Mais Red avait présumé de sa victoire. Jhalia rouvrit les yeux sous la prise de possession du Jedi Noir. Recouvrant une partie de ses esprits, elle eut la volonté de repousser l’homme comme elle le put, avec les quelques forces qu'elle put rassembler.

Sous ce mouvement de rébellion, la colère de Red flamboya un moment dans la Force, tandis qu’il la lâchait et s’écartait d’elle. Mais la vue de Jhalia éperdue, ne sachant plus que penser, que faire, le calma quelque peu.
Il était encore trop tôt...
Une autre pensée le ramena en de meilleurs dispositions : le but était tout de même atteint, le message bouillonnant qu'il avait laissé en elle résidait à présent dans son inconscient... et même avec sa formidable résistance, ce message subliminal la suivrait à présent jusqu'à la tombe.
Dans la nuit qui s’installait doucement à travers les faibles lueurs de la fenêtre encore ouverte sur l’extérieur, Red recula, continuant de faire peser son regard sur la jeune femme, cette proie encore innocente, pure et gentille, courbée sur elle-même, les bras contre son corps, en état de manque qu'elle ne pouvait plus définir, mais les yeux fixés sur Red. Le guerrier se retourna.
Je l'obtiendrai corps et âme... ou je la tuerai, le corps seul ne m’intéresse pas, il y a des servantes pour cela. Elle mérite et promet mieux qu'une simple souillon. Mais ne sera qu'un jouet... de luxe...mais un jouet. Patience...

- Reprend des forces... et promène-toi dans la base si tu le désires, déclara Red près de la porte.
Augmenter petit à petit sa liberté tout en contrôlant ses allées et venues, pour mieux manipuler.

Un silence suivit les mots de Red, comme si plus rien ne vivait derrière lui. Puis, un froissement infime de tissus indiqua que Jhalia, les jambes tremblantes, s'était assise sur le lit.
Ce n’est que partie remise…
Red ouvrit alors la porte.... pour se retrouver à quelques centimètres du garde à qui il avait lui-même spécifié de ne pas bouger de l’entrée, et qui recula, les yeux écarquillés. Avec un juron d’imprécation contre son inattention, le seigneur réalisa subitement qu’il n’avait pas remis sa capuche. La haine flamboya en lui comme un brasier sur lequel on aurait soufflé. Il esquissa un geste… mais l’ombre du tissus enveloppa de nouveau son visage dans un souffle. Contre sa joue, la fraîcheur aussitôt disparue d’une petite main le fit frissonner. Jhalia s’était jetée vers lui et avait d’un geste spontané rabattu la capuche.

La jeune femme, surprise de son propre geste, recula vivement d’un pas, rabaissant ses mains. Elle n’avait même pas réfléchi. Elle avait senti comme une décharge en elle la souffrance d’être vu différent, d’être deviné … sa souffrance…
Une voix glaciale l’arracha à ses interrogations :
- Merci Jhalia.
Elle le vit avancer vers le garde tremblant de terreur. Son aura se développa, agressive, tranchante, et emprisonna le garde comme elle l’avait été, dans un étau de Force. Une certitude l’envahit, tandis qu’elle se restait immobile, ne pouvant détacher ses yeux de la scène. Il va le tuer ! Un frisson étrange parcouru son dos. Red tournait autour du garde, une colère folle dans les yeux. Un plan étrange, étoilé de folie, germait dans son esprit. Il sentait Jhalia toujours debout à quelques mètres, en attente. Son geste de tout à l’heure lui ouvrait de nouvelles idées, une autre compréhension de la jeune femme. Peut-être fallait-il un déclic. Réveiller en elle des sensations précises. Il se souvint du sourire carnassier qu’elle arborait lors du massacre des assassins « présumés ». Peut-être « cela » paradoxalement la lui rendrait-il…

- Alors ? Tu as vu mon visage... tu sais ce qui arrive à ceux qui voient mon visage...
Le garde implora, jura sa fidélité, les yeux toujours détournés. Caché dans l’ombre, Red avait un sourire de mépris accentué. Il ignora la réponse du soldat.
- Que vais-je faire de toi ? Tu ne mérites même pas la lame qui te transpercerait… Quant à une arme blanche…
Il tourna encore une fois autour de sa proie.
- Dans les deux cas... il faudrait que du petit personnel vienne laver les dégâts... non. J’ai une autre idée…
Sans un bruit, la jeune femme s’était glissée près de la porte, et écoutait. Elle avait senti la brusque flamboyance dans la Force de l’aura de son hôte. Sans même le savoir, la tête légèrement appuyée au chambranle de la porte, elle esquissa une moue, se passa une langue de chaton sur les lèvres, savourant à son insu le déversement de Force auquel elle assistait. Ce qu’elle ne comprenait pas, c’était une telle incandescence alors qu’il ne bougeait même plus, face au garde. Que pouvait-il bien faire ? Elle vit l’homme tenter de se débattre, comme face a un démon invisible, puis se raidir presque aussitôt, les yeux troubles. La voix de Red retentit alors de nouveau, étrangement amplifiée.
- Une falaise se trouve à environ six cents mètres de là.... les rochers en contrebas sont atrocement déchiquetés ... et déchiquetant. Il serait dommage de tomber de là haut. Surtout en ne pouvant pas s'amortir avec les mains.
Un éclair rouge ascendant, suivi d'un autre, déchirèrent la pénombre de la base. Au milieu d’une odeur qui saisit Jhalia à la gorge, les deux bras du garde tombèrent au sol tandis que Red se délectait du cri mental de l'homme.
Puis il éteignit sa lame, rangea consciencieusement le pommeau à sa ceinture, avant de réajuster avec un geste paternaliste le haut de la tenue du garde, sans oublier de remettre le col. Enfin, la sentence tomba, en un seul mot.
- Va.
Sous un regard partagé entre horreur et évanouissement, Jhalia entr’aperçut alors l'homme mutilé s'éloigner docilement, pendant que Red ramassait sans un regard autour de lui les deux morceaux et les jetait négligemment dans un broyeur à ordure. Jhalia eut un haut le cœur. Lorsqu’elle reposa son regard sur le couloir, il était vide. Red était entré d’un pas égal dans une autre pièce de la base.

Mue par une curiosité dépassant sa volonté, la jeune femme se glissa à la suite du garde hagard dans les couloirs, et le suivit de loin, lorsqu’il sortit de la base pour se diriger vers le bord de la falaise toute proche. La nuit était tombée et seules deux lunes blafardes éclairaient le paysage qu’elle, captive, découvrait pour la première fois. Mais Jhalia n’avait d’yeux que pour l’homme qui avançait toujours, le regard privé de volonté. Ce garde n’éveillait pas sa pitié. Elle ressentait même pour lui une sourde haine qu’elle n’analysait pas. Mais elle voulait « voir ». Quelque chose en elle voulait comprendre jusqu’où allait l’ombre du Jedi Noir, toucher du bout du doigt ces ténèbres qu’il avait glissées en elle… ou réveillées ?
L’homme arrivé au bord de la falaise hésita, les pierres de l’extrême bord se détachant, roulant vers la mer, des dizaines de mètres plus bas. Il fit un pas de plus…Sous le seul cri de la femme effrayée, l'homme bascula, chuta dans le vide pour aller heurter comme un pantin désarticulé les premiers pics rocheux saillants. Puis le corps, déchiqueté progressivement, disparut dans les abîmes que la nuit jetait sur les bas fonds de la muraille de pierres. Seules des traces éparses plus sombres sur les rochers bruns, le sang de l’homme, témoignaient du meurtre atroce.

Jhalia, tremblant de tous ses membres, avait assisté à tout cela avec une curiosité morbide, mais l’horreur physique des membres éparpillés la faisait vaciller. Autour d’elle, les morts s’accumulaient comme une vague menaçant de l’engloutir. Des flashs de ce qu’elle-même avait fait à l’un des assassins la firent reculer d’un pas… Un court instant, sa conscience bascula. Lorsqu’elle reprit pied, elle voulut fuir. Non pas le cadavre... non… Le rire cruel qu’elle sentait éclater en elle... Mais deux mains se posèrent sur ses épaules, la forçant à regarder en contrebas l'horreur du meurtre pur et dur.
- Une vraie chasseuse n'a pas peur de voir la mort en face.
Red. Il l’avait donc suivie ? Une chasseuse… Se raidissant sous cette volonté physique, Jhalia, fière, ne voulut lui paraître faible et laissa son regard s'attarder sur les traces de sang. A son oreille soudain, la voix chuchota, alors que les deux mains appliquaient une plus forte pression sur ses épaules.
- Toi aussi … tu as vu mon visage.
Le corps de Jhalia accusa le coup dans un sursaut. Allait-il vraiment… ? Son esprit déjà affaibli sembla vaciller de nouveau, tandis que tout tournait autour d’elle. Elle n’eut plus la force mentale de « lui » résister. Elle laissa l’ombre en elle l’envelopper dans un besoin de ne plus lutter, de répondre à un appel.
Sans un mot, sa tête se pencha doucement en arrière, un sourire étrange aux lèvres, à la fois timide et sensuel, offrant sa gorge aux yeux du Jedi Noir, pâle sous la lumière blafarde. Deux prunelles mordorées plongèrent dans celles de Red, tandis qu’une main fine, frissonnante et glacée, se posait sur celle de l’homme…
- Tu ne le ferais pas.
- Et au nom de quoi je te prie ?
Le corps de Jhalia ploya un peu plus sous la pression, nonchalante.
- Parce que je suis la seule qui n'ait pas fuis devant ton visage... parce que... nous sommes pareils.
Red, bien que troublé, n'en laissa rien paraître et murmura, comme pour lui-même.
- Pourquoi aurais-je donc besoin de quelqu'un de semblable ?
- Pour la même raison qui fait que... je reste... le désir, répondit-elle dans une souffle, la nudité de sa gorge se soulevant rapidement, attirant le regard du Jedi Noir.

Sous les bourrasques qui progressivement amenaient la tempête sur ces pics rocheux balayés par les vents, Jhalia se tut, les cheveux fouettant son visage. Elle restait… Cette brusque décision l’étonnait elle-même. N’avait-elle pas quelques instants avant eu l’envie de s’enfuir ? Elle se laissait couler dans cette obscurité qui, après lui avoir fait peur, la fascinait. Son instinct sauvage ressentait la supériorité du jedi noir, et inconsciemment pliait sous le joug, avec la passion d’un fauve peu à peu dompté. Une fraction de seconde, elle eut l’intuition qu’elle aussi exerçait un attrait sur lui. Elle resterait… s’il ne la tuait pas.
La jeune femme titubante sentit la respiration de Red sur sa nuque, et retient un mouvement de sursaut qui la dirigerait à ne pas douter vers une mort violente. Une respiration, deux…. Dans l’obscurité totale des lunes désormais voilées par de lourds nuages bas qui lentement avaient envahi l’horizon, le jedi noir effleura de ses lèvres la peau de soie, la mettant à l’épreuve, humant Jhalia, son odeur de défi, de fierté, mêlée à la peur de chuter, à l'envie de vivre. Elle ferma les yeux. Une faiblesse enivrante la prenait, mélange de vertige et de sensualité. Après ce qui lui sembla être une éternité, Jhalia se sentit tirée en arrière, loin de la falaise.
- Bonne réponse.
Red devina d'un coup le corps fragile céder physiquement sous la pression de la soirée, et elle s'écroula, inerte, dans les bras du seigneur sombre. Ce dernier la prit alors délicatement dans ses bras et ramena vers la base la petite voleuse au charme si envoûtant.