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Akaan
-Préparez-vous, les gars, on décolle dans quinze minutes! Si vous avez pas ramené vos miches dodues d’ici là, on part sans vous et vous êtes considérés comme déserteurs!
Crie mon lieutenant dans la pièce voisine. Je suis avec Jeng, assise sur l’un des nombreux lits du dortoir. -Bon… J’imagine que je dois y aller. Dis-je, la voix pleine d’inquiétude. -J’aimerais tellement être dans ton régiment, où je pourrai te protéger. -Je peux me débrouiller seule, ne t’en fais pas. Dis je en souriant. -Je sais, Meysa. C’est pour ça que je t’aime. -Je t’aime aussi Jeng. Après un long baiser, nous nous levons, prenons nos sacs et nous dirigeons vers la sortie du bâtiment, où trois transporteurs de troupes Shaadlar stationnent, des soldats montent dedans. -Meysa! Amène ton cul de Boma ici avant qu’on parte sans toi! Me hurle mon lieutenant, apparemment pas fan des adieux romantiques. -Oui, chef! Je monte dans le transporteur de troupes qui nous emmènera, mon régiment et moi vers Thila. Tandis que nous restons au sol, le transporteur de troupe dans lequel Jeng est monté décolle et je le regarde disparaître peu à peu dans le ciel. Le voyage se fait sans encombres. Je dirais même que le voyage se fait dans le silence absolu. Il faut dire que, comme moi, personne dans ce vaisseau n’a jamais participé à une grande bataille. Nous sommes tous des “bleus” (si après quinze ans d’entraînement on peut toujours s’appeler des bleus) et jusque là, nous étions assignés à la garde d’un entrepôt ou d’un avant poste. Les troupes se trouvant déjà sur Thila à qui nous venons en renfort se battent depuis maintenant plusieurs mois. Nous sommes tous emplis d’adrénaline, de soif de gloire et d’envie de nous battre. Mais je vois bien au regard des autres soldats qu’ils sont au moins aussi inquiets que moi. Nous arrivons à l’avant poste qui nous a été assigné. Nous circulons entre les larges tentes abritant les officiers, celles où se situe le réfectoire, et enfin le dortoir, où je choisis un lit et y pose mes affaires. Demain, nous partons au front. Comme je vois tout le monde se diriger vers le réfectoire, je les suis. Là, il y a plusieurs grandes tables et leurs occupants se divisent en deux catégories : D’un côté, les vétérans médaillés, les hommes et femmes fiers de leurs performances sur le champ de batailles, qui rient, comparent leur nombre d’ennemis abattus et chantent buy’ce gal, buy’ce tal[i/] (une pinte de bière, une pinte de sang) ou alors [i]Oya! Oya![i/], des chants très populaires en ce moment. De l’autre côté du réfectoire, se trouvent ceux qui ont peur, ceux qui ne veulent pas retourner à la guerre, ceux qui ont vu des choses tellement affreuses, qu’ils ne chanteront plus jamais. Je décide de m’asseoir avec les vétérans chantants, non que je ne compatis pas sur le sort des autres, mais entendre tout ce qu’ils ont subis ne m’aidera pas à dormir. J’écoute leurs chants et leurs histoires épiques sans dire mot, j’ai la gorge nouée et aucune envie de chanter. Demain je pars au front, demain je serai sur le champ de bataille, à me battre, à tuer. J’ai l’habitude de tuer, je l’ai déjà fait et je le ferai de nouveau, ça fait partie de ma culture, de mon entraînement… Pourtant, j’ai toujours cette boule dans la gorge qui m’empêche de profiter de ces chants. Je décide donc de quitter le repas et d’aller me coucher. Sur le chemin du dortoir, je passe à côté de l’infirmerie. Le spectacle est horrible. Des visages ensanglantés, des soldats défigurés certains ont étés amputés, d’autres semblent souffrir à tel point qu’il aurait mieux valut qu’ils ne survivent pas. D’autres sont plongés dans un coma artificiel dont ils ne se réveilleront probablement jamais. Cette nuit là, je me tourne et me retourne dans mon lit sans vraiment réussir à dormir. Je ne sais pas ce qu’il se passera demain. Peut être que je mourrai, peut être que mes amis mourront. Je ne peux m’empêcher de penser à ceux qui sont de l’autre côté, ceux qui se battront contre moi demain. Ceux qui vont mourir, ceux qui vont perdre leurs amis. Pourquoi ne pense t’on jamais à eux? Sommes-nous égocentriques au point de ne jamais penser à ceux qui sont dans l’autre camp? Remarque, nous sommes narcissiques au point de vouloir montrer à toute la galaxie à quel point on est géniaux, nous voulons leur montrer que notre culture est la meilleure, la plus digne de diriger ce monde… Mais clairement, ils n’ont pas envie de faire partie de notre culture. Comment est-ce possible de forcer des gens à adopter des habitudes, des coutumes? Non. Je ne trouverai pas le sommeil cette nuit. Il y a trop de questions qui se bousculent dans ma tête. Peut être que ce sera différent demain, quand j’aurai vu de mes propres yeux pourquoi il est si important de se battre pour son peuple. Quand j’aurai vu de mes propres yeux que la République n’est pas digne de diriger cette galaxie. J’entends une énorme explosion à quelques mètres de moi. -Celle là était tout près! Je crie aux autres soldats à mes côtés. -T’as entendu, Teroch? Faut qu’on bouge! On peut pas rester là! La prochaine va nous tomber dessus! Teroch s’appelle en fait Phil. Il a choisit ce surnom pour son départ à la guerre : Sans pitié, il voulait devenir une légende, inspirer la crainte à ses ennemis. Mais il n’a rien d’un sans pitié. Il est terrifié, il ne s’était pas imaginé que la guerre serait aussi dure. Et moi non plus. Cette bataille ne m’a pas apporté les réponses aux questions que je me posais hier soir, mais encore plus de questions. D’autres soldats et moi restons avec Teroch pour le couvrir et l’encourager, mais il est tétanisé. Il est recroquevillé sur lui même. Tout à coup le lieutenant vient se réfugier derrière le mur où nous nous cachons. Nous nous mettons tous au garde à vous, sauf Phil, qui ne l’a même pas vu arriver. -Qu’est ce qu’il a celui là?! Dit il en nous indiquant de nous mettre au repos. -Il ne peut pas se battre, chef. Lui répond Kian. -Il ne peut pas se battre? Il n’a pas l’air blessé. -Il n’est pas blessé, monsieur. Il n’ose pas y retourner, c’est tout. -Il va y retourner! Eh [i]diryc[i/]! Relève toi et va te battre! Phil relève la tête et, les yeux pleins de larmes, répond au lieutenant : -Je ne peux pas, chef… Le visage du lieutenant s’assombrit, et, plein de rage, il dégaine son blaster et lui répond : -Lève ton cul de Hut et va te battre ou je t'abats ici et maintenant! Teroch se lève et nous fonçons tous vers le champ de bataille. Les projectiles et les lasers sifflent, passant à quelques centimètres de mes oreilles. Je cours en tirant dans tous les sens avec mon fusil d’assaut, la fumée et les explosions m’empêchent de bien voir où je tire. J’entends encore le lieutenant hurler de sa voix criarde tout en me postillonnant allègrement à la gueule : “Dans un combat, que tu te battes contre un ou dix ennemis c’est pareil! Tu dois leur montrer que t’as des gett’se (des tripes), si tu as la moindre once de peur, de doute, si tu hésite ne serait-ce qu’un quart de seconde, lui, n’hésitera pas!” Cet homme n’est qu’un vieil aigri qui boit trop et rejette ses problèmes militaires et conjugaux sur les jeunes recrues, mais il a raison, c’est pour ça que je n’hésite pas à tirer sur les soldats de la République et la milice qui s’approchent un peu trop de ma position. Teroch se tient à quelques mètres de moi, il a réussi à se ressaisir et se bat tant bien que mal. J’ajuste ma lunette et et tire, le laser du fusil d’assaut se loge dans la tempe d’un soldat qui se situe à l’autre bout de la rue. En relevant la tête, je n'aperçois que trop tard l’homme avec un lance-missiles niché sur le toit d’un immeuble, et encore plus tard le missile qui se dirige droit sur moi. Je bondis en avant, espérant échapper à l’explosion. Là, je sens un souffle brûlant me projeter quelques mètres plus loin. Mes yeux s’ouvrent lentement, je ne vois presque plus rien à cause de la suie et de la terre sur ma visière, je n’entend qu’un sifflement. En y mettant toutes mes forces, je retrouve le contrôle de mes membres et réussis à me relever tant bien que mal. Même si la douleur est partout, je n’ai pas de blessure grave et rien de cassé, mon armure a encaissé tous les dégâts. Je mets précautionneusement un pied devant l’autre, en faisant attention à ne pas tomber. Autour de moi, les véhicules sont en feu, la chaussée, défoncée et les arbres déracinés. A quelques pas, je vois un pied dépasser de sous des gravats. Je m’élance, essayant toujours de garder l’équilibre et en soulevant la carcasse de speeder, j’aperçois un corps meurtri, son plastron est carbonisé, un trou béant laisse apparaître sa chair à vif. Tout en enlevant mon casque pour mieux le voir, et pour qu’il me voit mieux aussi, je lâche dans un souffle : -Teroch… Il n’a pas son casque, je peux voir la peau calcinée de son visage, ses cheveux bruns et la peau et la chair de sa mâchoire ont brûlé, si bien que l’os et les dents sont visibles. En entendant son nom, ses yeux s’ouvrent et ses paupières clignent. Il essaie de parler, mais le seul son qui sort de sa bouche est un gargouillis, un râle de complainte et de souffrance. Sa respiration est sifflante et saccadée. Je sais que sa fin est proche et que personne ne pourra rien y faire. Et même si c’était le cas, il serait comme tous ces soldats blessé à l’infirmerie, tous ces soldats condamnés à souffrir pour toujours. A un certain point, mieux vaut mourir que de dépendre de machines toute sa vie. Alors je sors mon pistolet blaster DE-10 de son étui positionné à ma hanche, et le dirige devant son front. -[i]ru’cuyi ijaa be akaani sha gar esoe (ce fut un honneur de combattre à tes côtés). Puis, en pressant la détente, je met fin à ses souffrances. La guerre est finie pour lui, il n’avait pas l’âme d’un soldat, ni d’un combattant, puisse t’il trouver la paix là où il va. Un crépitement dans mon intercom me fait sursauter et me rappelle que pour moi, la guerre ne fait que commencer : -Atin, Amy, Meysa et Teroch, rejoignez moi au point de rendez-vous 3. C’est l’artilleur Carter qui parle. Il a sûrement une mission pour nous. Le point de rendez-vous 3 n’est pas très loin. Je cours entre les décombres, les rues sont presque désertes; seuls quelques mandaloriens se battent de temps en temps contre des soldats de la République. L’endroit me paraît étrangement calme. J’arrive au point de rendez-vous, tous les autres m’attendent. La petite place autrefois tranquille et fleurie où les adultes prenaient un café, parlant de leur boulot, de leur patron, où les enfants jouaient sur l’aire de jeux, est maintenant terne et grisâtre. Les immeubles sont en ruines, les tables et les chaises renversée, les fleurs ont fané et brûlé, l’enseigne du café gise par terre. Je rejoins les autre devant un petit transporteur de troupes. -Et Teroch? Demande Carter. - Nu kyr’adyc shi taab’echaaj’la. (il marche pour toujours, formule honorifique pour dire qu’il est mort.) Tous baissent les yeux d’un air compatissant. -Bon, va falloir faire sans lui. Venez. Nous montons tous dans le véhicule qui nous emmène quelques kilomètres plus loin. Le silence règne, nous profitons tous de ce moment de calme et de silence car nous savons tous qu’il ne durera pas. En ouvrant la porte du véhicule, l’artilleur se tourne vers moi et me dit : -Mets ton casque, Meysa. -La visière est cassée, j’y vois rien, avec. -Mets le. Dit il d’un air grave. En effet, ce n’est qu’en descendant du camion, que je sens l’odeur nauséabonde qui règne en ces lieux. Cette odeur tristement familière que l’on redécouvre à chaque guerre, à chaque massacre. Cette odeur de chair brûlée. A quelques pas de moi, un entassement de corps calcinés me retourne l’estomac et me projette en avant, vomissant sur le macadam. Je ferme le yeux et inspire profondément, avant de m’essuyer la bouche et de remettre mon casque. Avec ma visière fissurée, je ne verrai que moins le massacre. -ça va, Meysa? Dit Amy en se penchant sur moi, posant une main réconfortante sur mon épaule. -Oui, c’est juste que… Je ne m’y attendais pas, c’est tout. -Bienvenue sur le front, petite. Répond Atin froidement en avançant vers le coeur du quartier. Ils ont bombardé un quartier entier, un quartier résidentiel, seulement rempli de maisons familiales, de pères, de mères, d’enfants. D'innocentes victimes qui se sont trouvées au mauvais endroit au mauvais moment. -Qu’est ce qu’on cherche, au juste? -Des survivants, Amy. Comme s’il pouvait rester des survivants, ce qu’il reste des immeubles tient à peine debout. Comment un corps, si fragile, peut il résister alors que même le permabéton ne tient pas face à un tel souffle? Plus je m’avance dans le quartier, plus les dégâts sont importants et les morts, nombreux, et plus je me sens mal à l’aise, j’ai comme une sensation de déjà vu, une sensation familière affreusement désagréable. Un vide glacial qui remonte du plus profond de moi même. -Ce quartier était un quartier soupçonné d’abriter des membres de la résistance. Du coup, par sécurité, il a été bombardé. Dit Carter d’un ton froid, distant, comme si cette situation ne l’atteignait pas le moins du monde. Ce qui est sans doute le cas. -Quelle horreur. Je me contente de répondre. Nous marchons entre les gravats et les corps meurtris. Je me baisse pour ramasser, par terre un objet qui a miraculeusement survécu à l’attaque. En essuyant la suie et la poussière, je peux voir à travers le verre brisé du cadre, une photo d’une famille, le père se tenant à gauche, sa femme à sa droite, et leurs trois enfants assis devant eux. Tous ont l’air heureux, sereins. Loin de se douter que leur vie ne tient qu’à si peu de choses. En voyant cela, une vague de rage et de haine m’envahit. J’en ai les larmes aux yeux. Comment la République, basée sur des principes de paix et de liberté, peut faire une chose pareille? Comment les Jedis, les défenseurs de la justice, de la lumière, peuvent ils laisser faire une chose pareille? Comme je m’y attendais, nous n’avons pas trouvé de survivants. Tous ont péris. Je suis rentrée au camp, tout ce que je peux dire c’est que cette journée a été la pire de ma vie. J’ai vu plus d’horreurs en une journée que je ne peux en supporter. En me dirigeant vers le réfectoire, je passe à côté d’une vitre où je peux voir mon reflet. Mes cheveux, couleur de jais, brillants au soleil, retombants gracieusement sur ma poitrine sont maintenant emmêlés, sales, cassants. Ma peau est pâle, blême, couverte de terre et de sang, mes joues sont anormalement creuses, et mes yeux, brillant habituellement d’un doré éclatant, faisant contraste avec mes cheveux noirs, sont pâles, livides et entourés de cernes. Ma petite cicatrice sur la pommette gauche, trace d’une griffure d’un petit animal, et toujours là, mais presque invisible face à la noirceur de mon visage. Au réfectoire, je suis attablée avec les autres survivants de mon régiment. -Les autres ne sont pas en retard, j’imagine. Dis-je, sachant très bien qu’ils ne reviendront jamais. -Morts! Répond Kian d’un ton amer. Au bord des larmes. Ils nous ont envoyés à la mort, Meysa! Ils nous ont envoyés à un endroit… Il n’y avait que des Jedis! On peut pas lutter contre des Jedis! -Alors comment t’as survécu, toi? Demande un autre soldat d’un ton accusateur. -Quand les autres sont tous morts et qu’il ne restait que moi… Quand j’ai vu que les Jedis ne m’avaient pas encore vu… Je me suis enfui, j’ai couru aussi vite que j’ai pu et j’ai rejoint une autre ligne de front. -Alors c’est comme ça, que t’as survécu? En abandonnant tes vode? Ils sont morts et toi, au lieu de les venger tu les laisses tomber et tu te casses? T’as pas honte! -Ils… Ils étaient quatre! Je n’avais aucune chance! -T’aurais du mourir comme tes amis plutôt que de fuir comme un lâche! C’est ce que fait un vrai Mando’ad! Je décide d’intervenir : -Lâches le! Il a fait la seule chose qu’il a pu! Si il avait essayé de les affronter, il serait mort et leur sacrifice aurait été vain! -Il aurait pu en tuer un avant de mourir! Venger ses vode avant de périr à son tour! C’est la plus belle mort qui soit! -En abattre un dans le dos pendant qu’il ne regarde pas, tu veux dire? C’est ça un vrai mando’ad pour toi? Un lâche qui tire dans le dos d’un Jedi, plutôt que de l’affronter de front? T’as fait ce qu’il fallait, Kian. De toute façon, c’est pas les Jedis qui vont te montrer de la pitié. -Ce qui est fait est fait. Intervient Aden, un ami de longue date. Pas besoin d’épiloguer, Meysa. Dans des guerres comme celle là, on doit essayer d’arrêter de se demander si ce qu’on a fait est bien ou pas. On se contente d’obéir aux ordres et de rester en vie. -Ben je sais, moi ce qui est mal. La République! Ils sont prêts à aller jusqu’au bout, pour nous arrêter, même jusqu’à perdre tout sens moral! Ils ont assassiné des centaines d’innocents sans même avoir le courage de les regarder dans les yeux! Ils se sont contentés des les bombarder! Tous! Sans distinction! -Attends, Meysa, tu parles de la mission que tu es allé faire avec l’artilleur Carter? -Ouais! Ils ont tué des familles entières! Des pères, des mères, des enfants! Ils se sont juste contentés de larguer des bombes et de regarder le spectacle, tous ces corps calcinés, ces foyers détruits… -Meysa… Je le coupe : -Et le pire, Aden, c’est qu’ils ne doivent même pas ressentir de culpabilité, après tout, quelques centaines, à côté de tous les mandos qu’ils tuent, c’est pas bien grave! -Meysa, c’est… -Tout ça car “ce quartier est soupçonné d’abriter des résistants!” Et s’ils veulent vraiment devenir des mando’ade, je croyais que la liberté était l’un des principes de la République! Aden finit par me couper la parole : -Meysa, c’est pas la République qui a bombardé ce quartier, c’est nous! A ces mots j’ai l’impression que mon cœur s’arrête, que tout autour de moi s’arrête. Je ne peux pas le croire. Je ne peux tout simplement pas. Je balbutie : -Quoi? -Les résistants ne luttaient pas contre la République, ils luttaient contre nous. Comme on les soupçonnait de se terrer dans ce quartier, on l’a détruit. -Non… Ce… Ce n’est pas possible. J’ai actuellement l’impression qu’il vient de planter sa main dans ma poitrine et de m’arracher le cœur. -Vous… Vous avez détruit un quartier entier, un quartier résidentiel, juste sur des supposition? Vous avez tués des familles entières, arrachés des vies, juste parce que vous pensiez que des résistants, qui ne savaient probablement même pas se battre, se cachaient ici?! -La décision a été prise par Mand’alor lui même. Personne n’a essayé de le contredire! Maintenant j’ai l’impression que Mand’alor lui même est en train de m’arracher le cœur. -Tous ces conseillers de guerre, tous ces hauts commandants, ils voient ça comme un jeu, comme une simple partie d’échecs! Ils nous prennent pour de simples pions à sacrifier! Ils nous envoient combattre des jedis alors qu’on est que des bleus! On a vingt ans! -Baisses d’un ton! Si un officier t’entends ça risque de mal finir! Et puis on a accepté d’être considérés comme des pions le jour où on a accepté de faire la guerre. Et on a accepté de faire la guerre le jour où on a accepté de devenir mandaloriens. J’ai à nouveau l’impression que je vais vomir. Il faut que je sorte. Une fois dehors, ça ne va pas beaucoup mieux. J’ai la gorge nouée et l’impression que quelqu’un est en train de m’étrangler. J’essaie d’inspirer le plus fort possible, mais l’odeur de chair brûlée me revient. J’ai l’impression que ma tête est prise dans un étau, mes jambes manquent de se dérober sous mon poids. Ma culture, que je pensais noble, majestueuse, juste, s’avère être un mensonge, Mand’alor, en qui je faisais un confiance aveugle, n’est plus qu’un stratège sans cœur ni âme à mes yeux. Tout ce en quoi je croyais est remis en cause. Ceux qui m’on sauvée, adoptée, considérée dès mon arrivée comme l’une des leurs, ceux qui protégeaient les enfants innocents tels que moi, ont oublié tous leurs principes et sont devenus des machines de guerre, avides de conquête et de pouvoir. Je refuse de servir des gens qui ont perdu tout sens moral. J’ai dédié ma vie aux mandaloriens, j’y ai dédié mon corps, mes armes, mon âme. C’est mon devoir d’obéir à Mand’alor, de respecter le Resol’Nare. Mais je ne peux pas aider des brutes à massacrer des innocents. Je n’ai donc plus qu’une chose à faire. Une chose qui me paraissait inimaginable il y a quelques temps. Une chose impardonnable, un acte de traîtrise digne d’être exécutée; quelque chose qui va probablement gâcher ma vie et celle de ma famille : la désertion. Je suis seule dans le dortoir, tous les autres sont au réfectoire. Je prends un sac le moins encombrant possible, et y fourre tout ce qui peut m’être utile : des vêtements, de l’argent, mon datapad, des cellules à énergie, des petits pains (j’en garde toujours dans ma cantine)... Je pose mon armure sur ma couchette, j’hésite à laisser un mot, à écrire les raisons de mon départ, faire mes adieux à Jeng, mon père, Shaya (ma meilleure amie). Mais j’abandonne vite l’idée, sachant qu’elle ne leur parviendra jamais, probablement brûlée afin d’éviter de mettre des idées dans la tête des soldats. En jetant un dernier regard à mon casque, plein de souvenirs me reviennent. Le jour où j’ai forgé ma beskar’gam, le jour où je l’ai peinte, ma première mission… Je me rappelle d’où viennent chaque rayure, chaque bosse, chaque fissure, de ce casque, cela me rappellent toutes mes missions, toute l’adrénaline du combat. Je pose ma main sur le pendentif qui pend à mon cou, je m’apprête à l'arracher, mais je n’en fais rien. Ce pendentif en beskar, représentant le crâne de mythosaure, le symbole mandalorien; mon père me l’a donné le jour du gai bal manda, la cérémonie d’adoption. Ça, je ne suis pas encore prête à y renoncer. Je ne le serai probablement jamais. Après avoir jeté un dernier regard à la salle, je tourne les talons et me dirige vers la sortie. |
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