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La fin...
Cornal Aradin était dans son bureau, rangeant de la paperasse. C’était un humain de forte corpulence et de grande taille, âgé d’une cinquantaine d’années. Il était aussi réputé pour son mauvais caractère, qui cachait un grand cœur. Il possédait une moustache, autrefois d’un noir très foncé, mais qui avec l’âge commençait à grisonner. Aradin avait toujours vécu sur Alderaan, son monde natal, où il avait créé son entreprise d’électronique qui avait prospéré jusqu'à ce qu’un concurrent, bien plus important, ne se soit installé dans le secteur. Les bénéfices d’ Aradin Tech avaient alors commencé à chuter, jusqu’à mettre l’entreprise au bord de la faillite. Aussi, Cornal avait minutieusement inspecté les dossiers de ses salariés, pour prévoir le licenciement de certains. Ce jour là il avait convoqué Salayn Kain pour qu’il vienne dans son bureau. Ce jeune humain était un brave type, mais il arrivait trop souvent en retard. Ce n’était pas pour cela qu’il allait être licencié : Kain était maladroit, ce métier n’était donc pas fait pour lui. Il n’habitait pas dans un immeuble luxueux, loin de là, de plus il avait à peine de quoi payer son loyer. Jusqu'à présent... En ce jour sombre de sa vie, Salayn Kain serait le premier licencié de l’entreprise Aradin Tech.
Quelqu’un toqua à la porte d’Aradin, qui appuya sur le système d’ouverture et vit Kain sur le seuil. Il était mal habillé, comme à sa triste habitude. Il était de petite taille et avait les traits tirés par la fatigue, aussi son supérieur eut un petit pincement au cœur quand il se rappela le motif de sa convocation. Aradin soupira et montra un siège à Salayn.

« -Bonjour monsieur, salua poliment Kain.
- Bonjour Salayn. Je ne vais pas y aller par quatre chemins. Vous n’êtes pas sans savoir que l’entreprise est au bord de la faillite à cause d’une concurrence acharnée.
- Non monsieur, malheureusement...
- Et vous n’êtes pas non plus sans savoir que vous n’êtes pas un ouvrier modèle.
- Euh non monsieur... répondit le jeune homme, se demandant où son chef voulait en venir.
- Je dois licencier des gens, rétorqua son chef.
- Sans doute... répondit Salayn, hésitant.
- Et parmi eux, les... moins bons ouvriers, continua Aradin, lentement.
- Que...Que voulez-vous dire ? s’inquiéta Salayn.
- Kain, nous ne pouvons pas vous garder !
- Mais... commença Salayn Kain.
- Il n'y a pas d'autre solution, coupa son supérieur. Nous sommes en crise. Je dois faire un choix, celui qui sera le plus bénéfique pour l’entreprise. Je suis navré. Au revoir monsieur Kain. »
Salayn n’avait rien, ni landspeeder, ni aucun autre moyen de locomotion, si ce n’était ses pieds. Il n’avait pas non plus de famille. Pas de femme, plus de parents, rien. Il était seul. Seul et sans emploi depuis une minute. Il restait debout sur le seuil du bureau d’Aradin, désemparé et abandonné par tous ses ex-collaborateurs. Tous s’en éloignaient comme s‘il pouvait leur attirer des malheurs, comme lui-même venait d’en avoir un. Il était délaissé comme un animal esseulé. Le regard dans le vague, Salayn avait les yeux embués par des larmes qui ne demandaient qu’à sortir. Enfin, il craqua et s’effondra en pleurant et gémissant, les larmes roulaient sur ses joues. Personne ne s’arrêta pour le réconforter, personne. On l’ignorait une fois de plus.
Fou de désespoir et enragé, il se releva, les poings serrés, les yeux rougis et se précipita vers la sortie, bousculant tout le monde sur son passage. Kain quitta les locaux de son entreprise pour la dernière fois sous les plaintes et les demandes d’excuses.

Salayn avait beau avoir peu d’argent à cause de sa passion pour le jeu et pour l’acool, il ne pouvait s’empêcher d’aller à la cantina quand il voulait oublier ses malheurs quotidiens. Aldera était peut-être une cité raffinée surtout connue pour son aristocratie et son architecture, il y avait quand même, dans ses tréfonds, les quartiers malfamés où vermine, contrebandiers et voleurs se mélangeaient. On y trouvait les cantinas les moins bien fréquentées, dans lesquelles on pouvait noyer son chagrin dans l’alcool, ou dans d’autre « lieux » d’évasion ... Prenant un bus à répulseurs immonde, qui perdait son huile et avait des vitres brisées, Salayn se fit conduire dans les bas-quartiers. Tandis que son transport, dirigé par un pilote dont on se demandait comment il avait obtenu son permis, descendait vers les bas-quartiers, Salayn contempla le paysage alderaanien. Ce paysage qu’il avait tant de fois admiré, qui l’avait tant fait rêvé. Il poussa un soupir tant il était las. Il n’aurait pas le temps d’admirer ce paysage quand il chercherait un travail. La plaine s’étendait à perte de vue, avec des herbes folles, des arbres mais aussi des montagnes, au loin, avec leurs sommets enneigés et leurs flancs de roche grise, étaient précédées de lacs et de forêts qui terminaient ce paysage idyllique. Quand le vaisseau arriva en vue des tréfonds d’Aldera, au sud de la capitale, Kain s’approcha de la sortie arrière. Il aurait deux secondes pour s’enfuir avant que le conducteur ne lui réclame son billet, peut-être moins...
Lorsque le bus arriva enfin à son arrêt le chauffeur appuya sur le bouton d’ouverture des portes... avant du véhicule. Salayn était presque fichu, et il le savait. Réfléchissant à toute allure afin de trouver une solution pour ne pas payer, il regarda à droite et à gauche, telle une bête aux abois.
« -Chauffeur ? tenta-t-il d’une voix mal assurée.
-Ouais, qu’est ce qui a ? lui répondit l’interpellé d’une voix bourrue.
-Pourquoi les portes arrière ne s’ouvrent-elles pas ?
-J’ t’en pose des questions, moi ? Passe devant comme tout le monde. »
Salayn frissonna. Comment pouvait-on être si désagréable ? Il s’avança, lentement, et arriva à hauteur de la cabine d’où il estima la distance le séparant de la porte : un petit mètre. Un mètre vers la liberté, qui le ferait rentrer dans l’illégalité. Inspirant un grand coup sous l’œil suspicieux du chauffeur, Salayn s’élança. Le pilote se leva d’un bond et un flot d’injures sortit de sa bouche. Heureusement pour lui, Kain était déjà loin et s’enfonçait dans les rues sombres des bas-quartiers alderaaniens.

***
Quelques heures auparavant...

Jyo’dee, un jeune Twi’lek à la peau bleue et recrue impériale du secteur alderaanien depuis peu se dirigeait vers le bureau de son supérieur. Il voulait lui poser des questions sur des stratégies à appliquer et des ordres à suivre. Il arriva devant la porte ornée de dorures et d’une poignée finement sculptée, avec le nom du Commandant Delvion écrit sur une plaque d’argent, et entendit des voix provenant de l’intérieur du bureau :
« - Capitaine, nous avons reçu l’ordre d’évacuer la planète au plus vite.
- La planète ? rétorqua un deuxième homme, au fort accent Telosien » Jyo’dee reconnut alors les voix du Commandant Delvion et du Capitaine Plunad. Le Commandant était, comme la plupart des gradés impériaux, un Humain natif de Coruscant. C’était un homme svelte au teint cireux mais qui était comme son Empereur malfaisant et xénophobe. Le Capitaine, quant à lui, était également un humain, mais de Telos et il avait toujours une vibrolame sur lui. Il avait autrefois transpercé la main de Jyo’dee, sous l’ordre de Delvion, car le jeune Twi’lek avait, soi-disant, mal fait appliquer un ordre.
« - Une grave menace pèse sur Alderaan.
- C'est-à-dire ? interrogea le Telosien. » Le cœur de Jyo’dee battait à cent à l’heure car il n’aurait jamais du entendre cette conversation, et il le savait, mais c’était plus fort que lui d’espionner ses supérieurs. Maintenant il allait savoir de quoi il en retournait.
« - La destruction.
- La... ?! Ah, ah, ah, laissez-moi rire ! On vous a bien eu mon Commandant !
- Je suis sérieux. De plus vous êtes chargé de l’évacuation. Le seigneur Vador m’a dit d’abandonner Jyo’dee. » Ce dernier en resta abasourdi. Quelques semaines auparavant, il avait aidé un groupe de Rebelles à voler une cargaison impériale. Il avait toujours été dans le camp de la Rébellion mais maintenant qu’il était découvert, sa vie ne valait plus rien pour l’Empire.
« - Mais, pourquoi ?
- C’est un sympathisant Rebelle. Il a tué l’un de mes amis tandis qu’il aidait ces chiens à nous voler des armes.
-Alors, pourquoi ne pas le faire emprisonner ou exécuter ?
-Nous avons prévu une solution beaucoup plus amusante, et gratuite.
-A savoir ?
-Des chasseurs de primes.
-Vous en avez trouvé des « bénévoles » ? rétorqua Plunad, peu convaincu.
- Oh non, mais avec la destruction d’Alderaan, le coût sera minime ! De plus, ce sera comique, je leur ai demandé de ne tuer aucun civil, ça leur prendra plus de temps et ils auront moins de chances de s’enfuir ! La chasse commencera dès que l’erreur de la nature sortira le nez de son repère.» Les deux officiers éclatèrent d’un rire gras et sardonique qui gela le sang du Twi’lek. La journée s’annonçait mauvaise, même désastreuse...
Entendant les deux hommes se lever, Jyo’dee partit de l’autre côté du couloir, l’air de rien. Lorsque la porte s’ouvrit il se retourna et feignit d’être surpris de se trouver face à son supérieur. Tandis que le Capitaine Plunad s’éloignait d’un pas assuré, Jyo’dee passa devant son commandant, le salua puis s’éloigna, abandonnant l’idée de parler avec lui. Il estima qu’il n’avait que quelques jours, peut-être moins, peut-être plus, pour quitter cette planète avant qu’elle n’explose, si les dires de Delvion étaient vrais.

Jyo’dee se mit alors à accélérer le pas sous l’œil inquisiteur de ses pairs. Il fallait qu’il sorte de là au plus vite. Il arriva devant la porte du camp, gardée par un seul officier. Le Twi’lek regarda de tous les côtés pour vérifier que personne ne les regardait, ni lui, ni le garde.
« - Z’avez b’soin de quoi ? l’interrogea le garde.
-Sortir d’ici.
-Ah désolé j’peux rien faire sans l’autorisation de la Cour Suprême ! lui répondit-il en riant. »
Enervé par ce refus, le Twi’lek réfléchit très rapidement. Un obstacle de plus à franchir. Ne voyant qu’une solution, il frappa l’Humain à la tempe. Il en aurait pour plusieurs minutes à rester évanoui, juste ce qu’il fallait au Twi’lek pour s’enfuir. Jyo’dee se précipita vers le système d’ouverture des portes et l’actionna. Tandis qu’il s’enfuyait vers la capitale, il entendit l’alarme rugir, mais ne vit aucun officier sortir du campement Impérial. Les chasseurs de primes étaient déjà être en route. Jyo’dee se dirigea vers les quartiers mal famés au sud d’Aldera, qui étaient les plus proches du campement.

***

Haletant, Salayn s’arrêta au détour d’une rue et se retourna pour vérifier que son « ami » pilote ne l’avait pas poursuivi. Comme ce n’était pas le cas, il s’accorda alors un instant de répit. Cela allait bientôt faire trois heures sur sa montre que Kain n’avait plus de travail. Soupirant une nouvelle fois, il reprit sa route, vers une cantina dont il commençait à être un habitué. Elle s’appelait « L’Empereur des Bas Fonds » et Salayn y allait souvent le soir, pour oublier une journée stressante.
Après plusieurs minutes de marche au milieu d’extraterrestres réfugiés, il arriva face à un bâtiment qui ne payait vraiment pas de mine. Ne regardant même pas devant lui, Salayn poussa la porte d’entrée et se fit renverser par un Twi’lek à l’air apeuré.
« -Je...euh...pardonnez... commença rapidement l’extraterrestre. Salayn Kain ?! Toi ?! Ici ?!
- Jyo’dee ?! Qu’est ce que tu fais là ? » Jyo’dee était son meilleur ami d’enfance. Ils avaient fait les quatre cents coups et toute leur Académie ensemble. Lorsqu’ils étaient adolescents ils étaient inséparables et passaient leur journées à chercher comment éviter le courroux de leur enseignants lorsqu’ils ne faisaient pas leurs devoirs, ce qui leur arrivait fréquemment. Malheureusement ils s’étaient perdus de vue lorsque Jyo’dee avait voulu s’engager dans les rangs impériaux.
« - C’est plutôt délicat à expliquer... Tirons-nous d’ici tu veux ?
-Mais...
-Vite ! »
L’attrapant par le bras, le Twi’lek emmena son ami. Salayn était dépassé par les événements car trois heures auparavant il perdait son emploi, et maintenant il retrouvait un ami. La vie était si bizarre parfois...
Les deux compères arrivèrent dans une ruelle étroite où ils pouvaient à peine marcher côte à côte. Le Twi’lek tourna la tête vers son ami, le dévisagea puis grimaça, avant de prendre la parole.
« -Bon, maintenant, est-ce que tu peux m’expliquer pourquoi tu es sorti de cette cantina en courant ? Tu n’avais plus un rond ?
- Si ça ne pouvait être que ça ! rétorqua le Twi’lek en levant les yeux au ciel.
- C'est-à-dire ?
- Les chasseurs de primes, tu connais ?
- Pas encore eu l’honneur d’en avoir à ma poursuite.
- T’as bien de la chance... J’en ai deux sur le dos.
- Hein ?! Mais punaise... Comment ça se fait ?
- J’ai aidé des Rebelles à voler une cargaison impériale et mon commandant n’a pas apprécié...
- Quoi ?! Mais tu es fou ! Certes, Alderaan est plutôt dans le camp des rebelles, mais ça reste du suicide !
- Je sais... Maintenant si tu veux bien continuer à avancer... J’ai pas envie qu’ils me retrouvent... Et puis, il faut qu’on déniche un vaisseau qui aille à des années lumières d’ici.
- Pourquoi ?
-Alderaan va être détruite.
-Ah ! Ah ! C’est la chose la plus ridicule que j’ai jamais entendue ! s’esclaffa l’Humain.
- Je te jure ! Ils évacuent le campement impérial !
-Bon... Avançons, on verra plus tard pour ton vaisseau... »
Salayn et Jyo’dee continuèrent donc à avancer avec vigilance.
« -Et toi, qu’est ce que tu faisais dans le secteur ? demanda le Twi’lek à son ami après un long silence.
-Des choses pas très saines, à vrai dire...
-Toi, tu baignes dans des affaires louches !
-Oh que non... J’ai été viré tout à l’heure... Et je venais tenter d’oublier...
-Ah... Désolé mon vieux... Je... » Jyo’dee fut interrompu par un laser qui passa très près de sa tête.
« -Ils m’ont retrouvé ! hurla-t-il. Fuyons ! »
Il se mit à courir, vite imité par son ami. Salayn était vraiment perdu. Il regarda derrière lui et vit un Rodien qui les poursuivait sans tirer, pour éviter de tuer un passant peut-être...
« Depuis quand les chasseurs de primes font-ils attention à la population ? » se demanda Salayn, encore plus dépassé par les événements.

Après plusieurs minutes de course à travers les rues des bas-quartiers d’Aldera, les deux compagnons arrivèrent dans une plaine, à l’extérieur de la ville. Celle que Salayn avait admirée quelques heures avant, à bord du bus délabré.
Salayn dépassa le Twi’lek, ne s’apercevant pas tout de suite que son ami s’était arrêté.
« -Qu’est ce qu’il y a ?
-Quelque chose qui va pas.
-Quoi ?
-Couche toi ! »
Jyo’dee se jeta à terre, entraînant Salayn dans sa chute. Un rayon écarlate s’écrasa sur le sol, juste devant les deux amis, les manquant de peu, suivi par un deuxième. Le troisième transperça le dos de Salayn, et toucha par la même occasion l’estomac de l’humain. Ce dernier hurla de douleur. La brûlure était lancinante et il lança un regard désespéré à son ami Twi’lek. Salayn se mit alors à pleurer, non parce qu’il souffrait, mais à cause de Jyo’dee. Le Twi’lek était livide et transpirait abondamment. La lueur de son regard s’éteignait petit à petit et des larmes perlaient aux coins de ses yeux. Un nouveau laser lui avait perforé la poitrine, un peu en dessous du cœur.
« -Que la Force soit avec toi, mon ami... murmura-t-il. »
Salayn continuait à pleurer. Il prit la main de son ami qui agonisait et qui était pris de violentes convulsions. Son contact se fit un peu plus froid et le Twi’lek poussa un dernier soupir. Jyo’dee était mort. C’était impossible à admettre pour Salayn, qui, fou de chagrin, roula sur le dos. L’herbe à ses côtés était rouge. Rouge comme l’armure des gardes de l’Empire, rouge comme son sang, qui coulait abondamment à cause d’un choc contre un rocher lorsqu’il était tombé à terre. Les larmes de Salayn continuaient à rouler sur ses joues tandis qu’il regardait le ciel. Sa blessure était plus grave qu’il ne le pensait et il sentait ses forces le quitter. Il mourrait aux côtés de son ami. Heureux de quitter la vie et ses malheurs, il abandonnait ce monde cruel. Cependant, il mourrait sur une question. Qu’était la lune qui gravitait autour d’Alderaan ? Une lune de mort. Mourrant, Salayn hurla, vidant ses poumons une ultime fois. Il allait fermer les yeux quand l’Etoile de la Mort passa à l’acte. Salayn Kain vit un rayon vert aveuglant et sentit le sol se déchirer sous lui, et puis ce fut le noir absolu.
C’était la fin.