|
Nouvelle
Arrivant tout juste de la plate-forme située en face, le droïde protocolaire avait à peine posé son premier pied sur notre plate-forme qu'il commença à déclamer son annonce pour les prochaines minutes.
- Les passagers du Star of Iskin sont priés d'embarquer : le décollage est prévu dans peu de temps. Je sens sa main sur ma tête, glisser sur mon crâne imberbe. Nous nous embrassons depuis plusieurs minutes. J'ai souvent entendu dire que particulièrement les humains nous enviaient cette possibilité. Moi je regrette leurs poils. Elle, elle m'aime. Autant que je l'aime. Je resserre mon étreinte et surprise ses mains quittent mon corps un instant pour y revenir de manière plus douce, appréciant avec tous ses sens notre enlacement, notre passion. Mes yeux sont fermés, j'imagine que les siens le sont aussi. Plus je l'embrasse et plus je repense à toutes les fois où nous nous sommes embrassés ainsi. Toutes les planètes me reviennent, tous les lieux, en un seul instant concentrés. Nos pensées fusionnent, fondent et s'unifient. Nous commençons à manquer d'air, tous les deux mais aucun ne veut couper notre connexion. Nous ne tenons plus sur nos jambes et tombons à genoux, les bras tenant toujours l'autre, les lèvres toujours collées. - Les passagers du Star of Iskin sont priés d'embarquer ce dernier étant prévu pour décoller dans peu de temps. J'ai les yeux toujours fermés. Elle aussi. Nous avons repris notre respiration et nos fronts se touchent, nous sourions tous les deux. Je ne veux pas la laisser partir, même si je sais que bientôt je la rejoindrai. Chez nous. Dans la Bordure Extérieure. Elle se détache ; elle se relève. J'ouvre brusquement les yeux, je relève la tête d'un coup vers elle. Son corps est resté, je sens encore ses marques sur ma nuque, ma peau et mon âme. Je la regarde mais elle a le courage de tourner la tête de l'autre côté même si ses yeux sont toujours fermés. Notre unité ne se fait plus que d'une seule main, la sienne abandonnée dans la mienne, mon bras tendu à l'extrême. Je ne veux pas la lâcher, elle part et je ne peux rien faire pour l'en empêcher. Il n'y a plus que le bout des doigts, je les recourbe afin de planter mes ongles dans sa peau. Le lien est rompu. Mes bras retombent sans force, mon menton sur mon torse. Une larme coule lentement de mon ?il droit, celui qui a vu. Elle me regarde. Je relève la tête et elle est là, droite, debout devant moi, son léger bagage à la main. Elle me sourit, tristement mais joyeusement. Je réponds à son sourire, je me lève enfin. Nous allons repartir de zéro là où nous voudrons. Je pars demain pour la même destination qu'elle, je l'y retrouve et ne la quitte plus. Elle reprend sa marche et se dirige vers la passerelle d'embarcation. Je suis, comme un chien errant l'odeur de la viande fraîchement cuite. - Les passagers du Star of Iskin sont priés d'embarquer ce dernier étant prévu pour décoller dans peu de temps. Elle y a posé son premier pied ; tétanisé je m'arrête. Elle continue d'avancer mais elle a tourné son visage et me regarde. Je reprends des forces à cette vision, je me redresse et sais que quelle que soient les épreuves je serai de nouveau à ses côtés. Dans l'ombre du vaisseau, sa figure disparaît enfin. Je commence à courir, la passerelle se referme. Le vaisseau décolle enfin ; d'un coup la réalité revient. Les enfants jouent autour de moi, les moteurs crachent toute leur puissance, les milliers de vaisseaux particuliers continuent de voler autour de moi, les milliards d'habitants de la planète de vivre. Ma courte course s'arrête, je suis juste en dessous de l'appareil. Il continue son ascension et soudain un nouveau soleil apparaît. Une nouvelle étoile jaune brûle dans l'atmosphère quand des centaines s'éteignent. Le Star of Iskin vient de subir un accident, une explosion, un désastre. Trois landspeeders sont victimes du souffle et propulsés sur les bâtiments environnants. Le moteur de gauche se détache et commence à tomber, le vaisseau incontrôlable bloqué dans sa folle ascension, dans son effraction des lois de la physique est figé dans le temps, hésitant encore à continuer vers l'infini vide de l'espace ou vers le miracle du sol civilisé. Je réalise alors. Ma vie était dans ce frêle esquif, confiée à ceux que je ne connais pas. Mes genoux frappent le sol, durement. Le temps est figé, le monde fuit, le réacteur central se détache à son tour. Les cris sont assourdissants, brisent ce qui se trouve sur son chemin, mais mon c?ur ne pourra jamais être réparé. L'effarement m'a tué. J'ai réalisé sans me rendre compte. Ses marques désormais me brûlent ; je veux me retourner pour la voir derrière moi. Elle n'est pas montée, elle est sortie au dernier moment, ? mais je n'ai pas la force de détacher mes yeux de ce soleil. J'ai envie de hurler, rugir la perte et la descente de cet embarcadère rattrapé par sa défiance. Aucun son ne sort pourtant, rien ne peut être prononcé. Rien ne saurait exprimer la brisure entière d'un corps, d'une âme. Elle est, elle était, elle n'est plus. Le monde court mais je n'ai pas cette force. Je suis faible et ne te suis pas fidèle. La vie perd son goût, sa saveur, l'odeur de tes lèvres, celle de son corps. Non ! Cela ne finira pas ainsi ! Je l'ai aimé, je l'aime et je l'aimerai. Rien ne changera cela, pas la plus grosse nova ne soufflera mon impudence et ma demande. Ensemble nous étions ensemble nous resterons. L'instrument est là, il est déjà au trois-quarts de sa course. Je reste à genoux, j'implore les dieux de m'accepter, d'accepter mon sacrifice et mon dévouement. Je la chéris et pétris mon âme à son image, j'ouvre grand les bras et accepte notre destin. |
|